A lire: recherche académique sur les risques courus par les adolescents sur internet [fr]

Un des avantages déjà perceptibles de mes efforts pour passer de “penser mes journées” à “penser mes semaines” est que je recommence à donner un peu plus de priorité à mes travaux d’écriture et de recherche. Je suis ainsi en train de gentiment avancer dans la lecture de l’annexe C du rapport Enhancing Child Safety and Online Technologies, paru il y a déjà un an (!) et co-dirigé par mon amie danah boyd.

Toute personne qui prétend parler des risques que courent les enfants et adolescents sur internet devrait lire ce rapport. L’annexe C, par laquelle je commence mon exploration, est une méta-étude qui tente de rassembler toutes les recherches académiques publiés au sujet des adolescents et internet.

La lecture du livre Bad Science il y a quelques mois m’avait déjà sensibilisée à l’importance de ce genre de démarche, mais plutôt dans le domaine médical: plutôt que de se baser sur une seule étude, on fait le point sur toutes les études cliniques qui ont été faites pour tester un médicament (par exemple), les examinant pour des problèmes méthodologiques et compilant/comparant leurs résultats lorsque c’est pertinent. C’est comme ça qu’on survit aux études “contradictoires” (l’une montre que oui, l’autre montre que non — on les confronte).

On est donc ici bien loin des titres racoleurs d’articles dont le contenu sent bon la soupe de restes (on prend les mêmes et on recommence: “ne mettez pas en ligne ce que vous n’êtes pas prêt à assumer davant tout le monde, futur patron y compris, et Facebook n’est pas une exception”). Se plonger dans la littérature académique est d’autant plus important que la question de la sécurité en ligne de la jeune génération souffre douloureusement de la prépondérance des anecdotes sur les statistiques dans la construction de notre compréhension du monde. Dans l’édito du numéro 45 d’Allez Savoir!, le rédacteur en chef Jocelyn Rochat entre ainsi en matière:

C’est dur à accepter pour un intellectuel, pour un homme du chiffre et de l’écrit, mais c’est une réalité. Il est quasi impossible de trouver des mots ou des statistiques qui soient capables d’effacer une photo choc. Surtout quand l’image est géniale, et qu’elle pèse de tout son poids dans l’imaginaire collectif.

Jocelyn Rochat parle de deux sujets abordés dans le magazine: les Gaulois, que l’on croit connaître via Astérix (bien moins historiquement correct qu’on voudrait le croire), et le grand requin blanc, proclamé tueur d’hommes assoiffé de sang par le film Les dents de la mer. Réalise-t-il que nous sommes dans exactement la même situation avec le thème des “pièges d’internet” pour les jeunes, sujet d’un article en page 44 du même numéro. Là aussi, d’ailleurs, Allez Savoir! fait un assez bon travail de remise à l’heure des pendules, même si l’on pourrait à mon avis encore appuyer un peu plus fort.

Tout ça pour vous dire que maintenant, fin 2009, contrairement à il y a quelques années quand j’ai commencé à donner des conférences sur le sujet dans les écoles de Vaud et d’ailleurs, il commence à y avoir un sacré paquet de recherche académique sur le sujet. Grâce à internet, elle est à porté de souris et d’écran — il suffit de s’y plonger. Si l’on veut prendre des décisions fondées et faire de la prévention efficace, il est indispensable de comprendre correctement comment les jeunes utilisent internet et quels sont les risques réels qu’ils courent (pas juste ceux de nos fantasmes, colportés par les médias grand public à coups d’anecdotes frappantes mais… anecdotiques).

Quelques points de départ, donc (et oui, désolée, faut se taper l’anglais, pour la recherche académique — et la plupart des liens vont télécharger des PDF):

Quant à moi, je vais me remettre à ma lecture!

Comment j'en suis arrivée à m'intéresser aux blogs d'adolescents [fr]

[en] The story of how I took an interest in teenage blogging, and from there, teenagers and the internet. It involves a difficult first year of teaching and a naked bottom on one of my students' skyblogs.

// Entrée en matière possible pour mon livre, dans le genre “premier jet écrit dans le train”. Commentaires et suggestions bienvenus, comme toujours.

Au début des années 2000, je me souviens qu’on plaisantait entre blogueurs en se rappelant que d’après les quelques enquêtes disponibles sur le sujet, le “blogueur type” était une lycéenne québécoise de 15 ans. On était un peu consternés par la quantité d’adolescents blogueurs et la futilité (voire la bêtise) de leurs publications en ligne. “Complètement inintéressant, le blog est bien plus qu’un journal d’adolescente!” On continuait à bloguer dans notre coin, et les ados dans le leur.

// Voir si j’arrive à trouver des références à ça.

J’étais loin d’imaginer que cinq ans plus tard, les blogs d’adolescents m’auraient amené à changer de métier et à écrire un livre. Ce livre, vous l’avez entre les mains.

La genèse de mon intérêt pour la vie adolescente sur internet mérite d’être racontée. Elle permet de situer ma perspective. Mais, plus important, elle et illustre assez bien un des “problèmes” auxquels on peut se heurter si on fait l’économie de comprendre comment les adolescents vivent leurs activités sur internet.

Il y a quelques années de cela, j’ai quitté mon poste de chef de projet dans une grande entreprise suisse pour me tourner vers l’enseignement. Forte de mes respectables années d’expérience personnelle de la vie sur internet, je me suis lancée dans un projet de rédaction de blogs avec mes élèves.

Ce fut un désastre. Si j’étais bien une blogueuse adulte expérimentée, je me suis bien vite rendue compte que les “blogs” que je leur proposais avaient bien peu à voir avec ce dont ils avaient l’habitude dans leurs tribulations sur internet. Certains d’entre eux avaient des skyblogs (des blogs pour adolescents et jeunes, hébergés par le groupe Skyrock).

Munie de l’adresse d’un de ces skyblogs, j’ai commencé mes explorations du monde en ligne de mes élèves. Peut-être qu’en me familiarisant avec ce qu’ils faisaient déjà sur internet, je réussirais à mieux les comprendre, et trouverais ainsi des clés pour remettre sur pied un projet qui battait sérieusement de l’aile. Chaque skyblog arborait fièrement une liste de liens vers ceux des amis (“hors ligne” aussi bien que “en ligne”). Il suffisait de cliquer un peu pour faire le tour.

Sur ces skyblogs, comme je m’y attendais, rien de bien fascinant à mes yeux: beaucoup de photos (de soi-même, des copains et copines, du chien, du vélomoteur), du texte à l’orthographe approximative, voire carrément “SMS”, des appels aux commentaires (“lâchez vos coms!”) et, justement, des commentaires (souvent assez vides de contenu, mais qui jouaient clairement un rôle côté dynamique sociale).

Soudain, catastrophe: je me retrouve face à une paire de fesses, sur le skyblog d’un de mes élèves. Et pas juste des fesses d’affiche publicitaire pour sous-vêtements, non, les fesses d’un de ses camarades de classe, qui les expose visiblement tout à fait volontairement à la caméra.

Que faire? Intervenir, ou non? Ils ont beau être mes élèves, alimenter leurs skyblogs fait partie de leurs activités privées (par opposition à “scolaires”) et je suis tombée sur cette image un peu par hasard (ce n’est pas comme si un élève m’avait donné directement l’adresse pour que j’aille la regarder).

En même temps, puis-je ne pas réagir? Si cette photo était découverte plus tard et qu’elle soulevait un scandale, et qu’on apprenait que j’étais au courant mais que je n’avais rien dit… Je me doute bien qu’il y a derrière cette photo un peu de provocation et pas mal d’inconscience, plus que de malice.

// Retrouver les dates d’expulsion des lycéens français — est-ce avant ou après ça?

Jeune enseignante inexpérimentée, je me tourne vers mes supérieurs pour conseil. On discute un peu. On ne va pas en faire un fromage, mais on va demander au propriétaire du skyblog de retirer cette photo inconvenante — ce que je fais. Il accepte sans discuter, un peu surpris peut-être.

// “Pour conseil” c’est français, ou c’est un anglicisme?

// Un autre élément qui est rentré en ligne de compte est que les photos avaient été prises (visiblement) dans les vestiaires de l’école. Pas certain que ce ne soit pas durant des activités extra-scolaires, cependant. Est-ce un détail utile?

Une semaine plus tard, la photo est toujours en place. Je suis un peu étonnée, et je réitère ma demande auprès de l’élève blogueur. “Oui, mais Jean, il est d’accord que je laisse cette photo sur mon blog, ça le dérange pas, hein.” J’explique que là n’est pas la question, que c’est une demande qui émane de la direction, et que d’accord ou pas, “ça se fait pas” pour les élèves de notre établissement d’exposer leurs fesses au public sur internet.

// J’ai l’impression que je traîne un peu en longueur, là. On s’ennuie? Les détails sont-ils utiles? Faut-il raccourcir?

Le lendemain matin, je me retrouve littéralement avec une révolte sur les bras:

  • “Pourquoi vous avez demandé à Jules de retirer la photo de son skyblog?”
  • “Ça vous regarde pas! L’école n’a pas à s’en mêler!”
  • “Vous aviez pas le droit d’en parler au directeur, c’est sa vie privée!”
  • “Et qu’est-ce que vous faisiez sur son skyblog, d’abord?”
  • “C’est son blog, il peut faire ce qu’il veut dessus! Et la liberté d’expression?”

Je suis sidérée par la violence des réactions. Certes, ma relation avec ces élèves n’est pas exactement idéale (c’est le moins qu’on puisse dire), mais là, ils sont complètement à côté de la plaque. Si l’élève en question avait affiché la photo de ses fesses dans le centre commercial du village, auraient-ils réagi aussi fortement si l’école (représentée par moi-même, en l’occurrence) avait demandé leur retrait?

// Comment on dit “challenging” en français? (Pour décrire les élèves sans utiliser l’affreux “difficile”.)

*// Le temps de narration change durant ce récit, vérifier si c’est “utile” ou si c’est “une erreur”.

Visiblement, ils considéraient ce qu’ils publiaient sur internet comme étant “privé” et semblaient ne pas avoir réellement pris conscience du caractère public de leurs skyblogs, ou du droit de quiconque d’y accéder et d’y réagir. Et pourtant, j’avais passé plusieurs heures avec ces mêmes élèves à préparer une charte pour la publication de leurs weblogs scolaires. Nous avions abordé ces points. Ils “savaient” qu’internet était un lieu public et que tout n’y était pas permis. Qu’est-ce qui s’était donc passé?

Cet incident particulier s’est terminé par une intervention énergique du directeur qui a remis quelques points sur quelques “i”. Restaient cependant deux problèmes de taille, que cette histoire avait rendus apparents:

  • l’école a-t-elle un “devoir d’ingérence” lors d’événements impliquant les élèves mais sortant de son cadre strict — et si oui, où s’arrête-t-il?
  • que pouvons-nous faire pour aider nos enfants et adolescents à devenir des “citoyens d’internet” informés et responsables?

La première question est du ressort des autorités scolaires, directions, enseignants — et je ne prétends pas apporter grand chose à ce débat ici.

La deuxième question, par contre, est l’objet de cet ouvrage.

A Book on Teenagers and the Internet [en]

[fr] Malgré l'excellent travail de danah boyd et le livre d'Anastasia Goodstein ("Totally Wired"), je pense que mon projet de livre sur les adolescents et internet tient encore la route. Une petite argumentation à ce sujet.

// After complaining for weeks that I wasn’t making any progress in writing my book proposal in preparation for the Frankfurt Book Fair I’m leaving for tomorrow, I finally started writing on the journey back home from London. Here’s some stuff in English. Your comments and suggestions are welcome, as always.

I know of a couple of people in the English-speaking world who are doing great work on teenagers and the internet. One of them is danah boyd. She has traveled all over the US and interviewed dozens of teens for her PHD. Another is Anastasia Goodstein, who has written the excellent book “Totally Wired“, aimed at parents of today’s connected teenagers.

While reading “Totally Wired”, I have to admit I started rethinking my book project. I took the decision to write “The Book” because I noticed a huge void in the French-speaking world. No danah or Anastasia that I know of. Parents and educators need a sane book in French on teenagers and the internet, written by somebody who actually knows and understand the online world. Why not simply translate Anastasia’s book?

I’ve thought about it. For personal reasons, I do want to write a book, and this seems a good and useful subject for one. But is my personal desire to be a published author getting in the way of doing what makes most sense, and putting my energy where it will really be useful? I see two reasons for which this is not the case:

  1. Anastasia’s book is US-centric. Although I believe that “internet culture” does not change radically from one part of the world to another, there are differences between the US and French-speaking Europe that need to be taken into account. I could provide this “European perspective”.

  2. As a friend of mine told me, “this is important enough that we need more than one good book on the topic”. I can’t, of course, guarantee that my book will be “good”, but I promise that I’ll do my best. 😉

Parents and educators of Francophonia need a guide to their teenagers’ internet. And beyond that, we need to understand the impact all these technological spaces are having on the way we build relationships and relate to each other.

Informations et prévention: adolescents et internet [fr]

[en] An overview of the different talks and trainings I can do regarding teenagers on the internet. I can do them in English too, but most of my clients here are French-speaking. If you'd like more information about this in English, please leave a comment or drop me a line.

Alors qu’un ami me raconte un épisode désastreux de conférence consacrée aux “dangers d’internet”, je me dis qu’il est temps que je récrive à la directrice d’Action Innocence, avec qui j’ai eu une discussion tout à fait sympathique et intéressante il y a quelques semaines.

“Déçue en bien”, comme on dit par ici. Si nos avis divergent quant au risque réel que courent les enfants et adolescents d’être victimes de pédophiles à cause de leurs activités en ligne (chat, diffusions d’informations personnelles) nous sommes assez sur la même longueur d’onde pour le reste, ce qui me réjouit, vu l’important travail de prévention que fait Action Innocence dans les écoles de la région. (Après, on peut discuter des détails. Je n’aime personnellement pas trop leur matériel, par exemple, que je trouve alarmiste, mais dans le fond, on cherche la même chose: informer et prévenir sans diaboliser internet.)

Le mail que j’ai envoyé contient des informations sur le travail que j’accomplis dans le domaine “adolescents et internet”. Comme c’est une assez bonne synthèse et que mon site professionnel n’est plus trop à jour (quand je dis que la meilleure formule de site professionnel c’est le blog, je ne rigole pas!), je vais reproduire-adapter tout ça ici.

Donc, voici quelques informations sur les services que je fournis dans le contexte “éducatif” ou “adolescents et internet”, et mes tarifs. Je suis toujours ouverte à d’autres propositions — je n’ai pas de “liste de prestations” fixe dont je ne dévie pas.

Conférences

Généralement dans des écoles/associations. Approche information-prévention. Contenu adapté aux besoins du client (général, accent sur les blogs, accent sur le chat, la permanence des contenus numériques), et même si nécessaire en réaction spécifique à des “problèmes” concrets qui ont été rencontrés.

Parents: visite guidée de l’internet social, discussion des risques et difficultés rencontrés par les ados en ligne (environ 1h30)

Enseignants, Educateurs: présentation des différents outils de l’internet social, utilisation par les adolescents (+risques), ouvertures pédagogiques (45-90 minutes)

Adolescents, Elèves (dès la 5ème): adapté à la tranche d’âge, en groupes de 2-3 classes max. (environ 50 élèves), sensibilisation aux différents enjeux d’une présence active en ligne, prévention contre les risques qu’ils peuvent y rencontrer (45-75 minutes)

Formations

Diverses formations sont possibles, contenu précis à négocier au cas par cas. Exemples:

  • formation plus spécifique de responsables informatique, médiateurs, animateurs santé aux enjeux liés à la socialisation sur internet
  • formation d’intervenants “prévention/information” (générale ou spécifique, théorique ou pratique)
  • comprendre les mondes virtuels (Second Life) et les dynamiques relationnelles dans les relations “online”
  • technique: ouvrir un blog et l’alimenter
  • applications pédagogiques du blog, du wiki, et des outils associés
  • accompagnement lors de projets pédagogiques utilisant internet

Tarifs

Mes tarifs évoluent, mais au jour d’aujourd’hui, ils sont les suivants pour les écoles et autres clients “éducatifs-non-lucratifs”: dès CHF 500 par demi-journée, minimum une demi-journée (+ frais).

Par exemple, si je viens à midi, que je fais deux conférences pour des élèves l’après-midi, et une pour les parents le soir, on arrive à deux demi-journées = CHF 1000

Une conférence isolée compte comme demi-journée, donc CHF 500. Mais si je fais une conférence + une réunion dans la même demi-journée, c’est le même prix.

Pour les mandats plus complexes ou longs (formation, accompagnement de projet), les tarifs sont à discuter et fixer pour le mandat dans sa globalité.

A mon propos

J’approche internet comme une culture étrangère avec laquelle il faut se familiariser, afin de la connaître et de la comprendre. Je suis immergée dans cette culture depuis maintenant bientôt dix ans, et je la comprends en profondeur aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur, avec le recul que me donne ma formation universitaire en sciences humaines.

De la "prévention internet" [en]

[fr] Thursday evening, I went to listen to a conference given by a local high-ranking police officer who has specialised in tracking down pedophiles on the internet. His presentation was titled "Dangers of the Internet", and I was expecting to hear warnings about excessive pornography consumption and predators lurking in chatrooms.

That's exactly what I heard.

Before going, I had intended to blog viciously about the conference. I changed my mind. I changed my mind because first of all, I spoke up a few times during the conference to ask for numbers, give information I had gathered from other sources, or simply state my discomfort with some of the "official" messages targeted at kids to "keep them safe".

Then, after the talk, I went to have a chat with the speaker. I realised that we agreed on quite a few things, actually. Our angle is different when presenting, of course, and more importantly, his job is to hunt down pedophiles, not talk about the internet and teenagers to the public (which, in a way, is mine).

To cut a long story short, I had a few interesting conversations during that evening, which left me more motivated than ever to get on with my book project on the subject of teenagers and the internet. Problems are complex, solutions aren't simple. And around here, there is little money available to run awareness operations correctly.

Jeudi soir, je suis allée assister à une conférence sur les dangers d’internet, donnée par Arnold Poot, Inspecteur principal adjoint à la police cantonale vaudoise, spécialisé dans la traque au matériel pédophile sur internet. J’y suis allée prête à me retrouver devant le “discours attendu” au sujet des prédateurs sexuels sur internet. Je n’ai pas été déçue. Pour être brutalement honnête, j’avais aussi la ferme intention de bloguer tout ça, de prendre des notes, et de montrer méchamment du doigt les insuffisances d’une telle approche.

J’ai changé d’avis. Pas sur le fond, non. Je pense toujours qu’on exagère grandement le problème des prédateurs sexuels sur internet, et qu’à force de placer des miroirs déformants entre la réalité et nos discours, on finit par ne plus s’y retrouver. Par contre, je n’ai plus envie de démonter point par point la présentation qui nous a été faite.

Ceci n’est donc pas le billet que j’avais l’intention d’écrire. Attendez-vous donc à quelques ruminations personnelles et questionnements pas toujours faciles dans le long billet que vous avez commencé à lire.

Qu’est-ce qui a amené ce changement d’état d’esprit? C’est simple: une conversation. Au lieu de fulminer dans mon coin et de cracher du venin ensuite sur mon blog (mon projet initial — pas très reluisant, je l’admets), je suis à intervenue à quelques reprises durant la présentation pour apporter des informations qui m’amènent à avoir un autre regard sur certaines choses dites, et même pour exprimer mon désaccord face à une certaine conception de la prévention internet (“ne pas donner son nom ni d’informations personnelles”).

Il y a des semaines que je désire écrire un billet (toujours pas fait, donc) en français qui rend compte de la table ronde sur la victimisation des mineurs à laquelle a participé mon amie danah boyd, chercheuse travaillant sur la façon dont les jeunes construisent leur identité dans les espaces numériques. A cette table ronde, trois autres chercheurs actifs dans le domaine des crimes commis à l’encontre de mineurs. Je rentrerai dans les détails plus tard, mais si vous comprenez un peu d’anglais, je vous encourage vivement à lire ce que dit le Dr. David Finkelhor, directeur du Crimes against Children Research Center, en pages 3 à 6 de la retranscription PDF de cette discussion. (Le reste est fascinant aussi, je n’ai d’ailleurs pas fini de lire les 34 pages de la retranscription, mais l’essentiel pour comprendre ma prise de position ici se trouve dans ces trois-quatre pages.)

Mais ce n’est pas tout. Après la conférence, je suis allée discuter avec l’intervenant. Pour m’excuser de lui être ainsi rentré dans le cadre durant sa présentation, d’une part, mais aussi pour partager mon malaise face à certains messages véhiculés de façon générale autour de la question des pédophiles sur internet. Et j’ai été surprise.

Parce qu’en fin de compte, on était d’accord sur de nombreux points. Parce que son discours, comme il le dit, c’est celui “d’un flic qui arrête des pédophiles” — et pas autre chose. Son métier, c’est d’être policier, j’ai réalisé. Il nous a fait une présentation sur les dangers d’internet tels qu’ils apparaissent dans son quotidien de professionnel — ce qui n’est pas forcément la même chose que “rendre compte de la situation sur internet dans sa globalité” ou même “faire de la prévention”.

J’ai discuté longuement avec lui, puis avec deux enseignantes (dont une avait assisté à ma rapide présentation de l’internet social à la HEP en début d’année scolaire) qui font de la prévention internet dans les classes du primaire. Discussions intéressantes et sympathiques, mais où encore une fois, je n’ai pu que constater à quel point nous manquons de moyens (en fin de compte, cela reviendra toujours à une question d’argent) pour faire de la prévention “correctement”.

Je voudrais pouvoir former des gens à faire le genre d’intervention que je fais dans les écoles — et pas juste en leur donnant un survol de la situation durant 45 minutes. Mais qui, comment, avec quel argent? De plus, je réalise de plus en plus que pour faire de la prévention intelligente, d’une part il faut avoir identifié le problème (les dangers) correctement — ce qui est à mon avis souvent pas le cas lorsqu’il s’agit d’internet — et d’autre part, on retombe inévitablement sur des problèmes éducatifs de base (la relation parents-enfants, le dialogue) qui renvoient à un contexte de société encore plus général.

Que faire? Allez toquer chez Mme Lyon? Peut-être. Mais honnêtement, je n’aime pas “démarcher les gens à froid”, et je n’ai pas l’énergie pour ça. (Peut-être que je devrais le faire plus, mais pour le moment, c’est comme ça que je fonctionne.) Il y a assez de travail à faire avec les gens motivés, à moitié convaincus, ou au moins curieux, qui me contactent d’eux-mêmes. Oui, on critiquera peut-être, mais j’attends qu’on vienne me chercher. Ça changera peut-être un jour, mais je n’en suis honnêtement pas certaine.

Donc, que faire? Du coup, je retrouve un bon coup de pêche (pas que je l’avais perdue) pour mon projet de livre. Je crois que le public le plus important à toucher, c’est les parents, en l’occurrence. Et les gens “en charge de la prévention”. Peut-être qu’un livre serait utile.

J’ai fait plusieurs lectures ces derniers temps qui m’ont marquée. Tout d’abord, “Blink” et “The Tipping Point” de Malcolm Gladwell. Le premier s’intéresse à l’intuition, d’un point de vue scientifique. J’y ai retrouvé, exposées de façon bien plus précises, fouillées et argumentées, de nombreuses idées que j’avais fini par me faire, au cours des années, sur la question. Le deuxième examine ce qui fait “basculer” certains phénomènes: qu’est-ce qui fait qu’une idée ou une tendance à du succès? Il y parle de la propagation des idées, des différents types de personnalité qui y jouent un rôle clé, et donne aussi quelques exemples d’application des ces principes à… des problématiques de prévention.

Ensuite, livre dans lequel je suis plongée en ce moment: “The Culture of Fear” (Barry Glassner) — une critique sans complaisance de la façon dont la peur est promue par les médias et les gouvernements pour, entre autres, encourager à la consommation. C’est américain, oui. manchettes-peur Mais on est en plein dedans ici aussi: les chiens dangereux, le loup, l’ours maintenant, les étrangers bien sûr, les jeunes, la technologie… et les pédophiles tapis dans les chats sur internet, prêts à se jeter sur nos enfants sans défense. Ce n’est pas pour rien que le premier obstacle au bonheur est la télévision, où l’on nous rappelle sans cesse et si bien de quoi avoir peur et à quel point notre monde va mal.

Mes réflexions ces temps ont pour toile de fond ces lectures. Il y a aussi, dans la catégorie “billets jamais écrits”, “The Cluetrain Manifesto”. Achetez ce livre. Lisez-le. Ou si vous ne voulez pas l’acheter, lisez-le gratuitement sur le site. Ne vous arrêtez pas aux 95 thèses traduites en français que vous pouvez trouver sur internet. Le livre est bien moins obscur et va bien plus loin.

Bref, preuve en est ce billet destructuré, écrit petit bout par petit bout dans les transports publics de la région lausannoise, ça bouillonne dans mon cerveau. Et je me dis que la meilleure chose à faire, juste là maintenant, c’est de formaliser tout ça, par écrit. J’en parle, j’en parle, mais je réalise que je blogue très peu à ce sujet, parce qu’il y a trop à dire et que je ne sais pas très bien par où commencer. Quand j’ai décidé de partir cinq semaines aux Etats-Unis, je me suis dit que si rien ne se présentait côté “travail payé” (ce qui est le cas pour le moment, même si ça peut tout à fait changer une fois que je serai là-bas) ce serait une excellente occasion de me plonger sérieusement dans la rédaction de mon livre. Et là, je me sens plus motivée que jamais à le faire — même si au fond, je n’ai aucune idée comment on fait pour écrire un livre.

Adolescents, MySpace, internet: citations de danah boyd et Henry Jenkins [fr]

[en] Citations and some French comments/paraphrasing of danah boyd and Henry Jenkins's interview "MySpace and Deleting Online Predators Act (DOPA)". Must-read if your life has anything to do with teenagers.

Je viens de finir de lire ce fascinant interview de danah boyd et Henry Jenkins au sujet des adolescents et d’Internet, intitulé “MySpace and Deleting Online Predators Act (DOPA).” Si vous travaillez de près ou de loin avec des adolescents, ou si vous êtes parent d’adolescent, prenez vingt minutes pour le lire. (PDF pour imprimer.) Voici les passages qui me parlent le plus, avec quelques commentaires. La mise en évidence est de moi. (Avertissement: tartine ahead.)

Cela fait bientôt deux ans que je fais régulièrement des conférences dans des écoles, pour faire de la “prévention blogs” ou “prévention Internet” en général. Ce qui me dérange depuis longtemps, c’est cette idée reçue qu’Internet grouille de pédophiles et est par définition un espace dangereux.

J’ai beaucoup apprécié de retrouver dans les paroles de ces deux chercheurs des choses que je pense ou dis, sans avoir fait autant d’études formelles à ce propos. Jolie confirmation de mon intuition et de ce que j’ai pu déduire de mes expériences directes.

J’essaie souvent, un peu maladroitement, de mettre en avant le rôle de construction sociale que jouent ces espaces sur internet. Voici ce qu’en dit danah:

These sites play a key role in youth culture because they give youth a space to hang out amongst friends and peers, share cultural artifacts (like links to funny websites, comments about TV shows) and work out an image of how they see themselves.

(danah)

Une autre thèse que je défends et que ce ne sont pas ces espaces qui créent les comportements “déviants” des adolescents, mais qu’internet nous donne simplement accès, en tant qu’adultes, à des choses qui étaient auparavant cachées. A noter qu’une bonne partie de ces comportements font partie intégrante des processus de socialisation des adolescents, même s’ils ne sont pas plaisants.

While integrating into cultural life is a critical process that takes place during these years, the actual process is not always smooth or pleasant. Bullying, sexual teasing, and other peer-to-peer harassment are rampant amongst teenagers, as these are frequently the tools through which youth learn to make meaning of popularity, social status, roles, and cultural norms. MySpace did not create teenage bullying but it has made it more visible to many adults, although it is not clear that the embarrassment online is any more damaging to the young victims than offline. […] No one of any age enjoys being the target of public tormenting, but new media is not to blame for peer-to-peer harassment simply because it makes it more visible to outsiders. In fact, in many ways, this visibility provides a window through which teen mentors can help combat this issue.

(danah)

Le vrai problème, ensuite, est la réaction que vont avoir les adultes face à ces comportements auxquels ils sont confrontés, et qu’ils ne peuvent plus nier.

Adults are confronting images of underage drinking or sex, discussions of drug use, and signs of bullying and other abusive behavior. […] In many cases, schools are being forced to respond to real world problems which only came to their attention because this information was so publicly accessible on the web. […] Much of the controversy has come not as a result of anything new that MySpace and the other social software sites contribute to teen culture but simply from the fact that adults can no longer hide their eyes to aspects of youth culture in America that have been there all along.

(Henry)

Pour le moment, malheureusement, la réaction la plus répandue semble être une forme de panique morale (“internet c’est dangereux”, “les adolescents ont des comportements criminels sur leurs blogs”). Je me réjouis de lire les conclusions de danah concernant les causes du vent de panique gravitant autour des modes de socialisation de notre jeunesse. Je pense personellement qu’il y a également une autre piste à explorer, et qui tourne autour de ce qu’on pourrait appeler la “culture de la peur”.

Understanding why moral panics emerge when youth socialize is central to my research.

(danah)

Les outils de l’internet social sont de plus en plus utilisés dans le monde professionnel. Même si à mon sens c’est plus un problème dans le monde Anglo-Saxon qu’en Suisse (quoique… ça nous pend au nez), les écoles devraient apprendre aux enfants à exploiter le potentiel de ces outils et gérer les risques que peut comporter leur utilisation, plutôt que de les interdire ou les ignorer comme étant “des jeux d’enfants”.

Social networking services are more and more being deployed as professional tools, extending the sets of contacts that people can tap in their work lives. It is thus not surprising that such tools are also part of the social lives of our teens. Just as youth in a hunting society play with bows and arrows, youth in an information society play with information and social networks. Our schools so far do a rather poor job of helping teens acquire the skills they need in order to participate within that information society. For starters, most adult jobs today involve a high degree of collaboration, yet we still focus our schools on training autonomous learners. Rather than shutting kids off from social network tools, we should be teaching them how to exploit their potentials and mitigate their risks.

(Henry)

De même, si effectivement ces espaces numériques sont terriblement dangereux, il est important que l’école enseigne aux adolescents comment gérer leur présence en ligne, plutôt que de les encourager à l’éviter. La citation qui suit est une allusion directe à la volonté de certaines instances aux Etats-Unis (et ailleurs) de bloquer l’accès aux sites de “réseautage en ligne”, comme MySpace, depuis les écoles.

Suppose, for the sake of argument, that MySpace critics are correct and that MySpace is, in fact, exposing large numbers of teens to high-risk situations, then shouldn’t the role of educational institutions be to help those teens understand those risks and develop strategies for dealing with them? Wouldn’t we be better off having teens engage with MySpace in the context of supervision from knowledgeable and informed adults? Historically, we taught children what to do when a stranger telephoned them when their parents are away; surely, we should be helping to teach them how to manage the presentation of their selves in digital spaces. The proposed federal legislation does nothing to help kids confront the challenges of interacting with online social communities; rather, it allows teachers and librarians to abdicate their responsibility to educate young people about what is becoming a significant aspect of their everyday lives.

(Henry)

Je vous cite maintenant un long passage dans lequel danah parle de la question des prédateurs sexuels sur MySpace, de la couverture médiatique de ce phénomène (qui contribue à créer un climat d’alarme déconnecté de la réalité), et des chiffres sur lesquels on se base aux Etats-Unis pour justifier l’inquiétude ambiante à ce sujet.

Il y a quelque temps, j’avais moi-même été à la recherche de matière première (chiffres, enquêtes, etc) concernant les prédateurs sexuels sur internet. Depuis des années que je baigne dans la cyberculture, je n’avais en effet jamais rencontré ni entendu parler d’une seule histoire du genre, ce qui me paraissait en décalage avec la frénésie médiatique et les opérations de prévention à grande échelle dont j’étais témoin.

Sans grande surprise, je n’ai pu mettre la main que sur une seule étude (celle-là même dont parle danah) qui fournissait des chiffres alarmants. Mais en regardant de près l’analyse des résultats fournis, j’avais été quelque peu sidérée de voir des choses comme “une fille de 13 ans à qui on a demandé sa taille de soutien-gorge” rentrer dans la catégorie “unwanted sexual sollicitation”, sans précision de l’âge ou du sexe de la personne posant la question. De plus, j’aurais apprécié une étude comparative de la quantité de “sollicitations sexuelles non désirées” dont sont victimes les ados à l’école, dans la rue, ou dans leur club de sports. Dans le troisième paragraphe que je cite, danah fait le même genre de critique.

Elle nous rappelle également que la grande majorité des enlèvements aux Etats-Unis sont l’oeuvre de personnes connues de l’enfant. D’un point de vue statistique, les enfants courent plus de risques en allant aux scouts ou à une sortie de catéchisme qu’en traînant sur MySpace. De plus, elle nous rappelle que la peur des prédateurs, régulièrement utilisée pour priver les jeunes d’espaces publiques (numériques ou physiques), sert aussi à détourner notre attention d’abuseurs statistiquement plus significatifs. Les jeunes courent plus de risques d’être victimes d’abus à leur domicile ou à celui de leurs amis que dans les espaces publics.

Voilà, grossièrement résumé, les arguments principaux de danah boyd dans les paragraphes suivants.

The media coverage of predators on MySpace implies that 1) all youth are at risk of being stalked and molested because of MySpace; 2) prohibiting youth from participating on MySpace will stop predators from attacking kids. Both are misleading; neither is true.

Unfortunately, predators lurk wherever youth hang out. Since youth are on MySpace, there are bound to be predators on MySpace. Yet, predators do not use online information to abduct children; children face a much higher risk of abduction or molestation from people they already know – members of their own family or friends of the family. Statistically speaking, kids are more at risk at a church picnic or a boy scout outing than they are when they go on MySpace. Less than .01% of all youth abductions nationwide are stranger abductions and as far as we know, no stranger abduction has occurred because of social network services. The goal of a predator is to get a child to consent to sexual activities. Predators contact teens (online and offline) to start a conversation. Just as most teens know to say no to strange men who approach them on the street, most know to ignore strange men who approach them online. When teenagers receive solicitations from adults on MySpace, most report deleting them without question. Those who report responding often talk about looking for attention or seeking a risk. Of those who begin conversations, few report meeting these strangers.

The media often reference a Crimes Against Children report that states one in five children receive a sexual solicitation online. A careful reading of this report shows that 76% of the unwanted solicitations came from fellow children. This includes unwanted date requests and sexual taunts from fellow teens. Of the adult solicitations, 96% are from people 18-25; wanted and unwanted solicitations are both included. In other words, if an 18 year old asks out a 17 year old and both consent, this would still be seen as a sexual solicitation. Only 10% of the solicitations included a request for a physical encounter; most sexual solicitations are for cybersex. While the report shows that a large percentage of youth are faced with uncomfortable or offensive experiences online, there is no discussion of how many are faced with uncomfortable or offensive experiences at school, in the local shopping mall or through other mediated channels like telephone.

Although the media has covered the potential risk extensively, few actual cases have emerged. While youth are at minimal risk, predators are regularly being lured out by law enforcement patrolling the site. Most notably, a deputy in the Department of Homeland Security was arrested for seeking sex with a minor.

The fear of predators has regularly been touted as a reason to restrict youth from both physical and digital publics. Yet, as Barry Glassner notes in The Culture of Fear, predators help distract us from more statistically significant molesters. Youth are at far greater risk of abuse in their homes and in the homes of their friends than they ever are in digital or physical publics.

(danah)

Henry Jenkins nous rappelle que le décalage entre générations de parents et d’enfants pour ce qui est de l’adoption de nouvelles technologies n’est rien de nouveau. Les parents et enseignants sont souvent effrayés par le fait qu’ils ne comprennent pas ce que les jeunes font avec les technologies de communication d’aujourd’hui, et qu’ils ne sont donc pas en mesure de protéger ou superviser les enfants lorsqu’ils les utilisent.

History shows us a recurring pattern surrounding the adaptation of any new communications technology. Young people are often early adopters: they are more open to new ideas and experiences; they are looking for ways to leave their mark on the world and they are seeking places where they can socially interact with minimal adult interference. Parents and teachers are often frightened by these new kinds of communication technologies which were not part of the world of their childhood: they don’t really understand what their young people are doing with them and they don’t know how to protect or supervise their children while they are engaged in these activities. The situation is thus ripe for moral panic.

(Henry)

Henry continue sur les conséquences désastreuses d’une limitation de l’accès internet dans les écoles et bibliothèques. Cela handicaperait les enfants qui n’ont pas un bon accès internet à la maison et qui n’auraient donc pas l’occasion d’apprendre à utiliser ces outils sociaux s’ils ne sont pas accessibles depuis l’école.

Il ne faut plus maintenant parler de fossé numérique, mais de “participation gap” (décalage participatif — il y a sans doute une traduction meilleure). Les jeunes sont en train d’acquérir d’importantes compétences en réseautage et collaboration qui auront une conséquence sur leur futur professionnel. Ceux qui n’ont accès qu’à un internet filtré n’auront pas cette chance et s’en trouveront prétérités.

What a kid can do at home with unlimited access is very different from what a kid can do in a public library with ten or fifteen minutes of access at a time and with no capacity to store and upload information to the web. We further handicap these children by placing filters on the Internet which restrict their access to information which is readily available to their more affluent classmates. And now this legislation would restrict their ability to participate in social networks or to belong to online communities. The result will be to further isolate children from poorer economic backgrounds, to cut kids at risk from support systems which exist within their peer culture, and to limit the social and cultural experiences of kids who are already behind in acquiring important networking skills that will shape their professional futures. All of this will compound what we are now calling the participation gap. The early discussion of the digital divide assumed that the most important concern was insuring access to information as if the web were simply a data bank. Its power comes through participation within its social networks. The authors of the law are reading MySpace and other social software exclusively in terms of their risks; they are not focusing on the opportunities they offer for education and personal growth. In protecting children from those risks, they would cut them off from those educational benefits.

(Henry)

Il y a des parallèles à faire entre les activités de socialisation de la génération “parents” dans leur jeunesse, et ce que font les ados d’aujourd’hui. Les activités sont déplacées en ligne, mais au fond, c’est assez similaire. D’après Henry, une des conséquences est la diminution des occasions qu’ont les jeunes d’être entre eux hors du contrôle des adultes. Là, je pose une question: si c’est vrai pour les Etats-Unis, qu’en est-il de l’Europe? J’ai le sentiment que cette problématique est peut-être différente.

As I suggested above, most parents understand their children’s experiences in the context of their memories of their own early years. For the baby boom generation, those defining experiences involved playing in backyards and vacant lots within suburban neighborhoods, socializing with their friends at the local teen hangout, and participating within a social realm which was constrained by the people who went to your local school. All of that is changing. Contemporary children and youth enjoy far less physical mobility, have less time outside of adult control, and have fewer physical places to hang out with their friends.

Much of this activity is being brought online. What teens are doing online is no better and no worse than what previous generations of teens did when their parents weren’t looking. The difference is that as these activities are being digitized, they are also being brought into public view. Video games bring the fantasy lives of young boys into the family room and parents are shocked by what they are seeing. Social networks give adults a way to access their teens’ social and romantic lives and they are startled by their desire to break free from restraints or act older than their age.

(Henry)

Il est réjouissant d’entendre que grâce en particulier à la téléphonie mobile, les jeunes sont plus régulièrement en communication avec les membres de leur famille et leurs pairs qu’autrefois.

Because of mobile phones, current college students report greater ongoing communication with their parents than in previous generations. As Misa Matsuda has argued, networked technologies are allowing today’s youth to maintain “full-time intimate communities.” While the socialization that takes place in digital publics is equivalent to that which occurs in physical publics, new media is allowing youth to be more deeply connected to their peers and their family members, providing a powerful open channel for communication and sharing.

(danah)

En ce moment, MySpace et les autres outils de réseautage en ligne sont perçus comme des menaces à l’ordre public, dit Henry. Mais on peut regarder les choses différemment et les voir comme un terrain d’entraînement pour nos futurs citoyens et dirigeants politiques. Il mentionne que les jeunes d’aujourd’hui prennent des rôles publics de plus en plus tôt.

Note intéressante: la recherche actuelle démontrerait que les joueurs de jeux multijoueurs en réseau ont des aptitudes importantes pour le travail en équipe, une meilleure compréhension de quand prendre des risques et lesquels, de traiter des sources d’information complexes, etc. J’avoue que ça m’interpelle particulièrement, puisque j’ai personnellement plutôt des inquiétudes concernant les conséquences néfastes que pourrait avoir sur des jeunes en développement le fait de faire une partie de leurs expériences de vie dans un monde dont les règles ne sont pas celles de la réalité. A creuser, donc.

De nouveau, Henry relève que les jeunes n’ont personne vers qui se tourner lorsqu’ils ont besoin de conseils concernant les choix et problèmes éthiques auxquels ils sont confrontés dans ces environnements. Une partie du travail fait pour la Fondation MacArthur consistera à proposer aux jeunes, parents, et enseignants des lignes de conduite éthiques qui les aidera à prendre des décisions informées et sensées au sujet de leur vie en ligne. C’est clairement plus constructif que de mettre des filtres sur tous les ordinateurs publics et de laisser les jeunes se débrouiller seuls avec ces questions.

Right now, MySpace and the other social network tools are being read as threats to the civic order, as encouraging anti-social behaviors. But we can easily turn this around and see them as the training ground for future citizens and political leaders. Young people are assuming public roles at earlier and earlier ages. They are interacting with larger communities of their peers and beginning to develop their own styles of leadership. Across a range of issues, young people are using social network software to identify and rally like-minded individualism, forming the basis for new forms of digital activism. Current research shows that teens who participate in massively multiplayer games develop a much stronger ability to work in teams, a greater understanding of how and when to take appropriate risks, an ability to rapidly process complex bodies of information, and so forth. At the same time, these teens are facing an array of ethical challenges which are badly understood by the adults around them. They have nowhere to turn for advice on how to confront some of the choices they make as participants within these communities. Part of the work we will be doing for the MacArthur Foundation involves the development of an ethics casebook which will help parents, teachers, and students work through some of these issues and make sensible decisions about how they conduct their online lives. We see this kind of pedagogical intervention as far more valuable than locking down all public computers and then sending kids out to deal with these issues on their own.

(Henry)

Voici, en très résumé, les conseils principaux que Henry propose aux parents. J’y retrouve le conseil que je répète un peu comme un disque rayé, de conférence en conférance: dialogue, dialogue, dialogue.

Parents face serious challenges in helping their children negotiate through these new online environments. They receive very little advice about how to build a constructive relationship with media within their families or how to help their offspring make ethical choices as participants in these online worlds.

[…]

  1. Communication with your daughter or son is key. Build a trusting relationship through dialogue. It is important to talk with them about your concerns; it is even more important to listen to what they have to say about their online experiences and why these sites are such an important part of their interactions with their peers. […]
  2. Create an account to understand how the site works, but not to stalk your kids. […]
  3. Ask your kids how they choose to represent themselves and why. […]
  4. Talk about private/ public issues with your kids. Help them to understand the consequences of making certain information publicly accessible. Get them to think through all of the possible audiences who might come into contact with their online information. Teens often imagine MySpace as a youth-only world. It isn’t and they need to consider what the consequences would be if their grandparents, their teachers, admissions officers or a future employer read what they said about themselves. […]
  5. Talk through what kids should do if they receive unwanted attention online or if they find themselves the victims of cyberbullying. […]

Voilà. J’ai fait un peu plus de traduction libre que ce que j’avais prévu, et peut-être un peu moins de commentaire — mais la plupart des citations parlent d’elles-mêmes. J’espère que vous aurez trouvé intéressant ce que disent ces deux chercheurs, danah boyd et Henry Jenkins. A nouveau, je ne peux que vous encourager à lire l’interview en entier si vous travaillez avec des adolescents. Si l’anglais est un obstacle infranchissable pour vous, la traduction Google peut vous aider.