Chat ou e-mail pour rester en contact? [fr]

Au détour d’une conversation avec Fabien ce matin, je (nous) faisais la réflexion suivante: même si j’adore écrire (preuve les kilomètres de texte qui s’alignent sur ce blog, sauf quand je n’écris pas) je ne suis pas du tout versée dans l’e-mail “correspondance”.

Certes, j’utilise (beaucoup) l’e-mail comme outil de travail. Pour des échanges factuels. Pour de l’administratif.

Mais pour parler de sa vie ou de son coeur, je préfère être en intéraction directe: IM, SMS, IRC Twitter, téléphone, ou même (oh oui!) se voir en chair et en os pour boire un café ou manger un morceau.

Déjà avant que l’e-mail ne débarque dans ma vie, je n’étais pas vraiment une correspondante. Ma grand-mère paternelle se plaignait amèrement du manque de lettres provenant de sa petite-fille, les cartes postales signées de ma main étaient dès le jour de leur réception des pièces collector, et les deux ou trois tentatives adolescentes d’avoir des correspondantes dans d’autres pays se sont assez vite essoufflées.

Peu étonnant, dès lors, qu’un fois accro au chat sous toutes ses formes, ce soit les modes de communication interactifs que je privilégie pour mes relations avec les gens.

Je me demande si c’est simplement une préférence personnelle (certains sont épistoliers, d’autres pas) ou bien s’il y a véritablement des caractéristiques des médias en question qui la sous-tendent: l’interactivité (relativement synchrone), par exemple. Parler de ce qu’on vit ou fait (c’est souvent l’essentiel des conversations), c’est bien mieux avec un retour direct d’autrui en face, non?

Survivre à l'heure du trop d'informations [fr]

Lors du très sympathique Bloggy Friday d’hier soir, la conversation est à un moment donné partie sur les fils RSS, Twitter, le temps que ça prend, et la quantité d’informations à s’enfiler chaque jour, si on rentre là-dedans.

Je vous présente donc ma recette pour survivre à l’heure de la pléthore d’informations à portée de nos souris qui est la nôtre. Elle est très simple, la recette:

  • lâcher prise et abandonner tout espoir d’être “à jour” ou de “tout lire”
  • mettre l’accent sur les connexions et le réseau (quelles personnes je suis sur Twitter, connexions facebook, abonnements RSS)
  • considérer que tous ces flux sont comme une rivière où l’on fait trempette de temps en temps, ou comme une station radio diffusant en continue et qu’on allume lorsqu’on en a envie.

Quelques éléments supplémentaires:

  • si l’information est importante et que le réseau est de qualité (voir le point ci-dessous), elle vous parviendra par de multiples chemins (exit donc l’angoisse de “rater” quelque chose de vital)
  • la qualité du réseau est cruciale: ce n’est pas juste une question de quantité de connexions ou de contacts (même si cette dimension joue un rôle), et chacun est entièrement responsable du réseau qu’il construit et maintient autour de lui.

Pour ma part, j’ai depuis longtemps accepté que je ne suis pas une lectrice régulière de blogs. Je sais, cette information en surprend plus d’un, car je suis perçue comme une personne très connectée et “au courant”. Mes lectures sont des butinages, incités par ce que je vois passer dans ces différents flux (Twitter, Facebook, Tumblr, surtout). De temps en temps, je vais expressément voir le blog de telle ou telle personne, ou son compte Facebook, ou son Twitter — parce que j’ai envie d’en savoir plus sur ce qu’elle raconte récemment.

Mais je ne cherche pas à “tout lire”, oh non, au grand jamais. Et je m’en porte fort bien!

Gérer sa réputation numérique [fr]

[en] Online reputation management: know what people are saying about you, and concentrate on putting yourself out there in a good (honest) light rather than getting stuff pulled down and risking the Streisand Effect. This is exactly what Anil Dash explained on his blog many years ago in "Privacy through identity control".

En allant faire un saut à la boulangerie du coin, iPhone sur les oreilles, le hasard de la playliste aléatoire m’a permis d’écouter “La mauvaise réputation“, épisode de l’émission RSR1 “On en parle” que j’avais téléchargé il y a une semaine environ.

Eh bien, même si par moments j’ai un peu grincé des dents face à l’approche un peu “contrôler sa réputation” de certaines parties de l’émission, et au fait qu’on insistait un peu beaucoup sur comment savoir ce qui est dit de nous, mais pas tellement sur “et bon ensuite, on en fait quoi?”, les conclusions sont tout à fait bonnes. Je vous encourage donc à écouter l’émission (surtout la fin!) si ce sujet vous intéresse.

En résumé:

  • ayez une présence internet, et utilisez-la pour être proactifs par rapport à ce qu’on peut trouver sur vous en ligne (en termes moins élégants: ça peut aider à “noyer le poisson” ou tout au moins, équilibrer un peu le message si des choses négatives sont publiées sur vous)
  • gardez un oeil sur ce qui est publié à votre sujet (Google, alertes, Technorati, abonnements, ou même entreprise spécialisée)
  • il y a des moyens de faire retirer des contenus, mais attention: ils vont resurgir ailleurs, et risque de Streisand effect
  • tenter d’éviter le problème en faisant l’autruche et en restant aussi loin d’internet que possible, c’est donner le contrôle total de votre réputation numérique à autrui!

A Thought or Two on Social Capital [en]

A couple of weeks ago, I was having a nice afternoon in Geneva (a surprise for me!) sipping an ice tea on the terrace of a café in the Quartier des Bains. The people around the table were interesting, as was the conversation. At one point, I was trying to explain how I viewed “social capital” and the meritocratic nature of the connected lifestyle.

As with many things, the Internet has not really created anything new, but given more visibility or weight to something that already exists in the offline world that everybody knows.

As an individual, I have certain connections with other individuals, and a certain reputation. If I’m respected and appreciated, then I have a certain amount of social capital that I can either accumulate or “spend”.

Here’s an example of “spending” some of my social capital: I’m organizing a conference and ask people to blog about it or introduce me to possible sponsors. In “normal” speech, we’d simply say I’m asking for favours — and that’s what it is.

The amount of favours people will do me depends on how much “social capital” I have — how much they respect, regard, appreciate me. It’s pretty simple, really. “Social capital” is just an expression (like “whuffie”) used to give a name to this “thing” that people have more or less of, and which gives them power as an individual in their network.

Social capital can be well spent, or dilapidated. It can also be lost by doing stupid things (the kind of things that “ruin a reputation”). I think it’s a better expression than “popularity” or “reputation” because it stands a chance of being understood as multi-dimensional.

Pirater n'est pas voler, en sept mythes [fr]

Pirater n’est pas voler. Le vol enlève l’objet original, le piratage le duplique:

piracy-is-not-theft

Pirater, c’est donc plutôt comme photocopier un livre à la bibliothèque ou vite graver une copie d’un CD qu’on nous a prêté.

Je suis atterrée de voir à quel point le lavage de cerveau opéré par la grosse machine a faire du fric de l’industrie du film et de la musique a été efficace: nombre de personnes dans mon entourage avalent tout rond l’affirmation selon laquelle le téléchargement d’oeuvres protégées par le droit d’auteur est un crime comparable (si ce n’est pire!) à aller se servir dans le porte-monnaie des artistes.

Il est temps de monter au front, à l’heure de la Loi Hadopi, du procès The Pirate Bay (suite auquel le Parti des Pirates est en passe de devenir un acteur majeur de la politique suédoise), et du cautionnement par le Tribunal Administratif Fédéral des activités de traquage d’IP par la société Logistep (rejoignez le groupe Facebook), pour renverser la vapeur, lutter contre ce lavage de cerveau, dénoncer les arguments fallacieux (voire malhonnêtes et confinant au mensonge) d’une industrie qui échoue à se réinventer face aux évolutions technologiques du monde moderne, bref, remettre les pendules à l’heure et l’eglise au milieu du village.

Contrairement à ceux qui voudraient nous faire penser que télécharger (ou partager) un mp3 ou une série télé fait de nous des criminels endurcis (souvent récidivistes), méritant la prison, l’amende, ou tout du moins l’opprobre général de la société (nous mettant du coup dans le même sac que les meurtriers, les voleurs, les faussaires, les plagiaires, et autres escrocs) — je vais prendre le temps ici d’expliquer ce que j’avance. On fera un peu d’histoire, un peu d’argumentatif que tout le monde peut suivre, je ferai intervenir quelques témoins, on regardera quelques chiffres. Je m’efforcerai de nommer les mythes que nous servent au petit-déjeûner les apôtres d’un droit d’auteur conçu pour le monde des objets physiques, et nous les regarderons ensemble s’écrouler sous le poids de la réalité numérique d’aujourd’hui. (Oui, “mythe” c’est un peu plus diplomatique que “mensonge”.)

Ce n’est pas gagné d’avance:

  • le lavage de cerveau à fonctionné — à force de répéter les choses, les gens finissent par y croire
  • les raisonnements et les statistiques n’ont que peu de poids face à un adversaire qui manipule l’émotionnel
  • la loi reste la loi, et le non-respect du droit d’auteur est illégal.

Mais ne nous décourageons pas. En répétant à notre tour, on peut espérer se faire entendre par nos concitoyens.

Mythe #1: “pirater, c’est voler”

Voler, c’est prendre à quelqu’un par la force ou l’astuce quelque chose que celui-ci possède, pour se l’approprier. Comme l’illustre bien le dessin ci-dessus, la copie (illégale) de fichiers, ce que l’on nomme “piratage”, n’enlève rien à qui que ce soit (ce point sera développé plus loin pour ce qui est de la perte d’une “vente potentielle”). En piratant un fichier (que cela soit de la musique, un film, une photo, ou un logiciel), on entre effectivement en possession de quelque chose auquel on n’aurait “pas droit”. Mais le parallèle avec le vol s’arrête là.

Tenter d’enfoncer dans le crâne d’honnêtes citoyens que le piratage est l’équivalent du vol, c’est une exploitation manipulatrice des mots. En fait, je pense qu’on peut carrément dire que c’est un mensonge. Diriez-vous que faire la photocopie intégrale d’un livre à la bibliothèque, c’est la même chose que le voler?

Pour illustrer un peu plus avant ce point, j’aimerais prendre ce témoignage donné par Tim O’Reilly, l’éditeur bien connu.

Consistent with my observation that obscurity is a greater danger than piracy, shoplifting of a single copy can lead to lost sales of many more. If a bookstore has only one copy of your book, or a music store one copy of your CD, a shoplifted copy essentially makes it disappear from the next potential buyer’s field of possibility. Because the store’s inventory control system says the product hasn’t been sold, it may not be reordered for weeks or months, perhaps not at all.

I have many times asked a bookstore why they didn’t have copies of one of my books, only to be told, after a quick look at the inventory control system: “But we do. It says we still have one copy in stock, and it hasn’t sold in months, so we see no need to reorder.” It takes some prodding to force the point that perhaps it hasn’t sold because it is no longer on the shelf.

Tim O’Reilly

Ce qu’explique Tim, c’est que le vol a l’étalage a des conséquences que l’on ne voit pas immédiatement: le système de gestion d’inventaire de la librairie indique qu’un ouvrage est en stock et n’a pas été vendu depuis des mois, alors qu’en fait il manque dans le magasin suite à un vol. Combien de ventes perdues?

La confusion au niveau des termes employés va encore plus loin: parler de piratage pour la copie illicite de fichiers, c’est déjà noircir le tableau. A la base, le piratage, c’est la contrefaçon. La contrefaçon consiste à reproduire des biens (montres, sacs, CDs, DVDs, habits de marque…) pour ensuite le revendre et en tirer profit. La plupart du temps, ceux qui téléchargent de la musique sur le net ne le font pas pour la revendre — c’est simplement pour se la procurer.

File sharing is not piracy.

(Et puis bon, parler de piratage pour de la contrefaçon… c’est aussi très discutable.)

Je résume: il y a clairement manipulation en ce qui concerne le vocabulaire utilisé pour parler de ces questions. Le partage et la copie de fichiers, dans la plupart des cas, ce n’est pas de la contrefaçon (personne ne vend quoi que ce soit). Et le partage ou la copie de fichiers, dans tous les cas, ce n’est pas du vol. Ces amalgames servent à faire paraître le crime plus grave qu’il ne l’est.

Manquer de respect aux droits d’auteur ou à la propriété intellectuelle (une autre notion discutable, voir plus bas), comme lorsque l’on photocopie en douce un livre à la bibliothèque, grave en vitesse un CD qu’on nous a prêté, ou télécharge de la musique ou des films “trouvés” sur internet, ce n’est pas un crime du même acabit que détrousser une petite vieille, piquer dans la caisse ou au supermarché du coin, ou braquer une banque.

Je redonne la parole à Tim O’Reilly pour qu’il nous donne sa perception de la copie illégale de fichiers, en tant qu’éditeur:

And overall, as a book publisher who also makes many of our books available in electronic form, we rate the piracy problem as somewhere below shoplifting as a tax on our revenues.

Tim O’Reilly

…une taxe progressive sur leur revenu, et un problème moins grave que le vol à l’étalage.

Mythe #2: chaque copie téléchargée représente la perte d’une vente

Qu’est-ce qu’on l’entend, celui-là! Comment peut-on en toute bonne foi prétendre que chaque personne qui télécharge gratuitement un fichier sur internet aurait été prête à acheter ce même fichier (ou une version bridée de celui-ci, merci les DRM) au prix fort? Ce n’est tout simplement pas vrai.

Il ne faut pas négliger le pouvoir de la gratuité: elle incite à essayer, à prendre des risques, à se procurer ce dont on n’a pas besoin. Jules passera des heures à télécharger des séries télé… mais peut-on honnêtement imaginer qu’il les aurait achetées s’il ne les avait pas téléchargées, avec son budget d’étudiant?

Ça me scandalise que ce soit ce genre de calcul fallacieux qui serve de base à des estimations de dommages-intérêts en cas de procès.

Une illustration — puisque l’on sait que les histoires valent tous les raisonnements et les chiffres:

A while ago a teacher told me that she didn’t use a chapter of my book Small Pieces Loosely Joined because she didn’t want to ask her students to buy the entire volume. She should have instead freechased the chapter by printing up some copyright-bustin’ copies. Since she wasn’t going to buy the book, she wouldn’t have been depriving me or my publisher of any money. And freechasing the chapters would have created some value: She obviously thought it would have some salutary effect on the students (presumably as they sharpened their logical skills by ripping it to shreds), and it’d be in my long term interest to have students introduced to my writing.

David Weinberger

David Weinberger, auteur de plusieurs livres, raconte qu’une prof lui a avoué avoir renoncé à utiliser une partie de l’un de ses livres dans son cours, car elle ne voulait pas demander à ses étudiants d’acheter le livre entier pour cela. David dit qu’elle aurait simplement dû photocopier le chapitre en question. Puisqu’elle n’avait pas l’intention d’acheter les livres, en faisant cela elle ne prive ni David ni son éditeur d’un quelconque revenu. Il ajoute qu’en plus, en faisant cela, tout le monde y gagnait: clairement, elle pensait que ses étudiants gagneraient à étudier ce texte, et David et son éditeur gagnaient à ce que les étudiants aient un contact avec son livre, qui, un jour, mènerait peut-être à une vente — qui sait.

Cela nous amène au corrolaire de la destruction de ce mythe: et si, en plus de ne pas priver le détenteur des droits d’auteur d’une vente, le partage de fichiers était susceptible d’en générer? C’est ce que démontre une récente étude hollandaise sur la question (notons que ce n’est pas nouveau: des conclusions similaires déjà en 2002…).

Ajoutons à ces études un peu de logique primaire: comme le dit Tim O’Reilly, l’ennemi numéro un d’un artiste ou d’un auteur aujourd’hui, c’est l’obscurité:

For all of these creative artists, most laboring in obscurity, being well-enough known to be pirated would be a crowning achievement. Piracy is a kind of progressive taxation, which may shave a few percentage points off the sales of well-known artists (and I say “may” because even that point is not proven), in exchange for massive benefits to the far greater number for whom exposure may lead to increased revenues.

Tim O’Reilly

Le partage de fichiers a un pouvoir extraordinaire: celui de faire connaître. Depuis toujours, on fait des cassettes de compilations pour des amis, on fait écouter ses disques aux invités. La copie de fichiers est l’équivalent numérique de ces comportements. J’ai découvert Michel Sardou et Jean-Jacques Goldman parce qu’une de mes amies d’école m’avait fait des cassettes (illégales). J’ai croché sur Elton John, et plus tard, acheté plusieurs de ses albums, parce que j’avais fait une copie (illégale) d’un CD de lui que mon père avait emprunté. Et je ne vous ferai pas la liste des artistes que j’ai découverts grâce à de la musique téléchargée (illégalement) sur internet — et dont j’ai fini par acheter des CDs, et même, dans un cas, un livre.

Rien de nouveau sous le soleil: tout ce qui change, c’est l’échelle. Question d’échelle qui rend douloureusement visible le fait que l’industrie de la musique est basée sur une économie de la rareté — système qui ne tient simplement plus la route dans un monde numérique.

Mythe #3: les artistes sont des gens qui vendent des CDs

Ce mythe-ci, je le trouve carrément insultant pour les artistes. Non mais, franchement. Pourquoi diable vendre des CDs serait-ce la seule façon pour un musicien ou un chanteur professionnel de se réaliser dans la société d’aujourd’hui? Un artiste, c’est tellement plus qu’un fabricant de CDs.

Les vendeurs de CDs, ce sont les maisons de disques. Et si on creuse un peu, on imagine qu’à l’origine, la maison de disques qui produisait l’artiste lui était utile, car les disques étaient le moyen le plus pratique de diffuser et faire connaître sa musique. Maintenant, un disque c’est un objet matériel — il faut donc bien le faire payer.

Mais aujourd’hui? De moyen, le CD est devenu une fin. Alors qu’en somme, internet offre un moyen bien plus économique de se faire connaître. Alors certes, on renonce peut-être au revenu de la vente des CDs.

Mais qui exactement se fait de l’argent quand un CD est vendu? Je vous le donne en mille: principalement les maisons de disques. (Mais vous le saviez, non?)

Comment donc est-ce qu’on arrive encore à se faire avoir, en sachant cela, et avaler des énormités du genre “quand tu télécharges de la musique sur internet, tu pilles les artistes que tu aimes” (je cite de mémoire, mais il y avait une grande campagne d’affichage en ville il y a un an ou deux) — ou encore cette explication (mensongère, vous le verrez), trouvée sur le site de l’association suisse pour la lutte contre le piratage:

L’artiste vit des droits d’auteurs qu’il perçoit. C’est là son gagne-pain principal. Comme par définition sur des produits contrefaits il n’y a pas de droit d’auteur, les artistes sont totalement spoliés.

Appelons quelques témoins:

  • Courtney Love, qui en 2000 déjà sortait sa calculette et nous faisait les maths de la production d’un album à succès: un contrat de rêve avec 20% de royalties et un million d’avance, pour un groupe de quatre artistes, finit par laisser à chacun 45000$ avec lesquels vivre durant un an; le disque se vend à un million d’exemplaires, mais entre les frais de promo et l’avance à rembourser, il ne restera rien.
  • Steve Albini (producteur de “In Utero” de Nirvana) sort aussi sa calculette pour nous montrer à quel point le contrat avec la maison de disques est une forme moderne de servage; les artistes finissent avec presque rien, alors que “l’industrie” fait des millions.
  • Pascal Nègre nous avoue qu’un disque d’or touche 4000€ par mois… Une poignée d’artistes français, donc, mais qui affichent des revenus bien supérieurs. Pas difficile de deviner d’où vient leur revenu: concerts et “produits” dérivés.
  • Numérama, enfin, découpe le gâteau et nous dit où va l’argent dépensé lors de l’achat d’un CD (pas de surprise de ce côté-là).

Je résume? Si les artistes sont perdants, c’est parce que les maisons de disques ont conçu le système pour qu’ils le soient. Et si vraiment le téléchargement de MP3 sur internet était responsable de la chute des ventes de CDs… ce sont les maisons de disques qui perdent gros, pas les artistes. Qu’on arrête de nous raconter des salades et qu’on appelle un chat un chat — ils ont bon dos, les artistes.

(Et on apprend d’ailleurs de la bouche de la Suisa que les pertes sur les redevances de CDs ont été compensées par celles des concerts… Tiens, tiens!)

Mythe #4: la chute des ventes de CDs est imputable au téléchargement illégal

On le sait tous: si les maisons de disques (et donc les musiciens) vendent moins de CDs, c’est à cause des vilains pirates qui partagent (et téléchargent) gratuitement et illégalement de la musique en ligne (on devrait d’ailleurs aussi leur faire porter le chapeau pour la mort du vinyle et des cassettes audio et vidéo). N’est-ce pas?

Eh bien, cela reste à prouver:

  • Le CD est maintenant en concurrence avec une pléthore d’autres formes de divertissement (DVD à l’achat ou la location, jeux vidéo, connexion internet, téléphone mobile, concerts, cinéma, manifestations sportives…) — si j’ai un budget “divertissements”, est-ce qu’acheter un CD est vraiment la meilleure façon de dépenser mon argent (que je puisse ou non me procurer de la musique gratuitement en ligne)?
  • Les baladeurs CD ont été remplacés par les lecteurs MP3. 12 titres sur un CD, des milliers sur un iPod. Le format CD est-il encore attractif, et pire, a-t-il encore une raison d’être?
  • Fin 2002, les principales maisons de disques américaines ont été reconnues coupables d’avoir maintenu artificiellement haut les prix des CDs. Et si c’était ce genre de pratique qui décourageait les acheteurs, dès qu’il existe d’autres alternatives?
  • Entre 2000 et 2001, la vente de CDs de contrefaçon a augmenté de 50% (4.3 millions de dollars pour 650 millions de CDs). N’est-ce pas là un problème sur lequel il mériterait de s’attarder? Cf. mes remarques plus haut sur la distinction entre le partage gratuit de fichier et la contrefaçon…
  • La variété des artistes mis en avant par les maisons de disques (albums publiés, radios, vidéos sur MTV) diminue. Par exemple, en 2000, l’industrie du disque a sorti 25% d’albums en moins que l’année précédente. Alors, blâmer la diminution des ventes de 10% sur les méchants pirates, c’est un peu limite.

Un peu plus près de nous dans le temps (je sais, je vous sers des vieilleries, mais à voir comme l’industrie et les autorités restent crispés sur leurs positions en ce qui concerne ce sujet, cela n’a pas grande incidence):

  • Durant le fameux procès The Pirate Bay, le Prof. Roger Wallis a pris la barre pour témoigner de l’absence de lien entre le partage de fichiers et le déclin des ventes.
  • L’étude hollandaise déjà mentionnée plus haut, qui semble montrer que le partage de fichiers encourage plutôt l’achat dans son ensemble.

Quelques articles que je vous conseille (certains sont les sources des points ci-dessus):

L’industrie du disque est une industrie basée sur la rareté des objets physiques. A l’époque où le seul moyen de distribuer de la musique, c’est de la mettre sur un support physique, de l’expédier à travers le pays dans des avions ou des camions, alors oui, il faut payer ceux qui investissent pour rendre cela possible.

Mais cette époque est révolue. On passe d’une économie de la rareté à une économie de l’abondance. Dans un environnement numérique, le partage multiplie les biens, alors que dans un environnement physique, il les divise. Peut-être que le vrai coupable, dans la chute des ventes de CD, c’est simplement le fait de vouloir s’accrocher à tout prix à un modèle économique qui n’a plus lieu d’être le seul possible pour la distribution de la musique.

Mythe #5: on est tous des criminels

Une des conséquences de cet amalgame malhonnête du partage de fichiers avec le vol, c’est une criminalisation de ceux qui pratiquent le téléchargement. Est-ce que toute personne qui viole une loi est un criminel? Si on veut être littéraliste, peut-être que oui — j’avoue ne pas être une spécialiste des nuances juridiques (crime, délit, infraction… et comment nomme-t-on les personnes qui en sont coupables?)

Je sors mon chapeau de linguiste. Regardons un peu les connotations des mots.

  • quelqu’un qui braque une banque, viole ou tue quelqu’un: un criminel
  • quelqu’un qui détrousse des passants, cambriole des appartements: un criminel
  • quelqu’un qui trafique les comptes de sa société, puise dans la caisse, escroque autrui: un criminel
  • quelqu’un qui crée des biens de contrefaçon et en vit: un criminel
  • quelqu’un qui fait un excès de vitesse?
  • quelqu’un qui “oublie” certains revenus en remplissant sa déclaration d’impôts?
  • un mineur qui achète de l’alcool?
  • quelqu’un qui photocopie un livre à la bibliothèque, ou copie un CD qu’on lui a prêté?
  • quelqu’un qui tond son gazon un dimanche (on est en Suisse)?
  • quelqu’un qui échappe à BILLAG?
  • un randonneur en tenue d’Adam (ou d’Eve)?

J’espère qu’il est clair, par cette liste d’exemples, que toute infraction à la loi n’a pas le même poids. Je doute que quiconque envisage d’appeler “criminel” une personne qui fait un (ou même plusieurs) excès de vitesse, ou photocopie un livre à la bibliothèque. Car si c’était le cas, nous serions tous des criminels (que celui qui n’a jamais enfreint la loi se dénonce).

Revenons à ce qui nous intéresse, le partage de fichiers. Voici quelques chiffres:

J’aurais pu creuser plus pour trouver encore d’autres chiffres (utilisez les commentaires si vous en avez), mais ceux-ci suffisent à vous donner un ordre de grandeur. En somme, si toutes les personnes partageant des fichiers sont des criminels, on criminalise la société — et ça… ça ne tient pas debout.

La loi suit l’évolution de la société et s’y adapte. Si on se retrouve dans la situation où l’application d’une loi rendrait la majeure partie d’une société criminelle, je pense que c’est plutôt la loi et son application qu’il faut repenser, plutôt que s’obstiner à la tâche (impossible) de son application et criminaliser la société.

Mythe #6: on peut être “propriétaire” d’une idée

Si on creuse, tout le débat autour du partage de fichier prend ses racines dans la propriété intellectuelle. Si l’on admet les malhonnêtés des uns et les manipulations des autres, la soif de profit d’une industrie en perte de vitesse… reste la question que l’on trouve normal qu’une personne qui crée quelque chose puisse en retirer un profit.

Et je vous rassure tout de suite, je ne prône nullement l’abolition de la propriété intellectuelle ou du droit d’auteur (je suis moi-même une personne qui “crée”, et j’avoue que l’idée de pouvoir en vivre au moins partiellement me plaît bien). Cependant, il faut bien avouer qui si l’on met côte-à-côte les lois et principes régissant la propriété intellectuelle et le droit d’auteur avec internet, ses possibilités technologiques, et la culture qui en est née, ça coince.

La racine du problème est la notion un peu naïve (et erronée) que l’on peut être “propriétaire” d’une idée. Les idées veulent être libres: une fois qu’on laisse une idée hors de sa tête, en la partageant sous quelque forme que ce soit, on ne peut plus la reprendre. On ne peut pas non plus s’en défaire. La nature même de l’idée est de se propager d’une personne à l’autre, sans que rien ne puisse la contrôler.

J’aimerais citer à ce sujet-là Thomas Jefferson:

If nature has made any one thing less susceptible than all others of exclusive property, it is the action of the thinking power called an idea, which an individual may exclusively possess as long as he keeps it to himself; but the moment it is divulged, it forces itself into the possession of everyone, and the receiver cannot dispossess himself of it. Its peculiar character, too, is that no one possesses the less, because every other possesses the whole of it. He who receives an idea from me, receives instruction himself without lessening mine; as he who lights his taper at mine, receives light without darkening me. That ideas should freely spread from one to another over the globe, for the moral and mutual instruction of man, and improvement of his condition, seems to have been peculiarly and benevolently designed by nature, when she made them, like fire, expansible over all space, without lessening their density at any point, and like the air in which we breathe, move, and have our physical being, incapable of confinement or exclusive appropriation. Inventions then cannot, in nature, be a subject of property.

Thomas Jefferson, cité dans Embrace File-Sharing or Die

Pour protéger les oeuvres de l’esprit, dans un monde où leur expression a un coût, on protège ces expressions. La propriété intellectuelle, en fait, donne le droit de protéger l’expression d’une oeuvre ou d’une innovation — mais non celle-ci en elle-même. Je peux contrôler qui crée et distribue des copies de mon livre dans le monde physique, mais je peux très difficilement contrôler qui y a accès (une fois mis en circulation, le livre peut tomber entre les mains de n’importe qui). Avec un brevet, je peux contrôler qui a le droit de réaliser et de commercialiser mon innovation, et à quelles conditions.

Les lois de propriété intellectuelle protègent les expressions et non les oeuvres de l’esprit elles-mêmes. Si vous lisez l’anglais, filez lire du début à la fin The Economy of Ideas, écrit par l’ancien parolier des Grateful Dead. Il explique ces choses bien mieux que je ne le pourrai.

Donc, toutes ces lois vont très bien dans un monde où la production et la distribution des expressions d’oeuvres de l’esprit ont un coût. Elles ont même été initialement mises en place pour encourager les auteurs de telles oeuvres à les partager avec le monde. Par exemple, pour encourager un éditeur à investir dans un auteur, prendre le risque (financier) de faire imprimer des tas de bouquins et les distribuer, l’état lui garantit une certaine protection (l’exclusivité) durant un certain temps. Idem avec la musique.

The framers [of copyright law] understood that the state-created property monopoly of copyright was justifiable only to the extent that it would “promote the progress of Science and the Useful Arts.” It created therefore a fixed, and originally very short, period of time in which one might sell copies of one’s works with state protection. Without this protection, in the nature of intellectual things, piracy was naturally rampant. After authors have been given a decent interval to exploit their property, the monopoly to the work is ended, and the work may be reabsorbed into the culture at large, be remixed into new works, for the public benefit for the rest of time: hence the name “Public Domain” which refers to the domain of this public good.

Against Perpetual Copyright — Lessig Wiki

Je résume: le droit d’auteur est là pour encourager la diffusion de l’oeuvre, et non l’empêcher. Sans droit d’auteur, l’état naturel des oeuvres de l’esprit est un état de “piraterie”.

A l’heure où l’expression et la diffusion des ces oeuvres de l’esprit sous forme numérique ne coûte à peu près plus rien, il est clair que l’attirail juridique en rapport a besoin d’être repensé. Si diffuser une oeuvre ne nécessite plus d’investissement significatif, s’il n’y a plus de prise de risque, a-t-elle encore besoin d’une pareille protection?

Je précise en passant que ceci n’a rien à voir avec la reconnaissance de celui à l’origine de l’oeuvre. Je vois souvent des gens confondre “droit d’auteur” (= je peux contrôler la diffusion de mon oeuvre) et “crédit” (=on reconnait que je suis l’auteur de cette oeuvre) — l’ennemi du crédit étant le plagiat, qui est une toute autre histoire, que je trouve complètement condamnable.

Si on accepte qu’on ne puisse pas être “propriétaire” d’une idée, qu’on ne peut plus, à l’ère numérique, contrôler la diffusion des choses qu’on rend publiques (c’est ce que j’explique aux ados), se pose donc la question: comment le créateur d’oeuvres de l’esprit gagne-t-il sa vie?

Je vous renvoie à l’article The Economy of Ideas, qui explore l’importance du contact direct (on retrouve ici un lien avec le mythe #3): concerts et autres “performances”, produits dérivés…

One existing model for the future conveyance of intellectual property is real-time performance, a medium currently used only in theater, music, lectures, stand-up comedy, and pedagogy. I believe the concept of performance will expand to include most of the information economy, from multicasted soap operas to stock analysis. In these instances, commercial exchange will be more like ticket sales to a continuous show than the purchase of discrete bundles of that which is being shown.

The other existing, model, of course, is service. The entire professional class – doctors, lawyers, consultants, architects, and so on – are already being paid directly for their intellectual property. Who needs copyright when you’re on a retainer?

In fact, until the late 18th century this model was applied to much of what is now copyrighted. Before the industrialization of creation, writers, composers, artists, and the like produced their products in the private service of patrons. Without objects to distribute in a mass market, creative people will return to a condition somewhat like this, except that they will serve many patrons, rather than one.

John Perry Barlow dans The Economy of Ideas

On peut se consoler en se rappelant que ceci n’est qu’un retour à l’état des choses d’avant l’industrialisation de la création.

Mythe #7: c’est la fin du monde! au secours!

Bon, j’avoue, ce dernier mythe je l’ai ajouté principalement pour le plaisir de taper sur ceux qui s’amuse à faire de l’alarmisme (vous savez que c’est un de mes dadas).

N’empêche: les hurlements de fin du monde d’une industrie installée “confortablement” sur le pont d’un bateau en train de couler prêteraient à rire, s’ils n’étaient pas l’indice d’une myopie historique effrayante. Je vous ai dit au début de cet article que ce contre quoi je m’élève ici, c’est la malhonnêteté intellectuelle dans ce débat, et le mépris de l’histoire en fait partie.

Le partage de fichiers n’est pas la première révolution que connaît l’industrie du disque et du film: l’apparition des cassettes audio, des enregistreurs vidéo, des graveurs CD, de la radio (allez d’ailleurs voir à ce sujet The Boat That Rocked — premièrement c’est un excellent film, deuxièmement la problématique des radios pirates des années 60 n’est pas sans rappeler le sujet qui nous occupe ici).

Et avant cela, en parlant de révolutions, c’est simplement l’apparition du support enregistré qui a révolutionné le monde du théâtre et de la musique (je les entends d’ici: “quelle plaie, ces enregistrements, plus personne ne viendra me voir pour écouter ma musique!)

Les modèles commerciaux ont changé, mais la musique et l’art survivent. Internet est une opportunité incroyable pour quantité d’artistes qui jamais n’arriveraient à intéresser les gros de l’industrie. Il n’a jamais été aussi facile de laisser son art trouver un public.

Et à côté de ça, vous avez les majors schizophrènes, comme Sony, qui tentent d’un côté de profiter de l’explosion du téléchargement musical et des nouvelles opportunités de développement commercial qu’elle présente, et d’un autre côté, qui s’aggrippent aux DRM et aux droits d’auteurs en tant que membre de la RIAA:

As a member of the Consumer Electronics Association, Sony joined the chorus of support for Napster against the legal onslaught from Sony and the other music giants seeking to shut it down. As a member of the RIAA, Sony railed against companies like Sony that manufacture CD burners. And it isn’t just through trade associations that Sony is acting out its schizophrenia. Sony shipped a Celine Dion CD with a copy-protection mechanism that kept it from being played on Sony PCs. Sony even joined the music industry’s suit against Launch Media, an Internet radio service that was part-owned by – you guessed it – Sony.

Les lois aussi s’insèrent dans un contexte historique. Elles ont été écrites pour répondre à un besoin ou à un problème. Quand la société change et que les lois finissent par être détournées de leur raison d’être première, il est temps de se mettre au travail et de repenser les choses en profondeur.

Conclusion

Si vous avez lu cet article en entier, chapeau — j’ai perdu la trace du temps que j’ai mis à le rédiger, mais cela se compte en jours. Je vous invite à laisser un commentaire, je serais ravie d’avoir des retours. Je ferai de mon mieux pour y répondre.

Si je devais reprendre ici les points les plus importants de mon argumentation, je dirais ceci:

  • il y a un problème de terminologie dans ce débat qui brouille les cartes de façon délibérée (partage de fichiers / piratage / contrefaçon / vol) et criminalise une pratique répandue et plus innocente qu’on voudrait le faire croire (penser “photocopier un livre/article à la bibliothèque”)
  • les intérêts des artistes et de l’industrie ne sont pas aussi liés que ce que celle-ci voudrait nous faire croire (les artistes ont autre chose dans le ventre qu’être des vendeurs de disques)
  • sans vouloir abolir la propriété intellectuelle et le droit d’auteur, il est temps de les repenser soigneusement à la lumière du numérique (en mettant peut-être les intérêts de la culture et des citoyens devant ceux d’une industrie à brasser des milliards)
  • la chute des ventes des CDs n’est pas clairement une conséquence du partage de fichiers (il semblerait même, au contraire, que celui-ci stimule l’achat)
  • un fichier téléchargé illégalement n’est pas équivalent à une vente perdue (quelqu’un en doute encore?)

Et finalement, cerise sur le gâteau, les décideurs souffrent d’un déficit effrayant de culture numérique et ne saisissent souvent pas les conséquences des lois qu’ils passent (ou tentent de faire passer). Il est certes plus facile d’écouter les cris de l’industrie et de traiter le partage de fichiers comme de la contrefaçon, phénomène concret avec lequel on est déjà familier.

(Et là, je me dis qu’en plus de vous recommander de lire le livre L’âge de peer d’Alban Martin… je devrais aussi finir de le lire moi-même!)

Non à la traque des adresses IP par Logistep [fr]

Si vous avez comme moi vu les manchettes de 20minutes hier, vous savez qu’un étape de plus a été franchie dans la criminalisation et la répression du partage de fichiers sur internet. Pour cela, le Tribunal Administratif Fédéral a désavoué le préposé à la protection des données, qui avait exigé l’an dernier que la société Logistep cesse de traquer les adresses IP des internautes mettant à disposition des fichiers via les réseaux P2P, faute de base légale.

Je cite: “la fin justifie les moyens” (la fin, ici, donc, c’est “lutter contre le piratage”).

En attendant que j’aie fini de rédiger mon gros article intitulé “Pirater n’est pas voler, en sept mythes” (je m’y suis remise), je vous invite à rejoindre le groupe Facebook Non à la traque des adresses IP par Logistep et à y inviter vos amis.

On sait déjà que le préposé à la protection des données fera recours (ouf). (Dire qu’on riait doucement des français et de leurs démêlés avec Hadopi.)

Il fait aussi bon de le rappeler: P2P ne rime pas avec “téléchargement illégal”. On peut utiliser le P2P pour télécharger des choses complètement légales.

Je retourne à ma rédaction!

LeWeb'08: The Revenge of E-mail (Panel) [en]

[fr] Quelques notes et réflexions autour de l'e-mail.

I arrived partway through this panel, and thought it was interesting. Here are a few notes followed my some of my rambling thoughts on the topic. (I’ll jump on the occasion to point you out to my friend Suw Charman’s work on “the e-mail problem“.)

The challenge for e-mail marketing is not getting through spam, but getting into the inbox (Nick Heys, Emailvision). I (Steph) had an interesting conversation a few months ago with Hervé Bloch, country manager Switzerland for Emailvision. I’m convinced there is a space for commercial e-mail communication which is respectful, not spammy, and actually adds value. My conversation with Hervé clearly contributed to me thinking that.

Nick Heys says the bottom line is trust: don’t send irrelevant stuff, respect the person’s decision, make sure it’s opt-in&

Olivier Mathiot says the opening rate has plummeted (15% opened today). People open e-mails when they know the sender and trust the content.

Catherine Barba notes that e-mail subjects are often very bad — Robert Scoble adds that there is the same problem with post titles: few bloggers know to write good titles (for viewing in FriendFeed or Technorati).

Strategy from the public: separate accounts (I do that — one for signing up, one for human beings. I have to admit that over the last year I’ve been using my “good” address more and more to sign up for stuff& need to think about that).

Robert mentions that he gets more and more “business” stuff through DMs, which is disastrous because he can’t sort them, forward them, copy other people on the response.

Somebody in the audience mentioning that teenagers have on average 7 e-mail addresses (I find that surprising, to be honest). He says that e-mail is being used to define personas, and separate things out, and that’s where we’re going. I think he misses the point that teenagers do not behave like adults (you can’t draw conclusions about adult behavior by studying teenagers), that putting up barriers between different parts of your life is characteristic to that phase in life, and that ultimately, it is not necessarily a healthy thing when done in an extreme way.

My experience is that we are caught in between two movements: one that tends to separate out parts of our lives, and one that tends to bring our whole life together (integration). We are somewhere in the middle of that tension between two extremes, and neither of those extremes are viable: complete openness and transparency doesn’t work (we do need some privacy) and complete separation between aspects of our lives, taken to the extreme, is split personality disorder.

I do use two (or more) e-mail addresses, but it’s quite clear that over time, their usage tends to seep one into the other. I know from people who use separate addresses for work and personal exchanges that it breaks down for them too.

One completely underused “tool” (or rather, feature) of e-mail is filters. Particularly amongst non-techy people (and possibly techies too), I find that those who are most overwhelmed with their e-mail also do not use filters at all. Filters help you prioritise, keep “for possible future reference but not that interesting now” e-mails out of your inbox, and are pretty easy to set up.

De la lecture des blogs [fr]

[en] I'm not a regular blog reader. I check a small handful of blogs religiously, and that's (with one or two exceptions) because they belong to close friends. I go on blog-reading binges, either person-centred ("well, I wonder what such-and-such has written about lately, or how she is doing") or topic-centred (digging deeper into an issue, or trying to solve a problem I'm facing).

Do you find it paradoxical for a blogger to not have a "blog subscriber" profile?

Ça m’embarrasse parfois un peu qu’à cause de ma réputation en tant que blogueuse, on parte du principe que je suis une lectrice de blogs assidue.

Bien sûr, je lis des blogs. Mais pas comme certains.

Je n’ai pas une liste de blogs que je lis religieusement. J’ai un lecteur RSS (j’aime Google Reader, et encore mieux, feedly) mais depuis six à huit mois, j’avoue que je l’ai à peine ouvert.

Il y a une poignée de blogs appartenant à des amis proches que je lis régulièrement. Ce sera peut-être vexant pour certains, mais les blogs que je lis, je les lis plus parce que j’ai une relation personnelle avec leur auteur, que parce que leur contenu me faisait revenir (quelques exceptions notables: Kathy Sierra, Zeldman, Tom Reynolds).

Pourtant, je lis des blogs. Mais comment?

De temps en temps je fais une crise de lecture. Il y en a deux sortes:

  • les thématiques
  • les personnelles.

Les crises de lectures “personnelles” (ou centrées sur la personne) sont de l’ordre de “oh, je me demande ce que devient tel et tel, ou ce qu’il a écrit récemment, hop, un petit tour sur son blog”.

Le problème avec les blogs (enfin, je dis ça, mais c’est une de leurs qualités) c’est qu’une fois qu’on commence à lire, on n’en finit pas. On suit un lien qui nous emmène ailleurs, on plonge dans les archives, bref, parfois, une heure plus tard, je lis encore.

Ou bien du coup, je me mets à rédiger un billet sur un sujet qui m’aura interpellé.

Quant aux crises de lecture “thématiques”, je pars sur un sujet qui m’intéresse (souvent lié à un problème à résoudre ou un enjeu concret dans mon présent, mais pas forcément), et je fais du blog-hopping pour en faire le tour. Google, Technorati, articles en rapport, tout y passe.

En résumé, je n’ai pas le profil “abonné” ou “lecteur fidèle”, mais plutôt “butineuse” voire “boulimique”. Twitter a en grande partie remplacé mon lecteur RSS, même si celui-ci n’est pas mort.

Et vous, comment lisez-vous les blogs? Trouvez-vous paradoxal qu’on soit blogueur mais non lecteur régulier d’autres blogs? A plus forte raison si l’on prêche, comme c’est mon cas, que la lecture de blogs est indispensable à leur écriture? Est-ce que je nage en plein paradoxe?

Qwitted Qwitter After Less Than 24 Hours [en]

[fr] Qwitter, un service qui vous dit quand on cesse de vous suivre sur Twitter. Très peu pour moi -- je viens de le désactiver après moins de 24 heures de service. Non pas que je ne "supporte" pas l'idée qu'on puisse cesser de me suivre (bon dieu non, c'est plutôt que je ne saisis pas ce que 1500 personnes y trouvent à recevoir quotidiennement mes mises à jour) -- mais simplement parce que j'évite d'ajouter à ma vie déjà suffisamment angoissée des sources de "négativité", comme la consommation d'indices de marchés boursiers ou de nouvelles télévisées ou non. (Il y a les gens qui ont des "problèmes d'angoisse", comme on dit, et il y a les autres. Ces derniers ont bien de la chance, et qu'ils s'abstiennent de commentaires simplistes, de grâce.)

I thought I’d try out Qwitter. Not that I’m that obsessed with who stops following me, but I thought it could be interesting to see when my Twitter behaviour made followers drop me.

Well, less than 24 hours later (and after only 2 people qwitting on me), I have decided to turn it off.

Of course, I know people unfollow me. But getting this kind of news in my inbox generates just about the same kind of “downs” as checking the stock market every 10 minutes (instead of once in a blue moon or even once a day) and watching the news on TV (instead of avoiding unnecessary focus on all the wrongs in this world).

So, no thank you, Qwitter. There are enough sources of anxiety in my life without me adding them just for fun.

“Anxiety” is a big word here of course — I mean, who cares about people unfollowing them on Twitter — but still, who has never felt the tiniest pang at losing something they had (or thought they had)? It’s quite clear from research out there (check out Predictably Irrational for example) that being given $1 and then having to hand it back leaves one slightly more unhappy than if one never had that dollar in hand in first place.

Of course, I could filter all the Qwitter e-mails into a folder and check on them only when I want to know when such-and-such stopped following me. But is it really worth the trouble?