Des “mini-podcasts” à écouter [en]

Après l’introduction d’hier (enfin à l’heure de publication, c’est avant-hier), venons-en au menu principal: une collection de podcasts en série limitée, type documentaire en x épisodes, surtout en anglais (parce qu’il y en a moins en français, tout simplement). A écouter, bien sûr. Je ne les ai pas mis dans un ordre particulier, juste comme ça vient.

Mon corps électrique
Après un accident suite auquel il se retrouve tétraplégique, Arnaud prend part à une étude médicale dans l’espoir de retrouver un peu de mobilité dans son bras gauche. En même temps journaliste et sujet, il nous emmène avec lui au fil de sept épisodes pour nous questionner sur la médecine, le handicap, l’espoir, les limites, le deuil, le corps, la vie. (Voir aussi mon article Mais sérieux, le suivi psy?)

Soleil noir, autopsie d’une secte
Si vous avez mon âge ou plus, vous vous souvenez de l’Ordre du Temple Solaire. Ce podcast revient sur cette tragique histoire, en détail, et ce faisant, montre à quel point tout un chacun peut se retrouver victime d’emprise. Glaçant et fascinant.

Précipice
Sept épisodes. Sept vies qui basculent. On peut voir ce podcast somme un prélude stylistique à Mon corps électrique: l’épisode 7, c’est Arnaud.

No Easy Fix
Trois épisodes sur le sans-abrisme, l’addiction, et la réalité du parcours pour sortir de la rue à San Francisco.

Scripts
Ce podcast explore comment l’explication “physiologique” est devenue dominante aux USA pour la santé mentale, et ce que ça a eu comme impact sur le rapport qu’on a aux médicaments psychotropes. Egalement en trois épisodes.

The Missing Cryptoqueen
Dans le genre True Crime qui n’a rien à envier à un triller fictionnel: douze épisodes d’enquête sur une crypto-arnaque à grand échelle menée par une charismatique entrepreneuse qui finit par se volatiliser.

S-Town
J’ai écouté ce podcast il y a longtemps et je ne me souviens plus clairement du contenu. L’impression qu’il m’a fait, par contre, est bien clair. C’était prenant, intriguant, surprenant, et très bien raconté.

The Kids of Rutherford County
Quelque part aux USA, on met en taule des gosses aussi jeunes que 8 ans pour des bagarres de cour de récréation. Comment est-ce qu’on en est arrivé à ça? Et qu’est-ce qu’il a fallu pour sortir de cette dystopie?

The Preventionist
Amener son enfant à l’hôpital pour un commun accident domestique, une chute par exemple, et se retrouver non seulement accusé de maltraitance mais perdre la garde. Un cauchemar parental qui se répète année après année dans un coin de Pennsylvanie. Quand la protection de l’enfance finit par briser des familles innocentes et traumatiser ceux-là mêmes qu’elle est supposée protéger.

Un aparté, à ce stade: vous allez vous dire que je n’écoute que des trucs glauques et déprimants. C’est peut-être un peu vrai. Ce qui m’intéresse dans toutes ces histoires, c’est l’autopsie de systèmes qui dysfonctionnent. Comment les bonnes intentions créent-elles l’enfer institutionnalisé? Comment des personnes se retrouvent-elles prises dans des rôles où elles contribuent à rendre misérable la vie d’autrui? Que faut-il pour réparer nos systèmes défectueux, qu’ils soient politiques, médicaux, administratifs, sociaux, politiques, ou autre? Comment réussit-on (ou échoue-t-on) à réparer ce qui semble irrémédiablement cassé dans notre monde?

The Good Whale
Vous vous souvenez de “Sauvez Willy”? Derrière le film qui a ému les coeurs, il y a la vraie histoire, nettement plus compliquée, de Keiko – l’orque que l’on voit dans le film. Dans le genre enfer pavé de bonnes intentions, on est pas mal.

The Cat Drug Black Market (partie II, partie III)
La PIF est une maladie auparavant incurable chez le chat. C’est la maladie qui avait emporté Safran. Depuis quelques années, un traitement existe – efficace, mais disponible uniquement au marché noir. Des vétérinaires, mains liées par l’absence de traitement autorisé pour cette maladie sinon mortelle, se retrouvent à “suggérer” à leurs clients d’aller chercher de l’aide dans des groupes facebook. Ces trois épisodes retracent l’histoire de ce traitement, des communautés qui ont sauvé des milliers de chats, et de comment on s’est retrouvés dans cette situation abracadabrante.

Articles of Interest
Une mini-série sur les vêtements que l’on porte. Autant les questions vestimentaires m’intéressent peu, autant j’ai trouvé ces épisodes fascinants. Ce n’est pas étonnant, puisque cette série vient de 99% Invisible, un podcast qui a le don de rendre passionnants des sujets qui de prime abord peuvent paraître bien fades. AoI est par la suite devenu un podcast à part entière.

Master: The Allegations Against Neil Gaiman
Un auteur populaire et adoré est accusé d’abus sexuels par plusieurs femmes. Il nie en bloc. Une enquête dont j’ai apprécié la nuance, sur un sujet extrêmement inconfortable. (Je note juste là que Tortoise a d’autres séries d’investigation, je vais les mettre dans ma liste à écouter!)

Serial (saison 1)
Le podcast qui a lancé le genre, en 2014. Du True Crime pur et dur: Adnan Syed est derrière les barreaux depuis l’âge de 17 ans, accusé d’avoir tué Hae Min Lee, sa camarade de classe et ex-copine. Il clame son innocence, certains le croient, d’autres pas. La journaliste Sarah Koenig découvre que l’histoire est nettement plus compliquée que ce qu’il y paraît de prime abord.

Et ici je m’interromps à nouveau. Serial a lancé le genre, et continué. J’ai cité ci-dessus S-Town, The Kids of Rutherford County, The Preventionist, The Good Whale – tout ça, c’est Serial. Mais je découvre en faisant ce listing que suite au rachat de Serial par le New York Times, tout un tas d’épisodes de saisons passées sont maintenant réservées aux abonnés. Pas cool. Du coup, je vais bricoler un peu pour vous.

The Trojan Horse Affair
Le lien ci-dessus ne mène pas à la page officielle de ce podcast, mais au moins, il vous donne accès à tous les épisodes. Vous l’aurez deviné: une production Serial. On se rend cette fois à Birmingham, sur les traces d’un scandale qui a secoué l’Angleterre dix ans auparavant. Lettre anonyme, islamophobie et théorie du complot.

The Retrievals
Aussi une production Serial. Deux saisons difficiles à écouter sur la non prise en compte de la douleur des femmes dans le milieu médical. La première nous plonge dans une clinique de PMA où durant des années, une infirmière piquait dans le fentanyl utilisé comme antidouleur pour les patientes durant les interventions – le remplaçant avec une solution physiologique. Vous imaginez les conséquences pour les patientes, mais peut-être pas à quel point le monde médical est construit pour ignorer une femme qui dit qu’elle a mal. La deuxième saison porte sur les césariennes, et est plus porteuse d’espoir, car elle nous raconte comment une personne a pu mettre en route une véritable prise de conscience à l’intérieur de sa profession et faire bouger des pratiques médicales désuètes.

Dolly Parton’s America
En écoutant ce podcast, j’ai découvert la femme extraordinaire qu’est Dolly Parton. Je n’avais aucune idée. Et c’est possible que vous non plus.

Dead End: A New Jersey Political Murder Mystery
Le podcast a pris son envol et changé de nom, mais la première saison se penche sur le meurtre des Sheridan et les machinations politiques qui y sont liées.

The Making of Musk
En fait la 6e saison du podcast Understood, ces 4 épisodes nous racontent les origines biographiques et idéologiques d’Elon Musk. Eclairant.

The Disappearance of Nuseiba Hasan
Comme le podcast précédent, celui-ci est également une saison d’un podcast plus large. La troisième saison de Conviction, précisément. C’est chez Spotify, donc quasi impossible de faire un lien propre vers la saison, d’où le lien ci-dessus sur le premier épisode. Une enquête sur la disparition d’une femme que sa famille signale… des années après sa disparition.

Tiny Huge Decisions
Deux amis, Mohsin et Dalia. Ils sont les deux mariés. Elle a eu son premier enfant récemment. Lui souhaite également fonder une famille, avec son mari. Une discussion délicate, que l’on suit au fil des épisodes, où ils réfléchissent, ensemble et séparément, à une décision lourde de conséquences: va-t-elle lui proposer de porter son enfant? Ce podcast aborde avec finesse la question de la gestation pour autrui, mais pas que. Amitié, dialogue, religion, homosexualité, couple… la palette est large. Les protagonistes sont attachants, lucides, et courageux.

The Protocol
Une reportage en six parties sur la façon dont on approche la question de la transidentité chez les jeunes, enfants et ados, partant d’un protocole hollandais dont on suit l’application et l’interprétation outre-Atlantique. Un traitement très nuancé d’un sujet qui a tendance à polariser.

Pour terminer, deux recommandations un poil à part. Will Be Wild, d’abord, une enquête sur la genèse et la préparation de l’assaut du Capitole du 6 janvier. Malheureusement, l’intégralité des épisodes n’est plus disponible sans abonnement payant. Ensuite, les mini-séries de On The Media, podcast que j’écoute depuis des années. Au fil du temps ils ont produit des mini-séries sur tout un tas de sujets, allant de la pauvreté à l’histoire de la radio conservatrice. Ils en valent tous la peine.

Voilà, je crois que vous avez de quoi vous occuper avec tout ça!

Les podcasts et moi [en]

Les podcasts et moi c’est une longue, longue histoire. Pour la petite histoire, je connais personnellement (déjà à l’époque) une des personnes-clés impliquées dans l’invention de ce mode de distribution du contenu audio. Comme pour WordPress, Twitter ou Instagram, c’est marrant de voir ces médias ou plateformes qui sont si “grand public” aujourd’hui et de me souvenir du monde où ça n’existait pas, et de les avoir vu naître et grandir.

Ah, nostalgie… Les podcasts, j’ai donc découvert ça au fur et à mesure que ça s’est mis à exister, même si, visiblement, en 2005 je n’étais pas convaincue. En 2007 toutefois, après avoir tâtonné à quelques reprises avec la publication audio/vidéo sur mon blog, j’enregistre avec une amie une poignée d’épisodes: Fresh Lime Soda. Puis assez vite, je me suis mise à écouter énormément de podcasts. C’est encore le cas.

Le podcast, au début, c’était des enregistrements de gens qui parlaient. Je sais qu’un des premiers que j’écoutais, c’était This Week in Tech (TWiT). Je me souviens du choc que j’ai eu quand j’ai découvert Radiolab: c’était construit, monté, recherché – de véritables documentaires audio. Une révélation. Je pense que c’était en 2008 ou 2009. C’était en tous cas assez tôt pour que je me retrouve rapidement à avoir épuisé tout leur back catalog. En 2010, je rajoute un deuxième podcast à mes habitudes d’écoute: On The Media. Quelque part aux alentours de cette époque, je découvre dans un tout autre genre The Savage Lovecast (18+ je vous préviens). Puis c’est l’explosion de ma liste d’écoute, et je me retrouve rapidement à ne plus réussir à écouter tous les nouveaux épisodes des podcasts auxquels je suis abonnée à mesure qu’ils sortent.

Mon but aujourd’hui n’était en fait pas de plonger dans des réminiscences historiques, mais de vous donner une liste de recommandations de podcasts à écouter. En particulier, de podcasts “série limitée”, souvent des enquêtes ou des documentaires sur un sujet précis, qui font x épisodes et c’est tout. Le premier à avoir lancé le genre, à ma connaissance, c’était Serial. A la sortie de la première saison, en 2014, “tout le monde” en parlait. Le podcast est encore actif, et il vaut bien la peine d’écouter toutes les saisons.

Pendant très, très longtemps, je désespérais de trouver des podcasts en français dont la qualité, tant pour ce qui était du contenu et de la production, pouvait rivaliser avec les podcasts américains que j’avais l’habitude d’écouter. On m’en recommandait, mais la posture journalistique classique du narrateur soit entièrement absent, soit “objectif et neutre”, désincarné, ça me hérissait le poil.

J’ai fait des études en sciences humaines. La notion d’observation participante était centrale, on mangeait la phénoménologie au petit déj, et en plus de ça, je me suis construite toute jeune adulte déjà en tant que blogueuse.

Le blog, au-delà du format de publication, c’est une culture de la parole publique dans laquelle le “je” qui observe, expérimente et interprète le monde fait partie intégrante du discours qu’il produit. Sans lui, rien ne peut être pensé ou dit – il serait malhonnête de vouloir l’invisibiliser. Et même s’il peut vouloir tendre à une certaine objectivité, ce locuteur-narrateur colore inévitablement de son regard singulier tout ce qu’il a à dire. Rendre compte de cette subjectivité en lui donnant une place dans le texte produit, c’est au final offrir au lecteur plus de clés pour en traiter le contenu, pour l’interpréter.

Dans les podcasts que j’écoute, même quand il s’agit d’une enquête, il y a un “je” qui raconte, qui ne se cantonne pas à un rôle, mais qui ose être une personne. C’est notre proxy dans l’histoire, et l’histoire qu’il raconte est aussi son histoire, aux prises avec l’histoire qu’il veut nous raconter. Ça fait beaucoup d’histoires, pas toutes au même niveau.

Depuis quelques années, on commence enfin à voir ce type de posture dans des podcasts francophones, accompagnée d’une haute qualité de production. On a Meta de Choc (même si selon les sujets on retombe un peu dans “l’objectivité journalistique”) et Dingue, par exemple. Et plus récemment, de manière beaucoup plus marquée et avec un format “x épisodes pour couvrir un sujet”, Mon corps électrique.

Je salue cette évolution.

La liste de recommandations que j’avais l’intention de mettre à votre disposition ce soir, ce sera donc pour une autre fois, ma petite introduction s’étant transformée en longue digression prenant toute la place.

En attendant, vous pouvez vous pencher sur des recommandations d’écoute que j’ai faites par le passé, en fouinant dans les articles de ce blog tagués “podcast”. Bonne lecture, bonne écoute, et à bientôt!

Mais sérieux, le suivi psy? [en]

Depuis hier j’écoute, scotchée, le podcast “Mon corps électrique” d’Arnaud Robert. Ecoutez-le, vous ne regretterez pas. C’est du grand podcast, tant sur le fond que sur la forme, qui n’a rien à envier à mes “références” anglo-saxonnes. Chapeau.

Je dois réagir au sujet qui fait surface dans l’épisode 6 (mais commencez au début, hein, écoutez tout). L’accompagnement psychologique, ou plutôt, l’absence criante de celui-ci – à ce stade en tout cas du podcast. Et de ce que j’en ai compris, je précise bien. Si j’ai surinterprété, corrigez-moi.

Je suis estomaquée. Comment peut-on imaginer une seule minute qu’un entretien unique avec un psychiatre afin d’évaluer si un participant est suffisamment stable pour prendre part à une étude dont l’enjeu est de récupérer de la mobilité dans un membre paralysé puisse suffire en matière de prise en charge de l’aspect “santé mentale” d’une telle démarche? Comment peut-on imaginer laisser à des médecins le soin de l’accompagnement psychologique? Un médecin n’est pas un psychologue. Un psychiatre n’est pas un psychologue, ni nécessairement un psychothérapeute, tant qu’à faire. Traverser des mois et des mois, des heures par jour, au service de la science et dans l’espoir d’un miracle, si petit soit-il, comment peut-on imaginer laisser les personnes concernées gérer ça sans impliquer un ou des professionnels de la santé mentale?

Ça fait écho, chez moi, à deux choses.

La première, évidemment, c’est mon accident. Sans mesure de comparaison avec ce qui est arrivé à Arnaud, ne devant “que” me débattre avec un syndrome post-commotionnel, qui plus est avec un pronostic qui a toujours été celui de la récupération complète. Mais pendant tous ces longs mois depuis mi-mars, j’ai heureusement pu compter non seulement sur des séances hebdomadaires avec ma psychothérapeute (psychologue) – un suivi qui était déjà en place avant l’accident, mais qu’on songeait à espacer, des rencontres régulières avec mon psychiatre, dont on a doublé la fréquence par rapport à avant l’accident, et un coaching hebdomadaire spécialisé “commotion”, accompagnant le programme d’entrainement cognitif auquel m’avait adressé mon neurologue. Honnêtement, il a bien fallu tout ça pour m’aider à garder la tête hors de l’eau – et ça continue. Et avant d’avoir le suivi spécifique à ce que je traversais (le neurologue et le coaching), à savoir la récupération d’un syndrome post-commotionnel, malgré mes ressources, le fait que j’étais entourée, le soutien, les autres professionnels de la santé (médecins, physios…), je me sentais très désemparée et livrée à moi-même face à mes difficultés et peurs pour mon avenir.

Cet écho, pour dire: après un accident qui change la vie, que ce soit de façon très visible (Arnaud) ou très peu visible (moi), la santé mentale c’est d’office pas de la tarte. Et aussi, qu’un accompagnement psychologique, quel qu’en soit la qualité, n’en vaut pas un autre, et qu’il y a un sens à en avoir/fournir un spécifique à ce que la personne traverse (par exemple, il y a des psychologues spécialisés pour les personnes en attente de transplantation d’organe).

Le deuxième écho, plus parlant peut-être, c’est la PMA (procréation médicalement assistée). Là aussi, le corps/la personne “subit” le parcours médical, même si c’est voulu, choisi, désiré. Suite au suicide d’une amie cet été qui était justement dans ce type de démarche, j’avais creusé un peu. Même si ce n’est pas quelque chose auquel on penserait spontanément, je pense que ça ne surprendra personne si je vous dit qu’un échec de FIV est un facteur de risque suicidaire conséquent. Ça paraîtrait donc indiqué qu’un parcours PMA soit d’office doublé d’un suivi psy spécialisé? Qu’on prépare les patientes à gérer les échecs qui jalonneront quasi-inévitablement leur parcours, et la perspective d’un échec complet, d’un deuil à faire qu’on cherche désespérément à éviter? Qu’on les sensibilise à l’escalade d’engagement que représente ce processus?

C’est loin d’être le cas. La PMA, c’est un processus où on vend du rêve, de l’espoir, où on paie de son corps, de son temps, de son argent, de sa souffrance, dans l’espoir (parfois peu réaliste, suivant l’âge) de porter un enfant et devenir mère. On s’occupe du corps, et on les laisse se débrouiller avec les retentissements psychologiques.

Je range les échos et je reviens au podcast d’Arnaud et ce que l’écoute de cet épisode 6 en cours m’inspire. Je me dis qu’il semble y avoir, dans certains milieux médicaux, une naiveté extraordinaire concernant ce qui touche à la santé mentale. Je suis consternée. Consternée.

Note: ce billet a commencé sa vie en tant que “petit truc à vite partager sur Facebook“.

Allez, comme on est sur le blog, quelques liens en plus en rapport avec le podcast:

All The Things [en]

I’m writing this blog post thanks to Jeffrey. Because I kind of said I’d be able to blog today, and it’s just a bit past 8.30pm, the dishes are done, the cat has had his meds and insulin (so have I – the meds, not the insulin), even the clean laundry is in the cupboard. So instead of clumsily playing through practice deals on Funbridge or hanging out on the socials, I’m here writing.

I’ve been sick most of the last week. Two days down under a post-vaccine ton of bricks (I’d kind of wilfully forgotten how nasty my 2nd and 3rd Covid boosters had been when I decided to start getting the shots again), but a sore throat before that, and after that, and a lost voice because I talked too much on said sore throat, some lingering fever, and now a nasty cough. Anyway. It’s getting better but my friend codeine and I have had to start hanging out again.

I’ve been back to work, three half-days a week, since mid-October. It’s going pretty much as expected, meaning OK, but tiring. Work, but also “just life”. Even before my accident, I struggled with the fact that I had too many wants for the time life gives us. Having less energy all these last months has put this issue on the front of the scene – in addition to the fact it is tightly linked to the complications I developed after my accident. And now that most of the symptoms have abated, and that I’m feeling more “back to normal” each month, my expectations of what I should be able to do are rising fast beyond where they should be remaining.

So, I’m trying to tackle the issue. A few things are becoming clear. One is that everybody seems to be struggling to stay on top of their lives, not only us hyperactives. There is something about the world we live in that drags us along: so many opportunities and temptations, the incentive to be happy, live a meaningful life, take care of oneself but also of others, pursue success but also slow down. But there is also the increasing administrative complexity of our lives. Technology has made it easier for me to pay my bills (in Switzerland at least: open letter, whip out phone, scan QR code, confirm, done), but it has also contributed (hand in hand with runaway capitalism applied to everything, from private companies to public services) to irrevocably breaking the processes that make things happen in our organisations. Any interaction becomes a bureaucratic nightmare. And it’s not just because the person on the phone (if there is one) is a script-fed robot (they aren’t always, by far, at least here), but because the systems are broken, tasks get lost, not mentioning bugs in the software, and nobody knows how the whole machine is supposed to work anymore so it can be fixed.

So when I want to move my insurance 3rd pillar into a normal one, it takes me 4 phone calls and e-mails over 3 months to make it happen. And each time the person on the end of the line is listening well, taking the issue seriously, looking for traces of my last contact (gone), asking for some information again, promising me that they are on it and that this time, the order is underway and will be dealt with.

This is just one example. You have yours, too, I’m sure. I remember a time when I could call customer service, wait on hold for a bit, and have my problem solved. Now I call customer service with a question, they actually create an additional problem on top of the one I was trying to solve, I spend an hour on the phone with them first in disbelief trying to clarify that they actually did do the stupid thing I feared they would do but they assured me they wouldn’t, getting them to admit it was a mistake, escalate me to somebody who actually can’t do anything for me that I couldn’t do myself.

This, of course, is a separate problem from the fact I want to Do All The Things, but it doesn’t help. Because on top of working to earn a living, we need to spend hours managing the Admin of Life. Those hours are not available for other stuff.

You should listen to the podcast episode Your Call Is Important to Us by 99% Invisible. Years ago I tried launching the World Wide Paperwork and Administrivia Day. And I can totally see myself doing Admin Nights at my coworking space (listen to the podcast). Amongst all the other things I want to organise there: board game afternoons, puzzle days, drop-in tea parties…

All The Things, see.

I realised, recently, that my expectation that I should be able to find a way to manage my life and feel reasonably on top of things was most certainly an illusion. It’s not me who is failing, it’s the objective that’s out of touch with reality. You know, just like we realised at one point that it wasn’t fair to make women believe they could have a full-time work life (“like men”), be great invested parents, manage the household and have hobbies and take care of themselves, oh yeah, and social life. So, I’m trying to accept that there will always be something falling through the cracks. Instead of building a system without any cracks, I need to shift into building a system that allows for them.

Maybe I can officially decide that I’m not checking that the reimbursements from the insurance for the cats‘ medical bills are correct. I don’t do it, but it’s always on my to-do list, because one should check this kind of thing to run personal finances well, right? So, a type of management that is less airtight, but with safety nets. Which takes into account that of all the balls we are juggling, some are glass and cannot be dropped, whilst others are rubber and will bounce back up if we let them escape.

One of the ways I’ve tried to tackle my “activity overload” issue is by readjusting my expectations. How many hikes in a year? How many times can I actually manage to go to judo per month? How many stays at the chalet? How many blog posts a month? Using historical data seemed a good place to start. My calendar is not very reliable for that, because I sometimes make plans I don’t follow, and they stay in the calendar – or go off on a hike with a friend on the week-end and hadn’t written it down. But my Google Timeline know where I was, and when. I exported it, chopped it up so I had just the couple of years I was interested in in a file (the whole thing is massive), and fed it to Gemini along with an export of my calendar. I usually use ChatGPT, but I had the hope that Gemini might be able to plug into my Google Photos and get some extra data from there – but no luck, not for me. I stuck with Gemini because it clearly did a way better job than ChatGPT analysing my data. Of course, as usual with LLMs, what seemed like a straightforward missing turned into a long series of prompts and reprompts, but I’m happy to say I did get somewhere, with less anguish and more fun (if not less time) than if I had painstakingly done it by hand.

All the while I had the nagging feeling that maybe I was tackling this wrong. A feeling that I was hovering around the entrance of a rabbit-hole signposted “over-engineering”. I confess, I’m no stranger to this flaw.

I know I need to set priorities. Priorities is the issue on a daily basis. Do I take time to write, or rest? Do I spend time with the cat outside or do a puzzle? Do I see a friend or write a blog post? Do I deal with my taxes next week-end or pick up the future of blogging/socials ball and write about that? Or spend some time volunteering in the diabetic cat community? Or…? Or…? And so on.

So far it’s become clear to me that as long as my life priorities are not sorted, it’s going to make choosing between writing a blog post, sorting through my boxes of stuff, hiking or seeing a friend pretty tricky. People keep telling me that I have too much on my plate and I need to drop something, but there is nothing there I feel like I can drop. I’m not going to stop judo. I’m not going to shut down the diabetic cat community. I’m not going to stop writing, or skiing, or hiking, or sailing. I’m not going to stop having friends. And so on… again.

Priorities. What is most important? What is less important? What is more meaningful to me? It hit me today that beyond the pervasive Life Overwhelm of our times, the way this difficulty to choose and prioritise expresses itself in my life is that I am interested in too many things. It may sound trivial said like this, but it’s not. I suffer from too much “want”, too much “oh, how exciting”, “love this”. It’s as if my threshold for something to be interesting was very very low. It doesn’t take much to get me interested! Just like I’m an easy customer when it comes to food, I’m an easy customer for many things. This feels like it must be related to the “ADHD weak filter” which makes it difficult to distinguish between signal and noise amongst the available information. Maybe I’m stretching things a bit, but for me, it’s as if my “filter” for what is something I want to do or am interested in is letting pretty much everything through, resulting in this deluge of “wants”, projects, interests, etc. (The “weak filter” has advantages when it comes to thinking outside the box or being creative, but that’s another story). So, maybe in addition to setting some guidelines and realistic expectations for the operational management of my time (e.g. max n social activities in a given week), it would make sense to work on that filter a bit, and make it a little more discriminating.

I can’t make my ADHD go away. However, what I can do is identify which core needs these various activities satisfy, or not, for example. Maybe, when I then look at my overall activity schedule (hi Gemini), I will notice that it is lopsided, in terms of which needs are met or underrepresented. This would be a way of tightening my filter a bit. Another angle that is important is if a given activity or interest requires regularity to be feasible. This is easy, with physical activities: if I’m doing judo, I need to train regularly enough. I can’t just “go and do judo” twice a year – my body won’t let me. Same with hiking and skiing, they require a certain level of fitness that comes from regular practice. Blogging, however, can be neglected for months or years and then come back to. Not surprisingly, activities that don’t require regular practice might be more likely to be deprioritised, although they might actually be important.

I’m a firm believer in tracking things. Get that feedback loop going first, rather than just set objectives and despair trying to reach them. How things are now is a great starting point for introducing incremental changes in the desired direction. So, for example, this last week or so I’ve been thinking I should track my hours of intense interaction (because although I enjoy it, it exhausts me) and also, how much time I write, when I do write. I know I already blogged (more than once probably) about the problem of monster blog posts like this one, versus shorter writing. See, I’ve been writing for two hours now. Crazy, right, when you think it took you about 10 minutes or so to get down to here if you’re reading everything. I’m hungry (yes I had dinner, I’m hungry again/already) and tired.

So, although I would have many more things to say (see, another filter thing: each day brings at least 2-3 blog post ideas – keeping up is just not possible unless I spend all my time writing…), I will wrap up this blog post, pick a title for it, publish, and go to bed.

With a bit of luck I’ll blog again soon.

Se mettre à la place de l’autre, littéralement [en]

Quelques réflexions sur 30 ans de judo à jouer à la fois le rôle de l’un et de l’autre, ce que ça inscrit dans le corps concernant l’importance de prendre en compte le point de vue de l’autre, comment ça s’applique aux relations et interactions en général, à l’expérience utilisateur, à une communauté consacrée au diabète félin, aux blogs et à Facebook, pour terminer sur une note concernant l’erreur fondamentale d’attribution (un biais cognitif qu’on devrait tous connaître). Rien que ça!

(Je suis pas super contente de la synthèse résumée que m’a pondu chatGPT à partir de la transcription brute, donc ça attendra soit que je la retravaille assez, soit que je la fasse toute seule comme une grande… mais en attendant vous pouvez déjà regarder la vidéo!)

Faire les choses qu’on veut faire [en]

Avec un TDAH, ça revient toujours à ça: on veut faire quelque chose, quelque chose qu’on a envie de faire, pour de vrai, mais on ne le fait pas. C’est la fameuse difficulté d’initiation de tâche. Quand il s’agit de faire le ménage, les impôts ou la vaisselle, tout le monde comprend bien qu’on peine à s’y mettre. Mais quand il s’agit de faire des choses qu’on désire véritablement et qu’on aime, on se sent vite très seul face à ça (et que démarre l’auto-gaslighting: si j’arrive pas à m’y mettre, peut-être que j’ai pas si envie que ça, et autres conneries du genre).

Donc, comment faire? D’abord, ça va de soi mais en fait pas forcément, vérifier que le problème est vraiment une histoire d’initiation de tâche, et qu’il n’y a pas des enjeux affectifs, logistiques, ou autre à détricoter avant. Ensuite, c’est clair que “ce qui marche” va dépendre de la personne (les personnes avec un TDAH ne sont pas des clones), et ce qui marche pour moi ne marche peut-être pas pour vous, et vice-versa.

Pour ma part, “mettre des objectifs” (dans le sens de “buts”) ça n’aide pas, même au contraire. Ça me décourage, ça me paralyse, bref, ça ne marche pas. La récompense sous forme de “carotte” non plus (à ne pas confondre avec la récompense-renforçateur), parce que bon, le truc sympa que je m’offre à la fin, je peux me l’offrir que je le fasse ou pas. Une deadline artificielle, ça ne marche pas non plus, parce que mon cerveau sait très bien que c’est “pour de faux”, donc ça ne reproduit pas la pression de l’urgence qui rend le TDAH super productif quand il a le couteau sous la gorge.

Allez, voilà ce qui ne marche pas.

Ce qui marche?

Programmer: cela signifie planifier suffisamment soigneusement le déroulement de la journée, réserver du temps pour la chose en question (“de telle heure à telle heure”), m’assurer que je vais avoir ce qu’il faut à disposition pour le faire.

Créer des habitudes: chez moi, quand l’habitude est en place, ça marche assez bien. Tout le souci est de construire l’habitude. Ce n’est pas trivial de construire une habitude, et ça demande du temps et de la méthode. En particulier, il faut réfléchir à où on peut “accrocher” notre habitude dans nos activités déjà existantes. Par exemple, je veux prendre le pli de travailler mes chants chaque semaine. Est-ce qu’il y a quelque chose que je fais déjà chaque semaine, et auquel je pourrai “joindre” cette activité que je veux mettre en place?

Body-doubling, ou faire avec quelqu’un: une méthode vraiment très puissante, qui peut prendre diverses formes, depuis “on se donner rendez-vous une fois par semaine avec une copine pour manger ensemble et répéter nos chants” à “j’ai quelqu’un sur Messenger avec qui je fais des plages de rangement ou d’administratif en synchro” en passant par “un pote vient me tenir compagnie pendant que je range”.

Décomposer: parfois, l’initiation de tâche coince parce que les étapes de pour commencer la tâche ne sont pas claires. Décomposer, bien plus en détail que ce qu’on pense (il faut penser “petites actions comportementales”, si vous faites de l’éducation canine ou féline vous voyez ce que je veux dire), et noter la séquence sur un papier, ça permet de ne pas avoir à garder dans sa mémoire de travail l’enchainement.

Ça parait tellement con qu’on ne le fait pas, je sais. Un exemple pourrait être, pour écrire: ouvrir le document xyz; écrire une phrase; écrire une deuxième phrase. Ou pour les impôts: descendre au bureau; sortir la fourre avec mes papiers d’impôts; ouvrir l’ordinateur; ouvrir VaudTax; créer le fichier pour cette année. Il ne faut pas avoir peur d’aller ridiculement dans le détail.

Dix minutes d’effort: quand vraiment tout est en place et qu’on est devant la tâche et qu’on bloque (écrire typiquement, faire les impôts, bosser), mettre un timer pour 10 minutes et faire un véritable effort, honnête et concentrer, pour avancer 10 minutes sur la tâche. Au bout des dix minutes, soit on est lancé et on peut décider de continuer, soit, si on n’arrive vraiment pas, on peut décider de lâcher l’affaire et de reprendre une autre fois, ou d’une autre façon.

Penser à l’environnement: notre environnement (au sens large) joue un bien plus grand rôle que ce qu’on croit dans notre capacité à faire telle ou telle chose. Vous connaissez tous le phénomène des vacances ou du voyage: on vit mieux, on prend une habitude (genre se détendre, lire) et on se jure qu’on continuera une fois de retour à la maison. Mais non, une fois de retour dans notre environnement habituel, ça ne tient pas. C’est pas un manque de volonté, c’est un angle mort.

Donc, prenons la tâche ou l’activité qu’on veut faire ou mettre en place: comment peut-on configurer notre environnement pour favoriser l’initiation et l’accomplissement de la tâche? La partie planning d’agenda plus haut prend soin de l’aspect temps, mais quid de l’aspect espace?

Un exemple chez moi est celui des alarmes lumineuses (oui, un article à écrire juste là-dessus, ça viendra) qui me “rappellent” que c’est l’heure du repas ou du coucher. Un autre exemple, si je veux partir en randonnée le matin, c’est de sortir et préparer mon sac et mes affaires, et les mettre quelque part de visible quand je me lève.

Ou bien, je veux passer moins de temps sur Facebook, j’ôte l’application de mes favoris sur l’écran principal de façon à ce que je doive la chercher et qu’elle ne me tombe pas sous les yeux. Je dois penser à faire quelque chose demain matin, je mets un post-it sur l’armoire au-dessus de l’évier, que je verrai en préparant mon petit-déjeuner.

Ou encore: j’ai un tracker pour certaines choses que j’essaie de mettre en place ou sur lesquelles je veux me focaliser, il est imprimé et sur la table de la cuisine là où je ne peux pas le rater, et pas dans mon téléphone sous forme numérique (là où je vais me trouver embarquée à passer une heure sur facebook alors que je voulais remplir mon tracker). Et puis: je travaille au bureau et pas dans mon salon.

Il ne faut pas oublier la question de la motivation: c’est lié à ce que j’ai dit au début de cet article, vérifier que le problème est vraiment juste un problème d’initiation de tâche, mais ça ne s’arrête pas là. Se reconnecter à pourquoi on a envie de faire quelque chose, ça peut faciliter l’initiation. Et on peut utiliser l’environnement pour ça, suivant quand.

Premier exemple, qui n’est pas vraiment une tâche que j’ai “très envie” de faire: je veux ranger mon linge propre. Mais pourquoi je veux ça, en fait? Parce que j’ai envie de vivre dans un environnement qui me fasse du bien, déjà, et l’absence de rappels visuels de “choses à faire” (le panier rempli de linge) ça aide à aller dans ce sens. C’est un peu une motivation par la négative, mais ça m’est utile de me souvenir que c’est pas parce que “bah ouais le linge faut le ranger”, mais en fait que je vais en tirer un bénéfice et que je serai contente quand ce sera fait. Aussi, j’aime pouvoir m’habiller en trouvant mes habits à la place dans l’armoire plutôt que devoir fouiller dans un tas de linge toujours plus en bordel.

Deuxième exemple: demain j’ai envie de faire une balade en forêt. Parce que j’aime être dans la forêt – je peux visualiser et “sentir” ce que ça va me faire d’être là; parce que ça fait du bien à mon cerveau et je veux favoriser ma récupération; parce que ça fait du bien à mon corps de faire de l’exercice physique et que je sais que je me sentirai mieux après.

Avec un TDAH, le drame c’est qu’on a justement beau être “connecté à sa motivation”, on n’en arrive pas forcément pour autant à initier la tâche. (“Tu veux mais tu peux pas.”) Mais j’insiste sur la question de la motivation car c’est un prérequis. L’histoire de mes alarmes lumineuses pour manger à des heures décentes et me coucher avant 3h du matin, ça ne marche pas magiquement tout seul. Ça marche parce que je suis vraiment motivée à reprendre la main sur le rythme de mes journées, je veux vraiment me coucher plus tôt et manger à des heures un peu raisonnables, et j’ai déjà essayé de corriger ça juste par la force de ma volonté, sans succès. L’alarme lumineuse, elle vient donc vraiment comme une aide, un soutien, une béquille sur laquelle je peux m’appuyer pour faire ce que je veux. On n’est pas du tout dans une logique de “lumière qui me dit ce que je dois faire alors que je veux pas”.

C’est marrant d’ailleurs, parce que quand je parle de stratégies de compensation, c’est souvent ça la réaction des gens: “ah non mais moi je veux pas avoir un horaire rigide, ah non mais moi je veux pas faire quelque chose juste parce qu’il y a une alarme, ah non mais moi je déteste avoir une liste qui me dit quoi faire”. Non mais bon, si tu veux pas faire, fais pas, et mets pas en place des stratégies pour tenter de te faire faire ce que tu ne veux pas faire. C’est pas là pour ça. C’est là pour ce que tu veux faire. Que tu veuilles le faire parce que tu aimes, que tu veuilles le faire pour t’éviter des ennuis, que tu veuilles le faire parce que c’est la chose juste ou importante à faire, que tu veuilles le faire parce que c’est important pour quelqu’un que tu aimes… La stratégie de compensation, elle est au service de ce “je veux”. Pas autre chose.

Si vous avez d’autres stratégies ou astuces pour surmonter des difficultés d’initiation de tâche, ou si vous avec une tâche ultra-résistante pour laquelle vous aimeriez bien trouver une stratégie, hop hop on met ça dans les commentaires! Je me réjouis de vous lire (ou pas, si vous n’écrivez pas) et sur ce, je m’en vais initier ma préparation de repas 🫣!

Vrac avant reprise de travail [fr]

Je peine à trouver du temps pour écrire, ça c’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c’est que je me suis rendu compte, ces derniers jours, que quand j’écris pas il y a une sorte d’accumulation de charge mentale qui se crée. Pas juste de “l’activité d’écriture” remise encore et encore à plus tard, mais du contenu de ladite activité d’écriture qui s’entasse dans mon cerveau déjà bien chargé.

Au-delà de la pile d’articles en gestation dans ma tête, je me suis dit que ça me ferait peut-être du bien de juste partager ici ce qui vient. C’est pas la première fois que je fais ça, évidemment. Mais si on regarde, je suis sûre qu’on verra que c’est un type de publication qui vient souvent après une période de sécheresse rédactionnelle. C’est probablement pas pour rien.

Et puis, depuis mon accident, j’ai au fond peu réussi à donner des nouvelles de comment se passaient les choses et ma vie. On va commencer par là.

Lundi, je reprends le travail, à temps très partiel les premières semaines, déjà, puis on avisera (je refais le point avec le neurologue à la fin du mois). Après sept mois d’arrêt complet, il est temps. Je crains un tout petit peu la “mauvaise surprise” côté fatigue, parce que regardons les choses en face, en sept mois j’en ai collectionné, y compris une tentative prématurée de retour au travail à Pâques. Quand j’y repense maintenant, ça me paraît surréaliste. Au fond, toute cette histoire me paraît surréaliste. Parce que, comme je l’ai déjà mentionné, il y a un large pan de ma vie où je me vis comme “tout à fait normale”. Mais s’il y a ça, c’est aussi grâce au fait que je ne travaille pas, que mes activités sont réduites, que je ne mets pas de réveil le matin, que je peux faire une sieste si j’ai besoin. C’est quand même une période de vie bien étrange.

Au-delà de mes réflexions de fond sur le sens de ma vie (il faudra que je vous parle de la Révélation des Bois du Jorat), mon avenir professionnel à moyen terme, la façon dont je gère mes activités, mes relations et ma fatigue, je réfléchis beaucoup aux outils qui nous permettent de nous connecter les uns aux autres en ligne. Ce n’est pas nouveau, comme intérêt – on pourrait même dire que c’est un des fils rouges de ma vie – mais la suspension de mon compte Facebook fin août m’a donné un coup de pied aux fesses salutaire pour me pencher sérieusement sur la possibilité de construire un écosystème d’outils et de plateformes ouvert, qui ne soit pas régi par la logique capitaliste du profit à tout prix.

Au début il y avait le blog, pourrait-on dire (pas tout à fait vrai, mais quand même un peu), et il y a quelque chose d’assez magique dans le fait de pouvoir jardiner son petit coin à soi d’internet tout en étant en interconnexion avec autrui. Mais tout le monde n’est pas jardinier. Certains veulent juste avoir quelques pots sur leur balcon, ou admirer les jardins des autres, ou acheter quelques fleurs coupées. Il faut trouver un moyen d’amener ensemble ces différentes personnes, ce que fait une plateforme comme facebook, mais en limitant les jardiniers à une petite parcelle bien délimitée qui ne leur appartient pas, genre jardins familiaux. J’ai rien contre les jardins familiaux, mais les vrais sont conçus selon le modèle associatif ou coopératif, pas gérés à la façon d’un gouvernement totalitaire par une grosse entreprise capitaliste. Je pense qu’on peut creuser et filer encore un peu cette métaphore.

Si ce sujet vous intéresse, je vous invite à lire ma série “Rebooting the Blogosphere“, en la mettant dans un traducteur si l’anglais est un obstacle. C’est un peu technique par moments, mais pas que.

Donc, difficile de trouver le temps d’écrire, comme toujours. A quoi me suis-je occupée?

Après le week-end du Jeûne, j’ai eu une semaine très étrange où j’ai dormi une bonne heure de plus par nuit en moyenne que d’habitude, avec maux de tête en continu et sensation d’avoir passé sous un rouleau compresseur dès le réveil – zéro énergie. Ça s’est gentiment arrangé au bout d’une semaine, dix jours. J’ai initialement pensé que j’en avais trop fait durant le week-end (une “petite balade” qui s’est transformée en randonnée de 5h30 sur un mini sentier au pied des falaises de l’Ardèche), mais à ce stade le consensus semble être que ça devait être un virus. On ne saura probablement jamais. Mais bref, une semaine durant laquelle j’avais prévu de pouvoir faire plein de choses, parce que j’allais vraiment beaucoup mieux depuis quelque temps, “perdue” au final. Et ça m’a stressée, vu la reprise de travail programmée. Mais là ça va, c’est passé.

Oscar a eu chaud (et moi aussi): pancréatite, anorexie, j’ai dû lui faire mettre une sonde oesophagienne (sinon il ne s’en sortait pas). Ça n’a pas été simple a gérer, ça a été stressant (d’autant plus avec mon absence durant le week-end du Jeûne), mais il s’est bien remis et a maintenant repris sa petite vie, avec 300g en moins. Sa vie: descendre à l’eclau pour occuper la place et taper sur Juju s’il est là, se faire servir “au lit” la pâtée du matin et du soir (médics) sur mes doigts, faire un saut sur le balcon, sortir quelques fois par semaine et tenter de rattraper Juju (mais le bougre bouge vite!) ou plonger dans les buissons impénétrables, manger, boire, faire un petit brin de toilette de la patte qui reste et du museau quand ça le prend, faire la tournée des différents dodos à différents moments de la journée.

Allez, d’autres choses en vrac:

  • devoir mettre un titre à un article de blog ajoute beaucoup de friction (je commence d’ailleurs de plus en plus souvent à écrire sans mettre de titre, et je rajoute un truc après)
  • Juju ressemble à un petit tonneau, j’attends depuis plus d’une semaine qu’arrivent ses nouvelles croquettes pour chat vieillissant et grassouillet
  • Café-Café, le choeur dans lequel je chante, sera en concert demain à Payerne (concert-brunch!) et le 1er novembre à Courtételle; moi pas, car si j’ai repris le répétitions, je ne suis pas encore au point pour la scène et vu la coincidence avec ma reprise de travail, il est plus sage que je me repose; déçue et frustrée mais c’est comme ça
  • j’ai fait le saut et pris un abonnement chez Backblaze (100.-/an) pour faire une sauvegarde distante de tout mon ordi, disques durs externes compris, et la sauvegarde départ a fini de tourner (près de 3TB) – rappel: Google Drive, iCloud, Dropbox et cie ce ne sont pas des sauvegardes, c’est de la synchronisation; mieux que rien mais pas une aussi bonne assurance contre la perte de vos données
  • j’ai pris le temps d’exporter tout mon contenu Facebook (profil depuis sa création, pages de mes chats, etc) – y’a un article à écrire car c’était quand même un peu laborieux
  • à qui appartient le contenu d’une communauté? quand j’exporte mes données facebook, elles perdent leur contexte interactionnel: les discussions dans les commentaires, etc… c’est très insatisfaisant; il y a des conversations auxquelles j’ai pris part et qui comptent pour moi dans les commentaires de publications qui ne sont pas les miennes, par exemple
  • j’ai testé le support Meta Verified, celui qu’on a quand on “paie” facebook et instagram pour avec le petit vu bleu et ne pas avoir de pubs; bilan mitigé mais j’ai quand même passé 10 min au téléphone avec un vrai être humain! Là aussi y’a des articles à écrire pour rentrer dans les détails
  • je réfléchis à comment faciliter la transition des personnes habituées à facebook vers le web social ouvert, c’est encore en train de mûrir
  • dans le même ordre d’idées, je réfléchis à comment gérer la transition future (horizon un an, disons) de la communauté Diabète Félin vers Discourse, et quel rôle pourra ensuite jouer le groupe facebook dans l’écosystème de la communauté (car il faut encore garder un pied dans Facebook pour être trouvé)
  • concernant ce blog, il y a pas mal de ménage à faire, entre autres dans le but de le “pluguer” dans le Fédivers/Fediverse, où est en train de se construire le web social de demain (voir Join the Social Web, le plugin ActivityPub, brid.gy, etc)
  • Fediverse? ActivityPub? Vous savez comme l’e-mail, chacun peut faire une adresse e-mail un peu où il veut (Gmail, Hotmail, Bluewin, Outlook, Yahoo, Proton) ou même l’héberger soi-même, et que ça n’a pas d’incidence sur à qui on peut envoyer des mails et de qui on peut en recevoir? Idem avec les numéros de téléphone, ou les sites web et les flux RSS; l’idée c’est d’avoir quelque chose de similaire pour les réseaux sociaux (parce que là maintenant si on est sur Facebook, les seules personnes avec qui on peut se connecter c’est les gens qui sont déjà sur Facebook… LinkedIn idem)
  • j’ai réinstallé mon téléphone qui souffrait de manque de place… aussi un article à écrire: j’avais 65Gb (sur 128!) de “System Data” alors que normalement ça doit tourner autour de 10Gb… chiant et stressant mais je suis contente de l’avoir fait, je revis!
  • j’ai aussi fait pas mal de ménage sur mon ordi, entre autres pour ranger correctement sur un disque dur externe toutes mes vidéos live et mes sauvegardes de réseaux sociaux, blogs, google drive et compagnie; les nuages c’est top, perso je suis fan, mais il faut avoir des sauvegardes! J’ai pris des notes, mais je devrais mettre ça dans un article pour que ça puisse servir à d’autres
  • on saute du coq à l’âne: j’ai de nouveau remarqué (de nouveau) que quand je fais mes courses, j’achète des choses en pensant aux repas que je vais cuisiner avec, mais une fois à la maison, je mets tout au frigo et pouf, les idées et le “planning” de repas disparaît; donc je suis en train d’essayer de noter sur post-it mes idées (avec dates limites) quand je rentre et que je réduis les courses, et de les coller sur mon planning semaine; ça me permettra aussi d’apprendre à mieux évaluer quelle est ma capacité (énergie) de cuisiner au fil de la semaine
  • je continue l’entrainement cognitif chez Holisquare et mes performances progressent, ce qui est rassurant! je trouve ultra intéressant ce sur quoi ils travaillent, et j’avoue que ça titille ma fibre entrepreneuriale, d’autant plus que ça concerne entre autres une problématique de santé (la commotion) généralement très mal prise en charge par notre système de santé
  • parlant de système de santé, là aussi y’a un article à écrire (des), je croise de plus en plus d’histoires horrifiantes qui montrent que même dans notre jolie Suisse, si tu as pas les connaissances médicales, pas la connaissance du système, pas les ressources pour défendre ou faire défendre tes intérêts, t’as toutes les chances de pas être bien pris en charge (entre autres: deux nanas de mon entourage très certainement dopées au GHB et qui ont été traitées comme des cas de cuite à l’alcool aux urgences)
  • parlant de systèmes tout court, j’ai le sentiment qu’on voit maintenant dans tous nos systèmes administratifs les conséquences d’années de gestion “capitaliste”, même dans le service public: on veut économiser, être plus performant, faire plus avec moins, optimiser, rationaliser… et maintenant les machines (systèmes, processus) commencent à casser, et on en fait les frais; j’ai perdu toute confiance lorsque je dois faire des démarches administratives: je dois faire le suivi, relancer, relancer encore, protester, réclamer, me fâcher ou pleurer suivant les cas…
  • parlant de la dégradation de tous nos systèmes administratifs: dans le monde du travail d’aujourd’hui, il faut tout faire plus vite; j’en parlais avec un contact cadre dans une grosse entreprise: on fait les mêmes heures mais le rythme d’activités pendant ces heures n’a plus rien à voir avec il y a 20 ou 30 ans, on enchaine les réunions, on n’a plus le temps de réfléchir, il faut faire, faire, faire et en plus, faire vite…

Allez, ça fait une heure et quart que j’écris, je m’étais dit une heure, je vais vous laisser là. Pour aujourd’hui. Je me suis dit que ce serait peut-être un bon exercice, de m’entrainer à faire des articles qui tiennent en une heure. Pour pouvoir me dire (oui je me dis beaucoup de choses): “OK, j’ai une heure, j’écris” – alors que jusqu’ici, pour écrire, souvent j’ai besoin d’avoir le sentiment d’avoir tout le temps du monde pour m’y mettre. Peut-être qu’il y a écrire et écrire, d’ailleurs. Je m’étais dit la même chose pour la vidéo: je veux faire plus de vidéos (maintenant que Facebook a plus ou moins tué les Lives en ce qui me concerne), mais avec une limite de temps. Vingt minutes? dix minutes? A méditer.

Comme toujours, merci de m’avoir lue si vous avez tenu jusqu’au bout. Laissez un commentaire pour me dire coucou, c’est vrai qu’après avoir été formatée Facebook pendant des années, on a parfois l’impression de bloguer dans le désert (l’intégration avec le Fediverse devrait contribuer à résoudre ce problème).

Brains Get Tired Too [en]

It’s funny how physical tiredness is not something one would think to question. It seems pretty obvious. We understand that if somebody has spent decades using and abusing their body, they’re going to face consequences as they get older. If you’re doing extreme running, hundreds of kilometres, or an insane amount of walking, crossing continents, your body gets worn out. We also understand that as we age, we may still be capable of doing things, but it doesn’t mean it’s a good idea to do them. For example: I can still carry very heavy loads, but if I do, my back is going to remind me the next day that I’m not 20 years old anymore.

For some reason, we do not seem to apply the same kind of thinking to the brain. Or at least, I didn’t. Although we understand that the brain has limits – everybody experiences some degree of cognitive tiredness at some point or another – we seem to think that the consequence is temporary. We need a break, we’re done for the day, we need a good night’s sleep and then we can start over. We know about burnout and that sure, of course, you need to take the time to recover if you want to function correctly again. But wear and tear over years and decades does not really seem to be on the radar.

We don’t tell somebody who keeps pushing their brain day after day, month after month, year after year, that they should ease up a bit – as we would our sport-obsessed friend who trains 6 times a week and considers “rest” a 10k run. We look at performance (what are you delivering at work), but not at effort and actual “cognitive use”.

My accident has driven home for me, in a frighteningly clear manner, that “cognitive overtraining” is as much a thing as “physical overtraining”. I’ve been “cognitive overtraining” all my life, and for most of it, unaware that I was doing it or that there was such a thing.

I am really good at pushing myself. It’s not always visible, because I have a lot of ressources (one way to put it is that I am clearly towards the right end of the IQ bell curve) and therefore compensate well for my hearing loss and ADHD. But that compensation has a cost, even if it is not visible that I am compensating. I am only now starting to measure how much effort goes into “simple” things like following conversations and managing my daily life. I am in a somewhat paradoxical situation where many of the things I receive most praise and recognition for are those that cost me the less – and those that cost me the most go completely unnoticed. This means that I have trained myself, all my life, to consider the efforts I make as “normal” rather than recognise that I am pushing myself.

This also means I have internalised the idea that when I “fail” (and by that I mean: feel tired “without reason”, don’t manage to get around to doing housework, miss parts of what is being said) it is because I was not trying hard enough. Pushing myself is the norm.

I had a moment of realisation regarding that the other day. I went back to singing practice, which I hadn’t really been able to since my accident. I was a bit tired, but I wanted to go as we were starting a new programme which contains a lot of songs I like. So I decided to go and “take it easy” – something I’ve been trying to practice these last months. Going easy. I told myself “I’ll just go and not try too hard”. Very quickly, during the rehearsal, I realised how much effort I was putting in, despite myself. Concentrating really hard to understand what the director was saying. Paying close attention to try and sing the line correctly as soon as possible, and memorise things as I went along. I usually use the time when the director is working with other registers to learn lyrics and compare musical phrases to help me remember them. It was very weird to tell myself to “just relax” when the others were working, and “nevermind” if I couldn’t hear or understand what was being said.

Earlier, some time last year I think, I realised that when I had long meetings in German at work, I really had trouble being productive the next day. But I hadn’t gone beyond “ok, plan a light day the next day” in terms of drawing conclusions. I kept thinking that the main driver of whether I could perform cognitively or not was sleep. But it’s not.

According to the neurologist who is treating me for my post-concussion syndrome, chronic cognitive overload is a clear risk factor for this type of complication. It’s also a risk factor for worse recovery after a stroke, or worse outcomes in case of cognitive decline or dementia in older age.

This has given me an awful lot to think about regarding how I’m using my brain-as-organ in my life, and how things are going to have to change. Where can I save on my brain budget? Where is it worth expending effort? What else can I put in place to have a lower “cognitive burn rate” just to get through daily life?

I’m not too bad at managing the load I place on my body – now I have to do the same with my brain.

Fiche ou tableau de suivi [en]

Je sais que je n’ai pas encore donné les détails ici, mais Oscar est en petite forme depuis quelques semaines. Il est sur la bonne pente mais ça a été chaud, et on lui a mis une sonde oesophagienne pour pouvoir l’alimenter durant ce passage difficile.

En début de semaine, j’ai réalisé que je savais plus où j’en étais avec les repas, les médicaments, etc. La routine habituelle était bouleversée, et ma mémoire me joue des tours. Lui ai-je donné son insuline ce soir ou pas? Embêtant de ne pas être sûre de la réponse.

J’ai donc fait une fiche dans laquelle je pouvais noter les choses au fur et à mesure, sur papier. Des années de gestion de diabète félin (et d’accompagnement de personnes qui se retrouvent face à ça) m’ont clairement convaincue des bénéfices d’avoir une forme de monitoring dans les soins. Je le fais aussi pour moi, depuis des années, avec une montre connectée qui m’indique combien j’ai dormi, ou en mesurant ma tension.

Voici à quoi ressemble la version actuelle, que je viens de mettre à jour:

Ces temps, je ne galère pas juste avec les médicaments d’Oscar. Je peine à garder un rythme correct pour mes journées (heures des repas, du coucher). Je peine aussi à me reposer suffisamment (donc à m’arrêter), et à simplement faire les choses que je veux faire. Je sais qu’un clé importante c’est de mettre en place des habitudes, mais c’est vite fait de glisser et de “lâcher”. Je me retrouve de nouveau à éteindre à 2h du matin, sans avoir tout à fait compris quand et comment j’ai perdu le bel élan d’il y a quelque temps pour reprendre contrôle de mes heures de coucher.

J’ai donc décidé, à l’écoute d’un épisode de podcast qui me rappelait que le tracking était un outil puissant, de faire de même pour moi. J’ai donc préparé un tableau de suivi, hebdomadaire cette fois, avec une partie qui contient les choses que je voudrais réussir à faire chaque jour (ou presque), et une autre qui me permet de noter les choses que je fais plutôt à l’échelle de la semaine (de quelques fois dans la semaine à toutes les quelques semaines). Le voici:

Vous voyez qu’il y a à la fois des points de planning, avoir fini de manger avant 14h par exemple, et des activités qui peuvent avoir lieu de façon flexible, comme jouer avec les chats, prendre un moment pour avancer sur mon puzzle, ou arroser les plantes.

A ce stade, il ne s’agit pas de “faire tout bien”. Il s’agit simplement d’avoir un espace (papier, toujours, ça évite de rallumer le téléphone pour mettre à jour et de tomber dans Facebook par la même occasion) où je peux consigner l’état des choses. Ça m’aidera d’une part à avoir du recul sur ce que je fais ou fais pas (“purée ça fait 3 semaines que je n’ai pas arrosé les plantes” ou “4 jours que je n’ai pas fait d’activité physique, je vais aller à mon rendez-vous à pied”) et d’autre part ça rajoute en effet une couche de motivation de mettre des petites croix ou des petites notes dans le tableau quand on fait les choses. Parfois, ne pas vouloir interrompre la jolie série de petites croix dans le tableau peut être la petite goutte de motivation qui fait qu’on pose son téléphone et qu’on va se mettre au lit avant d’être tellement fatiguée qu’il n’est plus possible de prendre un moment avec son livre de chevet.

On verra où ça me mène! Et vous (surtout si vous êtes Team TDAH), est-ce que c’est une stratégie qu’il vous arrive d’employer? Est-ce que faire en sorte que vos actions laissent des traces quelque part dans un registre vous aide à ne pas lâcher? Avez-vous déjà essayé, est-ce que ça vous parle?

“Être autiste”: implicite, connotation et identité [en]

Je réfléchissais à cette question hier soir après avoir lu une partie des échanges qui “font rage” dans un coin de LinkedIn autour de “l’identité autistique“.
Il m’a semblé qu’un élément régulièrement mis de côté par les personnes argumentant « pour » la formulation « être autiste », en faisait des parallèles avec « être barbu » ou « être gaucher » c’est (encore une fois) la question de l’implicite. Au point que je me suis demandé s’il y a quelque chose du côté des caractéristiques de l’autisme à mettre en lien avec ça — la difficulté de tenir compte de l’implicite.

Qu’on le veuille ou non, tout énoncé comporte une part d’implicite. Les mots qu’on utilise ont des connotations. Comme le disait un de mes profs de linguistique, c’est comme des petits wagons qui sont accrochés au mot-locomotive et qui viennent avec quand on l’utilise. Certains mots ont plus de wagons que d’autres.

« Autisme/autiste » et « gaucher » ou « femme » sont tous des mots qu’on peut utiliser pour qualifier une personne. Mais ils n’ont pas les mêmes connotations, pas les mêmes types de « wagons ».

Le problème, à mon avis, avec « autisme comme identité » c’est que c’est une posture qui ne tient pas compte de ces wagons et par conséquent du décalage très grand entre l’intention de sens pour la personne qui dit « je suis autiste » et les associations qu’évoque ce terme chez l’écrasante majorité des personnes qui vont lire/entendre cette phrase.

On n’est pas libre d’utiliser les mots de la façon qu’on veut sans tenir compte de la signification perçue par l’autre — si ce que l’on souhaite c’est être compris.

« Autisme », c’est un mot extrêmement stigmatisant à la base. C’est un mot que tout le monde connaît et dont tout le monde pense connaître la signification. Et c’est une signification qui ne correspond pas du tout à ce que veulent exprimer beaucoup de personnes qui l’utilisent. Je comprends bien la démarche qui est de vouloir « déstigmatiser » un terme en se l’appropriant: on a un exemple avec « queer » par exemple, mais notons que le sens « stigmatisant » du mot était bien moins solidement ancré dans l’inconscient lexical qu’il ne l’est pour le mot « autiste », et qu’il y a une certaine naïveté linguistique et sociologique à penser qu’on peut reprendre ainsi le contrôle sur un mot.

Je pense, en fait, que le problème est moins dans le « je suis » que dans le « autiste ». Et que débattre sur le verbe (« être » versus « avoir ») c’est faire fausse route et vouer l’échange à l’échec, parce qu’en effet, dire « je suis xyz » n’en fait pas une question identitaire en soi — le repli identitaire peut très bien être réactif, suite aux réactions négatives à la formulation choisie pour parler de soi.

Dans ma réflexion, je cherchais d’autres mots « parallèles » qui pourraient également démontrer le phénomène que j’observe ici. Si on dit « je suis paraplégique » (un autre exemple aperçu dans les échanges), pourquoi ça ne me fait pas le même effet qu’entendre « je suis autiste »? Idem pour « je suis bipolaire », ou « je suis dyslexique »? Parce que les associations inconscientes (la connotation) sont différentes. Ce n’est pas le verbe qui fait ça. Est-ce qu’on peut donc trouver un terme qui démontre aussi cette problématique d’associations?

Le meilleur que j’ai trouvé — et qui me concerne — c’est « sourd ». Et, intéressant à noter, c’est aussi un terme autour de l’utilisation duquel émerge une problématique identitaire. Et il y a toute une série de débats terminologiques dans le « spectre » de la surdité (qu’on ne retrouve pas côté TDAH — je me demande d’ailleurs ce qu’il en est pour les handicaps de la vue?).

Déballons. Je dis que je suis malentendante. Je ne dis pas « je suis sourde ». Pourquoi? Si je dis “je suis sourde”, les gens comprennent quelque chose qui ne correspond pas à ma réalité. Pour beaucoup de monde, “sourd” ça veut dire “n’entend rien” ou au minimum “ne comprend rien”. En fait, strictement parlant, il y a différents degrés de surdité, mais le grand public a une vision beaucoup plus simpliste de tout ça. J’ai une surdité légère à moyenne congénitale (stable). J’ai fonctionné sans appareillage jusqu’à l’âge de 38 ans, fait des études, enseigné, etc. Pour la plupart des gens, je suis dans la catégorie “entend pas bien”. La nana un peu chiante à qui il faut répéter les choses, qui entend pas quand on l’appelle, qui comprend de travers, qui parle fort. Pas “sourde”, au sens où on le comprend. Donc je ne dis pas “je suis sourde” (risquant des réactions de type “hah mais t’es pas sourde, arrête de raconter n’importe quoi” – ça vous dit quelque chose, ça?) mais “je suis malentendante”. Preuve en est que si quelque chose “passe mal” pour moi quand j’entends “je suis autiste”, ce n’est pas le “je suis” qui est en cause mais ce qui vient après.

Le parallèle ne s’arrête pas là. “Sourd”, c’est stigmatisé et stigmatisant, comme terme. La surdité, contrairement à la cécité qui limite principalement le rapport à l’environnement, ça vient directement impacter le rapport à autrui – le lien social. La personne “sourde”, dans l’imaginaire populaire un peu historique, c’est “le sourd-muet”, c’est la personne qui ne parle pas, et aussi dont l’intellect est affecté (vu qu’on ne peut pas communiquer avec). On sait bien que c’est faux – tout comme on sait bien que ce à quoi on fait référence quand on parle d’autisme n’est pas à réduire aux histoires d’il y a des décennies, d’enfants non-verbaux avec déficit intellectuel enfermés dans des institutions et “coupés du monde”. Mais les mots continuent, malgré nous et malgré tout, à charrier ces petits wagons de connotations, d’implicite. On notera, concernant la surdité, l’utilisation du terme Sourd avec une majuscule pour l’identité culturelle.

Bon, ceci devait être un commentaire sur LinkedIn, ça s’est transformé en billet de blog… C’est une réflexion qui vaut ce qu’elle vaut. En résumé, voici où j’en suis:

  • l’utilisation de la formule “je suis autiste” pose d’autres problèmes que celui de la revendication identitaire – il faut en tenir compte également;
  • les débats autour de la revendication identitaire sont légitimes et importants mais s’ils se focalisent sur la formulation (“je suis xyz”), ils risquent de nous faire courir après un hareng rouge au lieu de rester dans le sujet.