Fenêtre de tolérance émotionnelle: comment me ressourcer? [en]

Mon retour d’Inde a été (est?) difficile. Aujourd’hui ça va – en fait, depuis une petite semaine, “ça va”. La semaine dernière j’ai galéré, par contre. Et depuis, je réfléchis pas mal, non pas à ce qui fait ou a fait que ça va pas, mais à ce que j’ai fait, ou comment ça se fait, que j’ai réussi à me sortir du fossé où j’étais embourbée.

En fait, à un moment donné, je me suis souvenue que j’avais une boîte à outils (cognitive) pour faire face au type de situation où j’étais coincée. Je l’ai mise en action, et ça a tout de suite été mieux – même si évidemment, globalement, ceci reste une période difficile. C’est un schéma que je connais, à part ça: aller mal et n’avoir plus aucune conscience qu’on sait faire des choses pour aller mieux. La boîte à outil n’existe plus, comme les légumes au fond du bac en bas du frigo. Si je le vois pas, c’est pas là.

J’ai eu une discussion fort enrichissante lors de ma séance en début de semaine à As’trame. Petite parenthèse, cette fondation ne s’adresse pas qu’aux enfants, et en ce qui me concerne je suis enchantée par leur accompagnement. Si je devais résumer cette discussion, pour ce qui nous intéresse ici, elle portait sur l’idée de la fenêtre de tolérance émotionnelle, et sur identifier les choses qui me ressourçaient.

La métaphore de la fenêtre de tolérance émotionnelle (window of tolerance) est intéressante et me permet de mettre des mots sur quelque chose que j’avais de la difficulté à exprimer jusque-là. Ce sentiment de ne pas avoir “d’amortisseurs”, ou de rouler sur les jantes, les pneus usés jusqu’à ne plus être là, et donc de ne pas avoir la capacité à faire faire ou “gérer” les événements un peu contrariants de la vie.

L’idée est la suivante (si vous googlez vous allez trouver ce concept proposé en 2019 à un peu toutes les sauces, y compris pseudoscientifiques; j’ai mis deux liens plus haut qui me semblent pas trop mal): il y a une zone dans laquelle on arrive à réguler correctement ses émotions. C’est la fameuse “fenêtre”. Hors de cette zone, on n’arrive plus, ou pas assez bien, on peut avoir le sentiment que l’émotion prend le dessus et on tombe soit d’un côté “hyperactivation” (crise de colère ou de panique par exemple, “ON”), soit “hypoactivation” (dépression, engluement… “OFF”). La largeur de cette fenêtre peut être variable selon les individus (merci la loterie et les aléas de la vie) et aussi selon les périodes, suivant ce qui nous arrive. J’ai trouvé un article avec des illustrations/schémas un peu parlants.

Donc là, clairement, je suis dans une période où ma fenêtre de tolérance émotionnelle n’est pas très large. Ma tolérance au stress ou aux contrariétés est très limitée. Il suffit de pas grand chose pour que je “dégringole”. Clairement, un deuil, ou la réactivation de celui-ci, ça fait rétrécir la fenêtre. Avec le temps, mais aussi avec certaines activités, elle va tranquillement s’élargir. Mais ce n’est pas un processus linéaire.

La question suivante c’est donc: quelles sont les choses qui, pour moi, permettent d’élargir cette fenêtre? En somme, les choses qui me ressourcent? J’avais toujours eu du mal avec cette question, “qu’est-ce que tu fais pour te ressourcer”, parce que je ne comprenais pas bien ce qu’on entendait concrètement par “se ressourcer”. Maintenant, si on dit “se ressourcer = élargir la fenêtre de tolérance”, ça me parle beaucoup plus. (On pourrait discuter: est-ce élargir la fenêtre, ou revenir dedans quand on en est sorti? et est-ce qu’on y revient de la même façon si on a filé du côté “hypo” ou “hyper”? Laissons ça de côté pour le moment.)

J’ai donc commencé à faire un inventaire de ces activités. L’une d’entre elles, un peu surprenante, c’est de faire un puzzle, par exemple. La semaine passée j’ai eu une impulsion soudaine de démarrer un puzzle, et quelques heures après je me sentais déjà bien mieux. Pourquoi? Que s’est-il passé? Comme je le comprends, j’étais dans un état émotionnel qui n’était pas gérable pour moi. Je ne voulais plus sentir ce que je sentais parce que c’était “trop”, et je n’arrivais pas à en faire quoi que ce soit si ce n’est rester bloquée dans une spirale descendante. En faisant un puzzle, je sors de cet état “figé”, parce que c’est une activité facile pour mon cerveau, qui demande de la concentration mais qui est très rentable niveau gratification: les couleurs, le toucher, et surtout, trouver deux pièces qui vont ensemble! C’est donc une activité qui me demande très peu d’effort à initier, qui est active, gratifiante, et m’aide à prendre de la distance avec mes émotions.

Sinon, clairement, les activités sportives “intenses” comme le judo, le ski, la voile dans certains contextes, ça permet d’une part de me dépenser physiquement (et les émotions… c’est physiologique!) et en faisant une activité qui m’oblige à y consacrer mon attention. Quand je suis en train de combattre au judo, je laisse toutes mes préoccupations du moment au vestiaire. Je n’y pense pas une seconde. En combat, on ne peut pas être distrait: on se fait tourner. Et avec les années (30 ans bientôt) il y a un ancrage qui se fait: personnellement, dès le moment où je me change et où je suis sur les tapis, je suis, par habitude, en “mode judo”. Le ski, comme j’aime skier, vite, c’est similaire. Si je ne suis pas ultra concentrée, je risque la chute. Je suis donc 100% concentrée sur ce que je fais, ma trajectoire, les sensations corporelles, etc.

Marcher en montagne ça le fait aussi, être dehors, dans la nature, avec de grands espaces autour de moi. Un bain chaud, un massage, un hammam, les bains thermaux – plus directement corporel, mais ça le fait. Ecrire, évidemment, et aussi les moments de lien et de partage véritable, où je peux être entendue. Un peu de méditation, une turbo sieste, de la relaxation. Il y en a peut-être d’autres mais maintenant que j’ai compris de quoi on parle, je vais enrichir mon inventaire.

Il y a des activités que j’aime mais qui ne me ressourcent pas, ou pas toujours. Le chant par exemple, ou voir du monde. Les jeux de société, j’adore, mais après je suis épuisée dans la tête. Faire à manger, j’aime mais ça ne me ressource pas. Ça fait quelques années que j’ai mis ensemble que le fait d’aimer quelque chose ne signifie pas qu’on se “ressource” ou qu’on en sort en étant “mieux” après. Avant, je n’avais pas fait ce lien. C’est important.

Aujourd’hui j’ai une journée assez libre devant moi, et je réalise, en contraste avec mes journées tranquilles au Rajasthan, que j’ai du mal à vraiment ralentir, me poser et “débrancher” (mon cerveau des soucis de la vie). Et je me demande pourquoi. Et j’ai une piste. Ici, je n’arrive pas à ne pas avoir en tête la liste interminable des choses que je devrais ou pourrais faire. Il y a la poubelle à vider, un peu de vaisselle à faire, la lessive, le coin du couloir à ranger, la valise à finir de ranger, l’autre coin ici à ranger (en gros tout l’appart est à ranger), faire des choses pour décorer mon lieu de vie et le rendre plus accueillant, chaleureux et agréable, du courrier à ouvrir, des photos à regarder et avec lesquelles jouer (je n’aime plus dire traiter ou trier), quelques soucis sur mon site web à gérer, des vidéos à faire pour Diabète Félin, une pile de documents à compléter, je pourrais sortir faire une promenade, ah oui descendre au bord du lac voir le bateau après tout ce gros temps, faire les courses, planifier les prochaines vacances, regarder ma série, aller au cinema, pourquoi pas, enfin commander les cartes de crédit avec cashback dont m’a parlé mon père, organiser une après-midi jeux de société, réorganiser les armoires de la cuisine, les habits pour la saison froide, acheter ou louer des skis… Ça vous fatigue, tout ça? Eh bien moi aussi.

Donc, même quand j’ai décidé de prendre une journée tranquille pour me relaxer, je n’arrive pas à ne pas “voir” tout ça. Je lutte contre une paralysie du choix, soit je fais des trucs utiles et je me suis pas ressourcée, soit j’essaie de me ressourcer mais je culpabilise de ne pas avoir avancé sur toutes ces choses que j’ai à faire.

Au Rajasthan c’était simple. J’étais en vacances, physiquement loin. Sur le menu, je pouvais: prendre des photos, sortir me balader, m’étendre sur mon lit en écoutant un podcast si j’étais pas trop en forme, regarder mes photos, écrire, attendre le repas suivant…

Je pense qu’il me manque des outils, par là, ou que je n’ai pas encore bien trouvé comment adapteur ceux que j’ai à cette situation. Je sens que c’est à chercher en direction de la restriction – je fais ça quand j’ai une “obligation de productivité” et que je n’arrive pas à démarrer sur quoi que ce soit: au lieu d’essayer encore et encore, je me donne 15 minutes avec timer pour essayer, et si ça ne marche pas, je laisse tomber jusqu’à l’heure suivante (ou la journée suivante, la semaine suivante). Donc là, pour créer un contexte où je me sens plus libre de faire des activités ressourçantes, inventorier/limiter les activités productives que j’ai le droit de faire dans la journée? Je réfléchis à haute voix en écrivant, c’est gentil de me tenir compagnie.

Aujourd’hui par exemple: la lessive et les courses, c’est assez obligatoire que je les fasse. Et les poubelles. Ce week-end il faut que j’ouvre mon courier et probablement que je fasse un peu d’administratif. Les autres choses, même la valise éventrée dans ma chambre à coucher, ça peut attendre. Le bateau, ce serait quand même bien que j’y passe. Samedi je suis au chalet toute la journée pour m’occuper du jardin avec mon frère. Donc je pourrais dire, aujourd’hui je fais la lessive, les courses, les poubelles et je fais un crochet au bateau en allant aux courses. Dimanche, je fais 1 à 2h d’admin et c’est tout. Et le reste du temps, je n’ai pas le droit de faire des choses “productives”. Ça me stresse, l’idée de procéder comme ça, je vous dis pas! C’est pas évident de trouver l’équilibre entre “j’ai besoin de faire des activités qui me ressourcent” et “j’ai besoin de diminuer ma pile de “je devrais” pour me sentir moins stressée et sous pression.

Sur ce, je vais chercher une photo sympa et sans rapport pour illustrer cet article, et aller mettre ma lessive. Puis je vais démarrer un nouveau puzzle. Ah ben voilà: je vais vous mettre en photo le puzzle que j’ai terminé hier, celui qui m’a aidée à sortir de mon trou. Je sais, il manque deux pièces. C’est triste mais ça ne me sort pas de ma fenêtre de tolérance émotionnelle!

Leaving India Again [en]

I’ve gone back and forth between Switzerland and India a dozen of times now. It’s funny, people think I’m a big traveller because “India”, but actually, aside from a handful of countries in Europe and a few trips to North America, it’s pretty much the only place I’ve been.

Leaving India has always been hard for me, as far as I can remember. In 2000 I had built a life there, I was 25, leaving people I loved and had a real connection to behind, heading back to a life in Switzerland which had gone on without me, where my parents had separated and my heart had finished being broken during my absence.

I’ve been going through some of my old posts to see what I’ve written about this in the past. It’s funny (and unsettling) to see how some of my memories from 20 years ago have warped. I can imagine as years go on, I’ll be happier and happier to have this written account of bits and pieces of my life. This is from 2004, my second trip back, and so is this post. (I’d forgotten how “dramatic” my journey home in 2001 had been.) In 2004, I was obviously planning to come back as soon as I could, but it would be 7 long years before that happened. 2011 was particularly difficult as Bagha had died shortly before my trip. 2012 had me writing about it again. And so on.

This time, grief and travel are also on the platter. Grief over my stepmom’s death but also not having the time I was so looking forward to with Aleika. It was a short trip for me, two weeks. I wasn’t in a very good place when I left Switzerland, I did manage to get a breath of fresh air in Rajasthan, but it was too short, and now I’m flung back where I was, struggling to find my balance, unpack my suitcase, reconnect with work and loss.

My stepmom would have liked Rajasthan. But she’s not there to hear about it, and I felt that acutely during my trip. I would have liked to show her things. I think that for me, a large part of the pleasure of travel is sharing it with others. And that went and pressed painfully on my loss.

I don’t like transitions. I never have. They’re always stressful. The added understanding I have about certain specificities of how I function, since diagnosis, have helped me make sense of this. There’s maybe a little personal history in there too, but mainly, I just think that context changes are hard for me. I know it’s often hard for people to understand how I can react and perform well in a crisis (talk about a change in context) but simply taking myself from home-in-my-flat to home-in-the-chalet can be complicated. But that’s how it is. And India-to-Switzerland is definitely a major transition, loaded with history af good-byes with no certainty about the future.

One thing India has maybe also brought me that I struggle to find here is a different pace of life, a different sense of time. In my life here, I find it difficult to slow down. Even when I try to slow down, I’m still running around, still putting myself under a lot of pressure to do a lot of things (desired and less desired). In India, there is more waiting, there is more lateness, there is more unexpected that makes planning complicated (so you do it less), things take more time. At least, that’s what I experience. In India, I get a lot of downtime. Now, is it India or is it holidays? The two are linked, anyway. Leaving India behind when I return from a trip is also leaving behind a certain taste of life that I need more of here, but so often fail to achieve.

My body is slowly drifting back to Switzerland. I didn’t get up too early this morning, and as I write, the clock is ticking and it’s going to be time to get ready for work. I’ll leave these words here, and thank you for reading – and thank this trip to India for reconnecting me to my blogging keyboard again.

La fin en vue [en]

On sait tous comment c’est. Le début des vacances, les jours s’étirent et le temps ralentit. Et soudain, on se retrouve presque à la veille de rentrer, un peu désorienté et dépaysé, à se demander si le monde normal de “à la maison” existe vraiment.

Demain, je rentre à Sonipat. Une nuit et un jour là-bas, puis direction Delhi pour prendre mon avion au milieu de la nuit, très tôt dimanche matin. Cela fait bien une semaine que je ne sais plus quel jour on est. On est jeudi, mais ça ne veut plus rien dire.

Juliette Armanet chante “c’est la fin” en boucle dans ma tête. Je pense à toutes les choses que je n’aurais pas faites durant mon séjour, tous ces possibles qui ne se sont pas réalisés, je m’exerce à “lâcher”. Des choses que je pensais ramener, bijoux, tissus, et autres peut-être, pour lesquels il me semble maintenant déraisonnable de fournir l’effort, au risque de regretter plus tard, de me dire “j’étais là, j’aurais quand même dû profiter”. Les habits que je voulais acheter avant-hier (ou était-ce hier?) et que j’ai remis au rayon car les cabines d’essayage n’avaient pas de lumière (nuit noire) et que ma capacité à communiquer avec le personnel du magasin n’a pas suffi à les faire marcher, ou apparaître, et après avoir attendu et attendu j’ai cru comprendre qu’à midi il y aurait la lumière, et je n’allais pas attendre là une heure dans ce magasin-fournaise alors que mon idée initiale était de rentrer dans le magasin, trouver 2-3 trucs, essayer, acheter, rentrer. J’accepte relativement bien tout ça.

Mais c’est la fin. Je ne l’ai pas vu venir. On est jeudi soir, dimanche matin je suis de retour à Lausanne, quelques heures de décalage horaire perdues en l’air entre Delhi et Zurich.

Me suis-je assez reposée? Ai-je assez récupéré? Y a-t-il un bilan à ces vacances qui ont démarré par un changement d’aiguillage assez brutal? Ai-je fait ce qu’il fallait? Vais-je revenir dans ce coin du monde un jour, ou est-ce que je quitte à tout jamais le Rajasthan, cette ville, ces gens? Vais-je réussir à ramener dans ma vie en Suisse un peu de ralentissement, de sérénité, d’équilibre? Non pas que j’idéalise mon temps ici, je ne veux pas croire ou faire croire que j’ai trouvé la paix et la sérénité ou un rythme de vie que je pense transposable en Suisse dans une vie professionnelle active, mais j’ai pu reprendre contact avec un certain goût du temps qui passe, du faire, de l’être, qui m’ont un peu manqué ces dernières années dans ma vie, et je rentre avec l’espoir de réussir à me servir un peu dans cette petite boîte à épices indienne que représente cette dizaine de jours à Nawalgarh, et aussi la crainte d’échouer complètement à cela.

Les phrases longues c’est pour vous montrer comment c’est dans ma tête.

J’ai peur d’arriver à la fin, alors que je suis déjà sur le seuil. La fin, comme la fin de la vie, c’est clore, c’est dire adieu à tous les potentiels, à tous les possibles. Quand on meurt, la somme de notre vie est faite. Elle est entière. Elle est comme elle est, ou plutôt a été. Il n’y a plus de marge de manoeuvre pour changer, pour être autre chose, faire autre chose, surprendre ou se surprendre, décevoir ou être déçu.

Loin de moi l’idée de mettre sur le même plan deux semaines de vacances et une vie qui s’achève, mais le mécanisme de clôture est là aussi. Tant que les vacances sont encore en cours, leur sens n’est pas complet. Elles peuvent encore apporter ceci ou cela, donner l’opportunité de faire, d’observer ou d’accomplir – de mettre du sens dans cette parenthèse au milieu de la vie ordinaire. Une fois que c’est fini, une fois dans l’avion du retour, l’histoire est écrite, la pièce est jouée, ce qui est fait est fait et ce qui n’est pas fait n’est pas fait. On peut tirer un bilan. On n’est plus dedans, on est dehors, à chercher à faire sens, peut-être, mais ça ce n’est plus du vivre, c’est de l’analyse, du commentaire, de l’interprétation, du discours sur. Un voyage qui se termine, c’est un espace qui se ferme. Un délai avant lequel il reste encore un peu de temps pour quelque chose, qui réveille désagréablement en moi ce sentiment d’urgence de vivre dont je parlais hier.

Comment faire, pour vivre ce jour qui vient comme s’il pouvait être suivi de tant d’autres, alors que je sais pertinemment que c’est le dernier? Aujourd’hui, alors que j’étais couchée sous mon ventilateur entre un repas et une sieste, j’écoutais un épisode du podcast The Pulse: How We Talk About Death. Il y a une histoire qui me prend à rebrousse-poil, mais qui me fascine aussi, parce que ça va tellement à l’encontre de mes croyances sur le monde que je me demande si je ne suis pas en train de rater quelque chose. Ce couple, dont l’un des deux est HIV+, qui se rencontrent dans les années 90, et vivent ensemble 30 ans sans jamais avoir les fameuses discussions sur la mort qui est à l’horizon, restant sciemment dans le déni en quelque sorte, et malgré les alertes, les hospitalisations, les “ça n’a pas passé loin”, continuent à vivre comme si cette épée de Damoclès n’était pas là – une formule qui leur a fort bien réussi, semble-t-il.

Alors, en continuant avec mon parallèle douteux entre les vacances et la vie, la fin du voyage et la mort, est-ce que j’arrive à vivre demain matin comme si je ne rentrais pas? A ne pas voir ce mur dans le temps devant moi, à me balader en ville comme si je pouvais y revenir demain? Est-ce souhaitable? Qu’est-ce qui me retient?

Je ne sais pas.

Avoir le temps [en]

J’ai toujours vécu avec un sentiment d’urgence vitale. Littéralement. Il y a tant de choses que je souhaite faire (hyperactivité, allô) et nous ne sommes pas éternels (j’ai appris jeune que chacun pouvait mourir demain). Il y a en moi une énorme pression interne à “profiter de la vie”, “faire”, accomplir des choses afin que ma vie ait un sens. Un sentiment de “pas assez de temps”, qui se manifeste également par une absence d’envie de dormir, une activité que j’ai tendance à percevoir comme du “temps perdu”.

Tout ceci est pas mal pourri, évidemment, et certainement le résultat de la combinaison entre TDAH et parcours de vie. Maintenant, j’ai quand même du recul par rapport à ça, et il y a eu du changement depuis que je suis sous traitement. J’aime beaucoup plus mes nuits, par exemple, et comme j’arrive effectivement à “faire” plus, je me sens beaucoup mieux par rapport à ma vie. Mon angoisse existentielle a également largement disparu. Auparavant, j’avais déjà compris que cette pression à faire et profiter me paralysait, et m’empêchait ironiquement de “profiter” de ma vie. Pourri, je vous ai dit.

Il y a quelques mois, mon chef m’a posé une question dont la réponse était évidente pour moi, mais qui m’a permis de vraiment expliciter un aspect de mon fonctionnement. Il m’a demandé si, dans une situation où j’avais du mal à avancer sur une tâche, un peu de pression supplémentaire m’aidait ou non. Clairement, cri du coeur, la réponse est non. En fait je me mets déjà une énorme pression interne pour à peu près tout (y’a quelque chose à écrire là au sujet du perfectionnisme et de ses manifestations), et comme dit plus haut, plus le stress grimpe, plus la pression augmente, plus je culpabilise de ne pas faire (“assez” – et je vous laisse imaginer à quelle hauteur est la barre) et moins j’arrive à faire. Typique des mécanismes de procrastination, typique TDAH.

Là où je suis le plus capable de produire, c’est quand il n’y a pas de pression (“il faut faire”) mais de la motivation interne (“j’ai envie” ou “c’est important”). Cette motivation interne, c’est une sorte de cri du coeur (“impulsivité/impulsion” si on veut un vocabulaire un peu plus scientifique) qu’il m’est difficile de commander. C’est là où c’est pas là. C’est “on” ou “off“. Qu’est-ce que j’aimerais en avoir la clé! A nouveau, avec mon traitement c’est plus nuancé, et c’est plus facile qu’avant d’accomplir des choses pour lesquelles je n’ai pas une grande motivation. Je suis moins susceptible d’être embarquée par mes élans à des moments moins opportuns, aussi. Je peux résister.

Un domaine où je vois ça très fortement à l’oeuvre, c’est dans la création de vidéos et de documentation pour la communauté Diabète Félin. Si l’élan est là, hop, je fais une vidéo ou je passe 3 heures à écrire, et c’est fait. Mais si l’élan n’est pas là, j’ai beau me rappeler que cette tâche est importante pour un projet global qui me tient à coeur, ça ne prend pas. Idem pour l’écriture. Les rares fois où j’ai écrit dans le cadre d’un mandat où il fallait produire, c’était vraiment pénible. Par contre, quand j’ai une idée pour un article, hop, j’écris, et voilà.

Comme mon chef l’a très bien résumé: le management par objectifs, c’est pas trop pour moi. Ce qui peut être difficile à comprendre, toutefois, c’est que si les objectifs et la pression ont tendance à me “casser”, je fonctionne plutôt bien face à une bonne situation de crise (mais une vraie, pas une fabriquée: l’importance et l’urgence doivent être une évidence).

Depuis quelques années, j’écris moins. D’une part, depuis que je ne suis plus indépendante, je me suis retrouvée avec la priorité soit du travail pour un employeur, soit de la recherche d’emploi. Et pré-diagnostic, il faut bien l’avouer, je n’allais pas super bien. Depuis mon diagnostic, aussi (ou peut-être même avant? c’est dur de s’y retrouver dans les années qui passent), je ressens moins le besoin d’écrire. J’ai beaucoup écrit pour me comprendre, comprendre le monde, digérer des émotions. J’ai beaucoup écrit car ça bouillonnait à l’intérieur et j’avais besoin de poser quelque part une information qui me tenait à coeur ou une prise de position. J’ai moins ça, maintenant. Une part le traitement, mais une autre part, déjà là je pense, simplement l’âge et peut-être un peu de sagesse et de maturité qui vient avec. J’ai bientôt le double de l’âge que j’avais quand j’ai ouvert ce blog. Plus du double de quand j’ai démarré ce site.

Mais aussi, je réalise de plus en plus, parce que pour écrire (et faire certaines autres choses que j’aime), j’ai besoin d’avoir le temps. J’ai besoin d’avoir du temps ouvert devant moi. J’ai besoin de ne pas sentir le poids des choses à faire, de ne pas avoir un temps limité à disposition. Je suis sûre que pour certains d’entre vous, ça semble complètement anodin de réaliser ça. La réalisation c’est une chose, réussir à en faire quelque chose, à mettre en pratique, c’en est une autre. Comment, dans mon quotidien surchargé (pas que d’obligations, aussi de choses que j’ai choisies et que j’aime), est-ce que je m’octroie suffisamment de temps ouvert pour qu’émerge l’élan de vouloir? Parce que voici quelque chose qui ne marche pas: me dire, allez, cet après-midi je ne m’oblige à rien, donc je vais pouvoir prendre le temps d’écrire, ou alors de lire, ou alors de trier mes photos… Ça ne suffit pas.

Ici, en Inde, en vacances, voilà que je retrouve ça. L’Inde est un pays rempli de temps morts, de chaleur qui cloue sur le lit sous le ventilo, de digestion capricieuse qui oblige à rien faire, d’imprévus et d’annulations, de moments dans la journée où tout s’arrête, soi-même y compris. Ce n’est pas pour rien que j’ai énormément écrit et lu en Inde. Les vacances, c’est bien aussi. On est hors du quotidien, on laisse nous soucis derrière nous, pour autant que les vacances soient assez longues et qu’elles comportent assez d’espace pour se laisser vivre.

Je suis ici depuis 10 jours. Dix jours, un début chaotique avec des projets de vacances annulés dans des circonstances difficiles, un changement radical de programme, et là une semaine, à une demi-heure près, que j’ai posé mes valises à Apani Dhani au Rajasthan. Durant mon trajet en voiture depuis le Nord de Delhi, je me suis dit “ah! je vais pouvoir écrire!” et j’ai même enregistré 45 minutes de notes sur le début de mon voyage, à défaut de pouvoir directement sortir mon ordinateur dans la voiture pour me mettre à taper. Au final, ce n’est qu’avant-hier que l’élan d’écrire est arrivé, après quelques premiers jours un peu trop actifs et un ralentissement soudain imposé par mon système digestif (rien de grave… juste le truc qui assomme et fait rester allongé sous le ventilo en attendant que ça passe…).

Quelle est la recette? Quelles sont les “conditions-cadre” (si vous avez bossé en Suisse allemande vous apprécierez la référence) pour que j’aie envie d’écrire, et écrive? Est-ce réalisable avec moins de deux semaines à disposition, en Suisse ou quelque part de plus proche? Pourquoi est-ce que des fois ça vient, des fois pas?

Une autre chose pour laquelle j’ai pu apprécier de prendre du temps c’est de trier et retoucher les photos que je suis en train de prendre ici. Comme j’avais “tout le temps du monde”, j’en ai aussi profité pour apprendre à utiliser certaines fonctions de Lightroom que je ne connaissais pas (il y en a tellement). Qu’est-ce que c’était agréable de pouvoir trainouiller à essayer des choses, sans la culpabilité d’avoir le sentiment que je “perds mon temps”!

Of Brains and Drugs [en]

India offers time to slow down, specially when your gut is unhappy. I might also have overdone it when it comes to activities – so I’ve been taking it slow these last two days and catching up on my podcasts, lying on my bed under the fan.

I’ve just listened to the episode “Why’d I take speed for twenty years?” by PJ Vogt (who used to do Reply All, and before that TL;DR). It’s about ADHD medication, its history, and PJ’s history with it. It was a slightly unsettling listen for me, given my history. There is a second part coming up, which maybe will tell a story closer to mine. I’m looking forward to hearing it.

In the meantime, here are some thoughts. Clearly the contexts in which PJ and I live are very different, regarding ADHD diagnosis and medication. The US clearly seems to have an overdiagnosis problem, and is generally very pill-happy with anything that has to do with mental health. Just take the pill and off you go. At least, that’s how I perceive it, seen from Switzerland – where ADHD is sorely underdiagnosed and even when it is, getting medication is far from easy.

PJ tells how after 20 years of taking various ADHD meds (+ antidepressants), since he was a teenager, he went off meds following the advice of his new psychiatrist to see how things would go, and figure out what was necessary. He’s still off them (a couple of years later, if my memory hasn’t been digested by my microbiome). And he has had a chance to discover – and like – the way his brain functions without. The podcast also walks us through the early years and decades of amphetamine and the search for a condition it could be the answer to. Initially an attempt at managing asthma, it turned out to not be great at it. So, there is this underlying idea of drugs looking for illnesses. In the early seventies, amphetamine (+ methylphenidate) became tightly regulated and stopped being authorised to treat depression. And that’s when ADHD diagnoses started to become more common, increasing dramatically over the next decades.

Now, nobody here is saying ADHD isn’t a real thing. However – and this is an issue I’m acutely aware of – it is a clinical diagnosis. It means that how you perform on this or that test does not determine if you have ADHD or not. What counts is the impact it has on your life. Does it prevent you from functioning, and to what extent.

PJ tells us he initially went through a series of psychometric tests, and it turns out he was below the threshold for the number of criteria required for a diagnosis (he discovered this whilst fact-checking the episode and reading through his initial medical report for the first time as an adult). One should note that diagnostic criteria evolve with time – those in the DSM-5 do not exactly match those in the DSM-IV. This means that “having ADHD” or not does contain an element of arbitrariness and subjectivity to it. Also, as it has to do with the capacity to function, one person could exhibit sufficient ADHD traits in one context, and not in another. It is not like the influenza or covid, where you “have it” or “don’t have it”.

It’s more like hearing loss, where there is a continuum starting with normalcy, and somewhere there is a cut-off point where the inability to function in the subjects life requires outside measures to compensate. I really like the parallel with hearing loss, as this is an issue I also have to deal with. Let’s dive in there.

I was born with hearing loss. I was born with ADHD. In both cases, they are not severe. I functioned for 13 years before knowing I had hearing loss, for 38 years with hearing aids, and for 47 years without knowing I had ADHD, and without medication.

As far as my hearing loss is concerned, if I live a life made up mainly of one-on-one interactions, with people who do not speak too quietly, if I don’t have to follow too many discussions with multiple people (particularly in noisy places or places with bad acoustics), if people around me take the trouble of coming up to me to speak instead of trying to communicating from the other room, and if my pace of life is mellow enough that I can recuperate from the extra effort I make in many social situations, I can live without hearing aids. And maybe, even, without “hearing loss”. When I am alone at home, my hearing loss doesn’t have much impact on my life. But I need to work, I want to have a social life, I want to have easy interactions with strangers and be able to communicate with soft-spoken people. At one point I was tired of struggling with all that, and took the plunge to get myself fitted with hearing aids. I have never looked back.

As for ADHD, maybe there is a life configuration for me somewhere in an alternate universe where it doesn’t have an impact on my life. Maybe a life where I don’t live alone, don’t have to work – or only when I feel like it, am free to fill my days with exciting things, have support for dealing with housekeeping, admin, troublesome emotions. And in a way, there have been times in my life where my life was rather well-adjusted to how I function – when I was self-employed, for example. Without really realising to what extent, I had built a career for myself which made excellent use of the particularities of the way my brain works. But as with living with hearing loss without hearing aids, it also came at a cost: missed opportunities, extra unrecognised efforts for the same accomplishments, and yes, pain, isolation and exhaustion.

I’m going through this because there is some vision of disability that leans towards “there is no disability, it’s just that we live in a world which is not adapted to our needs, abilities, or specific ways of functioning”. It comes in different shades and intensities, of course, but from my point of view, although obviously we must strive towards inclusion, it is normal that society is built to function with the “normal” in mind. It is normal that people expect me to hear when they are talking from the other room, because that is what works with the overwhelming majority of people to interact with. It is normal that people expect others to be able to be roughly on time at a meeting, because most people are able to. It is normal to write text in size 10 to 12, because most people are capable of reading at that size. Again: I’m not arguing we should not be inclusive, but I do think that there are objective differences in individuals’ ability to participate “normally” in the world we live in, and that it does nobody service to negate disability with ideas like “you shouldn’t have to take meds to be able to work and manage your household, society should adapt to you”.

Anyway. ADHD is a real thing. It’s not a black-or-white thing, but it is a neurodevelopmental disorder, it has a basis in physiology, and it can be more or less severe, and for similar “objective” severity, it can create big problems in one individual’s life and hardly any in another. I am saying this because when the discussion turns to ADHD and medication, or other neuropsychological or psychiatric conditions, there is always somebody to say that you should eat less sugar, do more yoga, tell society to go f*** itself, give yourself a kick in the pants, try harder, and also, taking meds long-term can’t be good for you.

That being said, what I really want to write about is how disturbing it is when you realise that taking a pill can change your life. Because that is what happened to me. I only have a couple of years of hindsight (who knows, maybe I started taking my pills when PJ stopped taking his), but the change is shocking for me. I went through years (approaching decades) of therapy way before I suspected I might have ADHD. I figured out a lot of stuff, sorted through it, grew a lot, came up with an impressive amount of what I now understand are coping strategies for ADHD. But my life was still collapsing. And taking a pill changed it pretty much overnight.

Five years ago, I experienced the real shock of understanding how much chemistry could transform what we think of as psychological. I had rather nasty vitamin D deficiency. After a couple of weeks of supplementation, my mood had lifted, I had stopped feeling tired and down all the time, life seemed to make sense once again. Because of a vitamin. A few years later a colleague told me how vitamin B deficiency had made her suicidal before they understood what was going on with her. We like to think that the mind conquers the body, but as an upset stomach in India can remind you, it’s more often the other way around.

Twenty years ago I was dead against taking any kind of psychoactive medication. Life put me face to the wall a couple of times and I revised my position. I still think drugs should come with therapy or counselling. Just like when you take antibiotics for an infection you’re also going to rest, if you’re on blood pressure medication you are also going to do what you can with your lifestyle to not make it worse, and if you need glasses or hearing aids you also learn to do things like sit in the front of the class, pick a quiet restaurant if you’re going to have an important conversation, and take care to preserve your eyesight or hearing.

I see two important reasons which, for me, explain why there is so much negativity around taking medication for psychological issues. First, our culture does think mind and body, spirit and physical, as separate. Taking medications that help your brain do its work better, and have an impact on what we think of as “me”, well, that kind of negates this separation of mind and matter. So it’s uncomfortable.

Second, we know enough about the placebo effect to be wary of it, but not enough about it to really understand what it does and how it works (to say nothing about how it is a key element of a double-blind randomised clinical trial). So, the assumption is “it’s all in your head”, right, you’re feeling better because you took a pill that you think is going to make you better. Improvement of psychological symptoms is not as simple to measure objectively as an infection or fever disappearing.

What makes it worse is that after some time, one gets used to the “new normal” with the medication. I have no temptation to stop my blood pressure medication because my blood pressure is well-controlled and I start to wonder if the medication is actually doing something. But life with ADHD meds, yeah, it feels all normal now, and sometimes the doubt creeps in. Do I really need these meds as much as I think I do? Was it really that bad “before”? I recognise that doubt for what it is – it happens with my hearing aids too. It’s super easy to check, however. I just have to try and go to work one day without my hearing aids and I’ll see how bad it is. Nobody will say “you’re struggling because you know you’re not wearing your hearing aids”. If I do the same thing with my medication, of course that will be the obvious assumption: it’s in your head.

For what it’s worth, I once went to a concert with people from my singing group without my hearing aids. Completely forgot them. And didn’t know I’d forgotten them. As we were waiting to go in, and I had a few exchanges with the people there, I couldn’t help but gradually notice how bad and muffled the acoustics in the hall were. I really had trouble understanding what people were saying to me. I thought it was the room. I only realised it was the absence of hearing aids when I reached up to press the button that allows me to increase the volume.

This has happened to me a bunch of times with my ADHD meds. Every now and again (rarely) I’ll forget to take them. (Scoop for people lamenting about these “horrible addictive meds”: people with ADHD regularly forget to take them… draw the conclusions.) I find myself faffing around, or having a really hard time getting something done at work or at home, and after an hour or so it slowly dawns on me… wait… did I take my meds?

Of course I wonder if I “lost” anything in the process of going “on medication”. I can clearly see what I gained. I’m happier, I’m able to do things, my mood is more stable, emotions are more manageable, my friends tell me I’m less scattered, I’m tired in the evening and actually want to go to sleep, I’m functional in the morning. I’m making plans for the future. But have I left anything behind? When you lose your hearing, what you don’t hear doesn’t exist. You don’t know that you’re not hearing the things you don’t hear. So, do I know what I left behind, if anything, with medication? Will I be like PJ in ten years, going off meds and rediscovering aspects of myself I had forgotten existed? Right now I’m happy with how things are, and have no objective reason to be concerned. But my mind wanders around and goes places, by curiosity, and this is one of them.

I’m looking forward to listening to the next episode.

Projets rando 2024 [en]

Depuis l’année dernière je fais des projets. J’organise les choses que j’aime faire. J’ai une liste des randonnées que je souhaite faire, et je bloque des dates dans mon agenda pour ça. Banal? Nouveau pour moi.

Et là, on va un cran plus loin, parce qu’avec un emploi stable, je peux même planifier mes vacances!

L’ascension du Kilimandjaro, ça peut faire rêver, mais comme je suis pas prête je vais me contenter de faire le Tour du Mont Blanc. Avec une copine, on s’est dit un peu comme ça “allez, en 2025!” Défi lancé. (Si ça te fait rêver dis-moi, on s’est dit qu’on pouvait y aller à 4-5 si on avait des copains-copines qui voulaient se joindre à l’aventure.)

Actuellement, je fais des randonnées sur une journée, avec pas trop de dénivelé (1000m c’est déjà “pas mal” pour moi). Les deux cabanes que j’avais prévues cette année sont malheureusement tombées à l’eau pour des raisons indépendantes de la volonté de tous les acteurs impliqués: La cabane de Plan Névé (objectif Col des Chamois, dont le nom me fait rêver depuis des années) et la cabane des Marindes (Vanil Noir). La fin de saison approche, donc il va falloir réagender ça pour 2024. Parce qu’en 2024, il faudra effectivement que je m’habitue à aligner des jours.

Projets, donc:

…En plus de mes envies déjà en place d’aller voir un max de glaciers tant qu’ils sont encore là, de mettre le pied sur des chemins blanc-bleu, et de profiter des occasions qui se présentent spontanément à droite et à gauche. Il va falloir réserver des plages dans le calendrier.

Cette année je me suis remise à la via ferrata. Enfin remise… j’en avais faite une, il y a quinze ans. J’avais adoré. Quand l’occasion s’est présentée cette année, je n’ai pas hésité! L’année prochaine, j’achète le matériel et je continue sur ma lancée.

Un autre projet pour 2024 c’est d’aller faire le Dales Way (récit et photos pour rêver). C’est une randonnée “douce” d’une semaine environ dans le nord de l’Angleterre, là où j’ai mes racines britanniques. C’est magnifique. J’avais envie d’aller cette année mais j’ai finalement changé de plan. Et là, je me dis que ce sera une bonne façon de marquer mon demi-siècle (si, si, amis et famille: save the date du dimanche 7.7.2024, je vais faire “un truc”), et d’aller faire ça la deuxième ou (plutôt) troisième semaine de juillet.

Et vous, vos plans rando, c’est quoi? Ou si c’est pas la rando, votre truc en plain air dans la nature, c’est quoi?

It’s Already September [en]

Started writing 05.09.2023

Reading Mark’s recent post prompted me to open up WordPress and type something.

My stepmom Monique died two weeks ago. She had been my dad’s wife for the last 20+ years and a person I really cherished. It was sudden, although she had been ill for years, but stable. In the space of a week we went from “coming home from this hospital stay tomorrow” to “it’s the end”. Although I know there is no right or wrong way in grief, I do not feel like I’m dealing well. I do not want this new world without her.

I had recently found increased confidence and stability at work, after my holidays, constructive discussions with my boss that eased some of the pressure I was putting on myself, and some tweaks and adjustments to my self-organisation. I struggle all the more with accepting that I need to cut myself some slack. I’m taking the measure of how much I pressure myself to perform well – even though intellectually I do not feel like I’m giving in to it, emotionally it is still there.

Over the years, I’ve often dealt with grief by writing through it. But this grief is not just mine. I mean, I am not alone in having to deal with Monique’s death. And this makes things more complicated. I plan to post a written version of what I said at her ceremony at some point, however. But I feel stuck, in many ways,

So stuck I abandoned this post for a week. Picking it up again after stumbling on this post by Annette.

It’s Monday afternoon. Doctor’s orders, these last three weeks I’ve been partly off work. Though I struggle with accepting that, as mentioned above, I can feel it was (is) needed. I’m slowly starting to feel somewhat “normal” when it comes to dealing with daily life, and a bit of (easy) work.

But I don’t have any bumpers, extra bandwidth, suspension, or whatever other image might work to express that minor complications of life see me on the verge of “OMG I can’t deal with this”. I’ve not only lifted my foot of the gas regarding work, but regarding pretty much everything that requires an effort on my part, to give myself space to recover. I’m “OK”, but not my usual OK. My bike fell down this morning (clumsiness) and the onboard computer wasn’t working anymore when I put it in place. I didn’t melt down, but the idea of having to deal with bike repairs (maybe a day or so without my primary means of transport) filled me with dread and despair. Luckily it was “nothing” and a quick stop at the repair shop solved it. It’s just an example. Life is full of such “little-big problems”, and usually one groans and deals with it. In my case, today, I was happy I didn’t end up crying in front of my bike when it wouldn’t start up.

Back to grief. I’m past the “burst into tears at bad moments” days. But I’m still in this weird space where I’m living as if Monique’s death is a bad situation that is going to resolve itself. Like, it’s temporary. Of course I know death is very, very much not temporary, but I seem to have trouble truly convincing myself. I feel like I’m on hold, in some no-man’s-land between shock and a deluge of emotions I really don’t want to have to face. All this is bringing back a whole lot more than “just” my mother’s death, which is the obvious parallel to draw. Details maybe some other time, or not. We’ll see how I process all this.

So, here are a few things I could be writing about but don’t really have the energy for right now. If you’re curious, ask me, and it might give me the impulse to continue, who knows. I could write about the two-week hypnotherapy introduction course I took this summer, and what a life-changing experience it was. I could write about how much time I’m spending at the chalet, and all the hikes I’ve been on, including a recent via ferrata. I could write about being back on track with judo, losing 10kg last year (on purpose) and how happy my (otherwise unhappy) knees are about it. I could write about singing, about making difficult but much-needed decisions, about using Asana, about balancing the need to follow impulses and stick with the programme, about the new boat and taking it out alone for the first time today, about Oscar and managing a support community for diabetic cats, about navigating a multilingual work environment which sends me back to topics I spent a lot of time thinking about back in 2007-8, when I did what I call (in my personal biography) my “Babel Fish Conference Tour”, I could share some poetry and write some more, or write about trying to get a coworking space back off the ground in 2023 while working in another city, even tell you more about how I’m making sense of the story of my life right now (thanks As’trame).

I feel bad about not writing about all this. Frustrated, because I like writing, and sharing, but also guilty-bad because in a complicated way it also has to do with all these things I feel I have to “do for others”. Because I’m good at them. And, again in a complicated way I might try to explain someday, but that maybe some of you will understand immediately, it has to do with the meaning of life. The meaning of my life. And of life in general. Especially when the biological “meaning” of life (to perpetuate itself) is absent from yours.

So here we are, early September coloured by death and multilayered sadness and pain and fear, from the simple grief of having lost somebody I loved to the meaning of life, sitting on my balcony with my cat, trying to keep pressure and others out of the equation of my life for a little moment more.

I’m off to judo.

“I Will Adapt” [en]

A few years ago (don’t ask me exactly when), I started watching Star Trek as my “goodnight” TV series. I chose it because it was entertaining enough but not so fascinating that I would stay up watching episode after episode. Well, that worked out pretty well for TOS and the early seasons of TNG, and completely broke down with DS9 (do watch, if you haven’t yet). But still, by that time, I’d gotten better at “just saying no” to “just another episode”. I’m currently making my way through Voyager and am hugely enjoying the developing character of Seven of Nine.

Hence the title for this blog post: “I will adapt”, which I have heard her say many times these last days.

What will I adapt to?

For the first time in my life, I feel like I have a hold on my future, instead of being swept this way and that by the whims of life. Two major life changes explain this:

  • ADHD diagnosis and treatment – seriously, this is like finally getting admin rights to the operating system my life
  • a stable (employed) job for the foreseeable future – something I haven’t had in a very long time, between self-employment, short-term “this’ll do for the time being” positions, and unemployment.

I’ll probably get more into this in a future post, but one of the effects of ADHD for me is that I was caught in a “permanent present”, slave to immediate gratification and impulses. I definitely harnessed this way of functioning to make the most of it. I built a 10+ year freelance career out of it, a huge network, knowledge, expertise and skills in all sorts of fields, and more. I have been (am) an expert at seizing the opportunities that present themselves. Having a long-term objective and doing things to reach it was, however, pretty much impossible. Short-term planning, yes. Project management, yes – because I have to “project manage” pretty much everything I want to do. So my career went where the winds took me, and my personal life and ambitions lacked a sense of direction – though I always did know what I found interesting and what I didn’t.

This means that now, concretely, I am in a situation where not only do I have a pretty clear vision of what available time I have “for myself”, but making plans for these moments is a lot less daunting. I have 5 weeks of holidays this year: I’ve put them down in the calendar, and thinking about what I want to do/where I want to go for each of them does not fill me with dread. This kind of exercise used to.

I have week-ends, too, and the ability to make plans for them. This week-end I’m at the chalet. Next week-end I’ve saved a day for a hike. I write these things down in my calendar and I follow through, with way less effort than it used to take.

That is the positive change I’m adapting to. Being able to make plans. Even for next year! I’ve been wanting to go to Thailand for a long time, and now, between the job stability and my new-found ability to project myself in future activities, I can say things like “hmm, in 2024 I’m going to use two of my vacation weeks to go to Thailand”. For example.

The more difficult changes I’m adapting to is how “little” time I have outside of work. One of the aspects of my hyperactivity is that I am never short of ideas, projects, people to see or new things to discover. Previously, I had more available time, but my ability to actually use that time for things I wanted was impaired. Now, I am able to be much more productive with the time I have, but… there are a few buts.

First, I’m working four days a week, and work does tire me (surprise). So, I need to rest (another surprise). I have evening activities (judo, singing) 3-4 days a week. Does that already sound like a lot? I’m just getting started…

Basically, my “new life” is very clearly confronting me to the fact that I have to make choices and that I cannot do everything I would like to do. This is life, it isn’t news, of course, but for me, in my “old life”, this wasn’t so much of an issue. In a weird way, because I was pretty much always stuck taking what was in front of me, I didn’t have a clear view of how unrealistic my aspirations were. I was always failing, but also always doing-or-trying-to-do, and on the forefront was a state of constant frustration and overwhelm that I wasn’t managing to do where I really wanted. I was, generally, quite unhappy.

So, now I can see clearly: if I’m doing judo and singing four nights a week, and managing a very busy support community on Facebook, and trying to go to the chalet and ski in winter, hike and take the boat out in summer, in addition to working 80%, managing my household and admin obligations, and getting the rest I need… that doesn’t leave much time for keeping up with people I’m not otherwise seeing through shared activities.

RIP my social life.

This really sucks. I’ve always had a huge social life, lots of friends, and already before, too many lovely people I want to keep in touch with on a regular basis. But now it’s worse on a whole different level. I already struggle to keep to seeing my family from time to time.  But I have to accept that with the choices I’ve made and priorities I’ve set, I have less time to socialise and maintain friendships, less time to “hang out”, less time to dive into new exciting projects, less time for the unexpected.

I will adapt.

Life as an individual has its challenges, but despite all, it definitely beats being a Borg drone.

Regarder passer le monde [fr]

En anglais, on dit “watching the world go by”. J’aime beaucoup cette expression. Elle sent les vacances, le repos, la sérénité de celui ou celle qui peut se permettre de s’arrêter un moment, perdu dans ses pensées, regardant sans vraiment regarder ces instants de la vie des autres qui défilent devant soi.

J’ai fait ça aujourd’hui. Je suis allée au parc, me poser sur un banc. L’idée m’est venue après un repas sur le balcon d’une voisine, qui habite plusieurs étages au-dessus de moi. Depuis son balcon, on voit la vie du pâté d’immeubles, les gens qui vont et viennent, les voitures qui passent, s’arrêtent, repartent. Depuis le mien, j’ai plutôt une vision un peu myope de ce qui se passe juste sous mon nez, dominée par un grand arbre plein de feuilles.

Regarder passer le monde. Regarder défiler la vie. J’ai réalisé que j’avais peu d’opportunités de faire ça. L’oisiveté ne me vient pas facilement, et je me rends compte qu’il est important pour moi de cultiver des “temps morts”, pour me reposer, me ressourcer, récupérer.

Même quand je ne fais rien, quand je ne veux rien faire, je suis comme tractée vers l’action. La vie numérique dans mon téléphone, évidemment, mais aussi lire, écrire, photographier, documenter, observer attentivement, cogiter… Ça m’est arrivé, dans le parc. D’abord, j’ai éteint le podcast que j’écoutais en marchant. Après quelques minutes de rien, j’ai voulu enregistrer mes réflexions et impressions. J’ai pensé à quelque chose qui nécessitait l’envoi d’un message à une connaissance. J’ai fait un effort explicite pour ranger mon téléphone dans mon sac, et juste regarder autour de moi. J’ai eu rapidement envie de prendre mon carnet pour écrire. Je me suis retenue. J’ai regardé passer les gens et les pigeons, regardé les bateaux minuscules sur le lac, humé l’odeur de l’été, et laissé mon esprit vagabonder.

Je me suis dit qu’il fallait que je revienne. Que peut-être, une fois, je fasse le saut de venir sans téléphone, ni cahier, ni appareil photo. Ce n’est pas évident comme idée, surtout de venir sans appareil photo.

Ça s’est plutôt bien passé, en somme. J’ai pu apprécier d’être là et de ne rien faire. C’est assez étonnant pour moi, de pouvoir faire ça. Toute ma vie, j’ai été courbée sous le poids de cette longue liste de choses à faire que je n’arrivais pas à faire. Un poids coupable qui venait appuyer sur mes rares moments de répit, parce que je devrais plutôt d’abord faire ceci ou cela. Et me reposer ensuite. Mais je savais bien que je ne pouvais jamais en voir le bout, de cette liste de choses à faire. Je n’arrivais même pas à entamer le début.

Depuis six mois, tout a changé. Je “gère” enfin. La liste existe toujours, elle est toujours longue (et le sera certainement toujours, merci hyperactivité). Mais j’avance. Les choses importantes et urgentes sont faites. Et même plus. C’est sous contrôle. Je n’avance peut-être pas aussi vite que je voudrais, mais j’avance, je vois où je vais, et je sais qu’il n’y a pas d’horribles mauvaises surprises qui m’attendent au détour d’un chemin. J’arrive maintenant à prendre du temps pour moi, du temps de repos et de plaisir, sans mauvaise conscience. C’est une libération.

Mais voilà, je suis encore en train d’apprendre à faire ça. C’est nouveau. Malgré moi, je me retrouve souvent un peu automatiquement à faire. Et mon cerveau a besoin de passer plus de temps en mode par défaut, j’en ai conscience. Juste là, me poser sur un banc au parc semble être une bonne piste.

How Your Struggles Can Shape Your Strengths [en]

How come I am so good at setting priorities in a work context, or helping others sort through their priorities, when I can spend a whole Sunday faffing around because I can’t decide what I want to do the most?

When it comes to my personal interests, I struggle with setting priorities. There are so many things I would like to do! The world is so interesting! Which book do I want to start with? Will I write or work on my photography? Shall I spend time on refining the documentation for my existing support group, or dive into a new communications project on the margins of that community? I’m sure some of you can relate.

So, I tend to view myself, internally, as somebody who has trouble setting priorities. But that is not how others see me. They often see me as decisive, clear-headed, rapidly capable of teasing out what needs to be done first or what is most important.

How come?

As with many things in life, it is my personal struggles that have honed these skills. I have spent an immense amount of energy trying to figure out how to help myself decide if I would rather go for a walk on my free day or sort through my holiday photos (two activities I enjoy). I have come up with countless strategies to break down projects into manageable tasks, and determine what must be done before what. I have spent hours thinking through the consequences of doing or not doing, so that where to start would become clearer. Because if I do not take the trouble to do this, when I’m alone with myself and with few constraints, I tend to slip and slide.

So, I have had a lot of practice doing this, because it didn’t come naturally to me. I’ve had to think it through. I’ve had to devise methods. I’ve done it again and again and again.

Put me in an easier setting, like work or facing somebody else’s priorities: I have a huge toolbox, and I probably don’t even need to use all of it.

The very fact that I have a personal struggle with – in this example – setting priorities in my personal life means that I have developed strong skills in that area. Skills that are an asset in my professional life.

Think of a young man who has to carry a heavy load of rocks on his back everywhere he goes. He might struggle compared to his peers when they go hiking. He may actually stumble and risk falling more, he will be tired, he will be slow. But if he can put down the load of rocks to go and run an errand, he will be the quickest and the strongest of them all.

What superpowers do you have that were born from your personal struggles?