Hurry up and Live [en]

Life is short
It’s always scared me
Ugly crying they call it
Like being sick in India
Just let go
Your body knows

You never know
What hits the pain button
A mountain hut
In an old photograph
We never went
We’ll never go

You leave not just absence
But also “why?”
Why, oh why?
It’s hard not to be angry
Weren’t we enough?
Weren’t we all worth it?

I know, I know
But just for a minute
Let’s pretend I don’t
This isn’t fair
It hurts too much
Feels like a betrayal

So I’ll shed more tears
On your breakup with life
I’ll mourn your lost years
Our friendship cut short
Your plans and your dreams
The love you gave and we gave you

I’ll look to the stars
They say you are there
I see only fire
And darkness between
I list my regrets
Search vainly for sleep

Life is too short
Why didn’t I call
For one extra memory
Words that might have soothed
Though I may not have known
Did you know back then?

Did you say your goodbyes
Without us noticing
Or did you leave in a hurry
Ghost the party
Because it couldn’t wait anymore
You just had to escape

I’m sorry I missed it
We all are, if only you knew
We couldn’t have fixed it
I know, I know
But it still leaves me baffled
You had no other way

So I’ll go through my short life
Urgency renewed
Our clocks are all ticking
Hands drained of power
I’ll cry in the mountains
And wish you were there.


Déjà dimanche soir [en]

La vie fait semblant de reprendre son cours. Le quotidien semble normal, les émotions retombent.

Et soudain, comme quand on réalise que dimanche soir est déjà là et que le week-end n’a pas suffi avant de reprendre le travail, ça remonte, les larmes, tout.

Tu n’es bel et bien plus là, partie pour de bon, j’ai vu ton cercueil descendre en terre, je repense à toute la douleur additionnée des personnes qui étaient là pour te dire au revoir, et toutes celles encore qui n’ont pas pu être là mais qui n’en ont pas moins pleuré, et pleurent encore.

C’est le réveil du mauvais rêve au matin, dont on réalise après un bref instant qu’il n’est justement pas un rêve, mais le réel. Un réel tellement irréel qu’il a la texture du rêve, parce qu’on ne peut faire autrement que de le garder à distance – si intense qu’il nous renverse à terre à chaque fois.

J’essaie d’imaginer ton dernier jour, ta dernière heure. Ta dernière semaine, ces échanges qui semblent si incompatibles avec ton départ. J’essaie mais j’échoue. J’essaie de comprendre, et des fois je crois que j’arrive, puis je n’arrive plus. Il y aura toujours quelque chose qui m’échappera, parce que le sens du chemin que tu as pris, il était visible pour toi, et je n’ai pas tes yeux, je ne suis pas toi.

L’altérité irréductible de l’autre.

Nos échanges vont me manquer. On aurait pu parler de ça. De ce qui fait une personne et ses possibles. Ses impossibles aussi. Ton énergie et ton esprit positif également, ils vont me manquer. Mais en le disant, l’impossibilité de réconcilier ça avec le désespoir implicite que tes actions ont crié plus fort que n’importe quel mot me laisse bien désemparée.

Je fais de mon mieux pour ne pas arroser mes regrets. Je tourne le pot dans lequel ils essaient de pousser pour les mettre face à l’avenir plutôt qu’au passé, et ils se transforment en tristesse. Le regret n’est qu’un masque, qui tombe quand on comprend qu’il n’est que le reflet de l’impossibilité future.

Que c’est futile, au fond, de regretter une chose pas dite, un appel pas fait, une rencontre pas organisée, une chose pas entendue, quand la mort signe un “jamais plus” pour tout l’avenir – une myriade de mots, de gestes, de sentiers de montagne, de rires pour des bêtises, de moments d’échange profonds, de tout ce qui fait une vie et qui ne sera tout simplement pas, encore et encore, chaque jour, chaque semaine, chaque mois et chaque année qui passe. Le masque du regret est bien trop petit pour obscurer tout ça.

C’est si dur, l’absence définitive.

Parfois je voudrais presque, sans le vouloir vraiment, la consolation qu’apporterait la croyance en un après ou un ailleurs. Sans le vouloir, parce que je suis bien au clair sur ce que je crois, et surtout ce que je ne crois pas. Vouloir cependant, parce que ça ferait moins mal. C’est quelque chose que tu aurais compris, j’en suis sûre.

Demain le jour sera un peu plus gris, même si la vie fait semblant de reprendre son cours, parce que je me réveillerai demain matin sans pouvoir croire que c’était un mauvais rêve.

“Une femme sans enfant” [en]

Aujourd’hui je me sens triste, triste et vidée.

La cérémonie hier était belle, c’était intense, fort de liens et de larmes, de rencontres du coeur, de mots et de bras qui soutiennent dans la peine.

Mais le rouleau compresseur émotionnel et physique de la semaine écoulée me laisse épuisée malgré les neuf heures de sommeil de la nuit, et en ce dimanche calme et sans urgences à accomplir, je me sens triste, triste, et triste encore.

Triste d’avoir perdu mon amie, triste de sa souffrance et de celle de ses proches, mais triste aussi de ce monde qui met un pareil poids sur les femmes concernant la maternité.

Bien sûr que quand quelqu’un quitte cette vie ainsi de son propre chef, on reste avec un grand “pourquoi?” dont la totalité nous échappera toujours. Mais on va construire du sens, tant bien que mal, parce que c’est humain d’avoir besoin de sens, et parce que la mort déjà ça nous bouleverse, mais si en plus il n’y a pas de sens, c’est encore moins supportable. On met ensemble des morceaux, des pièces du puzzle, sachant bien que ce n’est pas une cause unique qui mène à cet instant singulier, mais un faisceau d’éléments intérieurs et extérieurs, essentiels et contingents, personnels et collectifs, existentiels et triviaux, anciens et récents, dont la conjonction résulte en un tout – la mort – qui est irréductible à la somme de ses parties.

Et donc aujourd’hui je suis triste de ce poids que portent toujours les femmes, qu’elles soient mères ou non. Triste parce qu’il était lourd pour mon amie, et qu’elle n’était pas seule. Triste parce que le deuil de maternité reste tabou, parce que la société ne nous offre toujours pas un mode d’emploi de la vie ou une identité qui n’inclut pas d’avoir des enfants, triste parce qu’une fois mère il faut lutter pour ne pas être réduite à ça, et que si on ne l’est pas on est au mieux ignorée ou objet de pitié, au pire jugée ou méprisée.

Voici des choses que j’ai écrites au fil des années, et qui résonnent à nouveau fortement pour moi ces jours:

C’est assez parlant que je n’ai pas écrit plus sur le sujet, compte tenu de combien le deuil de maternité a été une période charnière (longue, difficile, mais charnière) dans ma vie. J’ai un milliard de choses à dire sur le sujet, mais j’en ai dites très peu. Durant cette période, près d’un an, je n’ai en fait presque rien écrit ici, alors que ça fait 25 ans jour pour jour que ce blog existe.

Parce que le deuil de maternité, il n’a pas “d’existence” dans notre société. Il n’y a pas de rituel, pas de reconnaissance, pas de copines qui passent avec un tup’ ou de connaissances qui présentent des condoléances. Non, le deuil de maternité, c’est avant tout un “échec” pour celle qui le vit, parce que oui quoi, “quand on veut on peut”, et avec tous les progrès de la médecine moderne, n’est-ce pas, avoir un enfant, c’est “si je veux, quand je veux”! Il n’y a pas de place là-dedans pour tous les scénarios vécus réels et douloureux qui contredisent ces refrains usés, la myriade de façons différentes dont on peut se retrouver à dépasser sa date limite de procréation, parfois sans même s’en rendre compte. Le deuil de maternité, c’est un deuil qui se traverse le plus souvent sans soutien, dans la honte, la culpabilité, et la perte de repères quant au sens de la vie et à son identité de femme.

Les femmes sans enfant les plus visibles sont celles qui le sont par choix. Pour elles, la honte, l’échec et la culpabilité sont moins un enjeu. (Je dis “moins”.) Ne pas vouloir d’enfant est un combat, quelque chose qu’on revendique, qu’on va assumer peut-être même avec colère face à un monde qui nous dit qu’on devrait “vouloir autrement”, que tant qu’on n’a pas eu d’enfants on ne sait pas quel est le véritable amour, que si on n’en veut pas c’est qu’on est un peu cassée dedans et qu’on devrait d’abord panser nos blessures profondes pour accéder enfin à la lumière du désir de maternité.

Mais les femmes sans enfant “par choix” sont en fait une minorité. Pour la majorité des femmes qui n’ont pas d’enfant, ce n’était pas un choix, une décision claire. Parfois, c’est une ambivalence qu’on va transformer rétroactivement en choix inconscient parce que oui, c’est moins lourd d’assumer d’être rebelle, de ne pas vouloir entrer dans les cases toutes faites de la société, que d’avouer qu’on aurait voulu, au fond, mais que pour mille raisons, ça ne s’est pas fait. Mais souvent, on voulait on voulait, et les circonstances ne se sont pas alignées pour, une rupture au mauvais moment, un décès, un déménagement, ou simplement “pas de bol” dans la vie amoureuse (un autre article…)

Si les mères souffrent que leur identité soit réduite à leur maternité, les non-mères sont regardées avec suspicion. Et si elles ne sont pas en couple, d’autant plus! Une femme sans enfant et sans partenaire, elle doit pas être tout à fait “normale”. Pourquoi personne n’a voulu d’elle? (Remarquez que ce sera rarement “pourquoi n’y avait-elle personne digne d’elle…?) Elle doit avoir peur d’aimer. Elle a probablement un glaçon à la place du coeur. Si elle ose évoquer qu’elle aurait voulu que les choses soient autrement, on lui dira d’abord “mais pourquoi tu as pas adopté, du coup?” ou bien “mais bon y’a pas besoin d’homme de nous jours pour avoir un enfant” ou encore “c’est pas trop tard, regarde, Hilary Swank vient d’avoir un enfant à 48 ans, tu as encore le temps, ne baisse pas les bras!” et évidemment “probablement qu’au fond de toi tu ne voulais pas vraiment…”

Promettez-moi svp qu’avant de réagir à ce que je raconte ici vous allez lire les articles que j’ai écrits sur le sujet il y a bientôt dix ans et dont j’ai mis les liens plus haut… merci.

Dans ces circonstances, on apprend vite à souffrir toute seule. Et le “business” de la PMA n’aide pas forcément, car il vient au final alimenter deux discours avec lesquels il faudrait peut-être prendre un peu de distance: “quand tu veux tu peux” et “être mère c’est le truc le plus important que puisse faire une femme de sa vie”.

Nous avons un besoin urgent de “modes d’emploi” sociaux pour comment se comporter vis-à-vis des femmes par rapport à leur maternité (exit les questions brise-glace genre “et alors, tu as des enfants?” pour commencer), le deuil de maternité (quoi dire? quoi ne pas dire? comment offrir du soutien?) et aussi pour redéfinir à quoi ressemble une “bonne vie”, une “vie réussie” d’une façon qui n’inclut pas systématiquement la maternité comme passage entendu et évident, comme point central de la vie d’une femme.

Les hommes peuvent évidemment morfler face à un deuil de paternité. Mais (pardon messieurs si vous me lisez et que vous êtes concerné, il ne s’agit pas de nier votre douleur) ils ne subissent pas le même poids à ce sujet que les femmes. Un homme sans enfant est bien plus acceptable qu’une femme sans enfant. Lisez simplement les biographies des gens, vous savez, les conférenciers, les auteurs, les petites présentations des nouveaux collègues. Et notez quelle place est faite à la progéniture de la personne concernée dans le texte, chez les hommes, chez les femmes. Vous verrez.

Alors, comment on fait ces modes d’emploi? Je ne sais pas, honnêtement. Mais je sais qu’on peut déjà commencer en ouvrant notre gueule, en n’acceptant pas le tabou, le silence et la honte, la culpabilité face à un état de fait qui n’est pas de notre faute, en osant mettre l’inconfort sur la personne qui nous dit “et alors, tu voulais pas d’enfants?” plutôt que de le prendre sur nous (“si, je voulais mais j’ai pas pu”), en racontant nos histoires, en donnant à nos “soeurs” plus jeunes des modèles de vies belles et épanouies hors de la maternité, en ne partant pas du principe que toutes les petites filles voudront être maman, en sensibilisant garçons et filles aux enjeux temporels liés à la fertilité féminine et en adaptant les modèles de parcours de vie en conséquence (tu fais tes études, tu fais ton post-doc, tu trouves un job stable, tu te cases après un ou deux ratages, tu profites un peu de la vie de couple quand même, et ensuite tu fondes ta petite famille… non mais sérieux?), en évitant de glorifier la maternité, et en continuant la lutte contre les valeurs patriarcales qui imprègnent encore implicitement notre société. Les femmes en paient le prix fort, mais les hommes n’en sortent pas indemnes non plus: c’est perdant-perdant.

Pour traverser un deuil, la souffrance doit être entendue. A 51 ans, c’est largement derrière moi, parce que j’ai trouvé à l’époque un espace où j’étais soutenue et entendue. Mais je vais continuer à ouvrir ma gueule parce que je me rends compte que même mes amies (vous êtes plusieurs) ploient sous la honte et la culpabilité de leur non-maternité, et je veux croire qu’ensemble on est plus fortes, qu’ensemble on peut faire bouger les choses, qu’en faisant assez de bruit assez longtemps notre société nous fera une vraie place, et pas juste une place en note de bas de page parce qu’il faut bien nous mettre quelque part.

Delphine, mon amie [fr]

C’était à l’AFVAC en 2022, à Marseille. Audrey nous avait présentées. “Vous habitez les deux Lausanne!” Dans mon souvenir, qui n’est peut-être pas la réalité, on a commencé à parler et on ne s’est plus arrêtées, enfin si quand même, parce qu’il fallait aller assister à telle ou telle conférence ou retrouver telle ou telle personne. Pour moi en tous cas, un coup de foudre et de coeur amical.

On s’est revues après ça, assez vite. Pour discuter, pour skier, pour randonner, pour se voir. On s’appelait, “on fait pas long cette fois, promis”, et six heures après on y était encore.

J’aimais son enthousiasme qui me faisait penser au mien, son énergie, sa curiosité concernant le monde, son amour de la nature et des animaux, son écoute, sa disponibilité et sa bienveillance, son ouverture à se remettre en question, sa capacité à se positionner clairement aussi.

Notre amitié était encore jeune, mais je me réjouissais de la voir grandir et de nous accompagner dans les décennies à venir. Elle comptait pour moi, pas juste parce que Delphine était la belle personne qu’elle était, mais aussi, à titre un peu plus “égoïste”, parce que Delphine et moi partagions beaucoup d’intérêts et de valeurs. Au-delà de la qualité du lien, l’étendue des domaines de la vie qui comptent pour nous et qu’on a en commun avec l’autre jouent un rôle important.

Avec Delphine, j’avais une amie qui comme moi aimait les animaux et le vivant, les sports en plein air, la région dans laquelle nous vivons, ses montagnes et ses lacs, était une féministe engagée (plus que moi probablement d’ailleurs), s’intéressait avec finesse à la santé mentale, de façon générale et aussi plus personnelle, à comment fonctionne notre cerveau et notre société, à l’approche systémique à laquelle je me formais, qui adorait le podcast Meta de choc, avec qui je pouvais “geeker Diabète Félin” et comportement félin, dont le cerveau entrepreneurial et peut-être même hyperactif fourmillait d’idées et de projets, et qui s’arrêtait aussi en randonnée pour regarder les fleurs.

Evidemment qu’il y avait des choses importantes que nous ne partagions pas, je pense par exemple à la musique et la peinture, au fait qu’elle avait un chien et moi un chat. Nos parcours de vie tentaient de panser des blessures différentes, aussi. Mais pour moi, en tous cas, c’était déjà beaucoup.

Delphine faisait également partie des personnes qui arrivaient à être là pour moi, assez spontanément. Pour vous qui me connaissez, vous savez que ce n’est pas rien, ça.

Ma tristesse pleure à tellement d’étages.

La perte d’une jeune femme bourrée de qualités et de ressources, pleine de potentiel qui ne verra jamais le jour. La perte d’une personne qui mettait du soleil dans ma vie juste en état là. La perte d’un lien qui comptait pour moi et en l’absence duquel je me retrouve appauvrie, fragilisée. La perte d’envies et de projets communs qui ne seront jamais réalisés.

Mais c’est aussi le deuil de ce qui peut encore me rester comme illusions qu’il y aurait une justice dans le monde, qu’être entouré, aimé et soutenu devrait être assez pour s’accrocher à la vie, qu’on peut “faire une différence qui fait la différence” dans la vie des gens, que l’on devrait pouvoir percevoir le poids de la souffrance que porte l’autre avec lequel on est en lien, voir à travers les sourires et les paroles solides, qu’on devrait pouvoir “sauver les autres malgré eux”. On ne peut pas. On ne peut pas.

J’ai des regrets. C’est normal les regrets, et avec le temps, il s’agit de les lâcher. Un vieux sage m’a dit un jour “les regrets, c’est utile si ça sert à faire autrement à l’avenir; sinon il faut les laisser”. Mais les émotions et la tête sont parfois en décalage, et comme on le sait, les émotions gagnent toujours.

Le regret le plus présent, bizarrement, mais peut-être pas, en fait, est un regret qui peut sembler très superficiel: c’est que Delphine n’aura jamais rencontré Juju. Elle aurait aimé Juju. Ce regret a du sens, car ce sont les chats qui nous ont rapprochées, et aussi parce qu’elle avait suivi de près l’histoire de Juju, depuis le début jusqu’à maintenant. Elle avait pris du temps avec moi au téléphone, très généreusement, pour me conseiller et me soutenir quand je croulais sous le stress de cette responsabilité imprévue dont je n’avais pas vraiment pris la mesure, que je me torturais à ne pas savoir quelle était la meilleure décision à prendre pour ce chat que j’avais sur les bras. Après tout ça, elle ne l’aura jamais caressé, jamais gratouillé, jamais eu sur les genoux à ronronner. Un chat qui ronronne, c’est une petite chose de la vie, justement de celles auxquelles Delphine était sensible.

J’ai d’autres regrets aussi, évidemment, les randonnées que nous ne ferons pas, de n’avoir pas fait de via ferrata ensemble (alors qu’elle m’avait prêté son matériel en 2023 pour que je m’y remette), de ne pas avoir l’occasion d’accompagner ses progrès à ski, de ne pas voir sa clientèle se développer en Suisse, le bivouac qu’on avait prévu mais que ma santé ne nous a pas permis de faire. On avait évoqué, un peu en l’air, de partir en vacances aux Îles Féroé. Mais plus sérieusement, de partir en vacances ensemble, à l’occasion. Ses projets de vie ont repoussé la concrétisation de projets dans ce sens, et ils resteront à tout jamais à l’état d’idée, dans le giron de cette belle amitié trop courte, en compagnie de toutes ces autres choses auxquelles on avait même pas encore eu le temps de penser.

Je regrette aussi, infiniment, que nous n’ayons pas plus échangé sur un aspect douloureux de nos parcours de vie respectifs, que nous partagions d’une certaine façon, même si nous n’étions pas – la décennie qui nous sépare peut-être – au même endroit par rapport à ça. Je le regrette, et dans mes regrets il y a des “et si je…?”, mais je leur dis à ces “et si”, que dans une relation on est deux, et que si on n’en a pas plus parlé, ce n’est pas tout sur mes épaules. On peut être là pour l’autre, on peut tendre la main, mais on ne contrôle pas plus – et on n’a pas à juger non plus ce qu’a fait ou pas fait l’autre, car nous ne sommes pas en lui, nous n’avons pas toutes les clés, nous ne pouvons pas véritablement “comprendre” ce qui l’anime.

Accepter cette impuissance fait vraiment mal.

Delphine, tu vas énormément me manquer. Tu me manques déjà, tu sais. Ces derniers jours, j’ai voulu t’envoyer mes “trois bonnes choses” de la journée comme nous le faisions ces dernières semaines. Je retourne dans ma tête ces “bonnes choses” que tu as partagées avec moi, qui témoignaient des liens forts et nourrissants dans ta vie, d’un avenir qui se dessinait et se construisait, de moments de vie et de lumière, alors même que peut-être ta décision était déjà prise. J’essaie de réconcilier les deux mais je n’arrive pas. Comment peux-tu me parler de ta voisine qui distribue tes cartes de visite pour te faire connaître le mardi soir, et n’être plus là 24 heures plus tard? Je n’arrive pas. C’est pas possible.

Je me dis que j’aurais dû plus vite te relancer pour te voir, toi qui avais repris contact juste deux semaines avant que tu disparaisses. Mais il n’y avait pas d’urgence, l’urgence était ma convalescence et mon repos, on aurait le temps plus tard. Je me demande vainement si ça aurait pu faire pencher la balance, mais comme je sais si bien le dire aux autres qui se rongent de culpabilité, la réponse est non, ce avec quoi tu te débattais n’était pas dans nos mains.

Mais je suis triste de n’avoir pas de coup de fil plus récent, de rencontre plus récente, qu’on se soit si peu vues ces derniers mois. Je sais que ça n’a pas tenu qu’à moi, mais je suis comme tout le monde, j’ai beau savoir, mes émotions ont le dessus et je pleure. Tu vois, quand j’ai reçu ton message vocal le 17 juin – et je te l’ai dit d’ailleurs – j’ai vu sur ma montre connectée que c’était toi, et ça m’a fait tellement plaisir que j’ai interrompu mon temps de repos pour monter chercher mon téléphone et écouter ton message. Dans ton message, ta proposition de se voir, j’ai entendu que tu repiquais, alors que je comprends maintenant que c’était sûrement plutôt le contraire…

Je ne crois pas au sens dans le monde, ni à la justice de l’univers. Je crois que nous partagions ça, en tous cas en partie. C’est très désécurisant de faire face à ça. J’ai du mal, tu sais, parfois. Et s’il y avait besoin, ton décès vient me conforter dans ce (non-) sens. Non, ce n’est pas juste, pas juste pour toi que ta vie t’ait servi des cartes avec lesquelles tu n’as pas pu gagner, pas juste pour nous qui restons sur le carreau aux prises avec ton absence, toi qui étais présente dans tant de vies et les enrichissais.

Il nous reste à nous frayer à travers la jungle émotionnelle du deuil, dans la peine et la douleur, le mince chemin qui nous permettra de construire du sens. Et ce sens, qui nous accompagnera chacun dans la suite de nos vies, ce sera aussi ainsi que ta mémoire vivra en nous. Des fruits nombreux que ta vie aura portés.

En attendant ce moment, je vais encore pleurer souvent, quand je penserai à toi, quand je caresserai Juju, quand j’irai en randonnée quelque part où nous sommes allées ou où nous aurions pu aller, quand je préparerai ma saison de ski sans pouvoir te proposer de dates pour me rejoindre au chalet, quand je tomberai sur un podcast qui t’aurait intéressé, quand j’aurai envie de partager quelque chose de ma vie avec toi ou de te demander quelque chose, quand je me dirai “tiens, ça fait trop longtemps, faut qu’on se voie…”

Je suis si triste, Delphine. Si triste.

Leaving India Again [en]

I’ve gone back and forth between Switzerland and India a dozen of times now. It’s funny, people think I’m a big traveller because “India”, but actually, aside from a handful of countries in Europe and a few trips to North America, it’s pretty much the only place I’ve been.

Leaving India has always been hard for me, as far as I can remember. In 2000 I had built a life there, I was 25, leaving people I loved and had a real connection to behind, heading back to a life in Switzerland which had gone on without me, where my parents had separated and my heart had finished being broken during my absence.

I’ve been going through some of my old posts to see what I’ve written about this in the past. It’s funny (and unsettling) to see how some of my memories from 20 years ago have warped. I can imagine as years go on, I’ll be happier and happier to have this written account of bits and pieces of my life. This is from 2004, my second trip back, and so is this post. (I’d forgotten how “dramatic” my journey home in 2001 had been.) In 2004, I was obviously planning to come back as soon as I could, but it would be 7 long years before that happened. 2011 was particularly difficult as Bagha had died shortly before my trip. 2012 had me writing about it again. And so on.

This time, grief and travel are also on the platter. Grief over my stepmom’s death but also not having the time I was so looking forward to with Aleika. It was a short trip for me, two weeks. I wasn’t in a very good place when I left Switzerland, I did manage to get a breath of fresh air in Rajasthan, but it was too short, and now I’m flung back where I was, struggling to find my balance, unpack my suitcase, reconnect with work and loss.

My stepmom would have liked Rajasthan. But she’s not there to hear about it, and I felt that acutely during my trip. I would have liked to show her things. I think that for me, a large part of the pleasure of travel is sharing it with others. And that went and pressed painfully on my loss.

I don’t like transitions. I never have. They’re always stressful. The added understanding I have about certain specificities of how I function, since diagnosis, have helped me make sense of this. There’s maybe a little personal history in there too, but mainly, I just think that context changes are hard for me. I know it’s often hard for people to understand how I can react and perform well in a crisis (talk about a change in context) but simply taking myself from home-in-my-flat to home-in-the-chalet can be complicated. But that’s how it is. And India-to-Switzerland is definitely a major transition, loaded with history af good-byes with no certainty about the future.

One thing India has maybe also brought me that I struggle to find here is a different pace of life, a different sense of time. In my life here, I find it difficult to slow down. Even when I try to slow down, I’m still running around, still putting myself under a lot of pressure to do a lot of things (desired and less desired). In India, there is more waiting, there is more lateness, there is more unexpected that makes planning complicated (so you do it less), things take more time. At least, that’s what I experience. In India, I get a lot of downtime. Now, is it India or is it holidays? The two are linked, anyway. Leaving India behind when I return from a trip is also leaving behind a certain taste of life that I need more of here, but so often fail to achieve.

My body is slowly drifting back to Switzerland. I didn’t get up too early this morning, and as I write, the clock is ticking and it’s going to be time to get ready for work. I’ll leave these words here, and thank you for reading – and thank this trip to India for reconnecting me to my blogging keyboard again.

It’s Already September [en]

Started writing 05.09.2023

Reading Mark’s recent post prompted me to open up WordPress and type something.

My stepmom Monique died two weeks ago. She had been my dad’s wife for the last 20+ years and a person I really cherished. It was sudden, although she had been ill for years, but stable. In the space of a week we went from “coming home from this hospital stay tomorrow” to “it’s the end”. Although I know there is no right or wrong way in grief, I do not feel like I’m dealing well. I do not want this new world without her.

I had recently found increased confidence and stability at work, after my holidays, constructive discussions with my boss that eased some of the pressure I was putting on myself, and some tweaks and adjustments to my self-organisation. I struggle all the more with accepting that I need to cut myself some slack. I’m taking the measure of how much I pressure myself to perform well – even though intellectually I do not feel like I’m giving in to it, emotionally it is still there.

Over the years, I’ve often dealt with grief by writing through it. But this grief is not just mine. I mean, I am not alone in having to deal with Monique’s death. And this makes things more complicated. I plan to post a written version of what I said at her ceremony at some point, however. But I feel stuck, in many ways,

So stuck I abandoned this post for a week. Picking it up again after stumbling on this post by Annette.

It’s Monday afternoon. Doctor’s orders, these last three weeks I’ve been partly off work. Though I struggle with accepting that, as mentioned above, I can feel it was (is) needed. I’m slowly starting to feel somewhat “normal” when it comes to dealing with daily life, and a bit of (easy) work.

But I don’t have any bumpers, extra bandwidth, suspension, or whatever other image might work to express that minor complications of life see me on the verge of “OMG I can’t deal with this”. I’ve not only lifted my foot of the gas regarding work, but regarding pretty much everything that requires an effort on my part, to give myself space to recover. I’m “OK”, but not my usual OK. My bike fell down this morning (clumsiness) and the onboard computer wasn’t working anymore when I put it in place. I didn’t melt down, but the idea of having to deal with bike repairs (maybe a day or so without my primary means of transport) filled me with dread and despair. Luckily it was “nothing” and a quick stop at the repair shop solved it. It’s just an example. Life is full of such “little-big problems”, and usually one groans and deals with it. In my case, today, I was happy I didn’t end up crying in front of my bike when it wouldn’t start up.

Back to grief. I’m past the “burst into tears at bad moments” days. But I’m still in this weird space where I’m living as if Monique’s death is a bad situation that is going to resolve itself. Like, it’s temporary. Of course I know death is very, very much not temporary, but I seem to have trouble truly convincing myself. I feel like I’m on hold, in some no-man’s-land between shock and a deluge of emotions I really don’t want to have to face. All this is bringing back a whole lot more than “just” my mother’s death, which is the obvious parallel to draw. Details maybe some other time, or not. We’ll see how I process all this.

So, here are a few things I could be writing about but don’t really have the energy for right now. If you’re curious, ask me, and it might give me the impulse to continue, who knows. I could write about the two-week hypnotherapy introduction course I took this summer, and what a life-changing experience it was. I could write about how much time I’m spending at the chalet, and all the hikes I’ve been on, including a recent via ferrata. I could write about being back on track with judo, losing 10kg last year (on purpose) and how happy my (otherwise unhappy) knees are about it. I could write about singing, about making difficult but much-needed decisions, about using Asana, about balancing the need to follow impulses and stick with the programme, about the new boat and taking it out alone for the first time today, about Oscar and managing a support community for diabetic cats, about navigating a multilingual work environment which sends me back to topics I spent a lot of time thinking about back in 2007-8, when I did what I call (in my personal biography) my “Babel Fish Conference Tour”, I could share some poetry and write some more, or write about trying to get a coworking space back off the ground in 2023 while working in another city, even tell you more about how I’m making sense of the story of my life right now (thanks As’trame).

I feel bad about not writing about all this. Frustrated, because I like writing, and sharing, but also guilty-bad because in a complicated way it also has to do with all these things I feel I have to “do for others”. Because I’m good at them. And, again in a complicated way I might try to explain someday, but that maybe some of you will understand immediately, it has to do with the meaning of life. The meaning of my life. And of life in general. Especially when the biological “meaning” of life (to perpetuate itself) is absent from yours.

So here we are, early September coloured by death and multilayered sadness and pain and fear, from the simple grief of having lost somebody I loved to the meaning of life, sitting on my balcony with my cat, trying to keep pressure and others out of the equation of my life for a little moment more.

I’m off to judo.

RIP Erica [fr]

Ça peut finir comme ça
Une vie de chat
Au Tierspital
Le jardin a fait place
A une cage à oxygène
La liberté
Aux machines
Tu n’es déjà plus là
Même si ton coeur bat
Tu as fait de ton mieux
Et nous aussi
Mais ça n’a pas suffi

Entre mes larmes
Un festival de “j’aurais pu”
Le doute toujours
Inévitable
On aurait bien pu faire autrement
Mais au final

Tu n’as pas juste fait mieux que rien
Me dit-elle sagement avec amour
Tu as été splendide
Tu as donné tout ce que tu pouvais
Quand il en avait besoin
Sans pour autant te griller complètement
Au point de ne plus pouvoir être là pour toi
Ou pour d’autres qui ont et auront besoin
De ce que tu pourras leur donner
Ce que tu fais est suffisant
Et parfait
Parce que tu l’as fait
Les hypothétiques et les regrets
Feront toujours pâle figure
Face au vrai
Face au réel
Face au fait

Ça peut finir comme ça
Une vie de chat
Pas comme on voudrait
Jamais vraiment comme il faudrait
Avec des regrets et des doutes
Des larmes plein le coeur
Et des nuits sans sommeil.

17.02.2023
Erica nous a quittés au petit matin, malgré l’excellente prise en charge dont il a bénéficié nuit et jour toute cette semaine au Tierspital de Berne pour un abcès au foie.

Quintus, 1 an [fr]

13.12.2021, 21:20

Demain, le 14 décembre, cela fera un an jour pour jour que j’ai dit adieu à Quintus. J’ai récupéré ses cendres, comme je l’ai fait pour mes autres chats, et depuis, il y a une petite boîte sur ma table de nuit, tout près du coin du lit où il a passé une grande partie de ses dernières années.

Je n’avais pas le coeur de le mettre ailleurs. Alors le projet, c’est d’aller disperser ses cendres dans le jardin, comme je l’ai fait pour Bagha, Safran, et Tounsi avant lui. Alors c’est dur tout court, de faire ça, mais là, doublement dur parce que ses dernières années de vies étaient tellement peu dehors.

Mais je veux me souvenir aussi des années où il passait des heures installé sous le buisson devant l’immeuble, où on se promenait avec Tounsi autour du bâtiment, où il courait à travers le gazon, chassait, et grimpait même aux arbres.

Alors demain, je prendrai mon courage à deux mains, même si je ne suis absolument pas prête, et je ferai un pas de plus dans ma vie sans Quintus.

14.12.2021, 18:08

Il y a des moments où il faut aller de l’avant avec la vie, même si ça fait mal. Se souvenir que le chat qu’on aimait, avec son corps si chaud, ses poils si doux, son odeur, sa truffe humide, son ronron et ses coups de langue, et bien maintenant, c’est un petit tas de poussière dans une boîte. Que c’est fini, qu’il n’est plus là, qu’il est mort, pour toujours. Qu’il est temps d’aller de l’avant dans la vie, sans le chat.

Alors j’ai regardé cette poussière, qui n’est plus rien du chat que j’aimais, qu’un souvenir, et bien moins vivant que celui qui est dans mon coeur, quelques grammes symboliques que je vais rendre au jardin qu’il aimait, avec quelques larmes, la mémoire des précieuses années ensemble, la poussière qui s’envole et le sable qui tombe au sol.

Et puis, renter à la maison, faire un câlin au chat qui est là, tout chaud, tout vivant, et qui un jour aussi, si on a de la chance, sera un petit tas de poussière et de sable, au fond d’une boîte.

Ecouter: partie 1 | partie 2

Quintus: 6 mois [fr]

Quatorze décembre, 14 juin. Six mois. Six mois que j’ai dit adieu à ma vieille boîte à ronrons. Je ne pleure plus, enfin je ne pleurais plus avant de commencer à écrire ces mots. Il me manque, mais je suis aussi tellement soulagée de ne plus vivre dans le stress constant qu’il lui arrive quelque chose, d’être libérée de la charge de me soucier de lui et de le soigner au quotidien.

Pourtant, je l’ai fait de bon coeur. Je me sens presque coupable d’apprécier autant ma liberté. Juste là, je donnerais beaucoup pour pouvoir le tenir encore quelques minutes dans mes bras, sentir sa tête contre la mienne, entendre son ronron.

Mon Quintus. ?

Tristesse du soir [fr]

Ce soir, alors que ça va plutôt bien, subit coup de blues. Il me manque, mon vieux chaton câlin. Il aimait vraiment le contact, les caresses, être dans les bras, sur les genoux. Même si ces derniers temps, il ne voulait plus les genoux. Puis, plus les bras. Mais toujours les caresses.

Oscar, il est plus réservé dans le contact. Il a eu une vie plus mouvementée que Quintus, a beaucoup souffert, eu peur… Il me fait confiance, mais ce n’est pas la confiance absolue qu’avait Quintus. Il aime les caresses mais il faut montrer patte blanche d’abord. Frotter les joues, c’est bien. Gratter sous le cou, un peu, parfois. Il reste en alerte.

Il a le droit, bien sûr. Chaque chat est différent. Quand Tounsi est mort, c’est aussi ce qui était spécifique à notre lien qui me manquait. Ce que rien d’autre ne remplace. Ce qu’on n’aura plus jamais.

Quand Tounsi est mort, j’étais révoltée par l’injustice de la situation, il était jeune, on n’avait pas compris ce qui lui arrivait quand les premiers signes de sa maladie se sont manifestés, j’ai culpabilisé, bref, c’était un ouragan d’émotions.

Ici, avec Quintus, c’est presque si à quelque part je n’avais pas le “droit” d’être aussi triste. Il est mort paisiblement, il a vécu de longues années, il a eu une super vie, a été un super compagnon, que demander de plus? Une vie bien vécue, un mort au moment juste pour moi, et pour lui aussi j’espère.

La seule révolte à avoir ici, c’est contre la finitude de la vie. La mort. Et à quoi bon? Il n’y a rien à faire autrement, juste apprendre à faire avec. Et ça, je crois que je ne suis pas prête, au fond. Je lutte encore.

Alors je laisse de côté la révolte, car elle est vaine. Et il reste ça: j’aimais mon chat. Il n’est plus là. Il me manque. Je suis triste. Peu importe le comment, le pourquoi, que tout ce soit fait de les meilleures conditions possibles. Peu importe le juste ou l’injuste, peu importe que j’aie ou non un autre chat. Il n’est plus là, et c’est horrible. Je suis tellement triste. Juste tellement triste.