Quelques recommandations de lecture [fr]

[en] A bunch of books I recommend reading. Descriptions are in French, but titles are in English!

A l’occasion du premier module du cours MCMS au SAWI, j’ai brièvement présenté quelques livres qui me semblaient intéressants/pertinents aux participants. Je vous redonne la liste ici — un jour je ferai une page correcte avec mes recommandations de lecture, mais c’est un début!

Les liens sont vers Amazon.de parce que c’est par là qu’il faut passer en Suisse pour avoir les frais de port gratuits.

Naked Conversations: un livre qui commence à dater un peu mais qui reste néanmoins une splendide collection d’exemples d’utilisation des blogs (et des conversations en ligne) par des entreprises/organisation. Inspiration, exemples concrets, modèles à suivre (ou pas). [amazon.de]

The Long Tail: la longue traîne de Chris Anderson. Je ne l’ai personnellement pas encore lu (shhh, motus!) mais c’est une référence pour ce qui est de la diversification des marchés à l’heure d’internet. [amazon.de]

Drive: pas encore lu non plus (je l’ai commandé il y a peu), Drive est un livre sur ce qui motive les gens. J’ai parlé de Dan Pink dans Carotte et créativité ne font pas bon ménage et vous pouvez déjà regarder sa conférence TED en vidéo pour vous faire une idée. [amazon.de]

Predictably Irrational: ce livre, qui n’a de prime abord pas de lien direct avec les médias sociaux, fait partie de la catégorie « a changé ma façon de comprendre le monde ». On est fondamentalement manipulables, nos réactions sont irrationnelles même quand on les comprend. Qu’en faire? A lire absolument pour comprendre tout un tas de phénomènes qui sont en jeu dans le milieu « organique » en ligne. [amazon.de]

Everything is Miscellaneous: David Weinberger, co-auteur du Cluetrain Manifesto, explique comment s’organisent tous ces « objets numériques », dans un ordre qui va parfois à l’encontre de notre conception de ce qu’est l’organisation. Ils peuvent être à plusieurs endroits à la fois, comportent des méta-données sur lesquelles on peut effectuer des recherches, etc. Un ouvrage important pour comprendre les caractéristiques physiques du monde numérique. [amazon.de]

The Culture of Fear: un regard (un poil polémique et qui date un peu) sur le rôle des peurs collectives dans notre société. Il y a toujours quelque chose qui fait peur. A mon sens, ce livre est pertinent pour remettre en contexte toutes les peurs qui circulent autour des nouvelles technologies, internet, les médias sociaux, etc. [amazon.de]

The Myths of Innovation: huit idées préconçues sur l’innovation, exposés de manière claire avec plein d’anectodes à l’appui. (En résumé, Gutenberg ne s’est pas réveillé un matin en se disant « hmm, qu’est-ce que je vais faire aujourd’hui… Eurêka, je vais inventer l’imprimerie! ») [amazon.de]

L’âge de peer: un livre (en français!) sur la co-création et l’économie du monde du peer-to-peer (P2P). Le chapitre « nouveaux modèles économiques » et « nouveaux modèles de création »… [amazon.de]

We Are Smarter Than Me: utiliser en business le pouvoir de l’intelligence collective. Livre co-écrit en ligne avec une myriade de contributeurs. [amazon.de]

SAWI: la formation MCMS a démarré! [fr]

[en] The year-long course on social media and online communities (20 days) that I'm co-directing for the SAWI here in Lausanne has started today. Great first day, and great class!

Vous vous souvenez, il y a quelque mois, je vous annonçais l’ouverture du premier cours menant au diplôme SAWI de spécialiste en management de communautés et médias sociaux?

Il a démarré aujourd’hui (salle comble!) comme vous pouvez le voir sur le blog de la formation et sur Twitter (#MCMS). Nous sommes donc tous à la Maison de la Communication à Lausanne jusqu’à samedi pour ce premier module, où nous accueillons comme intervenants externes Xavier Comtesse, Thierry Crouzet (oui, lui!) et Sébastien Fanti.

Je republierai ici certains de mes articles écrits là-bas (comme mes notes de la présentation de Bernard Barut sur l’évolution du modèle d’affaires de l’industrie du disque et de la musique, ou celles de ma présentation “Cluetrain 101”) mais pour tout ce qui touche plutôt à la marche du cours, c’est là-bas que ça se passe.

Allez, comme je n’arrive pas à insérer mon Prezi sur le blog du cours (WordPress.com, ils n’ont pas encore de shortcode pour Prezi — qu’est-ce qu’ils attendent?) — le voici.

Je dois dire que mettre sur pied cette formation avec le SAWI a été un réel plaisir, jusqu’à l’arrivée dans la salle de cours ce matin: wifi qui marche, beamer avec câble (y compris audio!) de la bonne longueur, tables câblées dans toute la salle… Je sais qu’on ne devrait pas s’attendre à moins dans la Maison de la Communication, mais j’ai été tellement souvent déçue de l’infrastructure technique alors que je n’aurais pas dû l’être que ça vaut la peine de le relever. Chapeau au SAWI et à la Maison de la Communication!

Le monde a changé (Cluetrain 101 pour formation SAWI MCMS) [fr]

[en] This is a "Cluetrain 101" presentation I gave as part of the course I teach at SAWI on community management and social media. It was initially published on the course blog.

Je co-dirige la formation au diplôme SAWI de spécialiste en management de communautés et médias sociaux. Cet article a initialement été publié sur le blog du cours [voir l’original].

Si cette présentation est une “introduction au Cluetrain”, c’est en tant que le Cluetrain Manifesto est le représentant et l’expression d’une culture — et même, si on veut oser les grands mots, d’un changement de paradigme. Mon but n’est donc pas tant de faire un résumé du livre (lisez-le plutôt!) mais d’aborder un certain nombre de thématiques qui permettent de comprendre en quoi internet a profondément (à débattre!) changé la façon dont les organisations intéragissent avec les gens, que ceux-ci leur soient intérieurs ou extérieurs.

Sans vouloir mettre par écrit ici tout ce que je vais dire, voici la présentation Prezi qui servira de base de discussion, ainsi que quelques notes aide-mémoire.

Pas vraiment changé

  • retour à des valeurs pré-industrielles
  • “les marchés sont des conversations” => “les marchés sont des relations” — ça va plus loin!
  • culture de masse comme anomalie historique — traiter les gens en masse comme on traite les objets sur la chaîne de production

Perte de contrôle

  • une des conséquences les plus visibles, et les plus déstabilisantes pour la culture d’entreprise classique
  • démocratisation de la parole publique, redistribution du pouvoir (VRM)
  • on a les moyens de remettre en question les “messages” qu’on nous sert

Objets numériques

  • les lois de la physique n’ont plus cours en ligne
  • donner sans perdre (cf. tout le débat sur le partage de fichiers)
  • économie basée sur la rareté qui perd ses repères dans un monde d’abondance
  • “ideas want to be free”

Différentes conceptions d’internet

  • ville: celle des gens qui y vivent et y créent (des liens ou de la culture)
  • bibliothèque: celle des consommateurs d’information
  • télé: celle des annonceurs

Voix humaine

  • reconnaissable, désirée
  • très différente de celle de la communication officielle, du blabla publicitaire ou marketing
  • écoute, authenticité (qui n’est pas un vain mot), partage, humour, personnalité, transparence (jusqu’où?)
  • c’est la seule qui rend possible la relation (essayez d’avoir une conversation sensée avec un robot de service clientèle ou un communiqué de presse publié sur un blog)

Conversation

  • pas juste deux personnes qui parlent (être vraiment présent, authentique, désintéressé, transparent)
  • il ne suffit pas de dire qu’on a une conversation pour en avoir une (cf. blocages à la communication)
  • importance de la narration — ce n’est pas par hasard qu’on aime les conversations et les histoires
  • les conversations ont lieu de toute façon — l’entreprise peut rester extérieure ou se mouiller
  • on n’est plus dans une logique de broadcast; la profondeur des échanges importe plus que leur nombre

Bouche à oreille

  • le plus grand influenceur
  • en ligne, prend une autre dimension (espace public + objets numériques)
  • libre choix de ce dont on parle, d’où sa valeur
  • véhicule: la voix humaine

Espaces semi-publics

  • difficulté à se positionner
  • le cloisonnement en perte de vitesse
  • impose la réconciliation de discours parfois contradictoires
  • “public” élastique (taille, nature)

Réseaux

  • renversent la hiérarchie
  • réseaux de gens, réseau hypertexte — le double réseau internet
  • chacun en son centre, propagation, veille, recherche

Communautés

  • groupes restreints
  • investissement émotionnel
  • émergent de la complexité des rapports entre les gens et aux choses

Retour à la conversation: en quoi internet change-t-il la donne pour vous? Si on prend quelques pas de recul sur nos peurs, que peut-on dire sur ce qui se passe dans le monde? En y regardant de près, beaucoup des thèmes que nous avons abordés sont présents dans la fonctionnement de l’entreprise classique, mais clandestinement ou inofficiellement.

Liens en rapport, ou notes de dernière minute:

L'entreprise sans voix [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

Pour ne pas aller dans le mur lorsqu’on met les pieds dans les médias sociaux, il est important d’apprendre (ou de réapprendre) à parler comme un être humain.

Corollaire: il est beaucoup plus facile pour une personne d’avoir une expérience enrichissante dans les médias sociaux que pour une entreprise.

Etre en ligne, c’est laisser s’exprimer sa voix. L’humain a une voix, mais pas l’entreprise — si ce n’est la somme des voix des différentes personnes humaines qui la composent. Mais celles-ci, en règle générale, sont muselées par la politique de non-communication de l’entreprise. Je dis non-communication, car trop souvent, tous ces efforts pour “communiquer” servent surtout à ne rien dire. Vous trouvez fascinante la lecture des communiqués de presse et des brochures promotionnelles, vous?

(Je suis en train de relire le Cluetrain Manifesto en préparation à la formation que je donne cette semaine… comment ça, ça se sent?)

Soyons concrets. Pour se mettre à Twitter ou ouvrir un blog, il est beaucoup plus facile de se lancer en tant que personne qu’en tant qu’entreprise ou institution. On trouvera plus vite sa voix (et aussi sa voie), on sera moins retenu par les questions politiques, et on jouira des conversations authentiques et connexions qu’on y fera.

L’entreprise, elle, ne peut vraiment parler avec personne. Elle ne peut que demander à ses humains de parler pour elle — comme une coquille vide si elle tente de les contrôler, ou comme des personnes riches, sensibles, et complexes si elle leur fait cette confiance.

Les trois équilibres de l'indépendant [fr]

Je pense que l’indépendant (créatif) a besoin de trouver un équilibre sur trois plans différents, histoire de ne pas se dessécher ni péter les plombs:

  • une “hygiène de vie” laissant suffisamment de place pour respirer semaine après semaine (avoir et respecter des plages de non-travail, prendre du temps pour soi, faire du sport, manger correctement, dormir, voir des amis, passer du temps avec sa famille…)
  • des coupures pour décrocher, week-ends prolongés mais aussi vraies vacances (on m’a dit que pour vraiment se ressourcer, il fallait compter minimum trois semaines!)
  • durant le temps de travail, assez de temps pour explorer, s’amuser, rechercher, bricoler — et ne pas passer tout son temps le nez plongé dans des mandats.

Pour ma part, le côté “hygiène de vie” fonctionne assez bien, pour les coupures, je suis en train de prendre des mesures, et concernant le temps de jeu/bricolage/recherche professionnel… ces temps, ce n’est pas du tout ça.

Saint-Prex 09

Hygiène de vie

  • Je défends jalousement mes soirées et mes week-ends, même quand le boulot s’empile, sauf quelques rares situations d’exception.
  • Je fais du sport, je vois des gens, je prends des moments pour moi, je ne mange pas trop mal. J’ai en fait pas mal d’activités “non-professionnelles” dans ma vie.
  • J’ai un lieu de travail séparé de mon lieu de vie.
  • Ça n’a pas été simple d’en arriver là, j’ai déjà écrit pas mal d’articles sur mon parcours, mais je n’ai pas le courage de les déterrer juste là.

Coupures

  • En 2008, j’ai commencé à prendre des week-ends prolongés à la montagne pour me ressourcer, et c’était une bonne chose. 2010, ça a passé à la trappe pour diverses raisons, mais il est temps de reprendre les choses en main.
  • Suite à des discussions que j’ai eues avec mes amis Laurent et Nicole, et sur leurs sages conseils, j’ai décidé de m’imposer au minimum un week-end prolongé (3 jours) par mois et une grosse bonne coupure (disons un mois, hop) par an.
  • Résultat des courses, j’ai établi un calendrier annuel de mes coupures. Ça ressemble à ça: je fais un break d’un mois en janvier (déjà un voyage prévu en Inde en 2011), en été, je pars une semaine en France comme ces deux dernières années, et en automne, je prévois une dizaine de jours en Angleterre pour voir amis et famille. En plus de ça, un mois sur deux je prends un simple week-end prolongé (lundi ou vendredi congé), et un mois sur deux en alternance, un plus long week-end prolongé (4-5 jours) avec option de partir quelque part.
  • J’ai posé toutes ces dates dans mon calendrier, jusqu’à début 2012.

Travail ludique

  • Je bloque un peu sur cette question: je dois prendre moins de mandats (clairement) mais du coup je crains pour le côté financier de l’affaire.
  • En fait, en regardant réalistement mes revenus (j’ai une grille sur la dernière année qui me les montre semaine par semaine) je me rends compte que je n’ai pas besoin d’avoir si peur que ça.
  • Une solution: moins de mandats qui paient relativement peu par rapport au temps/stress investi, plus de mandats mieux payés (je dis des choses logiques mais c’est pas si simple à mettre en pratique). Surtout, moins de mandats “open-ended” en parallèle, qui s’étalent sur la durée avec une charge de travail variable. (J’ai un billet en gestation là-dessus.)
  • Aussi, avoir confiance dans la dynamique qui me permet de vivre de ma passion: donner plus de priorité à sa passion attire les mandats.
  • Bref, avec mes petits calculs, je me suis rendu compte qu’en plus de mes mandats “réguliers” (annuels/mensuels), si j’avais une journée de “travail payé” (consulting, formation, coaching, conférence) par semaine je m’en tirais largement. Ça me laisse donc 3-4 jours, suivant la longueur de ma semaine, pour mes mandats courants, la gestion des clients, et ces fameuses “autres activités professionnelles pas payées” (dont ce blog fait partie).

Et vous, voyez-vous d’autres équilibres à maintenir? Avez-vous des solutions à partager pour ceux que j’ai identifiés?

Voyager plus, voyager moins, voyager mieux [fr]

[en] As the editor for ebooker.ch's travel blog, I contribute there regularly. I have cross-posted some of my more personal articles here for safe-keeping.

Cet article a été initialement publié sur le blog de voyage ebookers.ch (voir l’original).

Après avoir vécu une année en Inde et m’être fait des amis aux quatre coins de la planète grâce à internet, j’avais envie de voyager. Moi qui avais toujours été plutôt casanière (et d’une certain façon, je le suis encore), j’ai enfin compris ces gens qui partaient loin loin loin lors de leurs vacances.

Etudiante à l’époque, mon budget voyages était plutôt réduit. Employée, j’ai découvert que pour pouvoir partir en vacances, je devais organiser mon travail pour que tout ne s’arrête pas en mon absence. Passant dans le monde de l’enseignement, la fatigue et la masse de travail (ainsi que les plages vacances obligées durant les vacances scolaires!) m’ont plus ou moins clouée en Suisse durant deux ans.

Lorsque je me suis mise à mon compte, du coup, c’était aussi l’occasion rêvée pour moi de voyager plus. J’avais des tas d’excuses professionnelles pour mes déplacements (conférences, clients à l’étranger, etc.) et surtout, je pouvais travailler sur place. Je pouvais donc voyager sans prendre de vacances! En pratique, je faisais un mix des deux: j’allais quelque part “pour le travail”, et je rajoutais 3-4 jours sur place pour les “vacances”. Cela permettait de plus de justifier les frais (vu que c’était “pour le travail”) et de ne pas faire sauter la banque en explosant le budget vacances.

Bien plus vite que je ne l’avais imaginé, ces voyages dont je me réjouissais tant sont devenus “trop de voyages“. Tout devient routine lorsqu’on le fait trop. Une ville étrangère ressemble à une autre ville étrangère. Un hôtel, à une chambre d’hôtel. On va quelque part, on travaille, on voit trop de gens durant pas assez de temps, on rentre, on défait la valise, on recommence. Voyager devient du travail. On n’a plus envie de prendre 2-3 jours pour découvrir une nouvelle ville: on a juste envie de rentrer à la maison.

Peut-être que ce n’est pas comme ça pour tout le monde — mais pour moi ça l’est devenu.

Changement de vitesse, du coup, et depuis deux ans je voyage beaucoup moins. Presque plus. Mes déplacements professionnels sont réduits au strict minimum. Et là, après 4 ans à mon compte, je retrouve le besoin de prendre de vraies vacances. Pas juste un week-end prolongé ou une semaine au chalet. Pas 2-3 jours dans une ville quelque part après une conférence. De vraies vacances, trois semaines au moins (il paraît que c’est ce qu’il faut au minimum pour vraiment se ressourcer), sans obligations professionnelles, dépaysantes.

Voyager moins qu’avant, mais voyager quand même, et voyager mieux: pour sortir de mon quotidien, vider ma tête, la remplir de choses autres.

Et pour ça, surtout si on est indépendant, il n’y a qu’une solution: bloquer les dates longtemps à l’avance. Ensuite, selon l’envie, on peut réserver son voyage dès qu’on peut, ou bien au contraire profiter des offres dernière minute pour partir à l’aventure!

Community managers chez Thierry Crouzet: mon grain de sel [fr]

[en] An article by Thierry Crouzet on community managers is stirring a minor storm in the francophone blogosphere, just a week before he comes to teach in the course I'm co-directing on... community management and social media. This is my comment (I pretty much agree with him).

Article publié initialement sous forme de commentaire chez Thierry Crouzet. Lire également son explication sur le coup de provoc’ en question.

Allez, je ne résiste pas, je viens ajouter mon grain de sel au billet de Thierry Crouzet intitulé “Les community managers sont des putes” 🙂

Je passe comme chat sur braises sur le titre provoc de son billet, à mon avis très bien choisi, à voir les réactions (on le félicite ou on proteste, la preuve est là).

Sur le fond: je suis assez en accord avec ce qu’écrit Thierry, et ça fait écho avec les chapitres supplémentaires de l’édition 10 ans du Cluetrain, que je suis en train de lire juste ces jours.

Je développe.

Dans ma tête, je schématise un peu ainsi la jungle des médias sociaux (c’est donc schématique, faudra me pardonner): il y a, à la base, d’un côté les “passionnés-désintéressés” d’internet, et de l’autre, les professionnels des médias, de la pub, de la communication, du marketing. (Je vous avais prévenu, c’est schématique.)

Les “passionnés-désintéressés” ont pris le Cluetrain sans même réaliser qu’ils faisaient quelque chose de spécial. Leur internet est celui de l’expression, de la création, des relations, des gens. Ils ont débarqué sur ce terrain en friche, ont écarquillé leurs yeux devant la richesse des possibles pour exprimer ou vivre leur passion. Ce sont les blogueurs accidentels de la première heure (ou de la deuxième), les geeks qui passent leur temps sur IRC, les podcasteurs fous, les artistes numériques, et j’en passe.

Les professionnels amènent avec eux un bagage et une culture issus des médias et de la communication de masse. Ils se rendent compte à des degrés divers des spécificités propres d’internet, et réussissent avec plus ou moins de bonheur de prolonger leur travail dans le monde numérique. Le “plus ou moins de bonheur” est ce qui va nous intéresser, ici.

Trigance 2010 Gorges du Verdon 13Ces deux populations ont germé sur deux paradigmes différents (que j’appelle, dans ma tête toujours, pre-Cluetrain et post-Cluetrain), faisant d’internet un lieu de choc des cultures. (Je vous rappelle que je suis toujours en train de schématiser. C’est plus complexe que ça. Mais on revient bientôt aux CM et vous verrez comment ma schématisation permet d’expliquer mon point de vue sur la question).

Aujourd’hui (ce n’est pas vraiment une chronologie historique, mais plutôt un processus), nous trouvons dans les médias sociaux des professionnels provenant des deux bords. Ils réussissent ou ne réussissent pas, selon que les passionnés-désintéressés-hippies parviennent à s’adapter aux réalités du monde du business, et que les professionnels des médias “traditionnels” parviennent à véritablement intégrer à leur pratique la rupture paradigmatique que présente internet.

Les hippies du net qui échouent à cette tâche ne posent pas grand problème: ils restent des passionnés-amateurs-idéalistes-utopistes sans grande réussite commerciale. Et qui sait, ce sont peut-être quand même eux qui changeront le monde.

Les professionnels des médias qui échouent dans leur mission (enfin, celle que je leur attribue ici) m’inquiètent plus. Ils ont le bagage commercial, ils maîtrisent souvent la comm’ et le marketing, et instrumentalisent internet pour en faire un prolongement de la culture de masse. Les auteurs du Cluetrain, dans leurs introductions à l’édition anniversaire, avouent avoir sous-estimé il y a dix ans ce danger pour la culture d’internet qui nous est chère.

Et les community managers dans tout ça?

Eh bien, à la lumière de ce que je viens d’expliquer, cela devrait être assez clair. Le community manager est un être hybride, tirant sa nature double des deux côtés du fossé paradigmatique (ah! les grands mots!). En français courant, le community manager “naturel” est un hippie du net, mais son job le place dans l’entreprise aux côtés des professionnels de la communication et du marketing — et les attentes de l’entreprise (souvent pre-Cluetrain) sont généralement de cet ordre.

Etre community manager professionnel, je crois que c’est un exercice délicat, et qu’il y a (au moins) deux moyens de se planter.

Pour le passionné, le risque de ne pas survivre au décalage entre la vision qu’on se fait de son job (véritablement être le berger/catalyseur/facilitateur désintéressé de sa communauté) et les attentes de l’employeur qui se traduisent en termes d’objectifs, de retour sur investissement, de nombres de commentaires sur le blog ou de fans facebook.

Pour le mercenaire (et c’est un peu dans ce portrait que je retrouve la “pute” de Thierry), de finalement vendre son âme et sa communauté (oui, j’utilise des mots forts), la trahir aux intérêts du marketing utilitariste qui exploite autrui pour en profiter, et de ne pas ancrer son travail dans une réelle passion authentique pour la communauté en question.

(Après, il y a encore le CM qui n’a de CM que de nom, et dont le rôle se cantonne à faire des RP — ou même de la pub — dans les médias sociaux.)

Contrairement à Thierry [attention: il se rétracte dans son billet explicatif], je ne me considère pas comme une community manager. En tant que blogueuse, je suis plutôt entourée d’un public (old-style) que d’une véritable communauté (cf. explication cachée quelque part dans ce Prezi). On m’a proposé plusieurs fois des mandats de CM, et j’avoue avoir à chaque fois refusé — à part une fois, parce que j’étais au final déjà en train de jouer le rôle de CM pour ce client, par passion et sans paie. Si j’ai refusé les autres, c’est parce que je place la barre très haut pour ce qui est de l’authenticité de mon engagement pour quelque chose — ça a à voir avec ma personnalité, aussi: si le feu n’y est pas, je sais que je ne peux pas l’allumer. (Et aussi, soyons honnêtes: il y a des tas de choses que je fais bien mieux que le community management — je suis très loin d’être le meilleur CM de la planète.)

Bref: CM, c’est un terme chargé ces temps. Hypé ou décrié. Et sous ce même terme, on trouve une multitude de réalités — certaines que je trouve admirables, et d’autres qui me font froid dans le dos. Dans ce sens, je trouve passionnant et important de voir que les professionnels de cette branche commencent à s’organiser, par exemple en Suisse romande.

Disclaimer, si vous avez lu ce long commentaire-article jusqu’au bout: je co-dirige le cours au SAWI à l’occasion duquel Thierry interviendra la semaine prochaine. Nous avons d’ailleurs eu de nombreux débats internes à la direction du cours pour savoir si notre objet était ou non de former des community managers. Mais c’est un autre sujet… 😉

Gérer les attentes [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

J’entends souvent des gens se plaindre qu’entre l’e-mail, les téléphones mobiles, Facebook, Twitter et que sais-je, ils sont assaillis (voire harcelés!) de tant de messages qu’il ne leur est plus humainement possible de tous leur répondre — ou simplement de gérer un tant soit peu ce flux incessant de sollicitations.

Lorsque j’ai inauguré cette chronique l’an dernier, ce n’est pas par hasard que j’ai commencé par vous donner quelques trucs pour ne pas vous faire submerger par votre e-mail. J’ai aussi insisté quelques mois plus tard sur la nécessité de poser des limites face aux sollicitations quasi-infinies du monde extérieur, et plus particulièrement du monde en ligne.

Aujourd’hui, c’est sur l’importance de gérer les attentes d’autrui concernant votre disponibilité que je voudrais insister.

Premièrement, il vous faut être au clair de vos préférences et de vos limites. Comment préférez-vous qu’on vous contacte? Voulez-vous des e-mails, ou au contraire, des appels téléphoniques? Dans quel cas? Faut-il vous envoyer un message privé via Facebook ou LinkedIn, ou surtout pas? Surveillez-vous religieusement les invitations d’événements ou les demandes d’ajout sur Facebook, ou non? Utilisez-vous Twitter? Est-ce un moyen efficace de vous contacter? Etes-vous plutôt SMS ou boîte vocale?

Il y a une myriade de raisons de vous contacter, et non moins de canaux pour le faire. Certains sont plus appropriés à certaines situations que d’autres — et par-dessus ça, il y a vos préférences et habitudes personnelles dont il faut tenir compte.

Par exemple, j’aime Twitter et les SMS pour leur brièveté — c’est un moyen assez idéal de me joindre pour des choses urgentes. Pour mes échanges avec mes clients, je préfère l’e-mail, qui laisse une trace de ce qui a été dit. Quant à mon téléphone, je le décroche rarement lorsqu’il sonne (contrairement à ce qu’on pourrait penser, je n’aime pas les interruptions) et ce n’est donc pas un bon moyen de me joindre — mais je rappelle, en général. Pour les petites choses durant les heures de bureau, le nec plus ultra reste la messagerie instantanée, peu intrusive mais… instantanée quand même.

Et vous, comment fonctionnez-vous?

Le tout est ensuite de rendre tout ça explicite. Les gens qui cherchent à vous joindre ont peut-être d’autres préférences ou habitudes que vous. C’est ainsi que vous ménagez leurs attentes: indiquer clairement votre mode de contact préféré sur vos cartes de visites, votre site, vos comptes Facebook et LinkedIn. Mettre là où il est possible des réponses automatiques ou des instructions, par exemple sur votre e-mail et votre boîte vocale. Vous pouvez aussi profiter de ces canaux-là pour donner des informations utiles à votre interlocuteur: où trouver le descriptif de vos services, si vous êtes disponible ou non pour de nouveaux mandats, comment faire une demande de devis…

Une fois qu’on commence à comprendre la complémentarité des différents modes de communication à disposition, qu’on apprend à connaître ses préférences, et qu’on “coache” ses interlocuteurs pour qu’ils en fassent le meilleur usage possible, cette multiplication des points d’entrées cesse d’être une malédiction et finit par nous simplifier la vie.

Reverting iTunes 10 to an iTunes 9 look: Icon, Buttons, Colors [en]

[fr] Quelques liens utiles pour redonner à iTunes 10 le look d'iTunes 9.

Thanks to @tommorris (he has a blog too) my iTunes 10 has stopped looking “wrong”. Here’s how to change the icon back to the iTunes 9 icon, arrange the window buttons horizontally instead of vertically (just stick that code, including backticks, into the terminal, and hit Enter), and even bring colour back to your left sidebar (alternate download link for the file to replace).

Honestly, what were they thinking?

Lisez le Cluetrain Manifesto [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

“Lisez le Cluetrain Manifesto!” Voilà mon refrain, que je répète comme un vieux disque rayé depuis des années.

Je l’ai lu tardivement, ce Cluetrain Manifesto, qui a fêté l’an dernier ses dix ans. En 2006 je crois, ou peut-être 2007. Blogueuse de longue date, voyez-vous, je ne pensais pas qu’il m’éclairerait beaucoup. J’avais bien entendu lu les 95 thèses du manifeste qu’on trouve facilement en ligne (elles sont d’ailleurs traduites en français), et… c’était quelque part entre “c’est évident” et “je ne vois pas vraiment l’intérêt”.

Et puis j’ai lu le livre. Quelle révélation! Effectivement, mon expérience en ligne me rendait déjà tout acquise aux thèses que défend le Cluetrain, mais sa lecture m’a donné le vocabulaire qui me manquait pour mettre en mots tout ce que je croyais. A sa lecture, les pressentiments informes ont fait place aux arguments solides. Je pouvais enfin expliquer en quoi internet changeait fondamentalement les règles du jeu, et pourquoi les blogs (et autres outils en ligne “sociaux”) étaient si importants.

Que vous regardiez la culture en ligne comme un objet bizarre, ou qu’au contraire vous soyez tellement immergé dedans que vous peinez à expliquer vos évidences à “ceux du dehors”, je ne peux que vous encourager à prendre la peine de lire le Cluetrain Manifesto. Il peut être lu gratuitement en ligne dans son intégralité, mais personnellement, j’ai un faible pour le format papier quand il s’agit d’écrits de cette longueur. C’est quand même plus agréable de pouvoir se vautrer sur le canapé avec un bouquin que de rester vissé des heures à lire sur son écran. (Enfin, chacun son truc. Je préfère le canapé.)

C’est en anglais, mais lancez-vous quand même. C’est drôle, c’est bien écrit, c’est irrévérencieux, c’est plein d’anectodes. Il y a certes eu une traduction française mais celle-ci est épuisée. (“Liberté pour le net” chez Village Mondial, quelqu’un connaît l’éditeur? Je ne suis pas fan du titre, j’avoue, “Le manifeste des évidences” c’est nettement plus heureux, comme choix.)

Il y a plusieurs années de cela, coincée à une conférence sur les blogs un peu raide, et frustrée de me retrouver dans des conversations stériles avec des dirigeants d’entreprise qui m’expliquaient avoir tout compris aux blogs (“c’est très bien les blogs, il faut juste complètement contrôler ce que les employés écrivent”), un ami et moi plaisantions que nous aurions mieux fait de venir avec une pile d’exemplaires du Cluetrain Manifesto à distribuer, plutôt que de se fatiguer dans des dialogues de sourds.

Aujourd’hui, j’ai mon petit stock au bureau, à donner à amis et clients. Je viens d’en faire l’expérience dans un autre domaine: il y a toujours plus de chances qu’on lise un livre si on l’a déjà entre les mains, plutôt que si on doit aller l’acheter ou le commander.