Témoignage musical [fr]

En 2005, j’avais fait un long chemin entre “je ne sais pas chanter” et “en fait, j’adore chanter”. Ça avait bien dû prendre une décennie. On m’a parlé d’un choeur sympa où chantait une collègue. C’était Café-Café.

J’ai été gâtée pour mon premier concert, à Chéserex. Quatre soirs de suite. C’était magique.

Les concerts se sont enchaînés, les années aussi, et j’ai eu un plaisir fou non seulement à chanter, mais aussi à côtoyer toutes ces belles personnes qui, au milieu des notes de musique, respiraient avec moi en harmonie.

En 2013, j’ai dû prendre la décision déchirante d’arrêter Café-Café. J’avais d’autres activités qui me tenaient très à coeur, une vie professionnelle complexe, et l’incapacité fondamentale et malheureuse d’être à plusieurs endroits en même temps.

Il n’y avait pas de bonne solution. Durant quelques années, j’ai tenté de mener tout de front, à grands coups de compromis, jusqu’à ce que ça devienne intenable. Mon départ s’est fait dans les larmes, et pas comme j’aurais voulu. La faute à personne, juste à la vie et au temps.

Je suis allée revoir mes camarades de choeur en concert après ça. Une fois, peut-être deux. Mais c’était trop dur. J’en pleure encore aujourd’hui.

S’en est suivi une période de plusieurs années où je n’écoutais presque plus de musique – entre autres parce qu’elle me faisait quasi systématiquement fondre en larmes. C’était plus facile d’éviter.

‘2019. J’avais peut-être vaguement vu sur facebook que Pierre avait eu “un souci de santé”, mais cela ne m’avait pas interpellé plus que ça. J’ignorais qu’il était malade. J’ai appris son décès, je ne sais plus ni quand ni comment, et à son enterrement, dans la peine des derniers adieux, j’ai retrouvé mes amis de Café-Café. Et aussi une évidence: tout cela m’avait bien trop manqué.

Quand j’ai su qu’un spectacle serait en préparation pour rendre hommage à Pierre, je n’ai pas hésité très longtemps. Je sortais d’une opération qui avait élagué mon agenda pour l’année à venir et je ne travaillais pas: j’allais donc en profiter pour chanter.

Une pandémie et presque deux années plus tard, nous y voilà: nous sortons d’un week-end incroyable d’émotions, de musique et d’amitié. Une célébration de Pierre et de son oeuvre, et aussi de tous ces liens qui se sont tissés autour de lui, entre nous, et qui lui survivent.

Ces dix derniers jours ont été éprouvants. La musique, et ça je l’ai bien compris maintenant, elle vient chercher directement nos émotions. Impossible de se cacher. Et depuis le week-end dernier où nous avons commencé à mettre ensemble choeur, orchestre et solistes, c’est le raz-de-marée qui n’est allé que crescendo, jusqu’au dernier accord majeur de “Sang pour sang” dimanche soir.

Pour moi il y avait, en plus de tout ce que charriait cet hommage, l’émotion de me retrouver sur scène avec Café-Café après presque 10 ans d’absence. Egalement, la perspective d’un nouveau choix “impossible” entre ma famille musicale et les vents du Léman, puisqu’un avenir se dessine, sous une forme ou une autre, avec Elodie, qui a brillamment relevé le défi de nous diriger jusqu’à cet hommage. Elle l’a fait avec humanité, humour et humilité, nous offrant ainsi l’espace de guérison dont avaient tant besoin nos âmes musicales après les épreuves traversées. Je sais que je ne suis pas la seule à avoir été conquise et à vouloir continuer la route avec elle.
Ma décision restera difficile, mais peut-être que cette fois, je choisirai le chemin de la musique… et de l’amitié.

Ce billet a été initialement publié sur facebook

Crédit photo Ariane Dorsaz

Crédit photo François Clair

Ateliers pour musiciens: quelques vidéos (séance d’info et interview) [fr]

[en] Virginie very kindly filmed the info session of our workshops for musicians, and interviewed Elisabeth and I on the project. Here are the first excerpts for your (francophone) enjoyment.

Mardi, ce sera la coup d’envoi pour les ateliers de développement de carrière qu’on organise avec Elisabeth. Mini-bilan préalable: les ateliers sont super bien reçus, ils se remplissent (c’est la dernière seconde pour saisir une des quelques places restantes pour le premier atelier, si jamais), la préparation se passe bien, on commence à réfléchir à la suite, bref, on est contentes.

La séance d’info a été l’occasion d’un chouette premier contact avec les participants et d’autres personnes intéressées. Mention spéciale à Virginie qui a très aimablement accepté de filmer la séance d’info, et qui a même fait une petite interview d’Elisabeth et moi. Les premières séquences sont en ligne sur son blog. Du côté des publications autour de cet atelier, Michelle écrit un article où elle montre clairement à quel point la visibilité/disponibilité en ligne d’un artiste est cruciale: ça fera la différence entre assister ou non à un concert.

J’ai aussi découvert avec intérêt le blog Créatif Productif de Renaud Delay et Yvan Richardet, deux compères musiciens férus d’organisation et de productivité, et qui abordent ces thématiques au fil de leurs articles — à l’attention d’autres artistes. C’est très bien et je trouve que ça vient joliment complémentariser (“compléter” ça le faisait pas, là, sorry) les sujets plus “stratégie business et communication” que recouvrent nos ateliers.

Je vous laisse donc consulter les quatre vidéos déjà à disposition. En premier, l’introduction aux ateliers et la présentation de la première séance (“Les mythes du music business”), celle de mardi (aussi sur Facebook):

Ensuite, sans grande surprise, les ateliers 2 et 3 (“Les nouvelles pistes” et “Clarifier son objectif de carrière”):

Puis les ateliers 4 et 5:

Dans cet extrait de l’interview qu’on a donné à Virginie la semaine après la séance d’info, on raconte la genèse du projet et on rentre un peu plus dans les détails du concept de ces ateliers (vidéo sur Facebook):

Finalement, on s’essaye un peu à la concision, avec plus ou moins de bonheur, du moins pour l’une d’entre vous (je vous laisse deviner mais je crois qu’il n’y aura pas de grande surprise, vous connaissez ma tendance à m’étendre!)

Vous pouvez aussi trouver cette dernière vidéo sur Facebook (c’est plus commode pour partager à l’intérieur de Facebook).

Pour le moment, on n’a pas de site dédié pour ces ateliers, donc le meilleur endroit pour rester en contact et nous suivre c’est la page Facebook des ateliers qu’on a mise en place il y a peu.

Musiciens romands: 5 ateliers de développement de carrière en 2016 [fr]

[en] A 5-evening series of career development workshops specially designed for local musicians with my friend Elisabeth Stoudmann.

Quelles clés pour continuer à faire de la musique avec plaisir et en vivre autant que possible?

Cet automne, on vous propose d’apprendre à tirer profit de la transformation de l’industrie musicale cette dernière décennie.

mains cadrées

Je commence par le plus important:

Ce printemps me reprend l’envie d’organiser des workshops. Je sais qu’Elisabeth est parfois sollicitée par les artistes qu’elle côtoie dans le cadre de son travail, et je me dis qu’il y aurait peut-être là l’opportunité de faire quelque chose ensemble.

Quelques discussions plus tard, c’est en route: nous organisons 5 ateliers en soirée pour les musiciens de notre région. En alliant nos domaines d’expertise respectifs, on met sur pied un programme de développement de carrière sur deux axes qui se rejoignent magnifiquement:

  • les spécificités du “business musical” romand en 2016
  • le rôle que les outils numériques jouent dans la “nouvelle manière” de mener une carrière musicale.

Au risque d’aller à contre-courant de ce qu’on devrait faire avec une formation sur ce thème, on veut rester résolument terre-à-terre et réalistes par rapport aux perspectives de vivre de sa musique dans nos contrées. On ne fera pas miroiter les promesses du succès interplanétaire. On s’intéressera plutôt à comment monter quelque chose de solide, même si c’est moins glamour, en s’appuyant sur la force des relations qui nous entourent, la distribution amplifiée que permet le numérique, et les nouvelles opportunités de monétisation.

Je sens que je m’envole dans des propos un peu stratosphériques, alors revenons sur terre sans attendre avec le programme de ces cinq soirées. C’est bien sûr idéal de suivre les 5, mais c’est aussi possible de se servir à la carte.

04.10: les mythes du music business

L’ancien modèle du music business perdure mais d’autres approches sont possibles, prenant souvent appui sur des outils numériques. Grâce à ce premier atelier, vous saurez à quoi vous en tenir.

Est-ce qu’un agent m’est utile? Dois-je faire une newsletter? Et les subventions? Comment est-ce que je me présente en ligne?

18.10: les nouvelles pistes

Gagner sa vie en vendant des CDs, c’est révolu. Si l’on n’est pas une superstar, comment vivre de sa musique? On parlera crowdfunding, médiation musicale, home concerts… Malgré la “crise” de la profession musicale, il y a des tas d’opportunités excitantes à développer.

01.11: clarifier son objectif de carrière

Parmi les diverses possibilités de concilier création artistique et nécessité de gagner sa vie, il faut faire des choix. Il existe des méthodes très concrètes pour clarifier ses objectifs et les atteindre. Notre intervenant Jean-Christophe Aubry, coach en performance, vous guidera pour apprendre ces techniques et les appliquer à votre carrière.

15.11: comment se rendre visible en ligne (I)

Une présence en ligne peut se gérer de façon naturelle et devenir un prolongement de la salle de concert, un espace où être en lien avec son public. Apprenez comment fonctionnent les relations et communautés en ligne, et comment vous pouvez utiliser ces outils pour que votre musique touche plus de monde.

29.11: comment se rendre visible en ligne (II)

Concrètement, je fais quoi? Cette session permettra de mettre en pratique les principes abordés dans l’atelier précédent. Il vous donnera du temps pour travailler sur votre clavier, avec notre soutien: évaluer la pertinence de l’utilisation de telle ou telle plate-forme dans votre situation, ouvrir des comptes, obtenir un retour sur votre présence existante… et poser toutes les questions que vous voulez!

On a aussi fait un magnifique flyer que vous pouvez télécharger, envoyer à vos amis, ou admirer ci-dessous en modèle réduit:

flyer musiciens_p1
flyer musiciens_p2

Vous avez des questions, vous êtes pas sûrs si c’est pour vous ou pas, ou vous voulez simplement un contact avant de vous inscrire? N’hésitez pas à nous envoyer un message ou un mail (ou même nous lancer un coup de fil!), soit à Elisabeth, soit à moi.

On se voit le 13 septembre à la Datcha?

Orange: discussion réseau (Renens + Zürich), Caprices Festival (c'est la reprise!) [fr]

[en] Orange Switzerland is inviting bloggers to chat with network experts both in Renens (French, 21.02.2013 17h30) and in Zürich (German, 28.02.2013). Let me know if you're interested in joining us, or know somebody who is! We also have press passes for Caprices Festival (8-16 March) for bloggers and podcasters of both sides of the Sarine. Don't hesitate to ask for more details in the comments if you have trouble with the French below.

Me voici de retour au bureau après, oh allons, quasi deux mois d’absence. Des dossiers à reprendre, entre autres mon travail “relations blogueurs” avec Orange.

(Note pour ceux d’entre vous qui me lisent via Facebook: le logo Orange qui apparaît à côté de mes articles dans Facebook quand je les partage, c’est pas voulu, c’est Facebook qui fait tout seul, et il faut que je fasse quelque chose au code de mon site pour que ça change. Voilà c’est dit. Non je ne suis pas payée pour qu’Orange apparaisse comme sponsor de tous mes billets ;-))

Droit au but, dans les semaines à venir, deux events orientés blogueurs qui vous intéresseront peut-être (ou d’autres autour de vous; merci de m’aider à faire passer le mot — explications plus détaillées ci-dessous):

De quoi s’agit-il?

D’abord, les “Expert Interviews”: l’idée est d’ouvrir les portes de certaines thématiques importantes pour l’entreprise et d’inviter des membres du public (blogueurs) à discuter directement avec des employés Orange. Le premier “Orange Expert Interview”, c’était avec le chef du service clientèle. Celui-ci, le deuxième, porte sur le réseau Orange. Si vous avez un téléphone mobile, vous savez que sans réseau, il n’y a pas d’opérateur: c’est donc un élément crucial pour tout opérateur téléphonique. L’occasion d’en savoir plus et de satisfaire sa curiosité, pour geeks, technophiles avertis, et moins geeks!

On étend ce coup-ci les Expert Interviews à la Suisse Allemande, avec une séance sur Zürich la semaine suivante.

Puis, Caprices Festival, la première “opération blogueurs” que j’ai aidé à mettre sur pied. On offre à notre sélection de blogueurs (mais n’ayez pas trop peur du mot “sélection”, on est ouverts) un pass pour la durée du festival, des rencontres exclusives, et des billets gratuits pour leurs lecteurs.

Si vous connaissez des blogueurs qui aimeraient saisir une de ces opportunités, merci de leur relayer l’info!

Je réponds bien sûr à toutes vos questions. (Et question numéro 1: n’ayez pas peur de l’URL du blog de l’équipe social media d’Orange, c’est du vrai Orange!)

Orange invite des blogueurs à Caprices, 11-14 avril 2012 [fr]

[en] Blogger/podcaster? Want to go to Caprices Festival and blog/podcast about it? Orange has a free pass for you, and a few other nice things. Details and form in French.

Cher ami lecteur! Aimes-tu les loisirs? te divertir? aller à des concerts, peut-être même à des festivals — comme Caprices, au hasard? Ou bien tu cherches simplement une excuse pour aller à Crans sans prendre ton équipement de ski?

Si tu es blogueur ou podcasteuse, lis bien ce qui suit (et lis bien si tu connais des blogueuses ou des podcasteurs). Orange offre à une poignée de blogueurs la possibilité d’aller gratuitement au Caprices festival entre le 11 et le 14 avril 2012, à Crans-Montana.

En plus:

  • accès aux conférences de presse (car c’est un pass presse qu’on vous fournit)
  • 2 entrées journalières gratuites en plus par personne (pour vos lecteurs ou vos amis, jour à fixer)
  • on vous avertit directement dès qu’on sait qu’il y a une possibilité de rencontre backstage avec un des artistes du festival
  • on vous offre aussi une rencontre exclusive avec les gagnants du New Talent Contest
  • le contenu multimédia de Caprices TV est à votre disposition pour illustrer vos publications, et celles-ci seront en lien depuis la page Facebook de Orange.

On demande aux blogueurs d’être présents au stand Orange mercredi 11 avril 2012 à 18h30 pour un accueil en bonne et due forme, avec une petite intro à la présence Orange à Caprices par Yann, responsable partenariats et événements.

Ce qu’on aimerait de vous: un bel article dans les règles de l’art autour de votre expédition à Caprices. Le contenu est bien entendu libre, signalez juste que vous prenez part à l’opération Blogueurs à Caprices de Orange.

Ça vous intéresse? Faites-le nous savoir rapidement en remplissant ce formulaire. On vous tient au courant pour vous dire si ça joue de notre côté!

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Swiss Vibes: faire connaître la musique suisse à l'étranger, from jazz to pop [fr]

[en] Swiss Vibes is a project I worked on -- a musical compilation to help the rest of the world discover upcoming Swiss artists. Listen to it, read the blog (if you understand French) and join our Facebook page!

Lors de ma conférence sur les médias sociaux à Montréal le mois passé, j’ai mentionné parmi les exemples que j’ai présentés un chouette projet auquel j’ai collaboré tout récemment: Swiss Vibes.

Swiss Vibes, from jazz to pop.

Swiss Vibes, c’est une compilation musicale présentant des artistes suisses, ayant pour vocation de les faire connaître au-delà de nos frontières. L’opération, qui a déjà eu lieu il y a deux ans, a été mise sur pied par Pro Helvetia et le magazine Vibrations — et cette année, sur l’initiative d’Elisabeth Stoudmann, Swiss Vibes prend pied fermement dans le monde numérique, avec un blog, une page Facebook (à “liker” SVP! ;-)), etc.

Sur le blog, interviews (Stefan Rusconi par exemple), vidéos (le “derrière la scène” de Imperial Tiger Orchestra), et toutes sortes d’infos sur ces artistes dont on ne parle pas assez.

Bref, allez écouter la compile (c’est varié!), allez lire le blog pour en savoir plus sur ces artistes helvètes, et parlez-en autour de vous, histoire qu’on sache qu’on fait de la chouette musique en Suisse, et pas juste du chocolat (si c’est valable pour les startups, ça l’est aussi pour la musique!)

Pendant que je suis dans le chapitre “musique suisse”, j’en profite pour attirer votre attention sur Jval Festival, qui a lieu à Begnins (vue superbe!) du 25 au 27 août, et dont le programme contient nombre d’artistes suisses (il y avait l’année dernière entre autres Oy et Anna Aaron, par exemple, qui font partie de la compile Swiss Vibes). Et n’oublions pas non plus de mentionner mes amis Laurent Brunetti et Mario Pacchioli. Ce dernier chante d’ailleurs toute cette année à Paris, accompagné d’Astrid Alexandre!

Nouvelles musiques: adieu la radio [fr]

[en] Years ago, when I sold my car, the radio stopped being my source for new music. Now it's TV series, Facebook, and Tumblr.

Il y a des années de cela, lorsque j’avais une voiture, je passais chaque jour du temps sur la route à écouter de la musique et… à chanter avec. Des périodes CD (c’était avant l’iPhone!) et des périodes radio. J’aimais la radio qui ne parlait pas, qui passait simplement de la musique.

C’était là que je découvrais de nouveaux artistes. Grâce à la radio que j’achetais des CDs (toujours ou presque dans les bacs à 10-15 balles).

Quand j’ai vendu ma voiture en 2007, j’ai perdu non seulement mon local de chant préféré (heureusement je chante avec Café Café, sinon mes pauvres cordes vocales se ratatineraient) mais aussi ma source de nouvelle musique.

En fait, j’ai aussi perdu mon lieu principal d’écoute de musique. J’aime travailler dans le silence, je n’arrive pas à lire ou écrire en musique. Alors j’écoute de la musique quand je fais le ménage ou quand je retouche des photos mais… c’est vrai que j’aime le silence.

Aujourd’hui, piétonne, j’écoute aussi de la musique en marchant ou dans les transports publics, mais c’est très frustrant pour moi de devoir “la fermer” et de ne pas chanter à plein poumons comme j’en ai envie. (Non, je ne suis pas “celle-là” dans le train qui chante pour tout le wagon avec son casque dans les oreilles…)

En plus, merci iPhone, la musique a maintenant une rude concurrence: les podcasts. Je suis accro à On The Media et à Radiolab, par exemple. (Si vous avez des émissions de qualité comparable à me proposer en français, je suis preneuse, hein.)

La radio a donc complètement disparu de mon radar — si ce n’est sous forme de ces podcasts, ou lorsque j’y passe 😉

Depuis quelques années, donc, j’ai conscience que mon “répertoire” musical stagne. Je n’achète plus de CDs depuis longtemps (un des derniers était Back to Bedlam de James Blunt) et malgré ce que pourraient croire certains, je ne suis pas une grande pirate: trop paresseuse pour télécharger “illégalement”, je me contente d’acheter des morceaux isolés sur iTunes. En passant, j’ai la sensation de payer pour le service plus que pour la musique (vous m’entendez, là-bas?)

Source première de nouvelles musiques? Les séries TV (et films), Grey’s Anatomy en tête. Un petit coup de Shazam pour identifier le morceau qui passe, et hop, j’achète.

Deuxième source? C’est ça qui me fait écrire aujourd’hui: mes fils d’actualité sur Facebook et Tumblr. Mes amis qui partagent vidéos et morceaux qu’ils aiment. Parfois, j’achète.

Du "droit" de gagner sa vie [fr]

Je fais court, promis. Je voulais parler de ça dans mon précédent billet sur la gratuité (ou la non-gratuité) du contenu, et j’ai oublié.

Un présupposé que me gonfle, mais alors vraiment, c’est cette idée selon laquelle le fait d’être un créatif et d’avoir un tant soit peu de talent nous donne le droit inaliénable de gagner notre vie avec. “Droit” non pas dans le sens que c’est permis, mais ça que nous est dû.

Je sais chanter, je chante bien, j’ai un peu de succès — le fait de pouvoir gagner ma vie avec mon art me serait dû.

J’écris, j’ai même écrit des romans, et bien je devrais pouvoir gagner ma vie avec — ça m’est dû.

Vous voyez l’idée?

Poussons plus loin.

Je sais créer des espaces coworking, alors je devrais pouvoir gagner ma vie avec.

J’ai une idée pour une nouvelle application et je peux la réaliser, je devrais pouvoir gagner ma vie avec.

Pas la même chose, hein?

Comment se fait-il que lorsqu’une entreprise commerciale échoue à générer assez d’argent pour faire vivre celui ou celle qui l’a lancée, on trouve que ça fait partie des risques de l’entreprenariat (“les finances étaient mal gérées” — “l’idée était bonne mais ils étaient à côté de la plaque sur le marketing” etc.) alors que quand c’est un artiste ou un créatif qui échoue à vivre de son art, on tire à gros boulets rouges sur le système ou les pirates?

Eh bien désolée. Bienvenue dans la réalité, mesdames et messieurs les créatifs (dont je fais partie). Ce n’est pas parce qu’on a un talent qu’on pourra nécessairement en vivre. Ceux qui y parviennent sont l’exception, et l’ont toujours été.

Jamais je ne refuserai à qui que ce soit le droit de tenter de gagner sa vie avec son art. Mais je ne vois pas pourquoi il devrait y avoir des garanties que ça marchera.

Troyes, qu'est-ce que c'est joli! [fr]

[en] As the editor for ebookers.ch's travel blog, I contribute there regularly. I have cross-posted some of my more personal articles here for safe-keeping.

Cet article a été initialement publié sur le blog de voyage ebookers.ch (voir l’original).

Chaque année a lieu à Troyes le festival Nuits de Champagne. Une semaine de concerts qui se termine avec les représentations du Grand Choral, 1000 chanteurs et chanteuses venus parfois de loin pour préparer d’arrache-pied un spectacles assez époustouflant.

A cette occasion, le groupe vocal Café-Café (dont je fais partie!) avait été engagé pour faire un concert destiné à ces choristes. Me voici donc partie pour Troyes en compagnie d’une nonantaine de camarades chanteurs…

J’avoue qu’avant de partir, Troyes n’évoquait pour moi que le fameux Traité de Troyes — et j’aurais été bien en peine de vous dire de quoi pouvait bien traiter ce fameux traité. Avec un peu de chance j’aurais aussi pu mentionner Chrétien de Troyes. En passant, aimable lecteur, ne commets pas l’impair de confondre Troie, la ville grecque du non moins fameux cheval, avec Troyes, ville française à travers laquelle coule la Seine, en pleine Champagne.

Bref. On m’avait dit que c’était joli, Troyes, mais en bonne voyageuse paresseuse (surtout profitant d’un voyage organisé) j’y suis partie un peu à l’aveuglette (pour être tout à fait honnête, sans me renseigner du tout sur ma destination): je savais que nous aurions droit sur place à une visite guidée.

Une fois dans la ville, surprise! Ce n’est pas juste joli, c’est très joli. Les maisons sont de toutes les couleurs, avec poutres peintes apparentes. On en aperçoit plusieurs à différents stades de restauration. Je m’en veux de n’avoir pas retenu toutes les explications de notre guide, mais avec la fatigue du concert du matin, j’ai préféré m’en mettre plein les yeux (et l’appareil photo!)

Extraits choisis, avec les excuses de la photographe pour le jour de grisaille et la nuit qui tombe. (Visitez Flickr pour des photos de Troyes un peu plus artistiques.)

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Troyes 050 Vous me connaissez, malgré mon âge encore pas trop canonique, je suis une vraie mamy à chats.

Je n’ai donc absolument pas résisté à la ruelle des Chats, ainsi nommée car l’espace entre les maisons est tellement petit (en surplomb) que les chats peuvent passer sans difficulté d’une maison à l’autre.

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On joue sur le thème félin dans le coin. Une prochaine fois, j’irais bien manger au Potron-Minet.

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Une autre fois également, je passerais volontiers une demi-journée (voire une journée entière) à Marques City — le paradis des habits à prix dégriffés. En un court week-end avec répétitions, représentations et concerts… malheureusement impossible.

Du coup, on visite les églises. Troyes est plein d’églises entre autres, d’après ce que j’ai compris, parce qu’elle n’a pas trop été bombardée durant les dernières guerres.

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Ci-dessus, le jubé de l’église Sainte-Madeleine. Un jubé, c’est ce qui sépare le choeur de la nef, et il n’en reste plus beaucoup, parce qu’ils ont été joyeusement détruits après le concile de Trente.

Ci-dessous, le toit en bois de l’église Saint-Pantaléon (dans ma tête, ce sera toujours “Saint-Pantalon”, oups), connue pour toutes les statues qu’elle abrite.

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Pour vous laisser, quelques photos de Troyes by night (ou “presque night”). Je vous souhaite de tout coeur d’avoir l’occasion de visiter cette très jolie ville française. Et pour ma part… je songe sérieusement à m’inscrire au Grand Choral de l’année prochaine!

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Pirater n'est pas voler, en sept mythes [fr]

Pirater n’est pas voler. Le vol enlève l’objet original, le piratage le duplique:

piracy-is-not-theft

Pirater, c’est donc plutôt comme photocopier un livre à la bibliothèque ou vite graver une copie d’un CD qu’on nous a prêté.

Je suis atterrée de voir à quel point le lavage de cerveau opéré par la grosse machine a faire du fric de l’industrie du film et de la musique a été efficace: nombre de personnes dans mon entourage avalent tout rond l’affirmation selon laquelle le téléchargement d’oeuvres protégées par le droit d’auteur est un crime comparable (si ce n’est pire!) à aller se servir dans le porte-monnaie des artistes.

Il est temps de monter au front, à l’heure de la Loi Hadopi, du procès The Pirate Bay (suite auquel le Parti des Pirates est en passe de devenir un acteur majeur de la politique suédoise), et du cautionnement par le Tribunal Administratif Fédéral des activités de traquage d’IP par la société Logistep (rejoignez le groupe Facebook), pour renverser la vapeur, lutter contre ce lavage de cerveau, dénoncer les arguments fallacieux (voire malhonnêtes et confinant au mensonge) d’une industrie qui échoue à se réinventer face aux évolutions technologiques du monde moderne, bref, remettre les pendules à l’heure et l’eglise au milieu du village.

Contrairement à ceux qui voudraient nous faire penser que télécharger (ou partager) un mp3 ou une série télé fait de nous des criminels endurcis (souvent récidivistes), méritant la prison, l’amende, ou tout du moins l’opprobre général de la société (nous mettant du coup dans le même sac que les meurtriers, les voleurs, les faussaires, les plagiaires, et autres escrocs) — je vais prendre le temps ici d’expliquer ce que j’avance. On fera un peu d’histoire, un peu d’argumentatif que tout le monde peut suivre, je ferai intervenir quelques témoins, on regardera quelques chiffres. Je m’efforcerai de nommer les mythes que nous servent au petit-déjeûner les apôtres d’un droit d’auteur conçu pour le monde des objets physiques, et nous les regarderons ensemble s’écrouler sous le poids de la réalité numérique d’aujourd’hui. (Oui, “mythe” c’est un peu plus diplomatique que “mensonge”.)

Ce n’est pas gagné d’avance:

  • le lavage de cerveau à fonctionné — à force de répéter les choses, les gens finissent par y croire
  • les raisonnements et les statistiques n’ont que peu de poids face à un adversaire qui manipule l’émotionnel
  • la loi reste la loi, et le non-respect du droit d’auteur est illégal.

Mais ne nous décourageons pas. En répétant à notre tour, on peut espérer se faire entendre par nos concitoyens.

Mythe #1: “pirater, c’est voler”

Voler, c’est prendre à quelqu’un par la force ou l’astuce quelque chose que celui-ci possède, pour se l’approprier. Comme l’illustre bien le dessin ci-dessus, la copie (illégale) de fichiers, ce que l’on nomme “piratage”, n’enlève rien à qui que ce soit (ce point sera développé plus loin pour ce qui est de la perte d’une “vente potentielle”). En piratant un fichier (que cela soit de la musique, un film, une photo, ou un logiciel), on entre effectivement en possession de quelque chose auquel on n’aurait “pas droit”. Mais le parallèle avec le vol s’arrête là.

Tenter d’enfoncer dans le crâne d’honnêtes citoyens que le piratage est l’équivalent du vol, c’est une exploitation manipulatrice des mots. En fait, je pense qu’on peut carrément dire que c’est un mensonge. Diriez-vous que faire la photocopie intégrale d’un livre à la bibliothèque, c’est la même chose que le voler?

Pour illustrer un peu plus avant ce point, j’aimerais prendre ce témoignage donné par Tim O’Reilly, l’éditeur bien connu.

Consistent with my observation that obscurity is a greater danger than piracy, shoplifting of a single copy can lead to lost sales of many more. If a bookstore has only one copy of your book, or a music store one copy of your CD, a shoplifted copy essentially makes it disappear from the next potential buyer’s field of possibility. Because the store’s inventory control system says the product hasn’t been sold, it may not be reordered for weeks or months, perhaps not at all.

I have many times asked a bookstore why they didn’t have copies of one of my books, only to be told, after a quick look at the inventory control system: “But we do. It says we still have one copy in stock, and it hasn’t sold in months, so we see no need to reorder.” It takes some prodding to force the point that perhaps it hasn’t sold because it is no longer on the shelf.

Tim O’Reilly

Ce qu’explique Tim, c’est que le vol a l’étalage a des conséquences que l’on ne voit pas immédiatement: le système de gestion d’inventaire de la librairie indique qu’un ouvrage est en stock et n’a pas été vendu depuis des mois, alors qu’en fait il manque dans le magasin suite à un vol. Combien de ventes perdues?

La confusion au niveau des termes employés va encore plus loin: parler de piratage pour la copie illicite de fichiers, c’est déjà noircir le tableau. A la base, le piratage, c’est la contrefaçon. La contrefaçon consiste à reproduire des biens (montres, sacs, CDs, DVDs, habits de marque…) pour ensuite le revendre et en tirer profit. La plupart du temps, ceux qui téléchargent de la musique sur le net ne le font pas pour la revendre — c’est simplement pour se la procurer.

File sharing is not piracy.

(Et puis bon, parler de piratage pour de la contrefaçon… c’est aussi très discutable.)

Je résume: il y a clairement manipulation en ce qui concerne le vocabulaire utilisé pour parler de ces questions. Le partage et la copie de fichiers, dans la plupart des cas, ce n’est pas de la contrefaçon (personne ne vend quoi que ce soit). Et le partage ou la copie de fichiers, dans tous les cas, ce n’est pas du vol. Ces amalgames servent à faire paraître le crime plus grave qu’il ne l’est.

Manquer de respect aux droits d’auteur ou à la propriété intellectuelle (une autre notion discutable, voir plus bas), comme lorsque l’on photocopie en douce un livre à la bibliothèque, grave en vitesse un CD qu’on nous a prêté, ou télécharge de la musique ou des films “trouvés” sur internet, ce n’est pas un crime du même acabit que détrousser une petite vieille, piquer dans la caisse ou au supermarché du coin, ou braquer une banque.

Je redonne la parole à Tim O’Reilly pour qu’il nous donne sa perception de la copie illégale de fichiers, en tant qu’éditeur:

And overall, as a book publisher who also makes many of our books available in electronic form, we rate the piracy problem as somewhere below shoplifting as a tax on our revenues.

Tim O’Reilly

…une taxe progressive sur leur revenu, et un problème moins grave que le vol à l’étalage.

Mythe #2: chaque copie téléchargée représente la perte d’une vente

Qu’est-ce qu’on l’entend, celui-là! Comment peut-on en toute bonne foi prétendre que chaque personne qui télécharge gratuitement un fichier sur internet aurait été prête à acheter ce même fichier (ou une version bridée de celui-ci, merci les DRM) au prix fort? Ce n’est tout simplement pas vrai.

Il ne faut pas négliger le pouvoir de la gratuité: elle incite à essayer, à prendre des risques, à se procurer ce dont on n’a pas besoin. Jules passera des heures à télécharger des séries télé… mais peut-on honnêtement imaginer qu’il les aurait achetées s’il ne les avait pas téléchargées, avec son budget d’étudiant?

Ça me scandalise que ce soit ce genre de calcul fallacieux qui serve de base à des estimations de dommages-intérêts en cas de procès.

Une illustration — puisque l’on sait que les histoires valent tous les raisonnements et les chiffres:

A while ago a teacher told me that she didn’t use a chapter of my book Small Pieces Loosely Joined because she didn’t want to ask her students to buy the entire volume. She should have instead freechased the chapter by printing up some copyright-bustin’ copies. Since she wasn’t going to buy the book, she wouldn’t have been depriving me or my publisher of any money. And freechasing the chapters would have created some value: She obviously thought it would have some salutary effect on the students (presumably as they sharpened their logical skills by ripping it to shreds), and it’d be in my long term interest to have students introduced to my writing.

David Weinberger

David Weinberger, auteur de plusieurs livres, raconte qu’une prof lui a avoué avoir renoncé à utiliser une partie de l’un de ses livres dans son cours, car elle ne voulait pas demander à ses étudiants d’acheter le livre entier pour cela. David dit qu’elle aurait simplement dû photocopier le chapitre en question. Puisqu’elle n’avait pas l’intention d’acheter les livres, en faisant cela elle ne prive ni David ni son éditeur d’un quelconque revenu. Il ajoute qu’en plus, en faisant cela, tout le monde y gagnait: clairement, elle pensait que ses étudiants gagneraient à étudier ce texte, et David et son éditeur gagnaient à ce que les étudiants aient un contact avec son livre, qui, un jour, mènerait peut-être à une vente — qui sait.

Cela nous amène au corrolaire de la destruction de ce mythe: et si, en plus de ne pas priver le détenteur des droits d’auteur d’une vente, le partage de fichiers était susceptible d’en générer? C’est ce que démontre une récente étude hollandaise sur la question (notons que ce n’est pas nouveau: des conclusions similaires déjà en 2002…).

Ajoutons à ces études un peu de logique primaire: comme le dit Tim O’Reilly, l’ennemi numéro un d’un artiste ou d’un auteur aujourd’hui, c’est l’obscurité:

For all of these creative artists, most laboring in obscurity, being well-enough known to be pirated would be a crowning achievement. Piracy is a kind of progressive taxation, which may shave a few percentage points off the sales of well-known artists (and I say “may” because even that point is not proven), in exchange for massive benefits to the far greater number for whom exposure may lead to increased revenues.

Tim O’Reilly

Le partage de fichiers a un pouvoir extraordinaire: celui de faire connaître. Depuis toujours, on fait des cassettes de compilations pour des amis, on fait écouter ses disques aux invités. La copie de fichiers est l’équivalent numérique de ces comportements. J’ai découvert Michel Sardou et Jean-Jacques Goldman parce qu’une de mes amies d’école m’avait fait des cassettes (illégales). J’ai croché sur Elton John, et plus tard, acheté plusieurs de ses albums, parce que j’avais fait une copie (illégale) d’un CD de lui que mon père avait emprunté. Et je ne vous ferai pas la liste des artistes que j’ai découverts grâce à de la musique téléchargée (illégalement) sur internet — et dont j’ai fini par acheter des CDs, et même, dans un cas, un livre.

Rien de nouveau sous le soleil: tout ce qui change, c’est l’échelle. Question d’échelle qui rend douloureusement visible le fait que l’industrie de la musique est basée sur une économie de la rareté — système qui ne tient simplement plus la route dans un monde numérique.

Mythe #3: les artistes sont des gens qui vendent des CDs

Ce mythe-ci, je le trouve carrément insultant pour les artistes. Non mais, franchement. Pourquoi diable vendre des CDs serait-ce la seule façon pour un musicien ou un chanteur professionnel de se réaliser dans la société d’aujourd’hui? Un artiste, c’est tellement plus qu’un fabricant de CDs.

Les vendeurs de CDs, ce sont les maisons de disques. Et si on creuse un peu, on imagine qu’à l’origine, la maison de disques qui produisait l’artiste lui était utile, car les disques étaient le moyen le plus pratique de diffuser et faire connaître sa musique. Maintenant, un disque c’est un objet matériel — il faut donc bien le faire payer.

Mais aujourd’hui? De moyen, le CD est devenu une fin. Alors qu’en somme, internet offre un moyen bien plus économique de se faire connaître. Alors certes, on renonce peut-être au revenu de la vente des CDs.

Mais qui exactement se fait de l’argent quand un CD est vendu? Je vous le donne en mille: principalement les maisons de disques. (Mais vous le saviez, non?)

Comment donc est-ce qu’on arrive encore à se faire avoir, en sachant cela, et avaler des énormités du genre “quand tu télécharges de la musique sur internet, tu pilles les artistes que tu aimes” (je cite de mémoire, mais il y avait une grande campagne d’affichage en ville il y a un an ou deux) — ou encore cette explication (mensongère, vous le verrez), trouvée sur le site de l’association suisse pour la lutte contre le piratage:

L’artiste vit des droits d’auteurs qu’il perçoit. C’est là son gagne-pain principal. Comme par définition sur des produits contrefaits il n’y a pas de droit d’auteur, les artistes sont totalement spoliés.

Appelons quelques témoins:

  • Courtney Love, qui en 2000 déjà sortait sa calculette et nous faisait les maths de la production d’un album à succès: un contrat de rêve avec 20% de royalties et un million d’avance, pour un groupe de quatre artistes, finit par laisser à chacun 45000$ avec lesquels vivre durant un an; le disque se vend à un million d’exemplaires, mais entre les frais de promo et l’avance à rembourser, il ne restera rien.
  • Steve Albini (producteur de “In Utero” de Nirvana) sort aussi sa calculette pour nous montrer à quel point le contrat avec la maison de disques est une forme moderne de servage; les artistes finissent avec presque rien, alors que “l’industrie” fait des millions.
  • Pascal Nègre nous avoue qu’un disque d’or touche 4000€ par mois… Une poignée d’artistes français, donc, mais qui affichent des revenus bien supérieurs. Pas difficile de deviner d’où vient leur revenu: concerts et “produits” dérivés.
  • Numérama, enfin, découpe le gâteau et nous dit où va l’argent dépensé lors de l’achat d’un CD (pas de surprise de ce côté-là).

Je résume? Si les artistes sont perdants, c’est parce que les maisons de disques ont conçu le système pour qu’ils le soient. Et si vraiment le téléchargement de MP3 sur internet était responsable de la chute des ventes de CDs… ce sont les maisons de disques qui perdent gros, pas les artistes. Qu’on arrête de nous raconter des salades et qu’on appelle un chat un chat — ils ont bon dos, les artistes.

(Et on apprend d’ailleurs de la bouche de la Suisa que les pertes sur les redevances de CDs ont été compensées par celles des concerts… Tiens, tiens!)

Mythe #4: la chute des ventes de CDs est imputable au téléchargement illégal

On le sait tous: si les maisons de disques (et donc les musiciens) vendent moins de CDs, c’est à cause des vilains pirates qui partagent (et téléchargent) gratuitement et illégalement de la musique en ligne (on devrait d’ailleurs aussi leur faire porter le chapeau pour la mort du vinyle et des cassettes audio et vidéo). N’est-ce pas?

Eh bien, cela reste à prouver:

  • Le CD est maintenant en concurrence avec une pléthore d’autres formes de divertissement (DVD à l’achat ou la location, jeux vidéo, connexion internet, téléphone mobile, concerts, cinéma, manifestations sportives…) — si j’ai un budget “divertissements”, est-ce qu’acheter un CD est vraiment la meilleure façon de dépenser mon argent (que je puisse ou non me procurer de la musique gratuitement en ligne)?
  • Les baladeurs CD ont été remplacés par les lecteurs MP3. 12 titres sur un CD, des milliers sur un iPod. Le format CD est-il encore attractif, et pire, a-t-il encore une raison d’être?
  • Fin 2002, les principales maisons de disques américaines ont été reconnues coupables d’avoir maintenu artificiellement haut les prix des CDs. Et si c’était ce genre de pratique qui décourageait les acheteurs, dès qu’il existe d’autres alternatives?
  • Entre 2000 et 2001, la vente de CDs de contrefaçon a augmenté de 50% (4.3 millions de dollars pour 650 millions de CDs). N’est-ce pas là un problème sur lequel il mériterait de s’attarder? Cf. mes remarques plus haut sur la distinction entre le partage gratuit de fichier et la contrefaçon…
  • La variété des artistes mis en avant par les maisons de disques (albums publiés, radios, vidéos sur MTV) diminue. Par exemple, en 2000, l’industrie du disque a sorti 25% d’albums en moins que l’année précédente. Alors, blâmer la diminution des ventes de 10% sur les méchants pirates, c’est un peu limite.

Un peu plus près de nous dans le temps (je sais, je vous sers des vieilleries, mais à voir comme l’industrie et les autorités restent crispés sur leurs positions en ce qui concerne ce sujet, cela n’a pas grande incidence):

  • Durant le fameux procès The Pirate Bay, le Prof. Roger Wallis a pris la barre pour témoigner de l’absence de lien entre le partage de fichiers et le déclin des ventes.
  • L’étude hollandaise déjà mentionnée plus haut, qui semble montrer que le partage de fichiers encourage plutôt l’achat dans son ensemble.

Quelques articles que je vous conseille (certains sont les sources des points ci-dessus):

L’industrie du disque est une industrie basée sur la rareté des objets physiques. A l’époque où le seul moyen de distribuer de la musique, c’est de la mettre sur un support physique, de l’expédier à travers le pays dans des avions ou des camions, alors oui, il faut payer ceux qui investissent pour rendre cela possible.

Mais cette époque est révolue. On passe d’une économie de la rareté à une économie de l’abondance. Dans un environnement numérique, le partage multiplie les biens, alors que dans un environnement physique, il les divise. Peut-être que le vrai coupable, dans la chute des ventes de CD, c’est simplement le fait de vouloir s’accrocher à tout prix à un modèle économique qui n’a plus lieu d’être le seul possible pour la distribution de la musique.

Mythe #5: on est tous des criminels

Une des conséquences de cet amalgame malhonnête du partage de fichiers avec le vol, c’est une criminalisation de ceux qui pratiquent le téléchargement. Est-ce que toute personne qui viole une loi est un criminel? Si on veut être littéraliste, peut-être que oui — j’avoue ne pas être une spécialiste des nuances juridiques (crime, délit, infraction… et comment nomme-t-on les personnes qui en sont coupables?)

Je sors mon chapeau de linguiste. Regardons un peu les connotations des mots.

  • quelqu’un qui braque une banque, viole ou tue quelqu’un: un criminel
  • quelqu’un qui détrousse des passants, cambriole des appartements: un criminel
  • quelqu’un qui trafique les comptes de sa société, puise dans la caisse, escroque autrui: un criminel
  • quelqu’un qui crée des biens de contrefaçon et en vit: un criminel
  • quelqu’un qui fait un excès de vitesse?
  • quelqu’un qui “oublie” certains revenus en remplissant sa déclaration d’impôts?
  • un mineur qui achète de l’alcool?
  • quelqu’un qui photocopie un livre à la bibliothèque, ou copie un CD qu’on lui a prêté?
  • quelqu’un qui tond son gazon un dimanche (on est en Suisse)?
  • quelqu’un qui échappe à BILLAG?
  • un randonneur en tenue d’Adam (ou d’Eve)?

J’espère qu’il est clair, par cette liste d’exemples, que toute infraction à la loi n’a pas le même poids. Je doute que quiconque envisage d’appeler “criminel” une personne qui fait un (ou même plusieurs) excès de vitesse, ou photocopie un livre à la bibliothèque. Car si c’était le cas, nous serions tous des criminels (que celui qui n’a jamais enfreint la loi se dénonce).

Revenons à ce qui nous intéresse, le partage de fichiers. Voici quelques chiffres:

J’aurais pu creuser plus pour trouver encore d’autres chiffres (utilisez les commentaires si vous en avez), mais ceux-ci suffisent à vous donner un ordre de grandeur. En somme, si toutes les personnes partageant des fichiers sont des criminels, on criminalise la société — et ça… ça ne tient pas debout.

La loi suit l’évolution de la société et s’y adapte. Si on se retrouve dans la situation où l’application d’une loi rendrait la majeure partie d’une société criminelle, je pense que c’est plutôt la loi et son application qu’il faut repenser, plutôt que s’obstiner à la tâche (impossible) de son application et criminaliser la société.

Mythe #6: on peut être “propriétaire” d’une idée

Si on creuse, tout le débat autour du partage de fichier prend ses racines dans la propriété intellectuelle. Si l’on admet les malhonnêtés des uns et les manipulations des autres, la soif de profit d’une industrie en perte de vitesse… reste la question que l’on trouve normal qu’une personne qui crée quelque chose puisse en retirer un profit.

Et je vous rassure tout de suite, je ne prône nullement l’abolition de la propriété intellectuelle ou du droit d’auteur (je suis moi-même une personne qui “crée”, et j’avoue que l’idée de pouvoir en vivre au moins partiellement me plaît bien). Cependant, il faut bien avouer qui si l’on met côte-à-côte les lois et principes régissant la propriété intellectuelle et le droit d’auteur avec internet, ses possibilités technologiques, et la culture qui en est née, ça coince.

La racine du problème est la notion un peu naïve (et erronée) que l’on peut être “propriétaire” d’une idée. Les idées veulent être libres: une fois qu’on laisse une idée hors de sa tête, en la partageant sous quelque forme que ce soit, on ne peut plus la reprendre. On ne peut pas non plus s’en défaire. La nature même de l’idée est de se propager d’une personne à l’autre, sans que rien ne puisse la contrôler.

J’aimerais citer à ce sujet-là Thomas Jefferson:

If nature has made any one thing less susceptible than all others of exclusive property, it is the action of the thinking power called an idea, which an individual may exclusively possess as long as he keeps it to himself; but the moment it is divulged, it forces itself into the possession of everyone, and the receiver cannot dispossess himself of it. Its peculiar character, too, is that no one possesses the less, because every other possesses the whole of it. He who receives an idea from me, receives instruction himself without lessening mine; as he who lights his taper at mine, receives light without darkening me. That ideas should freely spread from one to another over the globe, for the moral and mutual instruction of man, and improvement of his condition, seems to have been peculiarly and benevolently designed by nature, when she made them, like fire, expansible over all space, without lessening their density at any point, and like the air in which we breathe, move, and have our physical being, incapable of confinement or exclusive appropriation. Inventions then cannot, in nature, be a subject of property.

Thomas Jefferson, cité dans Embrace File-Sharing or Die

Pour protéger les oeuvres de l’esprit, dans un monde où leur expression a un coût, on protège ces expressions. La propriété intellectuelle, en fait, donne le droit de protéger l’expression d’une oeuvre ou d’une innovation — mais non celle-ci en elle-même. Je peux contrôler qui crée et distribue des copies de mon livre dans le monde physique, mais je peux très difficilement contrôler qui y a accès (une fois mis en circulation, le livre peut tomber entre les mains de n’importe qui). Avec un brevet, je peux contrôler qui a le droit de réaliser et de commercialiser mon innovation, et à quelles conditions.

Les lois de propriété intellectuelle protègent les expressions et non les oeuvres de l’esprit elles-mêmes. Si vous lisez l’anglais, filez lire du début à la fin The Economy of Ideas, écrit par l’ancien parolier des Grateful Dead. Il explique ces choses bien mieux que je ne le pourrai.

Donc, toutes ces lois vont très bien dans un monde où la production et la distribution des expressions d’oeuvres de l’esprit ont un coût. Elles ont même été initialement mises en place pour encourager les auteurs de telles oeuvres à les partager avec le monde. Par exemple, pour encourager un éditeur à investir dans un auteur, prendre le risque (financier) de faire imprimer des tas de bouquins et les distribuer, l’état lui garantit une certaine protection (l’exclusivité) durant un certain temps. Idem avec la musique.

The framers [of copyright law] understood that the state-created property monopoly of copyright was justifiable only to the extent that it would “promote the progress of Science and the Useful Arts.” It created therefore a fixed, and originally very short, period of time in which one might sell copies of one’s works with state protection. Without this protection, in the nature of intellectual things, piracy was naturally rampant. After authors have been given a decent interval to exploit their property, the monopoly to the work is ended, and the work may be reabsorbed into the culture at large, be remixed into new works, for the public benefit for the rest of time: hence the name “Public Domain” which refers to the domain of this public good.

Against Perpetual Copyright — Lessig Wiki

Je résume: le droit d’auteur est là pour encourager la diffusion de l’oeuvre, et non l’empêcher. Sans droit d’auteur, l’état naturel des oeuvres de l’esprit est un état de “piraterie”.

A l’heure où l’expression et la diffusion des ces oeuvres de l’esprit sous forme numérique ne coûte à peu près plus rien, il est clair que l’attirail juridique en rapport a besoin d’être repensé. Si diffuser une oeuvre ne nécessite plus d’investissement significatif, s’il n’y a plus de prise de risque, a-t-elle encore besoin d’une pareille protection?

Je précise en passant que ceci n’a rien à voir avec la reconnaissance de celui à l’origine de l’oeuvre. Je vois souvent des gens confondre “droit d’auteur” (= je peux contrôler la diffusion de mon oeuvre) et “crédit” (=on reconnait que je suis l’auteur de cette oeuvre) — l’ennemi du crédit étant le plagiat, qui est une toute autre histoire, que je trouve complètement condamnable.

Si on accepte qu’on ne puisse pas être “propriétaire” d’une idée, qu’on ne peut plus, à l’ère numérique, contrôler la diffusion des choses qu’on rend publiques (c’est ce que j’explique aux ados), se pose donc la question: comment le créateur d’oeuvres de l’esprit gagne-t-il sa vie?

Je vous renvoie à l’article The Economy of Ideas, qui explore l’importance du contact direct (on retrouve ici un lien avec le mythe #3): concerts et autres “performances”, produits dérivés…

One existing model for the future conveyance of intellectual property is real-time performance, a medium currently used only in theater, music, lectures, stand-up comedy, and pedagogy. I believe the concept of performance will expand to include most of the information economy, from multicasted soap operas to stock analysis. In these instances, commercial exchange will be more like ticket sales to a continuous show than the purchase of discrete bundles of that which is being shown.

The other existing, model, of course, is service. The entire professional class – doctors, lawyers, consultants, architects, and so on – are already being paid directly for their intellectual property. Who needs copyright when you’re on a retainer?

In fact, until the late 18th century this model was applied to much of what is now copyrighted. Before the industrialization of creation, writers, composers, artists, and the like produced their products in the private service of patrons. Without objects to distribute in a mass market, creative people will return to a condition somewhat like this, except that they will serve many patrons, rather than one.

John Perry Barlow dans The Economy of Ideas

On peut se consoler en se rappelant que ceci n’est qu’un retour à l’état des choses d’avant l’industrialisation de la création.

Mythe #7: c’est la fin du monde! au secours!

Bon, j’avoue, ce dernier mythe je l’ai ajouté principalement pour le plaisir de taper sur ceux qui s’amuse à faire de l’alarmisme (vous savez que c’est un de mes dadas).

N’empêche: les hurlements de fin du monde d’une industrie installée “confortablement” sur le pont d’un bateau en train de couler prêteraient à rire, s’ils n’étaient pas l’indice d’une myopie historique effrayante. Je vous ai dit au début de cet article que ce contre quoi je m’élève ici, c’est la malhonnêteté intellectuelle dans ce débat, et le mépris de l’histoire en fait partie.

Le partage de fichiers n’est pas la première révolution que connaît l’industrie du disque et du film: l’apparition des cassettes audio, des enregistreurs vidéo, des graveurs CD, de la radio (allez d’ailleurs voir à ce sujet The Boat That Rocked — premièrement c’est un excellent film, deuxièmement la problématique des radios pirates des années 60 n’est pas sans rappeler le sujet qui nous occupe ici).

Et avant cela, en parlant de révolutions, c’est simplement l’apparition du support enregistré qui a révolutionné le monde du théâtre et de la musique (je les entends d’ici: “quelle plaie, ces enregistrements, plus personne ne viendra me voir pour écouter ma musique!)

Les modèles commerciaux ont changé, mais la musique et l’art survivent. Internet est une opportunité incroyable pour quantité d’artistes qui jamais n’arriveraient à intéresser les gros de l’industrie. Il n’a jamais été aussi facile de laisser son art trouver un public.

Et à côté de ça, vous avez les majors schizophrènes, comme Sony, qui tentent d’un côté de profiter de l’explosion du téléchargement musical et des nouvelles opportunités de développement commercial qu’elle présente, et d’un autre côté, qui s’aggrippent aux DRM et aux droits d’auteurs en tant que membre de la RIAA:

As a member of the Consumer Electronics Association, Sony joined the chorus of support for Napster against the legal onslaught from Sony and the other music giants seeking to shut it down. As a member of the RIAA, Sony railed against companies like Sony that manufacture CD burners. And it isn’t just through trade associations that Sony is acting out its schizophrenia. Sony shipped a Celine Dion CD with a copy-protection mechanism that kept it from being played on Sony PCs. Sony even joined the music industry’s suit against Launch Media, an Internet radio service that was part-owned by – you guessed it – Sony.

Les lois aussi s’insèrent dans un contexte historique. Elles ont été écrites pour répondre à un besoin ou à un problème. Quand la société change et que les lois finissent par être détournées de leur raison d’être première, il est temps de se mettre au travail et de repenser les choses en profondeur.

Conclusion

Si vous avez lu cet article en entier, chapeau — j’ai perdu la trace du temps que j’ai mis à le rédiger, mais cela se compte en jours. Je vous invite à laisser un commentaire, je serais ravie d’avoir des retours. Je ferai de mon mieux pour y répondre.

Si je devais reprendre ici les points les plus importants de mon argumentation, je dirais ceci:

  • il y a un problème de terminologie dans ce débat qui brouille les cartes de façon délibérée (partage de fichiers / piratage / contrefaçon / vol) et criminalise une pratique répandue et plus innocente qu’on voudrait le faire croire (penser “photocopier un livre/article à la bibliothèque”)
  • les intérêts des artistes et de l’industrie ne sont pas aussi liés que ce que celle-ci voudrait nous faire croire (les artistes ont autre chose dans le ventre qu’être des vendeurs de disques)
  • sans vouloir abolir la propriété intellectuelle et le droit d’auteur, il est temps de les repenser soigneusement à la lumière du numérique (en mettant peut-être les intérêts de la culture et des citoyens devant ceux d’une industrie à brasser des milliards)
  • la chute des ventes des CDs n’est pas clairement une conséquence du partage de fichiers (il semblerait même, au contraire, que celui-ci stimule l’achat)
  • un fichier téléchargé illégalement n’est pas équivalent à une vente perdue (quelqu’un en doute encore?)

Et finalement, cerise sur le gâteau, les décideurs souffrent d’un déficit effrayant de culture numérique et ne saisissent souvent pas les conséquences des lois qu’ils passent (ou tentent de faire passer). Il est certes plus facile d’écouter les cris de l’industrie et de traiter le partage de fichiers comme de la contrefaçon, phénomène concret avec lequel on est déjà familier.

(Et là, je me dis qu’en plus de vous recommander de lire le livre L’âge de peer d’Alban Martin… je devrais aussi finir de le lire moi-même!)