Des “mini-podcasts” à écouter [en]

Après l’introduction d’hier (enfin à l’heure de publication, c’est avant-hier), venons-en au menu principal: une collection de podcasts en série limitée, type documentaire en x épisodes, surtout en anglais (parce qu’il y en a moins en français, tout simplement). A écouter, bien sûr. Je ne les ai pas mis dans un ordre particulier, juste comme ça vient.

Mon corps électrique
Après un accident suite auquel il se retrouve tétraplégique, Arnaud prend part à une étude médicale dans l’espoir de retrouver un peu de mobilité dans son bras gauche. En même temps journaliste et sujet, il nous emmène avec lui au fil de sept épisodes pour nous questionner sur la médecine, le handicap, l’espoir, les limites, le deuil, le corps, la vie. (Voir aussi mon article Mais sérieux, le suivi psy?)

Soleil noir, autopsie d’une secte
Si vous avez mon âge ou plus, vous vous souvenez de l’Ordre du Temple Solaire. Ce podcast revient sur cette tragique histoire, en détail, et ce faisant, montre à quel point tout un chacun peut se retrouver victime d’emprise. Glaçant et fascinant.

Précipice
Sept épisodes. Sept vies qui basculent. On peut voir ce podcast somme un prélude stylistique à Mon corps électrique: l’épisode 7, c’est Arnaud.

No Easy Fix
Trois épisodes sur le sans-abrisme, l’addiction, et la réalité du parcours pour sortir de la rue à San Francisco.

Scripts
Ce podcast explore comment l’explication “physiologique” est devenue dominante aux USA pour la santé mentale, et ce que ça a eu comme impact sur le rapport qu’on a aux médicaments psychotropes. Egalement en trois épisodes.

The Missing Cryptoqueen
Dans le genre True Crime qui n’a rien à envier à un triller fictionnel: douze épisodes d’enquête sur une crypto-arnaque à grand échelle menée par une charismatique entrepreneuse qui finit par se volatiliser.

S-Town
J’ai écouté ce podcast il y a longtemps et je ne me souviens plus clairement du contenu. L’impression qu’il m’a fait, par contre, est bien clair. C’était prenant, intriguant, surprenant, et très bien raconté.

The Kids of Rutherford County
Quelque part aux USA, on met en taule des gosses aussi jeunes que 8 ans pour des bagarres de cour de récréation. Comment est-ce qu’on en est arrivé à ça? Et qu’est-ce qu’il a fallu pour sortir de cette dystopie?

The Preventionist
Amener son enfant à l’hôpital pour un commun accident domestique, une chute par exemple, et se retrouver non seulement accusé de maltraitance mais perdre la garde. Un cauchemar parental qui se répète année après année dans un coin de Pennsylvanie. Quand la protection de l’enfance finit par briser des familles innocentes et traumatiser ceux-là mêmes qu’elle est supposée protéger.

Un aparté, à ce stade: vous allez vous dire que je n’écoute que des trucs glauques et déprimants. C’est peut-être un peu vrai. Ce qui m’intéresse dans toutes ces histoires, c’est l’autopsie de systèmes qui dysfonctionnent. Comment les bonnes intentions créent-elles l’enfer institutionnalisé? Comment des personnes se retrouvent-elles prises dans des rôles où elles contribuent à rendre misérable la vie d’autrui? Que faut-il pour réparer nos systèmes défectueux, qu’ils soient politiques, médicaux, administratifs, sociaux, politiques, ou autre? Comment réussit-on (ou échoue-t-on) à réparer ce qui semble irrémédiablement cassé dans notre monde?

The Good Whale
Vous vous souvenez de “Sauvez Willy”? Derrière le film qui a ému les coeurs, il y a la vraie histoire, nettement plus compliquée, de Keiko – l’orque que l’on voit dans le film. Dans le genre enfer pavé de bonnes intentions, on est pas mal.

The Cat Drug Black Market (partie II, partie III)
La PIF est une maladie auparavant incurable chez le chat. C’est la maladie qui avait emporté Safran. Depuis quelques années, un traitement existe – efficace, mais disponible uniquement au marché noir. Des vétérinaires, mains liées par l’absence de traitement autorisé pour cette maladie sinon mortelle, se retrouvent à “suggérer” à leurs clients d’aller chercher de l’aide dans des groupes facebook. Ces trois épisodes retracent l’histoire de ce traitement, des communautés qui ont sauvé des milliers de chats, et de comment on s’est retrouvés dans cette situation abracadabrante.

Articles of Interest
Une mini-série sur les vêtements que l’on porte. Autant les questions vestimentaires m’intéressent peu, autant j’ai trouvé ces épisodes fascinants. Ce n’est pas étonnant, puisque cette série vient de 99% Invisible, un podcast qui a le don de rendre passionnants des sujets qui de prime abord peuvent paraître bien fades. AoI est par la suite devenu un podcast à part entière.

Master: The Allegations Against Neil Gaiman
Un auteur populaire et adoré est accusé d’abus sexuels par plusieurs femmes. Il nie en bloc. Une enquête dont j’ai apprécié la nuance, sur un sujet extrêmement inconfortable. (Je note juste là que Tortoise a d’autres séries d’investigation, je vais les mettre dans ma liste à écouter!)

Serial (saison 1)
Le podcast qui a lancé le genre, en 2014. Du True Crime pur et dur: Adnan Syed est derrière les barreaux depuis l’âge de 17 ans, accusé d’avoir tué Hae Min Lee, sa camarade de classe et ex-copine. Il clame son innocence, certains le croient, d’autres pas. La journaliste Sarah Koenig découvre que l’histoire est nettement plus compliquée que ce qu’il y paraît de prime abord.

Et ici je m’interromps à nouveau. Serial a lancé le genre, et continué. J’ai cité ci-dessus S-Town, The Kids of Rutherford County, The Preventionist, The Good Whale – tout ça, c’est Serial. Mais je découvre en faisant ce listing que suite au rachat de Serial par le New York Times, tout un tas d’épisodes de saisons passées sont maintenant réservées aux abonnés. Pas cool. Du coup, je vais bricoler un peu pour vous.

The Trojan Horse Affair
Le lien ci-dessus ne mène pas à la page officielle de ce podcast, mais au moins, il vous donne accès à tous les épisodes. Vous l’aurez deviné: une production Serial. On se rend cette fois à Birmingham, sur les traces d’un scandale qui a secoué l’Angleterre dix ans auparavant. Lettre anonyme, islamophobie et théorie du complot.

The Retrievals
Aussi une production Serial. Deux saisons difficiles à écouter sur la non prise en compte de la douleur des femmes dans le milieu médical. La première nous plonge dans une clinique de PMA où durant des années, une infirmière piquait dans le fentanyl utilisé comme antidouleur pour les patientes durant les interventions – le remplaçant avec une solution physiologique. Vous imaginez les conséquences pour les patientes, mais peut-être pas à quel point le monde médical est construit pour ignorer une femme qui dit qu’elle a mal. La deuxième saison porte sur les césariennes, et est plus porteuse d’espoir, car elle nous raconte comment une personne a pu mettre en route une véritable prise de conscience à l’intérieur de sa profession et faire bouger des pratiques médicales désuètes.

Dolly Parton’s America
En écoutant ce podcast, j’ai découvert la femme extraordinaire qu’est Dolly Parton. Je n’avais aucune idée. Et c’est possible que vous non plus.

Dead End: A New Jersey Political Murder Mystery
Le podcast a pris son envol et changé de nom, mais la première saison se penche sur le meurtre des Sheridan et les machinations politiques qui y sont liées.

The Making of Musk
En fait la 6e saison du podcast Understood, ces 4 épisodes nous racontent les origines biographiques et idéologiques d’Elon Musk. Eclairant.

The Disappearance of Nuseiba Hasan
Comme le podcast précédent, celui-ci est également une saison d’un podcast plus large. La troisième saison de Conviction, précisément. C’est chez Spotify, donc quasi impossible de faire un lien propre vers la saison, d’où le lien ci-dessus sur le premier épisode. Une enquête sur la disparition d’une femme que sa famille signale… des années après sa disparition.

Tiny Huge Decisions
Deux amis, Mohsin et Dalia. Ils sont les deux mariés. Elle a eu son premier enfant récemment. Lui souhaite également fonder une famille, avec son mari. Une discussion délicate, que l’on suit au fil des épisodes, où ils réfléchissent, ensemble et séparément, à une décision lourde de conséquences: va-t-elle lui proposer de porter son enfant? Ce podcast aborde avec finesse la question de la gestation pour autrui, mais pas que. Amitié, dialogue, religion, homosexualité, couple… la palette est large. Les protagonistes sont attachants, lucides, et courageux.

The Protocol
Une reportage en six parties sur la façon dont on approche la question de la transidentité chez les jeunes, enfants et ados, partant d’un protocole hollandais dont on suit l’application et l’interprétation outre-Atlantique. Un traitement très nuancé d’un sujet qui a tendance à polariser.

Pour terminer, deux recommandations un poil à part. Will Be Wild, d’abord, une enquête sur la genèse et la préparation de l’assaut du Capitole du 6 janvier. Malheureusement, l’intégralité des épisodes n’est plus disponible sans abonnement payant. Ensuite, les mini-séries de On The Media, podcast que j’écoute depuis des années. Au fil du temps ils ont produit des mini-séries sur tout un tas de sujets, allant de la pauvreté à l’histoire de la radio conservatrice. Ils en valent tous la peine.

Voilà, je crois que vous avez de quoi vous occuper avec tout ça!

“Une femme sans enfant” [en]

Aujourd’hui je me sens triste, triste et vidée.

La cérémonie hier était belle, c’était intense, fort de liens et de larmes, de rencontres du coeur, de mots et de bras qui soutiennent dans la peine.

Mais le rouleau compresseur émotionnel et physique de la semaine écoulée me laisse épuisée malgré les neuf heures de sommeil de la nuit, et en ce dimanche calme et sans urgences à accomplir, je me sens triste, triste, et triste encore.

Triste d’avoir perdu mon amie, triste de sa souffrance et de celle de ses proches, mais triste aussi de ce monde qui met un pareil poids sur les femmes concernant la maternité.

Bien sûr que quand quelqu’un quitte cette vie ainsi de son propre chef, on reste avec un grand “pourquoi?” dont la totalité nous échappera toujours. Mais on va construire du sens, tant bien que mal, parce que c’est humain d’avoir besoin de sens, et parce que la mort déjà ça nous bouleverse, mais si en plus il n’y a pas de sens, c’est encore moins supportable. On met ensemble des morceaux, des pièces du puzzle, sachant bien que ce n’est pas une cause unique qui mène à cet instant singulier, mais un faisceau d’éléments intérieurs et extérieurs, essentiels et contingents, personnels et collectifs, existentiels et triviaux, anciens et récents, dont la conjonction résulte en un tout – la mort – qui est irréductible à la somme de ses parties.

Et donc aujourd’hui je suis triste de ce poids que portent toujours les femmes, qu’elles soient mères ou non. Triste parce qu’il était lourd pour mon amie, et qu’elle n’était pas seule. Triste parce que le deuil de maternité reste tabou, parce que la société ne nous offre toujours pas un mode d’emploi de la vie ou une identité qui n’inclut pas d’avoir des enfants, triste parce qu’une fois mère il faut lutter pour ne pas être réduite à ça, et que si on ne l’est pas on est au mieux ignorée ou objet de pitié, au pire jugée ou méprisée.

Voici des choses que j’ai écrites au fil des années, et qui résonnent à nouveau fortement pour moi ces jours:

C’est assez parlant que je n’ai pas écrit plus sur le sujet, compte tenu de combien le deuil de maternité a été une période charnière (longue, difficile, mais charnière) dans ma vie. J’ai un milliard de choses à dire sur le sujet, mais j’en ai dites très peu. Durant cette période, près d’un an, je n’ai en fait presque rien écrit ici, alors que ça fait 25 ans jour pour jour que ce blog existe.

Parce que le deuil de maternité, il n’a pas “d’existence” dans notre société. Il n’y a pas de rituel, pas de reconnaissance, pas de copines qui passent avec un tup’ ou de connaissances qui présentent des condoléances. Non, le deuil de maternité, c’est avant tout un “échec” pour celle qui le vit, parce que oui quoi, “quand on veut on peut”, et avec tous les progrès de la médecine moderne, n’est-ce pas, avoir un enfant, c’est “si je veux, quand je veux”! Il n’y a pas de place là-dedans pour tous les scénarios vécus réels et douloureux qui contredisent ces refrains usés, la myriade de façons différentes dont on peut se retrouver à dépasser sa date limite de procréation, parfois sans même s’en rendre compte. Le deuil de maternité, c’est un deuil qui se traverse le plus souvent sans soutien, dans la honte, la culpabilité, et la perte de repères quant au sens de la vie et à son identité de femme.

Les femmes sans enfant les plus visibles sont celles qui le sont par choix. Pour elles, la honte, l’échec et la culpabilité sont moins un enjeu. (Je dis “moins”.) Ne pas vouloir d’enfant est un combat, quelque chose qu’on revendique, qu’on va assumer peut-être même avec colère face à un monde qui nous dit qu’on devrait “vouloir autrement”, que tant qu’on n’a pas eu d’enfants on ne sait pas quel est le véritable amour, que si on n’en veut pas c’est qu’on est un peu cassée dedans et qu’on devrait d’abord panser nos blessures profondes pour accéder enfin à la lumière du désir de maternité.

Mais les femmes sans enfant “par choix” sont en fait une minorité. Pour la majorité des femmes qui n’ont pas d’enfant, ce n’était pas un choix, une décision claire. Parfois, c’est une ambivalence qu’on va transformer rétroactivement en choix inconscient parce que oui, c’est moins lourd d’assumer d’être rebelle, de ne pas vouloir entrer dans les cases toutes faites de la société, que d’avouer qu’on aurait voulu, au fond, mais que pour mille raisons, ça ne s’est pas fait. Mais souvent, on voulait on voulait, et les circonstances ne se sont pas alignées pour, une rupture au mauvais moment, un décès, un déménagement, ou simplement “pas de bol” dans la vie amoureuse (un autre article…)

Si les mères souffrent que leur identité soit réduite à leur maternité, les non-mères sont regardées avec suspicion. Et si elles ne sont pas en couple, d’autant plus! Une femme sans enfant et sans partenaire, elle doit pas être tout à fait “normale”. Pourquoi personne n’a voulu d’elle? (Remarquez que ce sera rarement “pourquoi n’y avait-elle personne digne d’elle…?) Elle doit avoir peur d’aimer. Elle a probablement un glaçon à la place du coeur. Si elle ose évoquer qu’elle aurait voulu que les choses soient autrement, on lui dira d’abord “mais pourquoi tu as pas adopté, du coup?” ou bien “mais bon y’a pas besoin d’homme de nous jours pour avoir un enfant” ou encore “c’est pas trop tard, regarde, Hilary Swank vient d’avoir un enfant à 48 ans, tu as encore le temps, ne baisse pas les bras!” et évidemment “probablement qu’au fond de toi tu ne voulais pas vraiment…”

Promettez-moi svp qu’avant de réagir à ce que je raconte ici vous allez lire les articles que j’ai écrits sur le sujet il y a bientôt dix ans et dont j’ai mis les liens plus haut… merci.

Dans ces circonstances, on apprend vite à souffrir toute seule. Et le “business” de la PMA n’aide pas forcément, car il vient au final alimenter deux discours avec lesquels il faudrait peut-être prendre un peu de distance: “quand tu veux tu peux” et “être mère c’est le truc le plus important que puisse faire une femme de sa vie”.

Nous avons un besoin urgent de “modes d’emploi” sociaux pour comment se comporter vis-à-vis des femmes par rapport à leur maternité (exit les questions brise-glace genre “et alors, tu as des enfants?” pour commencer), le deuil de maternité (quoi dire? quoi ne pas dire? comment offrir du soutien?) et aussi pour redéfinir à quoi ressemble une “bonne vie”, une “vie réussie” d’une façon qui n’inclut pas systématiquement la maternité comme passage entendu et évident, comme point central de la vie d’une femme.

Les hommes peuvent évidemment morfler face à un deuil de paternité. Mais (pardon messieurs si vous me lisez et que vous êtes concerné, il ne s’agit pas de nier votre douleur) ils ne subissent pas le même poids à ce sujet que les femmes. Un homme sans enfant est bien plus acceptable qu’une femme sans enfant. Lisez simplement les biographies des gens, vous savez, les conférenciers, les auteurs, les petites présentations des nouveaux collègues. Et notez quelle place est faite à la progéniture de la personne concernée dans le texte, chez les hommes, chez les femmes. Vous verrez.

Alors, comment on fait ces modes d’emploi? Je ne sais pas, honnêtement. Mais je sais qu’on peut déjà commencer en ouvrant notre gueule, en n’acceptant pas le tabou, le silence et la honte, la culpabilité face à un état de fait qui n’est pas de notre faute, en osant mettre l’inconfort sur la personne qui nous dit “et alors, tu voulais pas d’enfants?” plutôt que de le prendre sur nous (“si, je voulais mais j’ai pas pu”), en racontant nos histoires, en donnant à nos “soeurs” plus jeunes des modèles de vies belles et épanouies hors de la maternité, en ne partant pas du principe que toutes les petites filles voudront être maman, en sensibilisant garçons et filles aux enjeux temporels liés à la fertilité féminine et en adaptant les modèles de parcours de vie en conséquence (tu fais tes études, tu fais ton post-doc, tu trouves un job stable, tu te cases après un ou deux ratages, tu profites un peu de la vie de couple quand même, et ensuite tu fondes ta petite famille… non mais sérieux?), en évitant de glorifier la maternité, et en continuant la lutte contre les valeurs patriarcales qui imprègnent encore implicitement notre société. Les femmes en paient le prix fort, mais les hommes n’en sortent pas indemnes non plus: c’est perdant-perdant.

Pour traverser un deuil, la souffrance doit être entendue. A 51 ans, c’est largement derrière moi, parce que j’ai trouvé à l’époque un espace où j’étais soutenue et entendue. Mais je vais continuer à ouvrir ma gueule parce que je me rends compte que même mes amies (vous êtes plusieurs) ploient sous la honte et la culpabilité de leur non-maternité, et je veux croire qu’ensemble on est plus fortes, qu’ensemble on peut faire bouger les choses, qu’en faisant assez de bruit assez longtemps notre société nous fera une vraie place, et pas juste une place en note de bas de page parce qu’il faut bien nous mettre quelque part.

Sans enfant: quelques éléments sur le contexte sociétal qui nous y mène [fr]

[en] A few thoughts and links about childlessness, and the social forces which bring 1 in 4 women of my generation to reach the end of their childbearing years without having a child.

Un discussion, hier. Comme je les aime. Sur la vie, les relations, le travail, comment on fonctionne. Ce qu’on arrive à changer et ce qu’on ne peut pas changer. Et aussi, sur le célibat et l’absence d’enfant.

Quelques liens en vrac, parce que mine de rien, depuis bientôt deux ans, j’en ai fait du chemin.

D’abord, le must: Date limite de procréation dépassée. Un article pas agréable à lire si on baigne dans le déni ambiant concernant la chute de la fertilité féminine dans la deuxième moitié de la trentaine.

Il y a un problème sociétal et d’information sur ce sujet. Si une femme veut un enfant, et qu’à la mi-trentaine elle n’est pas activement en train d’essayer de procréer, il y a un risque non négligeable qu’elle n’y parvienne pas.

Une femme sur cinq née durant les années soixante arrive à 45 ans sans avoir d’enfant. Pour les femmes des années septante, ça risque bien d’être une sur quatre.

Et si on parle de plus en plus des femmes qui font le choix de ne pas être mère, ce n’est de loin pas le cas de toutes. Certaines, comme moi, se retrouvent “par les circonstances de la vie” sans enfant alors qu’elles en voulaient.

Et là aussi, attention: ce n’est pas blanc et noir. Je veux ou je ne veux pas. Il y a beaucoup d’ambivalence autour du désir de maternité (ou de son non désir). Et on peut se retrouver, un peu du jour au lendemain, à réaliser que le temps a eu raison de notre ambivalence et pris la décision pour nous. Peut-être même des années avant qu’on en prenne conscience.

Les solutions médicales aux problèmes de fertilité existent, certes, mais elles ne sont pas une garantie de succès. On a une vision déformée des “miracles” de la médecine, à coups de célébrités d’âge “avancé” qui ont des enfants, mais sans qu’on sache:

  • combien d’années d’essais et de traitements
  • si ce sont leurs ovocytes (le don d’ovocyte est interdit en Suisse)
  • si même elles ont porté l’enfant elle-même, dans certains cas
  • combien de dizaines de milliers de dollars les traitements ont coûté

Il y a aussi un “biais du survivant” dans ces histoires: on entend parler de celles pour qui ça a marché, des exceptions, et jamais (ou pas assez) de toutes celles pour qui ça n’a pas “marché”, qui se retrouvent sans enfant et l’espoir brisé après des années de traitements, le portefeuille allégé en plus.

Savez-vous qu’à partir de 39 ans, les chances de succès d’une FIV sont autour de 10% seulement?

Personnellement, je n’avais pas conscience de tout ça durant mes années de fertilité “maximale”. Est-ce que ça aurait changé quelque chose aux diverses décisions de vie que j’ai prises? Va savoir, c’est dur de se projeter en arrière et d’imaginer ce qu’on aurait fait “si on avait su”. Mais je peux imaginer qu’avoir conscience à quelle point sa fertilité est finie est tout de même un élément important à avoir en main pour prendre les grandes décisions de la vie.

L’éducation sexuelle que les femmes de ma génération ont eues à l’école — et c’est déjà bien — mettait l’accent sur comment ne pas tomber enceinte. Bien moins sur comment, si on le désirait, et jusqu’à quand.

Comme avec la transmission du HIV: un rapport suffit, mais un rapport “n’implique pas nécessairement que”. On tombe dans le domaine des probabilités, ô combien dur à intégrer pour notre cerveau d’homme (de femme!) des cavernes. Une fécondation est une histoire de probabilités, et la probabilité n’est pas la même quand on a 25 ou 40 ans. On s’en doute, mais on n’a pas de chiffres, pas d’échelle, pas d’ordre de grandeur. Et si la fécondation est la condition sine qua non de la grossesse, elle n’est pas suffisante pour la mener à terme…

Notre génération souffre du retour de balancier de la libération sexuelle. Ça fait mal de dire ça. Mais oui. On a gagné plus de contrôle sur comment, quand, et avec qui on procrée. Surtout dans le sens du “pas”. Mais les limites biologiques dures ne se sont pas envolées. Notre contrôle n’est pas total. Même la congélation d’ovocytes n’est pas la panacée que certaines voudraient nous faire croire.

Avec la libération sexuelle, l’égalité, tout ça (qui est très bien!) on se retrouve en tant que femme à avoir (et vouloir!) accès à des “plans de vie” masculins. On fait ses études, supérieures autant qu’on peut, on se stabilise professionnellement, on fonde une famille. Vers 30-35 ans.

Vous voyez le blème? Si on regarde ça à travers le filtre de la fertilité, ça va très bien pour un homme, qui, malgré l’andropause, ne voit pas sa fertilité tomber dans le fond d’un ravin autour de 37 ans. Il suffit d’une rupture au mauvais moment, de difficultés imprévues, et hop, on sort de la fenêtre.

Du point de vue de la fertilité féminine, le modèle études-travail-couple-stable-enfants n’est vraiment pas top.

Au Danemark, et ailleurs également j’en suis sûre, de plus en plus de femmes font le choix de procréer “seules”. Parce qu’avoir un enfant est important pour elles, et qu’elles ne sont pas prêtes à risquer de se retrouver dans l’impossibilité biologique de le faire parce qu’elles attendent de trouver le compagnon qu’il faut. Jusqu’à trop tard.

Il n’y a pas de solution parfaite à ce problème social. Mais j’espère qu’il arrivera un moment où les femmes auront en mains les cartes nécessaires à prendre des décisions informées par rapport à leur désir ou non d’être mères, sans se réveiller un jour à 43 ans, après des années à s’être laissé ballotter par les vents et les vagues dans la petite coque de noix du manque d’information et de discussions franches autour de la fertilité féminine.

Chat ou e-mail pour rester en contact? [fr]

Au détour d’une conversation avec Fabien ce matin, je (nous) faisais la réflexion suivante: même si j’adore écrire (preuve les kilomètres de texte qui s’alignent sur ce blog, sauf quand je n’écris pas) je ne suis pas du tout versée dans l’e-mail “correspondance”.

Certes, j’utilise (beaucoup) l’e-mail comme outil de travail. Pour des échanges factuels. Pour de l’administratif.

Mais pour parler de sa vie ou de son coeur, je préfère être en intéraction directe: IM, SMS, IRC Twitter, téléphone, ou même (oh oui!) se voir en chair et en os pour boire un café ou manger un morceau.

Déjà avant que l’e-mail ne débarque dans ma vie, je n’étais pas vraiment une correspondante. Ma grand-mère paternelle se plaignait amèrement du manque de lettres provenant de sa petite-fille, les cartes postales signées de ma main étaient dès le jour de leur réception des pièces collector, et les deux ou trois tentatives adolescentes d’avoir des correspondantes dans d’autres pays se sont assez vite essoufflées.

Peu étonnant, dès lors, qu’un fois accro au chat sous toutes ses formes, ce soit les modes de communication interactifs que je privilégie pour mes relations avec les gens.

Je me demande si c’est simplement une préférence personnelle (certains sont épistoliers, d’autres pas) ou bien s’il y a véritablement des caractéristiques des médias en question qui la sous-tendent: l’interactivité (relativement synchrone), par exemple. Parler de ce qu’on vit ou fait (c’est souvent l’essentiel des conversations), c’est bien mieux avec un retour direct d’autrui en face, non?

PointBlog: ça traîne en longueur, et Ginisty aux abonnés absents [fr]

[en] If ever you're in France, at the Festival de Romans, and you bump into Christophe Ginisty, would you do me a favour and remind him that his company (Pointblog SàRL) still owes me money for an article I wrote roughly a year ago. Thanks in advance!

Il y a un an de cela, Cyril Fiévet me contactait pour savoir si j’étais toujours intéressée à contribuer au magazine Netizen, produit par la société Pointblog SàRL.

J’ai accepté avec plaisir, j’ai passé deux bonnes journées à suer sur mon clavier (littéralement, j’avais un crève du diable et une fièvre du tonnerre), et le résultat a été publié dans le numéro 2 de Netizen.

Restait à me faire payer (parce que oui, la gloire et tout c’est bien joli, mais c’est encore mieux quand ça permet de payer un peu le loyer et les croquettes du chat). D’abord, mea culpa, j’ai tardé — car je n’avais pas réalisé que Cyril m’avait envoyé par mail des choses à imprimer, remplir, signer, renvoyer, etc.

En juin (je crois, faudrait que je re-fouille dans mes mails pour être sûre), donc, motivée en partie par le lavage de linge sale qui a fait un peu le tour de la blogobille à l’époque, j’envoie un timide e-mail au rédac’ chef du défunt hibernant méditant magazine, histoire de savoir si j’ai une chance de voir un jour la couleur de ces euros durement gagnés.

Un forward ou deux plus tard, aussi bien Gilles Klein que Christophe Ginisty, qui dirige la société Pointblog, réagissent par mail pour me demander des détails pour qu’on puisse régler l’histoire. Très bien, donc.

C’est là que j’ai réalisé que je n’avais pas encore renvoyé les papiers. Je l’ai donc fait et j’en ai informé Christophe Ginisty par e-mail.

Puis, j’ai attendu.

Vous connaissez la chanson?

“J’ai attendu attendu elle n’est jamais venue…. daï daï daï daï tagada tsoin tsoin… daï daï daï daï…”

J’attends toujours.

Faut dire qu’entre-temps, j’ai quand même relancé Christophe une ou deux fois par mail, puis par courrier recommandé-signature-etc. (vous vous souvenez peut-être…). Ai aussi tenté de l’ajouter sur Skype (même si je suis une timide du combiné, avec Skype je m’en sors à peu près), mais sans résultat. Si je ne savais pas mieux, je me demanderais s’il n’était pas par hasard mouru.

Donc, chers amis lecteurs, si jamais vous allez au Festival de Romans et que vous y croisez Christophe Ginisty, vous voudriez bien lui rappeler que sa société me doit encore des sous, siouplaît, et qu’il doit y avoir dans une pile quelque part mails et courriers de ma part à ce sujet?

Ce soir: Scènes de Ménage [fr]

[en] On TV tonight (just 5 minutes). Will post a link once it's online.

Je fais très bref vu l’état (et je vous parlerai de SarkoWeb3 quand j’aurai récupéré). Si vous êtes à la maison ce soir, vous aurez l’occasion de me voir faire de mon mieux pour répondre aux questions de Martina Chyba durant les cinq minutes que dureront le plateau de l’émission Scènes de Ménage (TSR1), consacrée ce soir aux geeks et à la technophilie rampante en cette période de Noël. Cinq minutes qui ont occupé tout mon vendredi après-midi, et même plus.

J’ajouterai le lien une fois que l’émission sera en ligne. L’émission est en ligne!


Update (en direct): je tiens à préciser que je ne suis pas d’accord avec la “définition” geek (+ nerd) donnée dans l’émission après le premier sujet… Pour moi ils parlent des cas déjà problématiques, là.

Six Apart rachète U-blog [fr]

Six Apart achète la société Ublog. Dommage que Ublog n’ait pas fait part de l’annonce directement à  ses utilisateurs.

[en] Six Apart bought Ublog, as you know. I think it's really a pity that no official announcement was made to the users of the U-blog platform. Loïc Le Meur even refrained from blogging the announcement before the press had published it, which I find pretty poor practice for a weblog evangelist, even if he is a businessman. If I were a U-blogger, other than wonder what the future of the weblogging platform U-blog will be, now that the company belongs to the owners of TypePad, I would have the impression the company doesn't really give a damn about its end-users.

Je voulais faire un long billet, classe, fouillé, pertinent, journalistique et complet. Après des heures de remuage de boue, de lecture de billets et de commentaires présents ou passés qui n’ont fait qu’accroitre mon agacement, je renonce à  mon projet initial pour tenter de faire quelque chose d’un peu plus sobre. J’ai une longue liste de liens que je pourrais un jour utiliser pour un billet d’historienne-commentatrice de la blogosphère, mais ce n’est pas pour aujourd’hui.

Bon, Ublog SA devient Six Apart Europe. Loïc est un bon businessman, je n’ai aucun doute là -dessus. Il sait utiliser les médias, il a des connexions, et il semble enthousiaste au sujet du weblogging. Il est maintenant Executive Vice-President de Six Apart.

Chez U-blog, soit on proteste, avec un peu trop de virulence à  mon goût, soit on se tait — peut-être parce que (comme Stéphane, créateur de la plateforme U-blog, à  qui j’ai parlé cet après-midi) ils ignorent tout de la transaction?

Ailleurs, de façon très générale, le message est “félicitations à  Loïc et Six Apart.” (Quant à  Laurent, je n’arrive pas trop à  savoir ce qu’il en pense, mais c’est peut-être voulu…)

Moi, je voudrais plutôt déplorer le fait que Loïc, apôtre du weblogging, semble faire preuve de plus de respect pour les médias que pour ses propres utilisateurs: à  ce jour, aucune annonce officielle sur le portail U-blog, ni sur le blog officiel, délaissé d’ailleurs depuis le 7 mai. Chez Six Apart, la nouvelle est bien annoncée et se trouve reprise sur le blog officiel de la société.

Personnellement, je trouve que ça fait un peu chenit. Si j’étais une utilisatrice U-blog, j’aurais l’impression de ne pas compter pour grand-chose.

Si vous désirez explorer, l’article sur iFeedYou vous donne quelques bons points de départ.