Paradoxe ou punition? [fr]

Que faire quand on a tendance à “zapper” des choses qu’on devrait faire, quotidiennement par exemple? La vaisselle, se doucher, préparer ses affaires, passer le fil dentaire, répéter son voc allemand…

Généralement, on tente par tous les moyens de se pousser à “faire”. On met des rappels. On construit des habitudes. On essaie de se motiver. On se récompense. Mais des fois ça ne suffit pas. Et si on a un TDAH, la difficulté est encore augmentée, car le passage de l’intention à l’action présente un challenge particulier.

L’autre jour, je mentionnais qu’une approche “paradoxale” pouvait aussi fonctionner pour ce genre de problème. C’est d’ailleurs grâce à ça que j’ai mis en place l’habitude (maintenant solide) de faire ma vaisselle au moins tous les soirs. De façon très résumée, l’approche est la suivante: si je “zappe” ma vaisselle, alors je n’ai pas le droit de la faire durant 4 jours.

A mon étonnement, cette façon de faire a été comprise comme punitive. J’aimerais expliquer ici en quoi elle ne l’est pas.

La situation de départ, c’est que la personne ne fait pas la tâche X. Elle ne fait pas sa vaisselle, ou ne se douche pas, ou ne prépare pas ses affaires. Elle aimerait, ou pense qu’elle devrait, mais n’arrive pas. Elle se dit “il faut que je le fasse! je vais le faire! je veux le faire! je devrais le faire!” – bref, tout va dans le sens de “faire”.

Le grand et simple enseignement de l’approche systémique de Palo Alto (à laquelle je me forme) est que si une situation indésirable persiste, malgré nos efforts répétés pour y remédier, c’est de toute évidence que ce que nous faisons pour tenter d’en sortir ne marche pas. Si ça marchait, le problème serait résolu. Si me dire “promis, à partir de maintenant je fais ma vaisselle tous les soirs” marchait, je ne me retrouverais plus jamais devant une pile de 4 jours de vaisselle. On croit souvent avoir “tout essayé”, mais notre “tout essayé” va toujours dans le même sens. Il y a un thème commun à toutes nos “tentatives de solution”. Ici: “je peux et je dois faire”.

Pire que de ne pas résoudre le problème auquel on se confronte, ces “tentatives de solution” participent à l’entretenir. (Ça, c’est un peu complexe à expliquer simplement, donc je ne vais pas le faire ici, mais ça a à voir avec la théorie des systèmes.)

Un moyen “punitif” d’essayer de se pousser à faire serait: “si je ne me douche pas aujourd’hui, je n’ai pas le droit de regarder la télé”. Mais on reste toujours dans le même thème “je dois faire”. Alors qu’en réalité on est (souvent activement) en train de ne pas faire.

L’approche paradoxale, qu’on retrouve dans l’idée de “prescrire le symptôme”, cherche à nous sortir de ce thème du “je dois faire”. Le but, c’est de changer la dynamique “énergétique” (pas au sens ésotérique, hein vous me connaissez) de notre posture face au problème. On sort de “je dois faire” et on va vers “en fait non, je dois pas faire”. Ça ôte la pression. C’est OK de ne pas faire. Et d’un autre côté, ça en met (et donc ça change la motivation) car on va dire: “c’est OK de pas faire, mais si tu fais pas, c’est sans doute que pour le moment c’est trop pour toi de le faire, donc prends un break et ne fais pas pendant x jours”. On prend la logique de ce que fait la personne (elle dit qu’elle veut faire mais en réalité, dans ses actes, elle ne fait pas) et on la met à plat sur la table, on dit “OK”, alors voyons ce qui se passe si on va dans ce sens, si on pousse cette logique plus loin au lieu de lutter contre. Ne faisons pas! Et voyons où ça nous mène.

L’autre levier qu’actionne cette approche c’est que ça neutralise le discours qu’on se tient souvent quand on “ne fait pas”: on se dit “bah, tant pis, je fais pas aujourd’hui mais je ferai demain; aujourd’hui j’ai pas le courage; je saute juste un jour, c’est pas grave, un jour.” C’est en se racontant cette histoire, qu’on va se raconter également le lendemain, qu’on se retrouve à ne pas avoir touché son voc allemand pendant une semaine. Parce que sur le moment, à chaque fois qu’on renonce ou abandonne, on se dit “c’est juste une fois, c’est pas grave”.

Mais si on dit “tu peux ne pas faire, c’est OK, mais alors quand tu ne fais pas, vas-y à fond quoi, ne fais pas pendant 3 jours”, alors on ne peut plus se dire “je fais pas aujourd’hui mais je ferai demain.” Ça devient: je fais aujourd’hui, ou bien je saute les 3 prochains jours? Les deux sont OK. Il n’y a pas de punition. Ne pas faire, c’est la situation par défaut. C’est ce que la personne fait déjà. Donc au pire, elle est pas moins avancée qu’avant, avec le bonus qu’on déculpabilise le fait de ne pas faire. Et au mieux, ça marche.

Vous aurez compris que le succès de cette méthode dépend de la logique interne qui sous-tend la procrastination. Elle ne peut donc pas s’appliquer à l’aveugle. Mais si vous sentez que la pression que vous vous mettez à faire a plutôt tendance à empirer le problème que l’arranger, c’est peut-être une piste à envisager. Mais je vous préviens: il faut du courage.

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Chez qui laisser l’inconfort? [fr]

Vous les femmes qui me lisez, je pense que vous connaissez bien ce scénario: on vous fait une remarque sexiste ou paternaliste, un compliment non sollicité, un truc qui s’apparente à de la drague lourdingue ou au sexisme ordinaire.

Généralement, mal à l’aise, on part sur la pointe des pieds. L’auteur de la remarque ou de la drague mal placée a toutes les chances de ne pas recevoir de “feedback” de la part des femmes qu’il met mal à l’aise. (Je dis “il”, car généralement, n’en déplaise au ceux qui s’écrieront “#notallmen!😭”, ce sont des hommes.)

Alors au lieu de juste disparaître, ou bloquer, ou fuir: dire les choses. Confronter l’autre, même maladroitement. Il ne s’est pas privé d’être maladroit, alors donc? Il n’avait pas de mauvaises intentions? Il a quand même le droit de savoir qu’il a foutu mal la personne en face.

Ce n’est pas à nous de garder l’inconfort. Il faut le remettre chez l’autre.

Il s’excuse? Est consterné, horrifié? Eh bien, il a peut-être appris quelque chose aujourd’hui sur l’effet que ça fait aux autres, et qui sait, peut-être que ça rendra service à la prochaine femme à qui il serait tenté de dire quelque chose de semblable. Laissons-le avec son malaise. Ce n’est pas à nous de le tirer de là.

(Soit dit en passant, ce qui s’applique aux remarques sexistes et aux approches lourdingues peut aussi s’appliquer aux compétences exercées entre les draps. Le gars qui ne sait pas s’y prendre pour deux sous et qui vous assure que toutes les femmes ayant passé entre ses mains étaient satisfaites… Peut-être que si l’une d’entre elles avait pris le risque de le mettre mal à l’aise en lui donnant un feedback honnête… Passons. Je précise que ce n’est pas pour rejeter la responsabilité pleine et entière sur les femmes, hein! Mais ouvrons notre gueule.)

Un autre cas de figure qui sort des rapports entre les sexes mais qui touche à cette notion d’inconfort. Vous fournissez des prestations en indiquant clairement que vous ne faites ni crédit, ni facture. Qu’on paie sur place, direct. Une personne arrive et demande, la bouche en coeur, une facture. Est-ce à vous de vous plier en disant “mais bien sûr”, pour ne pas la mettre mal à l’aise (et donc prendre le malaise sur vous), ou bien n’est-il peut-être pas plus approprié de lui renvoyer l’inconfort: “non, nous ne faisons pas de facture, nous avons bien précisé que cette prestation se payait comptant. Que proposez-vous?”

En prenant sur soi l’inconfort de la situation, on garantit à peu près qu’elle se répètera, avec nous ou autrui. En laissant la personne qui n’a pas respecté le cadre (implicite ou explicite) avec son inconfort, il y a une chance que les choses changent.

Pour beaucoup de personnes, c’est dur de ne pas prendre l’inconfort sur soi, pour épargner l’autre, même quand c’est l’autre qui nous met dans l’embarras. Ça vous parle?

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Quand toute une vie prend sens: les pièces du puzzle qui manquaient [fr]

[en] 2021 will forever be the year where I finally got the explanation and solutions to so many of the problems which plague my everyday life: chronic procrastination, tons of ideas of things to start but huge difficulties with follow-through and finishing, difficulties with delayed gratification, inability to "just do it" but at the same-time machine-like productivity when in the right context, etc.

Il y a des moments dans la vie où tout change, où tout va changer, où on voit que tout est en train de changer. Depuis quelques mois, je vis un moment comme ça. L’année 2021 va rester un tournant capital dans l’histoire de ma vie. 

La procrastination

Depuis toujours, je me heurte à des problèmes de procrastination. J’ai d’ailleurs écrit une pile d’articles à ce sujet. J’ai mis une énergie énorme à apprendre à m’organiser, à planifier, à construire des habitudes, pour garder un semblant d’ordre dans toutes les choses que je devais faire, et compenser ma gestion du temps plutôt cataclysmique.

Et ça a marché, jusqu’à un certain point. Mon entourage me voit souvent comme la reine de l’organisation. J’ai réussi à ne jamais m’attirer de gros ennuis administratifs. Par contre… que de stress, que d’efforts, que de culpabilisation à me dire que si je n’arrivais pas à faire ceci ou cela plus facilement, ça devait bien être parce qu’au fond je ne voulais peut-être pas vraiment. Quand on échoue jour après jour à “s’auto-discipliner”, difficile de ne pas se sentir responsable.

Terminer les choses

Toute ma vie, j’ai aussi eu un mal fou à terminer les choses, et à tenir des projets sur le long terme, à faire des choses maintenant en vue d’un objectif distant. J’ai bien failli échouer mes études par abandon au mémoire, tant je n’arrivais simplement pas – mais vraiment pas, c’était comme une impossibilité physique – à m’y mettre. Des idées de choses à démarrer, j’en ai à la pelle. Je démarre, je mets en route. Mais après le soufflé retombe, et ce qui était si enthousiasmant devient une chose de plus sur la liste de choses à faire. Difficile de ne pas voir ça comme un échec moral, une paresse de la persévérance, un manque de ténacité ou de volonté à faire des tâches un peu ingrates.

Une carrière sur mesure

J’ai vite compris ça, quand j’étais indépendante, et centré mon offre autour de services qui ne m’obligeaient pas à faire ce qui était si difficile pour moi: globalement, je me faisais payer pour du temps que je passais avec des gens (formation, consulting, conférences) et j’évitais les projets qui nécessitaient que je passe de longues heures “toute seule” à travailler dans mon coin, ou dont l’objectif était trop éloigné dans le futur. Ça a marché pas trop mal pendant 10 ans – mais ça m’a aussi limitée. Il y a des tas de choses que je n’ai pas entreprises, que je n’ai pas faites: je n’ai pas créé d’entreprise. Je n’ai pas écrit de livre. Je n’ai pas monté une expo photo. Je n’ai pas monté une super offre de services bien emballée avec ce qu’il fallait de marketing et d’arguments de vente. Côté biz dev, ce que j’ai fait pour moi a tout de même été passablement limité. Je me laissais porter par le flot, je saisissais les opportunités qui passaient.

Se motiver!

Le sujet de la motivation m’a toujours beaucoup intéressée, parce que c’était à travers ce prisme que je comprenais mes difficultés. J’ai beaucoup lu et réfléchi, beaucoup cherché de clés. Esclave de la récompense immédiate, je ne savais pas comment me motiver, alors que je voyais bien que j’avais une capacité immense à me plonger dans quelque chose quand j’étais, justement, motivée: j’ai ouvert un espace coworking en moins de deux mois, j’ai appris à peu près tout ce qu’il y avait à apprendre sur le diabète félin, j’étais “à fond” sur tout ce qui se développait comme nouvel outil dans les débuts du web social… Pourquoi est-ce que je n’arrivais pas à contrôler ou canaliser ça, à être quelque part entre la quasi-obsession et l’inertie?

Le lien entre mon incapacité à arrêter et mon incapacité à commencer m’était clair, mais je sais aujourd’hui qu’il me manquait un élément crucial de compréhension. J’ai appris au final que quand je sentais un élan pour faire quelque chose (même pour écrire un article pour mon blog), il fallait que je le fasse tout de suite, sous peine de voir cet élan s’éteindre et disparaître à jamais. J’ai aussi appris que cela ne servait à rien que je prévoie de préparer une conférence ou une formation à l’avance: je n’y arrivait simplement pas. Alors j’ai pris l’habitude de bloquer le jour ou deux avant pour le faire.

Moins de charge mentale

Un des facteurs qui m’ont poussée à revenir à la vie salariée après tant d’années à mon compte, c’était, outre les simples problématiques de chiffre d’affaires, le souhait d’avoir moins de charge mentale, que toutes les décisions ne dépendent pas de moi, d’avoir un regard sur mon travail. Et j’avais raison. Dans mes emplois salariés, je ne procrastine pas ou peu, je mets à profit mes compétences organisationnelle, je fais les choses – parce qu’il y a d’autres personnes qui comptent sur mon travail, parce qu’il y a un cadre qui est donné (tu viens au boulot, tu te poses à ton bureau, tu bosses), parce que souvent aussi, il y a des gens qui apprécient ce que je fais. Et ça suffit à lever la barrière. Je fais. A se taper la tête contre les murs, et à me demander pourquoi je n’arrive pas, à la maison, à faire la vaisselle après avoir mangé mon repas. Mais j’ai quand même fait deux burnouts, mine de rien, et pas passé loin du troisième.

Gestion émotionnelle

Sur un plan plus personnel, les émotions ça a toujours été un problème. Trop d’émotions, que j’ai longtemps gardées sous cloche. Des nombreuses années de thérapie m’ont aidée à en avoir moins peur, à les apprivoiser, à savoir quoi en faire. Et à nouveau, pour beaucoup de personnes de mon entourage, j’ai une “sagesse émotionnelle” et une compréhension des émotions que beaucoup n’ont pas. Parce que je n’ai pas pu faire autrement.

Mais malgré tout ça, j’ai continué à galérer avec des problèmes de gestion émotionnelle que je n’arrivais pas à dépasser. Quelqu’un se parquait sur ma place de parc, ou quelqu’un disait quelque chose sur facebook, et ça m’était impossible de “lâcher la chose” avant de l’avoir résolue. J’en perdais des demi-journées voire des journées entières de travail. J’avais l’impression d’être à la merci de la moindre contrariété, qui ferait voler en éclats tous mes beaux projets de faire ceci ou cela ce jour-là. Je parlerais peut-être une autre fois de ma vie sentimentale, mais elle a été la victime de ces mêmes difficultés de “trop d’émotions”.

Procrastiner le coucher

J’ai aussi toujours eu du mal à me mettre au lit. C’était comme si, plus j’étais fatiguée, moins j’arrivais à me coucher. Je le voulais, pourtant. J’étais raide! Mais je “procrastinais le coucher”. Alors OK, j’avais peut-être des peurs d’enfant autour de dormir, de mourir pendant la nuit, mais vraiment, c’était surtout que je me retrouvais prise dans une autre activité, pas toujours excitante ou intéressante, et que je n’arrivais simplement pas à me “bouger” pour me mettre au lit. Vraiment, je me disais: zéro auto-discipline. Il y a de quoi se sentir vraiment nulle.

De pire en pire

Ces dernières années, j’ai eu le sentiment que ces difficultés ont empiré. Peut-être que ce n’était que l’effet du temps qui passe, un peu l’âge aussi, la lassitude de rester coincée toujours devant les mêmes échecs, malgré le travail sur moi, malgré mon envie que ça change. Je finissais par me dire, pour de vrai, il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond chez moi. J’avais toujours eu cette impression, une grande crainte au fond de moi que je ne laissais pas trop monter à la surface, qu’il y avait chez moi quelque chose de “cassé”. Mais bon, tout le monde se sent un peu comme ça face à ses échecs, non?

Mon impression générale était que la vie était juste beaucoup plus difficile pour moi que ce qu’elle aurait dû être. Malgré mon intelligence, mes compétences, mes qualités (que je ne mettais pas en doute en mon for intérieur), je n’arrivais quand même pas. Est-ce que vraiment c’était normal d’être aussi épuisée juste à tenter de gérer le quotidien domestique, alors qu’en plus, je ne travaillais même pas? J’avais envie de plein de choses, plein de projets, mais quand j’en avais le temps, me bouger était une montagne tellement insurmontable que je n’avais plus envie de rien et que je restais à glandouiller. Et je n’étais pas déprimée. J’avais un point de repère, pour ça, et ce n’était pas ça. Je l’ai dit comme ça parfois: “J’ai du mal à faire. C’est comme si c’était super difficile pour moi de faire.

L’extérieur et l’intérieur

Je vous raconte tout ça pour poser le contexte. Toutes ces difficultés de vie, pour l’essentiel, je les ai vécues en privé. Les gens voient ce que j’ai accompli, ce que j’ai fait, me voient quand je suis en contact avec d’autres gens (eux, déjà!) mais pas quand je passe une journée entière à ne pas arriver à faire une petite chose que j’avais décidé que je ferais. Pas quand c’est le week-end et que je n’ai envie de rien alors qu’au fond j’ai des tas de projets et le sentiment de n’avoir jamais le temps, et que là, je l’ai, le temps, mais je n’arrive rien à en faire. C’en était désespérant. Et ce qui était particulièrement désespérant aussi, c’était de ne pas réussir à savoir si j’étais en train de me plaindre pour rien (tout le monde procrastine, au final, tout le monde est fatigué, oui la vie est difficile et pleine de contrariétés) ou si vraiment il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez moi. Parce que bon, je m’en sortais quand même pas mal dans la vie, hein. Quand je partageais mes problèmes, beaucoup de gens semblaient s’y retrouver, mais pour une raison qui m’échappait, ça ne semblait pas forcément leur poser autant de problèmes qu’à moi. Ça a duré des années, et des années, et des années encore.

Spoiler: il y avait vraiment quelque chose qui ne tournait pas rond chez moi. C’était vraiment pas normal de galérer autant. 

Epiphanie

En août, je suis tombée sur un article qui parlait du sous-diagnostic d’un certain trouble neuropsy chez l’adulte. J’ai commencé à le lire sans intérêt particulier autre que ma curiosité générale pour tout ce qui touche au fonctionnement humain, parce que je ne me sentais pas du tout concernée. Mais au fil de l’article, je ne pouvais pas ignorer qu’ils étaient en train de décrire toute une ribambelle de problématiques et caractéristiques dans lesquelles je me retrouvais:

  • procrastination chronique
  • difficulté à s’en tenir à ce qu’on a prévu de faire ou planifié
  • toujours envie de chercher ou d’apprendre de nouvelles choses
  • capacité à se focaliser à fond sur quelque chose, en ignorant tout le reste
  • souvent sous-employé par rapport à ses capacités, ou en train de galérer dans un job à la hauteur de ses compétences
  • tendance aux comportements addictifs (avec ou sans substances), sports à émotions fortes
  • attrait pour des professions stimulantes (pompier, secouriste par exemple, ou demandant beaucoup d’apprentissage ou de réflexion)
  • un problème lié à un déficit de dopamine et de noradrénaline (deux neurotransmetteurs qui interviennent dans les circuits de motivation et de récompense)

Ça a suffi à m’interpeller. Me questionner. J’en ai parlé à mon entourage, d’abord précautionneusement, puis avec un peu plus de certitude. Certains étaient poliment dubitatifs (“à ce moment-là, moi aussi” ou bien “ouais mais bon tout le monde a ces problèmes”), d’autres m’ont dit “mais bien sûr que tu es comme ça, tu ne savais pas?!” ou encore “ah oui, c’est en effet pas normal d’avoir autant de difficultés…”

Plein de pièces de puzzle

J’ai trouvé un questionnaire d’auto-dépistage (un vrai, celui qu’utilisent les psys) et je me suis retrouvée avec toute une série de croix “dans la zone grisée”. De plus, début 2019, j’avais fait une expérience étrange avec un antidépresseur (post-burnout) qui avait eu un effet quasi magique sur mes difficultés à faire des choses. En creusant un peu, j’avais découvert que ce médicament augmentait aussi la concentration de noradrénaline dans le cerveau, un des neurotransmetteurs qui pose problème dans le trouble en question. Dingue! J’ai rejoint des groupes facebook, j’ai parlé avec des gens concernés, j’ai regardé des conférences et lu des articles.

Très vite, c’était comme si les pièces de puzzle manquantes de ma vie commençaient à tomber en place. Tellement de choses s’expliquaient! Tout ce qui coinçait encore dans ma vie et m’empêchait d’avancer s’expliquait. Et avec cette explication, il y avait aussi l’espoir d’un changement, à travers une prise en charge spécifique.

Diagnostic

J’ai vite pris les devants pour trouver un spécialiste (malgré le scepticisme de ma psychiatre traitante) pour avoir un diagnostic – ou pas. J’y suis allée la peur au ventre, j’avoue. Cette hypothèse expliquait tellement de choses, mais j’avais tellement peur de me tromper, d’avoir été victime de l’effet Barnum (qui fait qu’on se reconnaît dans des descriptions un peu générales qui pourraient finalement coller à n’importe qui). J’ai beaucoup douté pendant les deux mois d’attente pour ce rendez-vous. C’était un peu “schizophrène”, entre soulagement de savoir enfin (je croyais avoir trouvé) et peur terrible de me tromper et de me retrouver au final sans porte de sortie.

Mais ça a été vite réglé. Après une séance d’intense discussion et une bonne heure passée à mettre des croix dans beaucoup de questionnaires, le spécialiste a confirmé mon “auto-diagnostic”. Je suis ressortie du deuxième rendez-vous avec la référence d’un livre spécifique pour m’aider à affiner mes stratégies de compensation (car j’en avais déjà beaucoup), et une ordonnance.

Prise en charge

Il y a un mois, j’ai donc commencé à mettre en pratique ce que je lisais dans ce livre (extrêmement bien fait, pragmatique, et écrit pour que ce soit facile à mettre en oeuvre). A chaque page, je comprenais mieux pourquoi telle ou telle chose était difficile pour moi, et comment contourner cette difficulté. Je voyais que j’étais déjà vraiment sur de très bonnes pistes avec ce que je faisais pour “me gérer”, mais il me manquait ici et là des morceaux pour que ça marche vraiment bien. C’était un tel soulagement d’avoir enfin une aide et des explications spécifiques à ma problématique.

Une semaine plus tard, début décembre, j’ai commencé les médicaments. Avec un peu de trépidation, évidemment. Ça aide pour beaucoup de gens, pas tout le monde. Certaines personnes ne les tolèrent pas. J’avoue qu’après mon expérience imprévue avec l’antidépresseur à inhibition de recapture de noradrénaline, j’avais bon espoir que ça m’aide. Je n’ai pas été déçue. Les médicaments ne sont évidemment pas magiques, mais c’est comme du fart sous les skis. Ça rend les choses beaucoup plus faciles.

Passer de l’intention à l’action

Une des manifestations générales du trouble en question est une difficulté à passer de l’intention à l’action. Je reviendrai là-dessus dans un autre article, mais une fois qu’on a compris ça, tout s’explique. Avec les médicaments, c’est juste plus facile de faire. Je pose une assiette dans l’évier, “ah ben tiens je vais aussi la laver pendant que j’y suis”. J’ai décidé qu’à telle heure j’allais faire telle chose, eh bien, sans gros effort, je m’y tiens. Il y a d’autres effets aussi, très très intéressants, qui feront l’objet d’un autre article, mais en gros, ça veut dire qu’avec les médicaments, j’arrive beaucoup plus facilement à réellement mettre en application ce que j’ai dans ma boîte à outils pour gérer la vie.

Le résultat de tout ça, c’est que depuis un mois environ, ma vie a vraiment changé. J’arrive à faire ce que j’ai prévu de faire. Je passe de bonnes journées. Je reprends confiance en moi. Je commence à entrevoir qu’un jour il me sera possible de faire des choses en vue d’un objectif à moyen ou long terme. Ma charge mentale a fondu comme neige au soleil.

C’est vraiment le début de la suite de ma vie.

Mais alors, c’est quoi?

Si je n’ai pas entamé cet article avec le nom du trouble qui m’a été diagnostiqué (et qui concerne, à des degrés divers, un adulte sur 20 ou 25), c’est parce que ce nom charrie de nombreux préjugés, et qu’il est – je ne suis pas la seule à le dire – assez mauvais. Ma mécompréhension de ce trouble, certainement basée sur son nom et les idées reçues qui circulent à son sujet, a clairement retardé mon diagnostic et ma prise en charge, et m’a valu plusieurs années de galère personnelle en plus. Je voulais donc raconter mon histoire d’abord, que vous ayez l’occasion de la découvrir sans les lunettes déformantes de l’étiquette que peut conférer ce diagnostic.

J’ai un autre article prévu dans la pipeline pour parler plus en détail de cette histoire de nom et des idées reçues, mais je ne vais pas vous laisser en suspens d’ici là. Le truc qui fait que j’ai du mal à faire les choses, à passer de l’intention à l’action, que ma gestion émotionnelle est un peu bof, que je suis comme prise dans l’immédiat du présent, que tout m’intéresse, que je déborde d’idées et de projets mais que je n’arrive rien à finir, que je suis créative et que je parle peut-être un peu trop, que je peux me plonger dans un truc et abattre un boulot énorme en un rien de temps ou devenir une experte de quelque chose que je ne connaissais pas, en gros, ce truc “qu’ont” les personnes comme moi qui ont une fonction exécutive pas top, on appelle ça un TDAH. Oui, le fameux Trouble du Déficit de l’Attention avec/ou sans Hyperactivité.

Ça vous fait quoi?

Peut-être que vous étiez familiers avec ce trouble et que vous saviez de quoi je parlais dès le début de cet article. Peut-être que, comme moi avant, ces quatre lettres évoquent “court partout et n’arrive pas à se concentrer plus de 2 minutes”. Peut-être que ça vous paraît très étonnant de me voir concernée par ce diagnostic, ou au contraire, pas du tout. Peut-être que ça vous dit vaguement quelque chose, mais que ces histoires de “trouble d’attention” ou “d’hyperactivité” c’est vraiment à la périphérie de votre conscience, un truc dont on n’est même pas vraiment sûr si c’est “pour de vrai” ou un machin à la mode un peu inventé de toutes pièces pour excuser une mauvaise éducation, la paresse, ou trop de complaisance envers soi-même. Peut-être que vous vous reconnaissez dans mon histoire, peut-être un peu trop pour votre confort, et que vous êtes en train de vous demander, entre sueurs froides et lueur au bout du tunnel, si vous aussi, non mais quand même, je saurais si j’avais ça…?

Toutes ces réactions sont légitimes. Les commentaires sont ouverts, et mes MP/Whatsapp aussi. En attendant d’écrire plus sur le sujet (et sur cette période charnière de mon parcours de vie), je vous laisse avec quelques liens si vous souhaitez creuser un peu:

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Taming the Dishes, 2021 Version [en]

If you know me just a little, you’ll know that doing my dishes is an everlasting challenge. It’s not that I hate doing it so much (I’d have got a dishwasher years ago). It’s just that… it never seems important to do it now, and then it piles up, and it’s the thing I constantly feel bad about not doing, so I tend to push it away.

My dishes have been under control for some time now and I thought I’d share how I did it. Worked for me, not sure it will work for you, but the underlying method is something you might find interesting.

Background

I was inspired by what I’m learning at my training at the IGB (it’s the brief therapy approach developed at the Palo Alto Mental Research Institute back in the days).

To sum things up (too) briefly, the general strategy is the following: when faced with a problem one is stuck with, trying and trying to solve one’s way out of it, the obvious conclusion is that what is being tried is not working – otherwise the problem would not be there anymore. Worse, what is being tried is actually keeping the problem alive or making it worse; if that were not the case, chances are the problem would go away at some point. If it remains despite all our efforts to get rid of it, then we are unwittingly participating in its persistance.

The “simple” solution is to identify what it is that we are doing which makes the problem worse, or at least maintains it, and stop doing it. It is not easy, firstly because we are generally unaware of our participation in the systems we are part of, and second, because if we are doing what we are doing, it is because on some level we firmly believe it is a solution to the problem at hand.

The “simplest” (again, not “easy”) way of not doing something is to head in a radically opposite direction, and do something that is incompatible with what we desire to stop. Think “U-turn”. This is very tricky to think through, and even trickier to implement (this is where the hundreds and hundreds of hours of training to become a therapist come in), and leads to these weird and counter-intuitive paradoxical prescriptions: instead of trying to stop doing x, do more of it!

Addictive/compulsive behaviours

So, to get back to our dishes, I had just come out of a couple of days of training where we had discussed some “typical” ways to deal with addiction/compulsion issues and – very much related though maybe not obvious at first glance – procrastination. Generally, in situations where excessive consumption (of all nature) is problematic, our attempts to get out of it take the shape of “stop it”, or “do less”. Like “I have to stop smoking”, or “I have to eat less chocolate”. Well, we all know how well that works, don’t we? So, how do we stop doing that? How do we stop telling ourselves to not smoke, drink less, etc., when our goal is precisely to stop smoking or excessive drinking?

Well, in this case, the prescriptions will have to go in the other direction: “smoke more”, “eat more chocolate” – but of course, not in any crazy way, because we do not want to abandon the goal of getting the excessive consumption under control. For example, one classic prescription is of the form “do it once, do it x times”: instead of trying to stop smoking, have a rule that each time you smoke one cigarette, you have to smoke 5. Or each time you drink a glass of wine, you finish the bottle. Of course all this needs to be tailored to the specific situation and the person, but the way it works is the following: it “breaks” the mechanism of fooling oneself that one can smoke/drink/eat “just one” (assuming that is the problem). “Oh, I’ll just eat one bowl of ice-cream!” And three bowls later: “Heck, I really need to stop eating ice-cream.” See the idea?

Procrastination

Now, what does this have to do with procrastination, you will ask me? Procrastination is actually very similar in its underlying mechanism. But instead of “I’ll do it just once” it’s “I’ll not do it just once”. “I’ll do it tomorrow” is in fact “I’ll just skip doing it today.” Procrastination is telling ourselves that it doesn’t matter if we don’t do the thing just now, because we will (for sure!) do it later. So we apply a similar but opposite prescription: “if you don’t do it once, don’t do it x times.” Or, in positive terms: “skip it once, skip it x times”.

Let’s take an example. Say I’m trying to write my dissertation or prepare a class. I’ve decided I was going to work on it each day for 2 hours. What usually happens is that I don’t manage to get to work on it today, I get sidetracked, or I feel off, and I think “oh well, I’ll skip today and do it tomorrow.” And tomorrow, the same thing happens, and it gets worse and worse. Sound familiar? Now, if I have a rule that if I skip one day, then I am not allowed to get back to work on it for another 4 (e.g.) days, how will that make me feel? Can you feel the tension increasing?

Applying this to my dishes

This is very much what happens with my dishes. It’s the evening, I’m tired, I look at the sink and think “meh, I’ll do this tomorrow”. But then, as we all know, tomorrow brings more dishes and even less desire to deal with them and even more “meh, I can’t deal with this now, I’ll do it tomorrow, for real.”

This is what I came up with:

If I don’t do the dishes, I can’t do them for the next three days.

I came up with three days because it’s scary enough for me to be a deterrent, but not so much that it makes things impossible. For example, if I’d said “10 days”, that would not work for me because it’s just not tenable to not do the dishes for 10 days. Three days works for me because I know I have no desire whatsoever to have to deal with three days of dishes. Your mileage may vary, if you try this.

More than once, I have found myself in the evening in front of the days dishes thinking “meh, I really don’t want to do this” – but right after, I picture the three days of dishes that not doing it tonight will imply, and I get to work.

Soon after I started with this, I found myself in the evening thinking “oh, the dishes!” only to realise I had already done them. Now that I’ve been at this for a few months, I can feel it’s turning into a habit like brushing my teeth before bed is. I “don’t feel right” if I haven’t done it.

Some concrete details:

  • “do the dishes” means I wash everything that needs washing at that moment and see the bottom of the sink
  • I don’t dry things, and haven’t got a system in place for putting clean dishes away yet (thinking about it)
  • because “things happen”, I have built some flexibility into the system (because it works for me without endangering the system): I am allowed an “exception” every now and again (imagine: guests or a lot of cooking in the evening so really too tired to deal with it) but the condition is that I must catch up  the next day. I’m aware that with this system I could end up doing dishes every other day, but it’s not the case, and if it were, I would change this “exception clause”
  • I’m now starting to think it would be nice to do dishes earlier in the day too, so there is less in the evening. This is not a “goal”, but more of a drive, I’m starting to want to do dishes during the day.

So there we are. My dishes seem tamed. What is there in your life that you might try applying this approach to? Let me know in the comments!

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Letting Go [en]

For pretty much all my life, I have struggled with how I react to people being wrong. “Wrong” meaning, here, “wrong according to my beliefs/knowledge“. The frontier between beliefs and knowledge is murky, and we would all fancy our beliefs to be knowledge, but in some cases we can more or less agree on what is belief and what is knowledge.

I have a really hard time with people who are wrong. Wrong, of course, as described above. I have my beliefs and values, and do my best to accept that not everybody shares them. I don’t believe in any god, some people do. That’s fine, as long as beliefs are not construed as facts or knowledge.

When debating, I have very little tolerance for the “well, it’s my point of view/opinion” argument – systematically offered as a justification for something that was initially presented as fact. You can have opinions and beliefs, but if you present them as facts in a debate, prepare for them to be challenged. But as I said above, the frontier is sometimes murky, particularly as seen “from the inside”, and that is where trouble lies.

Take vaccines. I’m taking that example because it’s easy. I believe things about them. I consider those beliefs pretty rational as they are, to the best of my efforts, based in science. So I know they are safe, I know they work, I know they do not generally offer 100% protection, I know there can be a tiny risk of bad reaction, I know they have helped eradicate some illnesses and control others so they do not rip through society like Covid-19, I have a decent understanding of how a vaccine is built, how and why it works. So, of course, I think that people who believe different things about vaccines, like that they are harmful or even dangerous, are wrong. The problem is that in their “web of belief” (read the book, it’s wonderful), their beliefs are perfectly rational and therefore, knowledge.

We could say that each side of the argument here sees their belief as knowledge, and the other’s as belief.

Faced with somebody who believes something that contradicts something I know, my initial impulse is to explain to them that they are wrong. Because who doesn’t want to be right? I bet you can see how that strategy doesn’t really work out well.

So, over time, I have learned to bite my tongue, accept that what people believe (including myself, though I hate the idea) is never going to be completely objectively rational, and remember that nobody (first of all me) likes being told they are wrong. The tongue-biting is more or less successful, depending on the topic in question, my mental state, and who is facing me.

The current pandemic has given me a golden opportunity to work on not only my tongue-biting, but acceptance of differing viewpoints. Accepting that people see things differently doesn’t mean I believe every point of view is equivalent. Quite the contrary. It’s more about accepting that people will believe what they believe, that they aren’t rational (me neither, though I try my best to be), and that it is normal and OK.

I do my best to share accurate information. I’m not perfect or blameless, but I try to exercise critical judgment and be a reliable source of information for those who choose to dip into my brain, though facebook, this blog, or conversation. I also try to correct erroneous information, and that is where things get slippery. It goes from setting the record straight when people share obvious hoaxes or urban legends (generally by instant messenger), providing critical sources when others share scientifically wobbly information (hydroxychloroquine) or scare themselves needlessly (what use masks really serve, disinfecting groceries). And I’ve had to learn to back off. To keep the peace, to preserve relationships that I otherwise value, and also to preserve my sanity and inner peace.

One milestone was when I realised it was useless trying to tell people who were convinced a certain French scientist had found the miracle cure for Covid-19 that the scientific evidence for it was flaky at best, dishonest at worst. People are scared and will believe what helps them. We tend to want to ignore the emotional dimension of our beliefs, but it’s there, and much more powerful than our rational brain (as anybody who has ever tried to reason through emotions knows).

Some people are more comfortable dealing with uncertainty than others. Some people understand logical fallacies and cognitive bias better than others, and are more or less able to apply that knowledge to the construction of their beliefs (critical distance). But we all have emotions and they colour what we are likely to accept as fact or not, whether we like it or not.

So I tried to drop hydroxychloroquine. That meant I had to accept that (according to my knowledge) false information was going to do the rounds, in my social circle, that people were going to have false hopes, and spread misinformation, and I wasn’t going to do anything about it. Not an easy thing to let go of. I feel like I’m skirting responsibility. My therapist would certainly tell me that fixing other people’s beliefs is not my responsibility…

I’ve been doing the same thing for some time now with people who believe vaccines aren’t safe or efficient. I know facts don’t change people’s minds. Worse, debate reinforces beliefs. I know! But I don’t really believe it, and keep on wanting to try. So I bite my tongue, remember that for the person facing me their belief is perfectly rational, remind myself that telling them they are wrong or debating them will not change their belief, and try and get on with my life. But for vaccines in particular, I seethe, because these beliefs have an impact on actually lives and public health. And I have to say I dread them moment when we will finally have a vaccine against SARS-CoV-2, and people will refuse to use it. It’s going to be a tough exercice in emotion management for me.

Anyway, I’ve reached a point now where I try to provide the information I feel is the best for those who want it, and I’m getting better at feeling OK that somebody I value or appreciate believes something I think is plain wrong – without trying to change their mind about it. I’m getting better at identifying the point where a discussion stops being an exchange of ideas in the search of truth or satisfaction of genuine curiosity, and starts being a standoff between two people with firm beliefs, each trying to shove theirs upon the other.

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The Importance of Being Active [en]

I’ve already noticed that I fare better when I am active. My mood is better, I’m more easily motivated, I have more energy. Doing things is easier.

Activity brings motivation. I had that key.

But I still remained stuck in non-activity: how and where do I find the will to jumpstart the machine and be active again?

On Monday morning I understood a key point I’d been missing. A shift of focus, actually. It’s funny how so many of the most important realisations in life are shifts of focus. Looking at things differently.

My mission is not to get things done, because X and Y are on my list and need to be done so I reach my goal or stay out of trouble.

My mission is to be active. That is the important thing. Not doing the things. Being active. Process over outcome. And, well, I might as well keep myself active with things I need or want to do.

It may seem minor, but looking at things this way makes a big difference.

“How am I going to keep myself active today?” versus “how many of my to-dos can I cram in today?”

Things I need to do become a means to fulfil my mission of ensuring a certain level of activity in my day. And thus it becomes much easier to do them.

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Biais d’attribution: ne jugeons pas autrui aussi sévèrement [fr]

Tous les jours, je me retrouve face à un biais cognitif (chez les autres et moi-même) qui commence à sérieusement me casser les pieds, y compris quand c’est moi qui m’y laisse prendre: le biais d’attribution (voir aussi: l’erreur fondamentale d’attribution).

Si vous googlez ces deux termes vous trouverez tout un tas d’articles pour en savoir plus. De mon côté, je vais tenter d’expliquer simplement où je vois ce biais se manifester, et pourquoi je le trouve aussi casse-bonbons.

Si je devais trivialiser ce biais pour l’expliquer, c’est un peu l’erreur de pensée qui consiste à considérer que l’autre est soit un maladroit soit un connard, tandis que nous, nous avons toujours de bonnes raisons pour faire ce qu’on fait.

Quelques exemples:

  • la personne qui coupe la file d’attente, clairement c’est un connard (alors que peut-être qu’il y avait une très bonne raison à son comportement, indépendante de sa valeur propre en tant que personne); les rares fois où c’est nous qui nous retrouvons à couper la file, on a toujours conscience du caractère exceptionnel de cette action et du fait qu’on a une vraie bonne raison pour le faire
  • je suis cycliste et automobiliste: quand je suis à vélo, je peste contre ces abrutis d’automobilistes qui ne tiennent pas compte des vélos; quand je suis en voiture, je peste contre ces abrutis de cyclistes qui ne respectent rien. Alors que quand c’est moi qui tiens le volant ou le guidon, je ne suis pas une abrutie, j’optimiste ma conduite, ou peut-être, je n’ai pas vu l’autre parce qu’il était dans mon angle mort, ou encore, j’ai pris un raccourci car j’étais en retard
  • la personne que j’interpelle ne me répond pas: c’est certainement un malappris, ou une autre variété de connard — alors qu’en fait la personne est sourde ou malentendante et ne m’a simplement pas entendue
  • dans une expérience, on donne à un participant la télécommande d’un train électrique qu’il doit conduire; un autre participant doit observer et évaluer le conducteur. Sans que les participants le sachent, les expérimentateurs font varier la vitesse et la puissance du train. La personne qui tente de le conduire se rend bien compte qu’il y a des facteurs en-dehors de son contrôle qui lui rendent la tâche difficile, tandis que l’observateur, lui, va juste voir que l’autre est un mauvais conducteur, un maladroit incompétent

Vous voyez le schéma? On est prompts à juger les autres pour leur comportement, alors que notre comportement a toujours une explication rationnelle et valable.

L’explication via cette “erreur fondamentale d’attribution” est la suivante: on considère que les raisons qui poussent l’autre à agir sont “intérieures”, sans tenir compte des circonstances extérieures, qui ont pourtant une bien plus grande influence sur nos actions. On s’en rend bien compte quand il s’agit de nous: on est en retard, on ne peut pas faire autrement, quelque chose est venu nous mettre des bâtons dans les roues – mais on l’oublie promptement lorsqu’il s’agit d’expliquer les actions d’autrui.

C’est pour ça qu’un de mes mantras personnels (et que je demande également aux membres du groupe Diabète Félin d’appliquer les uns envers les autres) est “accorder à l’autre le bénéfice du doute”. Il s’agit d’activement combattre ce réflexe de la pensée qui étiquette de façon jugeante l’autre parce qu’il a fait ceci ou cela. Il s’agit de se souvenir que de son point de vue, ses intentions sont certainement bonnes, et qu’il y a aussi certainement des facteurs extérieurs à son contrôle qui motivent son action.

(Laissons de côté pour le moment la question des – rares – personnes véritablement malfaisantes. Leur existence n’est pas une raison pour soupçonner l’humanité tout entière.)

Je trouve que dans l’ensemble, surtout avec la course à l’indignation que sont devenus les médias sociaux aujourd’hui, on est beaucoup trop prompts à juger notre prochain et à lui attribuer des intentions négatives, et qu’un peu de générosité de générosité vis-à-vis de ce qui motive autrui, ça ne fera de mal à personne.

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On Anger, Harassment, Sadness, Forgiveness, and Outrage [en]

[fr] C'est tellement plus compliqué que "les hommes bien, les porcs sexistes". C'est tellement facile de se donner sans retenue à la colère qui rejette en bloc, de juger les autres sur le pire acte qu'ils ont commis, aveugles au fait qu'on vient de passer de l'autre côté du miroir.

My heart sank when I read Quinn’s post. I’ve known, since the outing of a string of VCs, that soon it would be not just people who were one step away, or direct connections I had scant contact with, but also people I knew and liked.

Francine expresses what I feel the best. I’m not as close to the Scoble family as she is, of course. But I like Robert. We used to bump into each other at conferences. I’ve followed his struggles these last years from afar. I’ve met Maryam a couple of times.

The second part of Quinn’s post really resonates with me. About restorative justice. About not demonising people who do bad things. I’ve written about this, obliquely. Sadly, the pile-on in online media is going to be about “yet another tech pundit sexually harassing women”.

So, here are a few thoughts.

Sexism and harassment need to be fought

Does anybody have a doubt about this? The question is how. I see three levels: culture, institutions, people. You cannot deal with one without dealing with the others.

  • Culture is the way we raise children. Movies. Billboards. What is “socially acceptable”.
  • Institutions are laws, processes, systems that promote gender inequality.
  • People are humans who make choices and behave in certain ways.

Using a broad brush here. But these are the three levels at which I see we can act.

Everybody does bad things

People are fallible. People are broken. People can be trapped in behaviours they fail to change. Being a victim sucks. Being an abuser sucks too. I’m not putting them on the same level: but there is a difference to be made between a psychopath and somebody who hurts others as a way to survive, or because they don’t know any better. (And… it isn’t even that clear-cut for psychopaths.)

Systematic lynching of all Bad People (TM) (otherwise known as Good People who do Bad Things) will get us nowhere. Yelling at people who are trying to mend their ways, imperfectly, telling them apologies are not enough when apologies are already a hugely difficult step, will get us nowhere.

I get the anger. I cannot stand behind the outrage. It’s easy to be angry and club people to death. One thing to learn, when learning about one’s anger, is that anger is often anger that cuts people out. It’s much harder to be angry and continue caring. And stick around. When anger means outright rejection, then that is all the more reason to stay silent and hidden.

We are judging people based on the worst thing they have done. Now think of the worst thing you have done. Does it define you?

(I know I’m going to be lynched here for “defending the perpetrator”. So be it.)

People’s actions have context

We don’t exist in a vacuum. Powerful men who harass women do it because the institutions and culture enable it. It doesn’t make them blameless, far from it. But just as we women have to fight against a system that puts us in a place we don’t like, so do men. And that place might very well be the place of power and abuse.

I think we are well aware of the systemic issue here. I would like to question how much going after individuals really solves the systemic issue. It’s a real question.

Nobody is a harasser 

This is something that became very clear to me I was harassed a few years ago (not sexually, counting my blessings, but it was bad enough). The main perpetrator in my story did not see his behaviour as abusive, or see himself as harassing me. He saw himself as the victim. He was an ally of women. He was defending himself against me.

Nobody is ever the Bad Guy, in their eyes.

Coming to terms with the fact one is an abuser requires a 180 flip in how one sees oneself. It is no easy feat. Just as you can’t convince an anti-vaxxer that vaccines are safe by pounding your fist on the table and telling them to open their eyes and look at the science, which will only entrench them more in their beliefs, I don’t think publicly shaming people is the final answer to getting them to recognise their bad behaviour.

This should also be a cautionary tale to us when we feel justified in our anger and outrage. Anger is useful. I often encourage people to use their anger when something bad is being done to them. Anger is what will help you slap in the face the guy who put his hand on your butt. Anger is what will give you power to stand up, walk to HR and put your fist on the table to say “this is not OK and has to stop”.

But when anger leads to outrage over situations you are not part of, when you pile on Justine Sacco because she deserves it or on a “sexist pig” because he deserves to see his life destroyed, on which side of the harassment divide are you?

Trauma doesn’t have to destroy you

The fact I feel like I have to keep on saying “this is not what I’m saying” is testimony to how trigger-ready many are on these topics. But I’ll still say it: this is not me telling victims to “just get over it already”.

But.

Trauma, in a way, is a part of life. It sucks all the more when it was wilfully inflicted upon you by another person. But it doesn’t have to destroy you. Or define you.

I have thankfully never been raped. Of course, #metoo, I’ve had to swat away unwelcome hands or back off from grinding groins (wonder why I don’t like the dancefloor? look no further). I’ve stayed speechless in the face of comments on my sex life from colleagues or “friends” – though lately, each time less speechless, as I’ve decided to strive towards a zero-tolerance policy for casual everyday sexism around me. Easier said than done, but getting there.

My mother died when I was 10. This trauma was not anybody’s fault, granted. It’s had an impact on my life. Contributed to making me who I am. More or less broken like everyone, more or less functional despite it.

Many things that happen to us in life shouldn’t happen. We must work towards preventing those we can – and lecherous men in positions of power are definitely on that list. But we must work also on not letting trauma take over our lives and reduce us to a heap of fuming outrage.

Nothing is unforgivable

I talked about apologies earlier. Forgiveness is the other side of the coin. My title is provocative: you’re all thinking of things are unforgivable.

Remember when Snape kills Dumbledore? He uses an unforgivable curse. And it is an unforgivable curse. But is what he did unforgivable?

I would like to make a distinction between something being unforgivable and something one cannot forgive.

There are things people have done to me that I cannot forgive. I have broken (a handful) of friendships because of such situations. But these are not unforgivable actions per se. They are actions that I am unable to forgive.

Apologies are important. Because an important ingredient enabling forgiveness is the recognition by the perpetrator of the harm done. Apologies may be hollow, or insufficient. But they are necessary.

I am not saying we have to forgive everything. And we are not all Hector Black. But our world needs more compassion and forgiveness, and less outrage. When I say we need compassion and forgiveness, I’m not saying we should leave anger aside. Anger is there. But we can choose how to use it.

What else?

There is more to say, and I will certainly say more. My feeling right now is largely of sadness. Sad for my friend and his family, sad for the hurt he caused, sad for all the broken people we are, sad for the broken system we are caught in, sad for the deafening outrage, drowning out the much more difficult conversations that need to be had.

If you’re going to comment: please leave your outrage at the door.

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Piège de l’empathie [fr]

Je l’ai fait de nouveau. Je voulais poster quelque chose ici, et pour faire bien, vous savez, écrire un peu sérieusement, j’ai commencé à réfléchir, je me suis perdue dans un terrier de lapin, et je n’ai pas écrit l’article, parce que mes idées ne me satisfaisaient pas.

A ma décharge, j’ai envoyé une newsletter de liens, ce que je n’avais pas fait depuis longtemps.

C’est ceci dont je voulais vous parler:

Ça parle d’empathie, de compassion, et c’est l que je me suis perdue, car ces mots sont utilisés pour dire tout et son contraire (si si quasi) par plein de personnes différentes. La compassion de l’un est l’empathie de l’autre, et vice-versa. Bref.

Vous savez, il y a quelque temps, je parlais des gens aimant les animaux qui se permettaient d’être détestable et hyper jugeants avec les humains. Et en écoutant le début de cette conférence, je crois que j’ai trouvé la clé pour comprendre ce qui se passe.

L’empathie, au sens de “sentir/souffrir AVEC”, ne nous rend pas meilleurs. Quand on souffre, parce qu’on s’identifie à la souffrance de l’autre (ce qui correspond assez bien à ce profil “d’ami des animaux” vindicatif qui me dépasse), on réagit en être qui souffre. On attaque, on juge, on blesse, on veut faire mal.

La compassion, au contraire, implique une certaine distance. Comprendre, être à l’écoute, mais sans voir s’effondrer la frontière entre soi-même et l’autre.

L’excès d’empathie (dans ce sens, hein), nous associe à ceux qui nous ressemblent au détriment de ceux qui nous sont plus distants. C’est comme ça qu’on se retrouve à tuer des médecins pratiquant les avortements aux Etats-Unis, à justifier la haine de l’autre par le fait qu’il y a “d’abord une victime”. La perspective et la vision grand angle sont absentes. Une politique basée sur l’empathie “à vif” est catastrophique.

Même s’il s’agit “juste” de prendre soin des animaux, il faut réussir à trouver cette posture qui reconnaît la souffrance mais ne se laisse pas envahir par elle au point de ne plus voir que la victime, et de faire sienne sa détresse.

Un autre exemple très pertinent que donne le chercheur est celui du thérapeute. Si je vais chez mon thérapeute et que je suis angoissée, déprimée, en souffrance, je ne veux surtout pas que celui-ci, par empathie, sente en lui mon angoisse, ma dépression, ma souffrance. Il serait bien en peine de faire ainsi son travail. Au contraire, j’ai besoin de sa part d’écoute, de compassion, de compréhension, et de sérénité pour qu’il puisse m’accompagner.

Bref, je vous invite à écouter cette vidéo, au moins les dix premières minutes, si l’anglais n’est pas votre zone de confort.

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Animaux, humains [fr]

Ce n’est un secret pour personne que j’aime les animaux. Bon, j’aime les gens aussi. J’aime comprendre comment on fonctionne, “on les humains”, mais aussi “on les êtres du monde”.  J’aime comprendre comment tourne le monde, de façon générale. Une quête qui ne risque pas de s’épuiser, pour nourrir mon besoin insatiable de stimulation intellectuelle.

Alors, sur Facebook, je suis dans pas mal de groupes “animaux”. De chats surtout, vu que je suis une mamy à chats. Il y a celui que j’ai l’honneur de co-administrer, celui du refuge où j’avais adopté Tounsi, et une poignée d’autres.

Laissez-moi vous dire que la plupart des groupes “animaux” sont terribles. Je ne compte plus le nombre de ceux que j’ai quittés. Parmi d’autres choses qui m’égratignent, je suis effarée de voir avec quelle violence certaines personnes (malheureusement pas rares) “amies des animaux” se saisissent du moindre prétexte pour accuser les êtres humains de tous les maux.

S’il arrive quoi que ce soit à un animal, ou même si on le soupçonne, il y a systématiquement derrière un être humain malveillant ou irresponsable, sur lequel on ne perd pas de temps à déverser tout son fiel, invitant les autres au lynchage public. Un chat se promène dehors et semble avoir faim? C’est sans aucun doute que ses maîtres l’ont lâchement mis dehors et abandonné. (Si vous avez des chats qui sortent, vous saisirez tout de suite à quel point ce raisonnement est… contraire à la nature féline.)

Pour ces personnes, les erreurs n’existent pas. Les accidents “la faute à pas de chance” non plus. Il y a toujours un coupable. On connaît ce mécanisme, qui se retrouve un peu partout: un mal est toujours “la faute à quelqu’un”. C’est ce mécanisme qui est d’ailleurs à la racine des excès sécuritaires du monde d’aujourd’hui. Ça ne vous étonnera pas que je vous dise que ma vision du monde ne va pas du tout dans ce sens.

Parfois, cette compassion poussée à l’extrême pour les animaux ne semble servir que de prétexte pour la haine de l’humain. Et je finis par me poser la question: ces personnes accusent-elles sans cesse les humains car elles aiment les animaux, ou bien aiment-elles les animaux car ceux-ci leur donnent en toute bonne conscience une raison pour vomir sur les humains?

On est des animaux, après tout. Les humains sont nos amis, il faut les aimer aussi… (Je sais, Les Inconnus, ça date!)

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