Bon allez, je me lance [en]

Je pense qu’il faut que j’écrive. Que ça va m’aider. Ça fait des semaines que je me dis ça, et que je veux écrire, et que je n’écris pas. M’organiser c’est compliqué, certes. Mais il n’y a pas que ça. J’ai peur de découvrir des choses qui ne marchent pas. Depuis mon accident – je sais, il manque des épisodes, on y reviendra – je pense à Agatha Christie, dont les écrits révèlent, après coup, qu’elle était atteinte de la maladie d’Alzheimer.

Alors moi je n’ai “que” un syndrome post-commotionnel après un trauma crânien mineur. On adore l’attribut “mineur”, qui signifie qu’il n’y a rien de visible à l’imagerie, ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas “grave”, même si bien sûr c’est moins grave qu’un trauma crânien pas mineur (on s’entend). Et en effet, ça fait maintenant bientôt 3 mois que par moments, mon cerveau ne fait pas ce qu’il devrait. Enfin, qu’il ne se comporte pas comme d’habitude. Que je ne le reconnais pas.

C’est flippant mine de rien, d’être blessé au cerveau. Surtout quand c’est une “petite blessure”. Si on en est à ne plus pouvoir s’habiller ou parler, le problème est bien évident. Mais quand c’est la concentration qui est en PLS, que la fatigue débarque alors qu’elle n’a pas été invitée, qu’il y a des petits signes “anodins” qu’on remarque de l’intérieur parce qu’on se connaît bien mais qui ne se voient pas de l’extérieur, on se retrouve dans le terrain des maladies ou handicaps invisibles que tant de nous connaissons bien. (Evidemment, je ne dis pas que je souhaiterais avoir plus de problèmes plus visibles que ceux que j’ai!)

Donc le flip, il est double: je vois bien que mon cerveau est abîmé en ce moment, première chose flippante, mais aussi, est-ce que le monde extérieur et en particulier les soignants (au sens large) vont prendre ce problème au sérieux? Et jusqu’où? Les difficultés de concentration, la fatigue et les maux de tête qui m’empêchent encore de travailler, c’est une chose. Et déjà ça c’était pas forcément gagné, à un moment donné. Mais quid des “petites choses” plus subtiles, mais qui touchent à des capacités importantes pour moi – que ce soit pour ce qui est de mon rapport au monde, ou en tant qu’elles participent à mon identité?

Les mots, c’est un peu mon super-pouvoir. Et j’ai peur d’avoir perdu quelque chose, quelque chose de difficile à voir, et dont je ne sais pas si je le récupérerai. Et j’ai peur qu’en me confrontant à l’exercice de l’écriture, ça se révèle – comme l’écriture a révélé la maladie d’Agatha. Ce n’est pas par rapport au regard des autres que j’ai peur. C’est par rapport à moi. J’ai peur de découvrir des choses que je n’avais pas vues. Parce que mon cerveau qui boîte, c’est comme ça que ça se passe. Je découvre avec étonnement qu’il a fait un truc inhabituel, ou pas fait un truc habituel. Ou n’arrive pas à faire un truc auquel je m’attendrais. Je sais, c’est pas très précis. Ce que j’essaie de dire, c’est qu’il m’arrive des trucs que je ne vois pas venir. Pas des trucs graves hein. Mais pour moi qui suis une plutôt (très) bonne observatrice de moi-même et de mon fonctionnement, c’est très déroutant.

Donc écrire, d’un côté je me dis que c’est un bon exercice, et de l’autre j’appréhende ce que ça va me révéler.

Un de ces “petits soucis” que j’ai remarqués depuis mon accident, c’est que j’ai parfois de la peine à “sortir” un mot. (“Recall” en anglais.) Le mot est bien là, je sais qu’il est là et que c’est celui que je veux (ou un bon candidat), mais il ne vient pas. Je tends mon bras mental vers ma bibliothèque de mots, et il n’est pas là sur l’étagère là où il devrait être. Alors bon, c’est pas dramatique. Je pense que la seule personne qui remarque, c’est moi – et maintenant, mes interlocuteurs à qui je dis de temps en temps “zut, attends, je trouve pas le mot, me dis pas! … Laisse-moi chercher, attends!” – et je cherche, et au bout d’un moment, généralement je le trouve, et je suis contente. Ça n’arrivait pas avant, ou du moins pas autant. Et pas avec autant de difficulté à rapercher le mot si jamais il s’était égaré.

Un autre, sur lequel je viens de réussir à mettre des mots: je remarque parfois que mes souvenirs sont un peu lacunaires. Je sais que j’ai parlé de ceci ou cela à quelqu’un, mais je ne sais plus à qui. Ou je ne sais plus si j’ai fait quelque chose ou pas. Ou alors, je me replonge dans un épisode passé pour tenter d’en récupérer une impression, un sentiment, une idée, et ça ne vient pas. Clairement, ça pouvait m’arriver avant, ça. Mais post-accident, c’est bien plus fréquent. Est-ce que ça concerne les souvenirs post-accident, ou aussi les plus anciens? Je ne sais pas encore. Mais c’est comme s’il manquait des dimensions à ces souvenirs, des métadonnées, comme s’ils étaient un peu appauvris. A nouveau, pas quelque chose que qui que ce soit va remarquer, probablement, sauf moi. Mais pour moi c’est vraiment enquiquinant. J’ai l’habitude de pouvoir me reposer sur cette fonctionnalité de mon cerveau. Et là… y’a du sable dans les rouages.

Alors bon, vous avez lu jusqu’ici, et vous allez me dire “t’inquiète, tout parait normal, tu écris comme d’habitude!” – j’en suis sûre, que ça ressemble à ça. J’ai d’ailleurs pas l’impression que c’est très différent d’avant, d’écrire ça. Sauf que là je sens bien que je fatigue et que le mal de tête revient et qu’il faut que j’arrête. Bon, ça c’est l’histoire de la fatigue et de la concentration. Et hier j’ai eu ma première séance d’entrainement cognitif. Pas très long, mais on m’a prévenue que je pouvais avoir des répercussions. Honnêtement, je ne pensais pas. Oui, j’ai dû faire un peu des efforts, mais la séance n’était pas très longue. pas de l’ampleur des “efforts cognitifs” dont j’ai maintenant compris qu’ils étaient trop importants à ce stade de ma convalescence. Donc j’écris ça un jour où je me suis trainée un petit mal de tête post-effort et où je suis bien à plat (je suis même allée me mettre au lit à un moment, ça ne m’était pas arrivé depuis un moment).

Je retourne à mon puzzle, on verra ce que raconte mon cerveau. Et quand c’est la prochaine fois que j’écris (bientôt j’espère mais j’ai appris à revoir à la baisse mes attentes de “follow-through” quand je me dis “yes, je vais faire xyz!”)

Avoir le temps [en]

J’ai toujours vécu avec un sentiment d’urgence vitale. Littéralement. Il y a tant de choses que je souhaite faire (hyperactivité, allô) et nous ne sommes pas éternels (j’ai appris jeune que chacun pouvait mourir demain). Il y a en moi une énorme pression interne à “profiter de la vie”, “faire”, accomplir des choses afin que ma vie ait un sens. Un sentiment de “pas assez de temps”, qui se manifeste également par une absence d’envie de dormir, une activité que j’ai tendance à percevoir comme du “temps perdu”.

Tout ceci est pas mal pourri, évidemment, et certainement le résultat de la combinaison entre TDAH et parcours de vie. Maintenant, j’ai quand même du recul par rapport à ça, et il y a eu du changement depuis que je suis sous traitement. J’aime beaucoup plus mes nuits, par exemple, et comme j’arrive effectivement à “faire” plus, je me sens beaucoup mieux par rapport à ma vie. Mon angoisse existentielle a également largement disparu. Auparavant, j’avais déjà compris que cette pression à faire et profiter me paralysait, et m’empêchait ironiquement de “profiter” de ma vie. Pourri, je vous ai dit.

Il y a quelques mois, mon chef m’a posé une question dont la réponse était évidente pour moi, mais qui m’a permis de vraiment expliciter un aspect de mon fonctionnement. Il m’a demandé si, dans une situation où j’avais du mal à avancer sur une tâche, un peu de pression supplémentaire m’aidait ou non. Clairement, cri du coeur, la réponse est non. En fait je me mets déjà une énorme pression interne pour à peu près tout (y’a quelque chose à écrire là au sujet du perfectionnisme et de ses manifestations), et comme dit plus haut, plus le stress grimpe, plus la pression augmente, plus je culpabilise de ne pas faire (“assez” – et je vous laisse imaginer à quelle hauteur est la barre) et moins j’arrive à faire. Typique des mécanismes de procrastination, typique TDAH.

Là où je suis le plus capable de produire, c’est quand il n’y a pas de pression (“il faut faire”) mais de la motivation interne (“j’ai envie” ou “c’est important”). Cette motivation interne, c’est une sorte de cri du coeur (“impulsivité/impulsion” si on veut un vocabulaire un peu plus scientifique) qu’il m’est difficile de commander. C’est là où c’est pas là. C’est “on” ou “off“. Qu’est-ce que j’aimerais en avoir la clé! A nouveau, avec mon traitement c’est plus nuancé, et c’est plus facile qu’avant d’accomplir des choses pour lesquelles je n’ai pas une grande motivation. Je suis moins susceptible d’être embarquée par mes élans à des moments moins opportuns, aussi. Je peux résister.

Un domaine où je vois ça très fortement à l’oeuvre, c’est dans la création de vidéos et de documentation pour la communauté Diabète Félin. Si l’élan est là, hop, je fais une vidéo ou je passe 3 heures à écrire, et c’est fait. Mais si l’élan n’est pas là, j’ai beau me rappeler que cette tâche est importante pour un projet global qui me tient à coeur, ça ne prend pas. Idem pour l’écriture. Les rares fois où j’ai écrit dans le cadre d’un mandat où il fallait produire, c’était vraiment pénible. Par contre, quand j’ai une idée pour un article, hop, j’écris, et voilà.

Comme mon chef l’a très bien résumé: le management par objectifs, c’est pas trop pour moi. Ce qui peut être difficile à comprendre, toutefois, c’est que si les objectifs et la pression ont tendance à me “casser”, je fonctionne plutôt bien face à une bonne situation de crise (mais une vraie, pas une fabriquée: l’importance et l’urgence doivent être une évidence).

Depuis quelques années, j’écris moins. D’une part, depuis que je ne suis plus indépendante, je me suis retrouvée avec la priorité soit du travail pour un employeur, soit de la recherche d’emploi. Et pré-diagnostic, il faut bien l’avouer, je n’allais pas super bien. Depuis mon diagnostic, aussi (ou peut-être même avant? c’est dur de s’y retrouver dans les années qui passent), je ressens moins le besoin d’écrire. J’ai beaucoup écrit pour me comprendre, comprendre le monde, digérer des émotions. J’ai beaucoup écrit car ça bouillonnait à l’intérieur et j’avais besoin de poser quelque part une information qui me tenait à coeur ou une prise de position. J’ai moins ça, maintenant. Une part le traitement, mais une autre part, déjà là je pense, simplement l’âge et peut-être un peu de sagesse et de maturité qui vient avec. J’ai bientôt le double de l’âge que j’avais quand j’ai ouvert ce blog. Plus du double de quand j’ai démarré ce site.

Mais aussi, je réalise de plus en plus, parce que pour écrire (et faire certaines autres choses que j’aime), j’ai besoin d’avoir le temps. J’ai besoin d’avoir du temps ouvert devant moi. J’ai besoin de ne pas sentir le poids des choses à faire, de ne pas avoir un temps limité à disposition. Je suis sûre que pour certains d’entre vous, ça semble complètement anodin de réaliser ça. La réalisation c’est une chose, réussir à en faire quelque chose, à mettre en pratique, c’en est une autre. Comment, dans mon quotidien surchargé (pas que d’obligations, aussi de choses que j’ai choisies et que j’aime), est-ce que je m’octroie suffisamment de temps ouvert pour qu’émerge l’élan de vouloir? Parce que voici quelque chose qui ne marche pas: me dire, allez, cet après-midi je ne m’oblige à rien, donc je vais pouvoir prendre le temps d’écrire, ou alors de lire, ou alors de trier mes photos… Ça ne suffit pas.

Ici, en Inde, en vacances, voilà que je retrouve ça. L’Inde est un pays rempli de temps morts, de chaleur qui cloue sur le lit sous le ventilo, de digestion capricieuse qui oblige à rien faire, d’imprévus et d’annulations, de moments dans la journée où tout s’arrête, soi-même y compris. Ce n’est pas pour rien que j’ai énormément écrit et lu en Inde. Les vacances, c’est bien aussi. On est hors du quotidien, on laisse nous soucis derrière nous, pour autant que les vacances soient assez longues et qu’elles comportent assez d’espace pour se laisser vivre.

Je suis ici depuis 10 jours. Dix jours, un début chaotique avec des projets de vacances annulés dans des circonstances difficiles, un changement radical de programme, et là une semaine, à une demi-heure près, que j’ai posé mes valises à Apani Dhani au Rajasthan. Durant mon trajet en voiture depuis le Nord de Delhi, je me suis dit “ah! je vais pouvoir écrire!” et j’ai même enregistré 45 minutes de notes sur le début de mon voyage, à défaut de pouvoir directement sortir mon ordinateur dans la voiture pour me mettre à taper. Au final, ce n’est qu’avant-hier que l’élan d’écrire est arrivé, après quelques premiers jours un peu trop actifs et un ralentissement soudain imposé par mon système digestif (rien de grave… juste le truc qui assomme et fait rester allongé sous le ventilo en attendant que ça passe…).

Quelle est la recette? Quelles sont les “conditions-cadre” (si vous avez bossé en Suisse allemande vous apprécierez la référence) pour que j’aie envie d’écrire, et écrive? Est-ce réalisable avec moins de deux semaines à disposition, en Suisse ou quelque part de plus proche? Pourquoi est-ce que des fois ça vient, des fois pas?

Une autre chose pour laquelle j’ai pu apprécier de prendre du temps c’est de trier et retoucher les photos que je suis en train de prendre ici. Comme j’avais “tout le temps du monde”, j’en ai aussi profité pour apprendre à utiliser certaines fonctions de Lightroom que je ne connaissais pas (il y en a tellement). Qu’est-ce que c’était agréable de pouvoir trainouiller à essayer des choses, sans la culpabilité d’avoir le sentiment que je “perds mon temps”!

Pourquoi je parle à ma newsletter [fr]

[en] I'm not writing the same stuff in my Intermittent Newsletter as I am on this blog, though the newsletter is publicly archived and some people receive these blog posts by e-mail. Going online, our social/identity contexts collapse, but other kinds of contexts appear: determined by the tools we use (write a text in Word, Powerpoint, or an e-mail, and see what I mean) and the perceived audience we are talking to (discussion in a 10-person meeting streamed live online vs. the same happening in a room with 500 people).

Ce matin, avant de partir en randonnée, j’ai rapidement envoyé une newsletter. Pas Demande à Steph, l’autre, celle que j’envoie de temps en temps et où je raconte des trucs.

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Ça fait un moment que je remarque que je me sens nettement plus “libre” d’écrire ma newsletter plutôt que de faire un article ici. J’ai des tas d’idées d’articles à écrire, un monstre backlog, même, ça s’empile, mais je me mets de la pression.

Ecrire ici, c’est “publier”. Ma newsletter a beau être archivée publiquement, j’ai moins un sentiment de “publication”, parce que je l’envoie par e-mail à des destinataires spécifiques.

L’écriture, la communication: ce ne sont pas des actes isolés du monde. Ils ont un contexte. On l’a tous vécu lorsqu’on essaie de répéter une présentation dans son salon. C’est pas la même chose que lorsqu’on sera dans la salle avec les gens devant nous.

En ligne, même si nos contextes sociaux s’effondrent les uns sur les autres (sur Facebook on retrouve les gens du boulot, les potes avec qui on sort, les gens du club de sport, les voisins), j’ai l’impression que d’autres contextes se dessinent. Ils sont déterminés par l’outil qu’on utilise, et par le public explicite (perçu) auquel on s’adresse.

Ouvrez un document Word, un e-mail, ou un Powerpoint, pour écrire quelque chose: vous allez l’exprimer différemment en fonction de l’outil dans lequel vous le faites.

Le public perçu, c’est un peu moins évident à expliquer, mais c’est quelque chose dont j’essaie de parler depuis dix ans, quand je donnais des conférences pour expliquer les blogs d’adolescents aux parents et enseignants un peu décontenancés.

Le public potentiel “tout le monde” d’une page web est quelque chose de complètement abstrait pour notre petit cerveau de primate. A la place, on utilise des approximations. Quand on est physiquement dans une salle de 500 personnes, on les voit, les 500 personnes. Quand on est derrière son clavier, on a à l’esprit les personnes auxquelles on pense, et surtout, celles qui répondent, celles qui réagissent, celles dont on sait qu’elles sont là.

Quand je rédige une newsletter, il y a un nombre fini (et modeste) de destinataires. C’est à eux que je m’adresse.

Quand j’écris un article sur ce blog, j’avoue que je ne sais plus trop qui est là. Il y a des gens que je connais, mais je me dis qu’il doit y avoir aussi beaucoup de gens que je ne connais pas. J’ai conscience du fait que Google va passer indexer mes articles et qu’on pourra bien les trouver. J’ai un sentiment de plate-forme publique.

Ce qui est marrant c’est que ma newsletter est archivée publiquement (à la “blog”) et que certains lecteurs de ce blog recevront cet article par e-mail. Mais pour moi qui écris, c’est le public premier qui semble importer.

La newsletter c’est d’abord un e-mail, et le blog c’est d’abord une publication sur le web.

Une autre caractéristique de ces deux contextes (blog et newsletter) c’est comment ils gèrent l’interactivité. Avec le blog, n’importe qui peut laisser un commentaire qui sera attaché à l’article. Ce n’est pas anodin, et c’est une des choses qui a rendu ce format de publication si puissant, avant que l’on se fasse happer par Facebook. Avec la newsletter, les destinataires peuvent me répondre par e-mail, en privé. Et c’est tout. Les personnes qui liraient la newsletter archivée ne peuvent pas laisser un commentaire ni me contacter directement.

Facebook, pour aller plus loin, est un environnement encore plus interactif: il n’est fait quasiment que de discussions. Ça va vite, les gens réagissent, et parfois même me rentrent dans le cadre. Ce n’est pas un mal en soi, mais ça tend à rendre timide.

A noter aussi qu’en dix ans, je vois une augmentation de l’agressivité en ligne. Je me sens plus exposée. J’ai fait quelques mauvaises expériences, aussi. Le public est vraiment très public. Public de visibilité, mais aussi demandant activement qu’on le défende. Des fois j’ai juste envie d’écrire, et pas de défendre ce que je dis. Qu’on prenne, ou non, et voilà. Un peu égoïste peut-être, ou juste de la lassitude.

Ecrire quelque chose sur Facebook, c’est s’attendre à des réactions possiblement rapides, et qui demandent que l’on soit là.

Ici, sur le blog, c’est plus “confidentiel”, au sens où tout mon réseau social n’est pas branché dessus, où la plupart des gens ne prendront pas la peine de laisser un commentaire sur place (on a Facebook pour ça), mais aussi plus exposé parce que sur la route de personnes bien plus “hors de mon réseau” que quelque chose que je mettrais sur Facebook.

Et la newsletter, finalement, c’est comme une correspondance privée avec une équipe de personnes. Même si c’est pas privé. Logique, hein?

Si je n’avais pas déjà bien mal à la tête (probablement ma nuque qui a pris un coup quand j’ai glissé lors de mon retour de randonnée) je me lancerais dans une petite analyse des conséquences que ça pourrait avoir de republier sur ce blog mes newsletters — quelque chose que j’ai l’intention de faire mais que je n’ai, visiblement, pas encore fait.

En résumé: si vous voulez que je vous raconte des trucs dans votre boîte de réception, c’est par ici.

Comment écrit-on? Plagiat, paraphrase et compagnie [fr]

[en] Contact with a few batches to bachelor students these last years has led me to believe that "writing" for many of them means "copy, paste, remix a bit". Cue an article on plagiarism...

Il y a très longtemps, j’écrivais sur du papier. Brouillon, ratures, prévoir du temps pour recopier au propre. Depuis la fin de l’uni, et même avant, ça ne m’arrive plus. J’écris sur clavier. J’ai la grande chance d’être douée d’un excellent premier jet. Souvent, je ne relis même pas avant de publier. C’est “facile” pour moi. Avec les années, j’ai appris que ce n’était pas le cas pour tout le monde.

J'écris mal

Je viens de finir d’écouter un épisode de Note to Self sur le plagiat. On y parle de quelque chose que j’ai constaté ces deux dernières années avec mes étudiants de bachelor: pour beaucoup, écrire signifie copier, coller, et, si on a de la chance, remixer un coup. En saupoudrant de paraphrase.

Pour nous qui avons appris à écrire “avant les ordinateurs”, cela n’avait pas des masses de sens de recopier mot pour mot ce qu’on trouvait dans nos manuels ou encyclopédies. Certes, certains le faisaient certainement, mais comparez l’effort requis à celui de copier-coller puis changer quelques mots.

Dans mes cours de blog, j’ai jusqu’ici laissé pas mal de liberté à mes étudiants concernant leur choix de thématique. Une chose sur laquelle je ne fais aucune concession, toutefois: ils doivent publier du contenu original. Du contenu qu’ils ont écrit eux-mêmes. Je suppose qu’il est clair pour eux que le plagiat est un péché capital, mais dans le doute, on repasse une couche.

Malgré cela, je me retrouve avec chaque classe face à une collection d’articles qui sont au mieux de la paraphrase maladroite. Cela devient un point de contention avec les étudiants. Je me demande s’ils me prennent vraiment pour une idiote, mais avec le recul, je me dis qu’ils n’ont peut-être simplement jamais vraiment appris à écrire, et qu’ils s’en sont tiré “en faisant ça” dans leurs études jusqu’ici.

En particulier, je pense qu’on ne leur a jamais appris comment paraphraser correctement (digérer le texte source, cacher celui-ci, écrire avec ses propres mots, contrôler pour la justesse des idées/faits et l’absence de citation directe involontaire).

Après “un peu” de recherche en ligne (ahem! ça aussi c’est une compétence qui manque souvent!), il me semble que les sources francophones que j’ai trouvées insistent sur “c’est mal, voici ce qu’il ne faut pas faire” mais ne montrent pas avec beaucoup de détail comment faire mieux. En anglais, il y a plagiarism.org, qui semble très bien, un tutoriel de l’Université du Missouri, des indications sur comment éviter le plagiat “copier-coller” grâce aux citations, des exemples de paraphrases acceptables et non acceptables (ici aussi).

On me demande parfois comment je “détecte” le copier-coller sous-jacent. Je n’utilise pas de programme anti-plagiat (probablement pourtant que ça m’épargnerait les nerfs). Mais à force d’années de linguistique, d’analyse de texte, de lecture et d’écriture, je sens immédiatement le changement d’auteur à la lecture. La plupart des étudiants que j’ai croisés dans mes cours n’écrivent pas aussi bien que les textes qu’ils plagient, et ne savent pas ménager une transition. De plus, dans un cours de blog, on travaille un certain style d’écriture qui est rarement celui des sources “d’inspiration”.

Alors c’est clair, on cite avec moins de rigueur académique quand on blogue, mais le principe sous-jacent reste le même: éviter de faire passer les idées ou les mots d’autrui pour les siens. Le moyen le plus simple d’éviter ça? Ecrire des choses qui sont déjà dans sa tête, et qu’on n’a pas besoin d’aller piquer sur des sites existants. Et faire des liens vers nos sources.

Il reste après le problème du plagiat involontaire, mais ça, c’est une autre histoire…

(Zut, je voulais parler aussi de la difficulté constatée chez mes étudiants à simplement “construire” un texte, à argumenter, etc — mais ce sera pour une autre fois, ce billet est déjà assez long!)

Au chalet: une vie simple et propice à l'écriture [fr]

[en] Life slows down at the chalet. Fewer options to fill my days. Lots of reading, lots of writing. Hence the flood of blog posts.

Autour du chalet, photo calendrier

Quelques jours au chalet. De la lecture, du triage de photos, de la cuisine, et de l’écriture. Hors ligne, j’ai pondu une bonne dizaine d’articles pour Climb to the Stars. Il faudra rajouter des liens (mais j’ai déjà préparé le terrain en insérant d’emblée les liens mais en mettant “article sur x ou y” à la place de l’URL), certes, mais c’est écrit. Il va juste falloir que je décide comment et à quel rythme les publier.

Est-ce parce que je suis hors ligne? Pas certaine que ce soit la raison principale. En fait, au chalet, ma vie est plus simple. J’avais déjà fait ce constat en Inde (quand je suis ailleurs qu’à Pune).

Ici, je n’ai pas de vie sociale, pas de travail à accomplir, pas de compta à faire. Il n’y a pas de télé, pas d’internet, je n’écoute pas de musique ou de podcasts. J’ai juste à m’occuper des chats et de moi, me faire à manger (les courses c’est déjà fait), et voilà. Je n’ai même pas à réfléchir aux jours qui viennent, après ma petite retraite, car je suis ici dans une parenthèse hors du temps.

Je me suis créé un contexte où mettre des priorités est ridiculement simple, et où il y a très peu de décisions à prendre (quoi lire? quoi écrire? quelles photos trier?). On pense aux auteurs qui s’exilent quelque part pour finir d’écrire.

Je m’endors à 21h et je suis réveillée par les chats à 5h30, après plus de 8h de sommeil. Impensable à la maison, avec les possibilités infinies du monde dans lequel je baigne.

Cet état, je le retrouve également lorsque je navigue. Sur un bateau, il n’y a pas grand-chose à faire (à part naviguer bien sûr, ce qui n’est pas rien!) Vivre ainsi est extrêmement reposant, mais j’ai conscience que ce n’est possible que parce que c’est une parenthèse, justement.

Ça me fait penser à mon année en Inde, qui s’éloigne à grands pas dans les brumes du passé. Après six mois environ, je m’étais reconstruite une vie aussi complexe que celle que j’avais laissée derrière moi en Suisse. J’avais des activités, une vie sociale, des projets. Je procrastinais, mon emploi du temps me stressais, je n’avais “pas assez de temps” (en Inde, vous imaginez!), bref, j’ai bien compris que le problème, c’était moi.

Durant ces parenthèses que je m’offre quelques fois par année, je me demande comment je pourrais simplifier ma vie “normale” — et si c’est possible. J’aime avoir des projets. Je m’intéresse à un tas de choses, trop, même. C’est une force qui me tire en avant, qui est extrêmement positive, mais dont je finis par devenir un peu la victime.

Bien entendu, je gère la complexité de ma vie bien mieux maintenant, à l’approche de la quarantaine, que lorsque j’avais à peine vingt ans. Je me connais mieux, je comprends mieux comment fonctionnent les gens et le monde, j’ai mis en place des systèmes et des stratégies pour éviter de me faire trop déborder, ou pour mieux supporter lorsque je le suis. Ça ne va pas tout seul, ce n’est pas forcément facile, mais dans l’ensemble, je n’ai pas trop à me plaindre.

Alors, faut-il simplifier? Simplifier, ça veut dire faire moins, pour moi, et possiblement, vouloir moins. J’ai récemment mis fin à une activité importante dans ma vie, parce que j’avais pris conscience que c’était juste logistiquement impossible pour moi d’y rester engagée “correctement” vu mon train de vie. Ça a été une décision extrêmement douloureuse qui a mis plus d’un an à mûrir, j’ai versé quantité de larmes et j’en verserai probablement encore, mais maintenant que c’est derrière je suis extrêmement soulagée. Allégée. Mon emploi du temps est un peu moins ingérable, je peux me consacrer mieux à ce que j’ai décidé de garder (et qui était encore plus important pour moi que ce à quoi j’ai renoncé), et j’ai aussi appris que je pouvais “lâcher”, même si ça me coûtait. FOMO et tout ça.

D’expérience, l’espace que je crée dans ma vie en “simplifiant” se remplit toujours assez vite. C’est si facile de dire “oui”! Pour simplifier vraiment, je crois qu’il faut vouloir moins. Difficile.

En attendant, je vais continuer à préserver ces “pauses”. J’en ai en plaine, aussi, mine de rien: je protège assez bien mes week-ends et mes soirées de ma vie professionnelle, par exemple. Mais ma vie personnelle est aussi parfois une source de stress, étonnamment. Et on sait que même avec plus de temps à disposition, ce n’est pas dit que l’on fasse enfin toutes ces choses auxquelles on a renoncé “par manque de temps“.

Mon article tourne un peu en rond, désolée. On en revient toujours au même: la compétence clé, pour moi du moins, c’est la capacité à hiérarchiser, à faire des choix et mettre des priorités. Et là-derrière se cache quelque chose qui est probablement encore plus que ça le travail d’une vie: faire les deuils des désirs que l’on ne poursuivra pas.

Je crois que je vais arrêter là ;-), quand j’ai commencé à écrire je voulais juste vous dire à quel point j’avais pondu une grosse pile d’articles pendant que j’étais ici!

Indépendants, lisez (et faites lire) le blog de l'eclau! [fr]

[en] I'm writing about freelance life in French on the eclau blog.

Vous le savez, j’ai ouvert en novembre 2008 un espace coworking, l’eclau (premier de Suisse!), après avoir organisé en mai de la même année une conférence pour indépendants, Going Solo. (Oui je sais, le site est plein d’avertissements, faut que je règle ça. Oups.)

En tant qu’indépendante, la façon dont on mène sa vie d’indépendant est un sujet qui me fascine. Comment on s’organise, comment on gère sa vie et ses clients, comment on se construit en tant que professionnel…

J’écris sur ces thématiques assez régulièrement sur le blog de l’eclau. Il faut lire le blog de l’eclau, oui oui! Et dire à vos amis indépendants de le lire! Le compte Twitter de l’eclau est un peu moins actif, mais il tweete chaque article du blog à publication, ce qui vous donne une chance de les voir. Sinon, il y a toujours la possibilité de s’abonner par e-mail pour être sûr de ne pas rater d’article.

Pour vous mettre l’eau à la bouche, voici les articles un peu “vie indépendante” que j’y ai publié:

Sur le feu: une réflexion sur comment se positionner en tant que “patron” face à ses clients, et une autre idée pour donner un bol d’air frais à son cerveau (faire du troc de temps avec un collègue).

Bonne lecture!

 

 

Ailleurs [fr]

[en] Some articles I've written elsewhere recently. In French.

Oui, parce qu’il m’arrive de bloguer ailleurs.

J’ai du retard dans la mise en ligne de mes photos de chats (semaine chargée!) mais je vais me rattraper, promis.

Formation à l'écriture blog le 03.12.2011 [fr]

[en] Giving a day-long course on blogging (the writing part of it) -- how to write a blog that reads like a blog and not like press release rehash or marketing copy 🙂

Depuis des années qu’on en parle, ça se concrétise enfin: je donne une journée entière de formation à l’écriture blog, le 3 décembre 2011.

Ça se passe à l’eclau, bien sûr, il y aura entre 5 et 10 personnes, et vous repartirez en ayant:

  • appris ce qui différencie le style “blog” des autres formes de rédaction (ou genres littéraires ;-)) — y compris le choix du titre, le formatage, le choix du sujet
  • mis en pratique, appliqué, corrigé, ré-écrit, écrit encore, recorrigé, jusqu’à ce que ça devienne naturel!

Le but: que vous puissiez écrire un blog qui ressemble à un blog “sérieux” (et non à un resucé de communiqués de presse ou de contenu marketing, pour les cas les plus graves ;-)) et que vous compreniez les mécanismes de ce type d’écriture, possiblement pour l’expliquer à de tierces personnes…

Informations utiles:

  • c’est donc à l’eclau, à Lausanne (facile d’accès en transports publics et en voiture — prévoyez un petit moment pour trouver une place de parc en zone bleue)
  • on commence à 9h, on finit à 17h
  • le repas de midi est compris dans le prix (on commandera au Baz’Art, c’est très bon)
  • le prix? 340.- à verser pour confirmer l’inscription à Stephanie Booth, Guiguer-de-Prangins 11, 1004 Lausanne, CCP 17-683449-5
  • annulation d’inscription: 30% jusqu’à 15 jours civils avant la formation, 50% jusqu’à 8 jours, et 80% jusqu’au jour avant (conditions piquées chez quirao parce qu’elles me paraissent très raisonnables)
  • chacun(e) amène bien entendu son ordi (et son blog! ce n’est pas un cours d’ouverture de blog, mais bien d’écriture!)
  • un grand grand merci à Valérie Demont qui me donne un coup de main pour la mise sur pied de cette journée, elle n’aurait pas lieu sans elle 🙂

Des questions?

Si ce sont les médias sociaux en général qui vous intéressent (plutôt que spécifiquement l’écriture blog), jetez un petit oeil du côté des workshops médias sociaux que j’anime au SAWI dans le cadre de la formation de Spécialiste en médias sociaux et communautés en ligne.

Merci de parler de ce cours autour de vous si vous connaissez des personnes susceptibles d’être intéressées! (Il y a un événement facebook que vous pouvez faire circuler.)

L'entreprise sans voix [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

Pour ne pas aller dans le mur lorsqu’on met les pieds dans les médias sociaux, il est important d’apprendre (ou de réapprendre) à parler comme un être humain.

Corollaire: il est beaucoup plus facile pour une personne d’avoir une expérience enrichissante dans les médias sociaux que pour une entreprise.

Etre en ligne, c’est laisser s’exprimer sa voix. L’humain a une voix, mais pas l’entreprise — si ce n’est la somme des voix des différentes personnes humaines qui la composent. Mais celles-ci, en règle générale, sont muselées par la politique de non-communication de l’entreprise. Je dis non-communication, car trop souvent, tous ces efforts pour “communiquer” servent surtout à ne rien dire. Vous trouvez fascinante la lecture des communiqués de presse et des brochures promotionnelles, vous?

(Je suis en train de relire le Cluetrain Manifesto en préparation à la formation que je donne cette semaine… comment ça, ça se sent?)

Soyons concrets. Pour se mettre à Twitter ou ouvrir un blog, il est beaucoup plus facile de se lancer en tant que personne qu’en tant qu’entreprise ou institution. On trouvera plus vite sa voix (et aussi sa voie), on sera moins retenu par les questions politiques, et on jouira des conversations authentiques et connexions qu’on y fera.

L’entreprise, elle, ne peut vraiment parler avec personne. Elle ne peut que demander à ses humains de parler pour elle — comme une coquille vide si elle tente de les contrôler, ou comme des personnes riches, sensibles, et complexes si elle leur fait cette confiance.

Parler comme un être humain [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

Dans un article publié hier, Dan Pink (que vous avez déjà rencontré dans ma chronique “Carotte et créativité ne font pas bon ménage“) lance un défi à ses lecteurs: parler comme un être humain dans le monde professionnel.

Il relève le fossé qui existe entre la façon dont nous parlons aux gens qui nous entourent dans un contexte privée et le language utilisé dans le monde professionnel. Un bon exemple est celui des excuses. Qu’est-ce qui vous paraît le plus crédible? “Nous nous excusons pour tout désagrément que ce retard aura pu occasionner” ou “Oh, excusez-moi, je suis vraiment, vraiment désolée”?

Ou bien, si vous ne pouvez pas prendre un appel, diriez-vous quelque chose comme “mon cerveau est en ce moment entièrement mobilisé par une autre tâche; merci de me rappeler plus tard ou de patienter en ligne — votre appel est important pour moi”? Pour ma part, j’opte plutôt pour “désolée, je suis en ligne avec quelqu’un d’autre juste là, est-ce que vous pouvez me rappeler dans une dizaine de minutes?”

Je crois que vous voyez l’idée. La “parler professionnel” crée de la distance entre les gens. Les formules toutes faites, les e-mails de réponse standards, les messages enregistrés dans les files d’attente, les communiqués de presse ou les réponses stéréotypées que nous donne le robot à l’autre bout de la ligne ou au guichet d’information — rien de tout ceci n’est fait pour renforcer les relations entre les gens.

Quand j’essaie de mettre l’accent sur l’importance de l’authenticité dans l’écriture en ligne, c’est à ça que je fais référence. Parler comme des êtres humains et non comme des robots professionnels.

Savez-vous encore le faire? Je suis souvent consternée de constater à quel point la plupart des gens trouvent cet exercice extrêmement difficile.