Assurez vos animaux [en]

En photo: mon vieil Oscar qui dort paisiblement, ses divers maux bien pris en charge sans me ruiner đŸ„°

Avoir une assurance pour son animal, c’est pas pour couvrir les frais courants. C’est pour couvrir les situations-catastrophe. C’est pour couvrir l’abcĂšs au foie qui vous laisse avec un chat mort et 8000.- de frais de vĂ©tĂ©rinaire.

Et Ă  ceux qui diront que c’est insensĂ© de payer des sommes pareilles pour un animal: la mĂ©decine vĂ©tĂ©rinaire a aujourd’hui les moyens et les possibilitĂ©s de la mĂ©decine humaine, et donc le coĂ»t aussi. C’est pas comme il y a 20 ou 30 ans, ou “quand on Ă©tait gosses”. Le monde a changĂ©.

Aussi, les 8000.- de frais vĂ©to, c’est une escalade d’engagement inĂ©vitable. On arrive pas chez le vĂ©to avec un chat pas bien pour s’entendre dire “Madame, vous allez en avoir pour 8000.-“. Parce que lĂ , effectivement, on pourrait se dire: ok, quand bien mĂȘme ça me dĂ©chire le coeur, je peux pas, donc je fais pas.

Non, on arrive chez le vĂ©to avec un chat malade et on en a pour quelques centaines de francs. On rentre Ă  la maisonđŸ€žđŸ» mais ça ne va toujours pas, on retourne, on rajoute 500 balles. On est vite Ă  1000, 1500. On va Ă  l’hĂŽpital ou chez le spĂ©cialiste, on rajoute 1000. Quand on a dĂ©jĂ  investi 2500.- pour sauver le chat, quand est-ce qu’on dit “hmm non lĂ  on arrĂȘte, on fait pas le truc qui devrait lui sauver la vie et qui coĂ»te encore 1000 balles, ou 2000 balles”?

Personne ne sait au dĂ©but combien ça va ĂȘtre.

En Suisse, on a la chance d’avoir des assurances maladies qui nous sensibilisent au coĂ»t de la mĂ©decine. Dans d’autres pays, comme en France, on ne sait souvent pas combien a coĂ»tĂ© notre Ă©chographie ou notre radio, ou notre opĂ©ration. En Suisse, mĂȘme quand c’est payĂ© directement par l’assurance, on reçoit une copie de la facture. Ça aide, je trouve.

Donc l’assurance, elle est pour les situations catastrophe qu’on n’a pas vu venir. Pour les imprĂ©vus. De mon point de vue, aujourd’hui en Suisse, si on n’a pas un bas de laine de 10’000 balles Ă  mettre sur la table en cas de pĂ©pin, il est sage d’avoir une assurance.

Laquelle? C’est la jungle, en Suisse aussi, comme pour les assurances complĂ©mentaires chez les humains. Il faut bien lire les conditions. Ça n’aide pas Ă  faire le pas. Perso je suis chez Epona, parce qu’Ă  l’Ă©poque oĂč j’ai eu Erica, c’Ă©tait la seule assurance Ă  prendre les chats qui n’Ă©taient plus tout jeunes. Tounsi avait Ă©tĂ© assurĂ© chez Animalia (dĂ©cĂ©dĂ© Ă©galement brutalement, avec grosse facture vĂ©to, alors qu’il Ă©tait encore jeune).

Chez Epona, passĂ© un certain Ăąge il y a un questionnaire/rapport qui doit ĂȘtre rempli par le vĂ©to. Il faut dĂ©clarer les maladies passĂ©es ou en cours. Il y aura des rĂ©serves. Par exemple, pour Oscar son diabĂšte n’est pas pris en charge. Ni les consĂ©quences liĂ©es Ă  son amputation. Ni – parce que ça avait Ă©tĂ© dĂ©tectĂ© Ă  l’Ă©poque – sa toux, qui, on l’a appris plus tard, est certainement liĂ©e Ă  l’ancienne hernie diaphragmatique qu’on ne savait pas qu’il avait. Par contre, son arthrose, c’est couvert. Toutes les injections de Solensia, les mĂ©dics, l’ostĂ©o. Sa gingivo-stomatite, y compris extraction totale, soins intensifs avant, couverte. Oscar est un mauvais risque pour l’assurance, trĂšs clairement, ses primes ont Ă©tĂ© doublĂ©es et sa franchise augmentĂ©e (sinon rupture de contrat), mais j’ai fait mes calculs et ça vaut quand mĂȘme encore la peine.

Julius, je l’ai assurĂ© en mode “chat jeune sans soucis”. Environ 175.-/an, franchise de 1000.-, formule C, pas de questionnaire de santĂ© vu son Ăąge estimĂ©. Je ne m’attendais honnĂȘtement pas Ă  avoir de frais vĂ©tĂ©rinaires avec lui. Mais je me suis dit “s’il m’arrive une merde, comme c’est dĂ©jĂ  arrivĂ© avec d’autres de mes chats, au moins je ne vais pas me retrouver avec une ardoise Ă©quivalente Ă  deux mois de salaire, ou la dĂ©cision atroce de devoir euthanasier faute de sous”. Et en l’occurrence, vu le festival de bagarres de ces derniers mois, j’ai dĂ©jĂ  Ă©puisĂ© ma franchise.

Donc, faites assurer vos animaux. MĂȘme s’ils ont dĂ©jĂ  des maladies en cours – Ă  plus forte raison, je dirais, car une maladie n’en empĂȘche pas une autre, et si votre budget est dĂ©jĂ  grĂ©vĂ© par la maladie chronique non prise en charge, vous allez d’autant moins pouvoir gĂ©rer autre chose.

Les foyers Ă  grand nombre d’animaux: oui, lĂ  les primes ça devient un sacrĂ© montant. Mais je crois que si on a beaucoup d’animaux, on a aussi un budget vĂ©to mensuel consĂ©quent en permanence, donc ça veut dire qu’on a des fonds allouĂ©s Ă  ça, et peut-ĂȘtre plus de capacitĂ© d’absorber une dĂ©passement ponctuel de quelques milliers de francs du budget annuel. Si ce n’est pas le cas, peut-ĂȘtre qu’il faut quand mĂȘme rĂ©flĂ©chir Ă  assurer tout ce beau monde, en formule minimale, pour couvrir les catastrophes. Ou mettre sur pied une structure associative.

Amateurs de l’option “bas de laine”: faites les maths. Combien de temps vous auriez du Ă©conomiser pour payer les 8000.- de frais de vĂ©to que j’ai eus avec Erica? ou les deux annĂ©es consĂ©cutives Ă  4000.- avec Oscar?

Une assurance n’est pas un “investissement”. C’est une somme qu’on paie, chaque annĂ©e ou chaque mois, pour s’endormir en sachant que si le ciel nous tombe sur la tĂȘte en matiĂšre de malchance mĂ©dicale, on pourra quand mĂȘme soigner nos animaux sans se retrouver en dĂ©faut de biens.

Quintus, Ă©tapes d’un adieu (4) [fr]

Quintus, Ă©tapes d’un adieu (3)

16.12.2020 19:39

Ce soir, pour rentrer du travail, je pĂ©dale le coeur lourd. AprĂšs une journĂ©e de normalitĂ©, je rĂ©alise soudain qu’Ă  mon retour chez moi il n’y aura pas de Quintus, pas la joie de le revoir, de le laisser frotter sa tĂȘte contre la mienne, d’enfouir mon visage dans son ventre pour sentir sa douceur et son odeur.

Pas l’inquiĂ©tude non plus de voir s’il va bien, s’il a mangĂ©, s’il dort bien paisiblement… mais juste lĂ  j’oublie l’inquiĂ©tude, il n’y a que le manque, ma douleur voudrait faire machine arriĂšre, effacer lundi, effacer sa mort, essayer encore quelque chose pour le garder prĂšs de moi, sĂ»rement, il devait bien y avoir encore quelque chose Ă  faire!

C’est bien normal, et je le sais. Mais ça n’ĂŽte rien Ă  ma peine. Et par-dessus tout ça, je me retrouve avec d’autres tracas personnels Ă  gĂ©rer, dont je me passerais bien.

Juste lĂ  Quintus me manque, j’aimerais revenir sur ma dĂ©cision, faire autrement, dĂ©faire tout ça et pouvoir le tenir encore dans mes bras. Ne pas avoir Ă  faire face Ă  son absence. Ce sentiment, c’est celui des larmes qui frappent Ă  la porte, et qu’il faut laisser venir, mĂȘme si ça fait mal.

Parce que ça fait mal, en fait, et que c’est malheureusement le seul chemin vers l’acceptation.

Que je n’aime pas devoir traverser ça Ă  chacun des grands “jamais plus” de la vie. Jamais plus mon chat, jamais plus nos moments partagĂ©s, jamais plus m’Ă©merveiller de ta beautĂ©, jamais plus sentir ta langue rĂąpeuse sur ma joue, jamais plus tes adorables pattes toutes noires dessous, ton sourire quand tu dormais, ton confort quand tu t’Ă©tirais…

Pourtant, on en avait dĂ©jĂ  derriĂšre nous, des jamais plus: tes pattes autour de mon cou quand je te tenais dans mes bras, ton accueil Ă  la porte, te voir grimper les arbres, ramener des souris, courir dans l’herbe, venir d’autoritĂ© sur mes genoux quand j’essayais de travailler, faire la toilette Ă  ton frĂšre, Ă  Tounsi ou aux chatons, observer le monde du balcon, ton regard quand tu me voyais encore, ta queue dressĂ©e bien haut pour montrer ta satisfaction, jusqu’Ă  ce que tu ne puisses plus, les tours d’immeuble que l’on faisait ensemble, quand ta vue baissait mais que je ne le savais pas, tes pattes dans la neige, ton corps sur ma tĂȘte pour mieux dormir, ton ronron fort et quasi constant qui n’Ă©tait Ă  la fin presque plus perceptible…

Une vie, quand elle est finie, se rĂ©sume Ă  des souvenirs et des traces laissĂ©s dans d’autres vies. Quintus aura marquĂ© la mienne, et celle de sa premiĂšre maĂźtresse, mais aussi celles de quantitĂ© d’autres personnes qui l’ont rencontrĂ©, en personne ou par Ă©cran interposĂ©. Il aura aussi marquĂ© la vie de centaines de chats diabĂ©tiques francophones, puisque c’est sa maladie qui m’a inspirĂ©e pour crĂ©er la communautĂ© “DiabĂšte FĂ©lin”. Il a vĂ©cu une belle vie de chat, une belle vieillesse aussi. Mais tout ça ne me console pas. Je m’en fiche de tout ça: je veux juste qu’il ne soit pas mort, que l’Ăąge ne l’ait pas rattrapĂ©, qu’il soit encore sur mes genoux Ă  ronronner, son poil si doux sous ma main.

C’est ainsi. Il faut faire avec l’absence, il faut faire aussi avec ce mouvement qui rejette absolument l’absence tout en sachant que c’est en vain, et accepter de s’effondrer dans la peine qui l’accompagne. Encore et encore, jusqu’Ă  ce qu’au fil des jours, au fil des semaines, l’absence finisse par devenir plus supportable.

18.12.2020 21:49

Je me rends compte qu’au fil du lent dĂ©clin de Quintus, ces derniĂšres annĂ©es, je n’ai jamais vraiment pris le temps de faire le deuil de ce qu’il perdait en route, tellement j’Ă©tais soulagĂ©e et reconnaissante qu’il soit toujours lĂ .

J’ai Ă©tĂ© terriblement triste qu’il perde la vue. Ça a Ă©tĂ© graduel, et sa vie s’est rĂ©trĂ©cie progressivement Ă  mesure qu’elle s’assombrissait. Pendant un temps il me suivait dehors, et on se promenait ensemble. Puis sa mobilitĂ© s’est rĂ©duite, je le portais en haut du chemin, et il rentrait. Au dĂ©but il se repĂ©rait bien dans l’appartement, puis, la confusion de l’Ăąge aidant, c’est devenu de plus en plus difficile, navigant les murs au toucher.

A la mort de Tounsi, ma tristesse terrible de le perdre Ă©tait augmentĂ©e de ma tristesse pour Quintus, car je savais qu’Ă  son Ăąge et dans son Ă©tat de santĂ© les chances qu’il retrouve un “copain chat” Ă©taient trĂšs faibles. Pour lui, fini les siestes Ă  deux, la toilette mutuelle, les chamailleries, la stimulation de la prĂ©sence de l’autre, et simplement, la compagnie.

Chaque fois qu’il a Ă©tĂ© gravement malade, il en est ressorti diminuĂ©. Mais j’Ă©tais dĂ©jĂ  si heureuse qu’il ne soit pas mort. C’est bien de focaliser sur le positif, mais il ne faut se voiler la face non plus pour le nĂ©gatif.

Le Quintus qui est mort lundi Ă©tait bien diffĂ©rent du Quintus qui est arrivĂ© pour de bon dans ma vie en 2012. Il Ă©tait mĂȘme bien diffĂ©rent du Quintus d’il y a 3 ans, d’il y a deux ans, un an. Quelques mois, mĂȘme. J’ai regardĂ© encore et encore ce qui allait: il est autonome pour manger, il se dĂ©place jusqu’au balcon et retour, il aime les caresses, il ronronne. Ce qui me restait de mon chat. Jusqu’Ă  la fin, oĂč il n’en restait plus rien.

22.12.2020 10:29

When a kind of calm washed over me in the couple of days after Quintus’s death, I thought the worst was behind me, in those 10 agonizing days whilst I tried to decide if it was indeed time or not, and how to go through with it.

I may have been wrong. But things are not bad in the way I imagined they might be. I’m not crying all day or feeling actively miserable all the time. It’s more like I feel very down, very empty, not functional. I don’t recognise myself. I broke down at work the other day. I forget things. I make mistakes. I feel like life has been emptied of all its good things. And overall, I just realised I feel ashamed for not “dealing” better, or more as I’d expected. I don’t even feel like writing, or sharing, really.

I just wish I could take a break from myself until it’s all “over”, whatever that means. I’m definitely not in a great place, and I feel like I’ve lost my toolbox for navigating difficult times.

I tell myself that this will pass. I try to hang on to that. I try and trust myself that I will cope, one way or another. But I’m scared that I might be wrong this time around, and that doesn’t help me at all. I’m not sure what to do except wait, try and hold it together when I need to (work), and cut myself some slack when I can (the rest of the time).

Quintus, Ă©tapes d’un adieu (1) [fr]

4.12.2020 22:38

Un jour de cauchemar recouvert de neige
Mon trĂšs vieux chat, si frĂȘle et doux
Le temps des adieux, Ă  moins d’un miracle
Il y en a eu des miracles, mais cette fois je n’y crois plus
Ton vieux corps sur le fil, Ă  l’aube de tes vingt ans
Ton corps qui dit “je ne peux plus”
Et mes larmes qui coulent sur ta fourrure et dans des mouchoirs
Tes vielles pattes qui ne veulent plus te porter
Le ronron que j’ai entendu il y encore quelques jours
Eteint
Impossible Ă  rallumer
J’essaie d’imaginer un lendemain sans toi
Je ne veux pas, mais tu ne peux plus
Il est venu le jour de cauchemar
Faut-il encore se battre?
Il faut bien mourir de quelque chose
Le premier jour de vraie neige
Un hiver que tu ne passeras pas
Un printemps que tu ne verras pas
Mon trĂšs vieux chat, compagnon de toutes mes nuits
Ma boĂźte Ă  ronron, quand elle fonctionnait encore
Mon chasseur de souris, voleurs d’oeufs de pigeon
Tiens, cela fait bien longtemps que tu n’as plus appelĂ© le service d’Ă©tage
Tu vois, mine de rien, au fil du temps
Le lent dĂ©clin qu’on perçoit Ă  peine
Inéluctable, un mot usé comme ton pauvre corps
Le bout d’une vie longue comme ces lignes
Que j’alimente encore et encore
Pour ne pas en voir la fin
Pour ne pas te dire adieu.

5.12.2020 19:55

Quand est-ce que c’est “le bon moment”?

Jusqu’ici, j’ai eu la “chance” d’endormir mes chats dans des situations oĂč il n’y avait pas photo, pour abrĂ©ger une agonie claire.

J’ai rĂ©alisĂ© il y a trĂšs peu de temps – avant toutefois que Quintus ne dĂ©gringole – que ma plus grande peur par rapport Ă  sa mort n’Ă©tait pas tant la mort elle-mĂȘme (ça toutefois la mort avec toute sa charrette d’enjeux) mais l’idĂ©e que je risque de prendre la dĂ©cision irrĂ©mĂ©diable alors qu’il aurait encore eu une chance de s’en tirer.

Je ne compte plus le nombre de fois oĂč on a pensĂ© que c’Ă©tait cuit pour lui, et oĂč contre toute attente il a remontĂ© la pente. La mort, c’est final. Et toutes ces fois, j’aurais pu dĂ©cider que c’Ă©tait “fini”. En janvier, il a fait une insuffisance rĂ©nale aiguĂ«. Quasi une semaine sous perf chez le vĂ©to. Le “dernier” jour, celui dont on avait dit “si c’est pas mieux lĂ , c’est cuit”, on a vu une lueur d’amĂ©lioration. On lui a donnĂ© un jour de plus. On est en dĂ©cembre. Il aura eu presque un an de vie, de petit vieux, certes, mais avec des caresses des ronrons, des siestes et des Ă©tirements confortables…
A un jour prĂšs il n’aurait pas eu cette presque-annĂ©e.

J’essaie de me rĂ©concilier avec l’idĂ©e que je ne peux pas garantir que ma dĂ©cision de mettre fin Ă  ses jours sera “le bon moment”. Ce soir, il est plus serein, sa tempĂ©rature est stable. Mais il est trĂšs faible, ne mange et ne boit pas par lui-mĂȘme, n’arrive pas Ă  aller Ă  sa caisse, se dĂ©place Ă  peine.

Clairement une vie comme ça, ça ne va pas. Mais pendant qu’il est comme ça, on essaie de lui donner une chance: rĂ©hydratation, nourriture Ă  la seringue, le rĂ©chauffer, mĂ©dicament pour aider le transit Ă  repartir. Mais on fait ça combien de temps?

J’ai trouvĂ© une vĂ©tĂ©rinaire qui pourrait venir faire une euthanasie Ă  domicile demain aprĂšs-midi. On a dit qu’on faisait le point demain matin.

Si ça empire, la dĂ©cision est facile. Si rien ne change, je pense aussi que les choses sont claires. J’ai congĂ© dimanche et lundi, mais je reprends le travail mardi, donc Ă  partir de ce moment-lĂ  ça me sera impossible de m’occuper de lui d’aussi prĂšs, et le mettre encore x jours en box chez le vĂ©tĂ©rinaire sous perf, pour si peu de chances d’une issue favorable, je ne crois pas que ce soit juste pour lui.

Mais si – et c’est ce que je crains – il y a une lĂ©gĂšre amĂ©lioration? S’il maintient sa tempĂ©rature, s’il donne un coup de langue Ă  la seringue quand je lui donne Ă  manger, s’il tient un peu mieux sur ses pattes? Faut-il continuer Ă  lui donner une chance, ou bien se dire que mĂȘme s’il remonte un peu la pente, les chances qu’il puisse retrouver sa qualitĂ© de vie d’avant et ĂȘtre assez autonome sont trop faibles?

Je ne vous demande pas de rĂ©pondre Ă  ces questions. Mais ce sont celles que je me pose, celles qui m’empĂȘchent de dormir, et qui, disons-le, me torturent un peu.

J’ai peur de prendre la dĂ©cision “trop tĂŽt”, de le priver d’un bout de vie qu’il serait capable d’avoir et qui en vaudrait la peine.

Et j’ai du mal Ă  me rĂ©soudre Ă  accepter de prendre ce risque.

Viennent aussi les considĂ©rations “pratiques”. C’est dur de devoir prendre ça en compte. Je suis prise Ă  plein temps (travail et formation) de mardi Ă  dimanche. D’une certaine façon, il “vaut mieux”, pour moi et probablement pour lui, que tout s’arrĂȘte demain, ici, dans une relative sĂ©rĂ©nitĂ©, que risquer de partir dans une semaine avec des hospits, ou alors une derniĂšre journĂ©e ou deux Ă  la maison dans des conditions encore plus dĂ©gradĂ©es qu’aujourd’hui, et sans que je sois avec lui.

J’ai du mal, lĂ , vraiment.

6.12.2020 3:38

36.1: la fin des haricots. La tempĂ©rature de ton corps aprĂšs trois heures de mon sommeil. Tu t’es couchĂ© au fond du couloir, sur le parquet – boudant ou ne retrouvant pas tes tapis chauffants. Ton corps est au bout, tu es au bout, et moi aussi je suis au bout de ce que je peux faire pour t’aider. Hier aprĂšs-midi, ta tempĂ©rature Ă©tait stable. Mais il suffit que je ne veille pas pour qu’elle dĂ©gringole. Tu dĂ©pends des bouillottes et du tapis chauffant, et moi je ne peux pas t’empĂȘcher de le quitter. Alors oui, je peux te remplir de nourriture et d’eau, encore quelques heures, encore quelques jours, mais ton organisme a posĂ© les plaques. 20 ans, presque 20 ans, juste pas 20 ans. Ça reste une vie de chat extrĂȘmement longue. Et depuis plusieurs annĂ©es, tu es malade, mine de rien. PlutĂŽt trois ou quatre fois qu’une. Alors on peut pardonner – je dois pardonner – Ă  ton corps de ne plus pouvoir. Il a Ă©tĂ© bien vaillant jusqu’ici, mais tout le monde a ses limites, y compris toi.

Je ne suis pas sĂ»re de croire que “tu sais”, que tu “n’as plus envie”. Je pense plutĂŽt qu’il y a ce que tu peux et ne peux plus, qu’il y a le mal-ĂȘtre et le bien-ĂȘtre. Je ne crois pas que tu essaies de me dire quoi que ce soit; je sais que tu es, tout simplement. Peu importe au final ce qui fait que tu ne reviens pas lĂ  oĂč tu te rĂ©chaufferais, que ta tempĂ©rature dĂ©gringole, que ton appĂ©tit s’est fait la malle. Ce qui compte, c’est que c’est comme ça, et que mĂȘme en faisant “ce qu’il faut” pour te rĂ©chauffer, pour te soutenir, pour te nourrir, rien n’y fait. C’est important pour moi, ça, de savoir que j’ai fait “ce qu’il faut”, que je n’ai pas baissĂ© les bras trop tĂŽt. Si j’Ă©tais du genre Ă  baisser les bras trop tĂŽt je t’aurais perdu il y a des annĂ©es. On aurait ratĂ© encore un joli bout de chemin ensemble – et quoi qu’en pensent certains, il l’Ă©tait aussi pour toi.

On n’a qu’une vie, et quand elle s’arrĂȘte, c’est terminĂ©. Pour toujours. C’est ça que je crois. Alors il m’importe d’ĂȘtre lĂ  jusqu’au bout, de ne pas rendre les armes alors qu’il en reste, de la vie Ă  ĂȘtre vĂ©cue, de la vie qui ait un sens. Ne pas souffrir est important, mais Ă  ne regarder que la souffrance (physique gĂ©nĂ©ralement), qui peut ĂȘtre temporaire, et Ă  Ă©riger l’absence de celle-ci en valeur suprĂȘme, je crois que l’on se fourvoie. A l’extrĂȘme, la vie Ă©tant inextricable d’une certaine dose de souffrance (ou mĂȘme “Ă©tant souffrance”, quand on traduit maladroitement le bouddhisme dans nos langues d’Occident), on en viendrait Ă  une posture un peu simpliste de nĂ©gation pure et simple de la vie. Pas de vie, pas de souffrance. On voit bien que ce n’est pas satisfaisant.

A la question de la souffrance, je prĂ©fĂšre celle du sens, Ă  laquelle on peut subordonner la premiĂšre. Ainsi, la souffrance et la tolĂ©rance de celle-ci est Ă  Ă©valuer Ă  l’aune du sens dans laquelle elle s’insert. On peut souffrir de façon transitoire, car cette souffrance “a un sens” dans une vision plus globale. On peut accepter une certaine dose de souffrance mĂȘme chronique dans une vie, parce que cette vie a un sens au-delĂ  de cette souffrance. Le problĂšme n’est pas la souffrance en tant que tel, mais son intensitĂ©, sa durabilitĂ©, et son contexte.

La question du sens n’est pas sans ses propres Ă©cueils nihilistes, bien entendu. Mais Ă  l’Ă©chelle d’une vie, face Ă  la mort, je trouve qu’elle tient encore la route.

Et lĂ , mon trĂšs vieux chat, le sens est en train de nous Ă©chapper, avec sa copine l’espoir. Ton Ă©tat n’Ă©volue pas. Le maintenir stable demande un travail impossible Ă  fournir sur le long terme, pour une qualitĂ© de vie qui n’est pas acceptable.

Je pense que demain sera le jour. “Demain”… je veux dire aujourd’hui, plus tard, aprĂšs la nuit.

6.12.2020 15:29

J’attends demain. AprĂšs une nuit oĂč tout semblait clair, le matin a apportĂ© un faible ronron, une tĂȘte qui rĂ©agit aux caresses, des coups de langue dans le bol de patĂ©e offerte, une longue sĂ©ance de boisson Ă  la fontaine, et mĂȘme un pipi dans la caisse cet aprĂšs-midi. Globalement, il est aussi plus confortable dans sa position.

C’est extrĂȘmement difficile: les chances qu’il soit suffisamment bien demain restent faibles. Aussi, je suis Ă©puisĂ©e, Ă©reintĂ©e des ascenseurs Ă©motionnels, fatiguĂ©e du souci constant et de la mort Ă  l’horizon depuis des annĂ©es.

Contrairement Ă  d’autres personnes qui ont la hantise d’attendre un jour trop tard, la mienne est d’agir trop tĂŽt. On aurait pu faire ça cet aprĂšs-midi. Mais j’aurais trop doutĂ©: aurait-il fallu lui laisser encore un jour pour montrer de quoi il Ă©tait capable?

Au fond, je pense que ça ne changera pas grand-chose. Demain sera comme aujourd’hui. Mais il y a une petite chance que ce soit plus clair, soit dans un sens, soit dans l’autre. Une petite chance que je puisse ĂȘtre plus sereine. 24h aussi encore pour se dire au revoir, dans des conditions pas trop mauvaises. Pour passer 5 minutes au soleil sur le balcon, enveloppĂ© avec une bouillotte dans un plaid.

Ce dont j’ai le plus peur, paradoxalement, c’est que demain il aille “trop bien”. Car autant je ne veux pas couper court Ă  sa vie si elle a encore du temps en elle, autant je serai soulagĂ©e que tout ceci soit derriĂšre, malgrĂ© tout mon amour pour ce chat qui m’accompagne depuis bientĂŽt 9 ans.
Je me permets ce sursis parce qu’il est relativement serein. Parce qu’aujourd’hui est mieux qu’hier, cet aprĂšs-midi mieux que ce matin. Je sais que je ne fais que repousser l’inĂ©vitable. Egoistement, j’en viens presque Ă  espĂ©rer que son Ă©tat se dĂ©grade nettement. Mais il y a tout Ă  parier que demain ne clarifie rien, que je me retrouve avec un chat affaibli, mais qui mange, boit, va Ă  sa caisse, ronronne et apprĂ©cie mes caresses. C’est une situation qui n’a pas de bonne solution.

Alors aujourd’hui je nous offre le luxe de juste vivre ensemble la fin de cette journĂ©e, sans trop penser Ă  demain.

Et demain… on verra demain.

Quintus, Ă©tapes d’un adieu (2)

Petite Luna: ça fait un an [fr]

Aujourd’hui, ça va faire un an. Un an que quelques minutes de mon inattention t’ont coĂ»tĂ© la vie.

Alors je sais, on me l’a rĂ©pĂ©tĂ© maintes fois: les accidents arrivent, je ne dois pas culpabiliser, si je ne t’avais pas prise en charge deux mois auparavant tu n’aurais probablement pas Ă©tĂ© encore en vie Ă  ce moment fatidique. Reste que je me sens responsable, terriblement responsable, et que je me demande rĂ©guliĂšrement Ă  quoi ressembleraient nos vies si j’avais fermĂ© cette fichue fenĂȘtre.

Tu étais arrivée dans ma vie le 9 juin, deux mois jour pour jour avant de la quitter.

Une petite crevette d’Ă  peine 2kg, la peau sur les os, les yeux enfoncĂ©s dans leurs orbites… craintive, jolie malgrĂ© ton Ă©tat, douce et intelligente.

Je n’avais jamais eu de chat craintif. Ça a Ă©tĂ© tout un apprentissage. Pas simple de t’approcher, pas simple au dĂ©but de te faire les injections d’insuline dont tu avais impĂ©rativement besoin pour survivre. Quasi impossible de faire des contrĂŽles de glycĂ©mie. Mais malgrĂ© tout, toi et moi, on y est arrivĂ©s. Semaine aprĂšs semaine, tu as repris du poids, ton poil est devenu moins moche, et tu as pris confiance.

Tu adorais la pĂątĂ©e a/d – et rapidement, tu t’es mise Ă  adorer l’anti-glouton rose sur lequel je te la servais. Tu aimais jouer avec la canne Ă  pĂȘche “proie de sol”, et tu Ă©tais redoutablement efficace. Tu aimais les caresses et roulais ta tĂȘte dans la main que je te tendais. Tu comprenais vite ce que je voulais de toi, et tu en profitais pour te dĂ©filer ?

Tu n’aimais pas trop aller en hauteur. GrĂące Ă  la camĂ©ra de surveillance que j’avais installĂ©e, j’ai dĂ©couvert Ă  mon Ă©tonnement que la nuit, tu Ă©tais montĂ©e sur la table pour explorer. Tu miaulais aussi parfois, probablement d’ennui, puisque que t’Ă©tais au final bien accoutumĂ©e Ă  ton nouveau “chez toi” Ă  l’eclau. Une des raisons, entre autres, qui m’ont dĂ©cidĂ©e Ă  tenter ton dĂ©mĂ©nagement vers mon appartement.

Je t’entends encore roucouler en venant Ă  ma rencontre un matin, rĂ©compense des longues et longues heures passĂ©es Ă  t’amadouer. Je sens ta petite langue douce qui lĂ©chait la pĂątĂ©e tant convoitĂ©e sur mon doigt. Mon pantalon jaune a encore des fils tirĂ©s par tes griffes parfois maladroites.

GrĂące Ă  toi, j’ai dĂ» sortir de ma zone de confort en matiĂšre d’apprivoisement et de medical training. J’ai eu l’immense chance de bĂ©nĂ©ficier de l’expertise et du coaching de CĂ©line en la matiĂšre, et j’en ai appris plus que j’aurais jamais imaginĂ© (il me reste encore bien des choses Ă  apprendre, d’ailleurs… j’ai pu mesurer l’Ă©tendue de mon peu de compĂ©tence!)

GrĂące Ă  toi aussi, j’ai dĂ©couvert le FreeStyle Libre, et durant cette annĂ©e plein de chats du groupe DF et leurs maĂźtres ont pu en bĂ©nĂ©ficier. C’est devenu tellement courant maintenant, c’est difficile d’imaginer Ă  quel point c’Ă©tait “expĂ©rimental” il y a un peu plus d’un an, quand on s’est lancĂ©s.

Ça, c’est des cadeaux trĂšs concrets que tu m’as laissĂ©s. Mais ce que je retiens surtout de toi, c’est ta douceur, ton joli visage et ton regard intense, ta crainte mais aussi ta dĂ©termination Ă  la surmonter quand la motivation Ă©tait suffisante, ton petit corps osseux qui petit Ă  petit se remplumait sous mes caresses. Ton intelligence, ton plaisir Ă  jouer, ton petit ronron. Le lien qu’on avait créé toi et moi, d’heures en jours et en semaines.

J’imaginais plein d’avenirs pour toi. Tu retournais dans ta famille, peut-ĂȘtre en rĂ©mission, peut-ĂȘtre pas. Ou alors, ta famille n’Ă©tait pas en mesure de te reprendre, et on te trouvait un nouveau foyer oĂč tu serais choyĂ©e et heureuse. Et quelques fois, mĂȘme si c’Ă©tait loin d’ĂȘtre mon projet initial, je me disais que ce foyer serait peut-ĂȘtre le mien, si tu arrivais Ă  amadouer le vieux Quintus.

On ne saura jamais quelle aurait Ă©tĂ© ta vie. CoupĂ©e court par un bĂȘte accident, ces quelques minutes oĂč une vie bascule, alors que tout allait dans la bonne direction pour toi.

Merci d’avoir passĂ© dans ma vie, petite Luna ❀.

L’album de Luna, photos et vidĂ©os.

Les chats diabĂ©tiques: ce qu’il faut savoir [fr]

[en] A summary of my learnings around feline diabetes, since Quintus's diagnosis last November. If you have a diabetic kitty, run -- don't walk -- to the Feline Diabetes Message Board and sign up there. It will be your life-saver, and probably your kitty's, too.

Depuis novembre 2017 je suis plongĂ©e dans le diabĂšte fĂ©lin. Le diagnostic de Quintus m’a rapidement amenĂ©e sur felinediabetes.com, une mine d’informations et une communautĂ© active qui m’ont bien soutenue jusqu’Ă  sa rĂ©mission le 1er janvier.

Je suis ensuite allĂ©e me balader chez les francophones, et comme d’habitude, j’ai Ă©tĂ© sidĂ©rĂ©e par le dĂ©calage d’informations et de pratiques entre l’anglophonie et la francophonie. J’ai endossĂ© ma cape de “passeuse”, et aprĂšs m’ĂȘtre fait virer d’un premier groupe facebook parce que ce que j’amenais Ă©tait “trop pointu” (pour les sous-entendu simples esprits frĂ©quentant le groupe), j’ai ouvert le mien avec l’aide d’une petite Ă©quipe motivĂ©e Ă  mettre le paquet pour rĂ©guler le diabĂšte de leur chat au mieux: DiabĂšte fĂ©lin: apprendre Ă  gĂ©rer son chat diabĂ©tique.

Le groupe compte maintenant plus de 50 membres, l’esprit d’entraide y est gĂ©nial, le niveau est bon, nous voyons nos premiĂšres rĂ©missions.

AprĂšs le diabĂšte de Quintus, je voulais faire un article complet pour rendre compte de ce que j’avais appris. En fait, l’article en question, il a pris la forme de ce groupe. J’y passe beaucoup de temps Ă  rĂ©diger/traduire des documents, expliquer des choses encore et encore… bref. Et j’apprends encore tous les jours: je frĂ©quente aussi le forum allemand Diabete-Katzen (source du protocole sur lequel je me suis basĂ©e pour soigner Quintus). J’use de Google Translate et je me rends compte que j’ai quand mĂȘme des beaux restes d’allemand!

Si vous avez un chat diabĂ©tique, je vous encourage vivement Ă  rejoindre une communautĂ© en ligne pour vous accompagner. MĂȘme avec la meilleure volontĂ© du monde, votre vĂ©tĂ©rinaire ne peut pas vous offrir le suivi quotidien dont vous pourrez bĂ©nĂ©ficier dans ces communautĂ©s.

Pour les curieux, ou ceux qui voudraient le rĂ©sumĂ©, voici les points principaux que j’ai retirĂ©s de mes aventures au pays du diabĂšte fĂ©lin.

Rémission

Chez les humains, une fois qu’on est diabĂ©tique, c’est insuline Ă  vie. Pas chez les chats. Avec le bon protocole, le taux de rĂ©mission est Ă©levĂ©: 84% pour les chats sous glargine (Lantus) ou detemir (Levemir) utilisant le protocole du forum allemand dans les six mois aprĂšs le diagnostic (Roomp & Rand 2009: tĂ©lĂ©charger l’Ă©tude parue dans le Journal of Feline Medicine and Surgery; les instructions sur le forum allemand et leur traduction; la variante de FDMB et la traduction).

L’insuline utilisĂ©e (Lantus/Levemir), le rĂ©gime (pauvre en glucides), le test de glycĂ©mie Ă  domicile (indispensable), et la mĂ©thodologie d’ajustement du dosage sont tous des facteurs dans les chances de rĂ©mission. A partir du moment oĂč Quintus a passĂ© de caninsulin Ă  Lantus et oĂč j’ai commencĂ© Ă  suivre sa glycĂ©mie de prĂšs, il a fallu environ un mois pour qu’il entre en rĂ©mission. Dans son cas, son diabĂšte Ă©tait liĂ© Ă  une pancrĂ©atite, que l’on a Ă©galement soignĂ©e, mais c’est pour dire que c’Ă©tait un mois de boulot assez intense, mais nous sommes maintenant libĂ©rĂ©s de l’insuline, de ses contraintes et ses risques.

Dans le groupe que j’anime, nous avons un chat qui est en train d’entrer en rĂ©mission maintenant. AprĂšs un an sous Lantus sans surveillance de glycĂ©mie Ă  domicile, deux graves Ă©pisodes hypoglycĂ©miques symptomatiques, il fait ses premiers jours sans insuline Ă©galement juste un mois aprĂšs la mise en place du protocole de rĂ©gulation stricte Roomp & Rand (changement de rĂ©gime alimentaire, surveillance de glycĂ©mie Ă  domicile, et dosage de l’insuline selon le protocole).

Insuline

Il y a diffĂ©rentes insuline. Je ne le savais pas (je dĂ©barquais cĂŽtĂ© diabĂšte, ce n’Ă©tait vraiment pas quelque chose que je connaissais). La plupart des vĂ©tos vont donner Caninsulin en premiĂšre instance (des fois par obligation, suivant le pays). C’est une insuline dĂ©veloppĂ©e Ă  la base pour les chiens, dont la durĂ©e d’action a tendance Ă  ĂȘtre un peu courte pour les chats.

Quintus a fait 10 jours avec, et au vu des résultats peu probants, il a passé à Lantus.

Si vous avez le choix, ma recommandation est vraiment de demander Lantus ou Levemir (ou ProZinc, qui est aussi pas mal). Si on doit travailler avec Caninsulin, on peut, et on a des chats dans le groupe qui sont correctement rĂ©gulĂ©s avec. Mais c’est plus dĂ©licat, et j’ai l’impression que le risque d’hypoglycĂ©mie est plus Ă©levĂ© qu’avec une insuline plus douce.

Une autre insuline humaine relativement rĂ©cente est degludec (Tresiba). Il y a visiblement eu des tests avec Ă  l’hĂŽpital vĂ©tĂ©rinaire de Zurich, un essai est en cours sur FDMB, et il y a eu des tentatives sur le forum allemand Ă©galement. Cette insuline aurait une durĂ©e d’action encore plus longue que Levemir.

Test de glycémie à domicile

MĂȘme si les vĂ©tĂ©rinaires ne le proposent gĂ©nĂ©ralement pas d’office (les clients sont dĂ©jĂ  flippĂ©s par le diabĂšte et la lourdeur du traitement, certains refusent en bloc ou envisagent mĂȘme l’euthanasie!), le suivi de la glycĂ©mie Ă  la maison est indispensable.

Tout d’abord pour une question de sĂ©curitĂ©. Est-ce qu’on imaginerait un diabĂ©tique humain se donner des injections d’insuline Ă  l’aveugle, avec un contrĂŽle toutes les quelques semaines? On sait tous que le risque mortel du traitement Ă  l’insuline est l’hypoglycĂ©mie. On veut l’Ă©viter. Donc on garde un oeil sur la glycĂ©mie.

Et je vous vois venir: prendre la glycĂ©mie ne fait pas mal au chat, Ă  peine une piqĂ»re de moustique, on prend vite le pli, et une fois qu’on a le truc en 30 secondes c’est liquidĂ©. Comme on donne une petite rĂ©compense aprĂšs, on a des chats qui arrivent en courant se mettre sur le table pour leur test de glycĂ©mie, d’eux-mĂȘmes.

Quand on donne de l’insuline sans tester la glycĂ©mie Ă  la maison, il y a deux risques:

  • l’hypoglycĂ©mie: les besoins en insuline Ă©voluent. Le chat, en particulier, s’il est assez bien rĂ©gulĂ©, peut entrer en rĂ©mission ou voir ses besoins en insuline chuter. Si on ne teste pas, on le dĂ©couvrira parce qu’on retrouve un jour son chat inanimĂ© par terre au retour du travail (je rigole pas). Une hypo clinique, c’est beaucoup de stress (pour chat et maĂźtre), une hospitalisation souvent coĂ»teuse, et on a de la chance si le chat s’en tire sans sĂ©quelles, et s’en tire tout court. Ne faites pas courir ce risque Ă  votre chat.
  • l’hyperglycĂ©mie: comme on veut Ă©viter de trouver son chat en plein crise d’hypoglycĂ©mie au milieu de la nuit, si on ne contrĂŽle pas sa glycĂ©mie Ă  domicile, on va sous-doser l’insuline. C’est tout Ă  fait logique, comme attitude: sĂ©curitĂ© d’abord. Mais l’hyperglycĂ©mie n’est pas sans risques (c’est pour ça qu’on donne de l’insuline aux diabĂ©tiques au lieu de les laisser baigner dans leur sucre): terrain propice aux infections, dĂ©gĂąts aux organes (reins entre autres), glucotoxicitĂ© (rĂ©sistance Ă  l’insuline), production de corps cĂ©toniques (hospitalisation longue et coĂ»teuse, peut ĂȘtre mortel — l’expĂ©rience des communautĂ©s de patients auxquelles j’ai accĂšs est qu’on a plus de chats qui meurent de cĂ©toacidose diabĂ©tique que d’hypoglycĂ©mie. Laisser un chat diabĂ©tique ĂȘtre mal rĂ©gulĂ©, ce n’est donc pas anodin ni sans risques.

Le test Ă  domicile permet donc une bien meilleure rĂ©gulation de la glycĂ©mie. Avec Lantus et Levemir, il permet mĂȘme une rĂ©gulation stricte: on fait en sorte que la glycĂ©mie reste Ă  peu prĂšs 24h/24 dans des valeurs “non-diabĂ©tiques” (c’est l’objectif du protocole Roomp&Rand et cette approche n’est certainement pas Ă©trangĂšre au trĂšs fort taux de rĂ©mission). On utilise un tableau de suivi de glycĂ©mie pour pouvoir analyser les mesures faites afin d’ajuster le dosage.

Il existe des glucomĂštres pour animaux (le calibrage est un peu diffĂ©rent que pour les humains). Les bandelettes pour ces glucomĂštres sont toutefois vraiment chĂšres. On peut sans aucun problĂšme utiliser un glucomĂštre pour humains. Les valeurs sont lĂ©gĂšrement dĂ©calĂ©es mais les instructions de dosage et les seuils de sĂ©curitĂ© qu’on utilise sont prĂ©vus pour ces glucomĂštres humains. Peu importe que ce ne soit pas exactement la “vraie” valeur que mesurerait le labo: c’est assez proche pour nous permettre de suivre l’Ă©volution de la glycĂ©mie, ajuster les doses en toute sĂ©curitĂ©, et amener des chats en rĂ©mission.

Alimentation pauvre en glucides

L’alimentation joue un rĂŽle Ă©norme dans la rĂ©gulation du diabĂšte. La premiĂšre chose Ă  faire avec un chat diabĂ©tique, mĂȘme avant de le mettre sous insuline, c’est de passer Ă  un rĂ©gime pauvre en glucides (moins de 8-10% en matiĂšre sĂšche).

Il y a des aliments thĂ©rapeutiques “spĂ©cial diabĂšte” (j’ai utilisĂ© ça, je ne voulais pas partir Ă  la chasse Ă  la nourriture juste avec tout ce que j’avais Ă  gĂ©rer), mais il y a plein de pĂątĂ©es pauvres en glucides qui coĂ»tent moins cher et peuvent faire l’affaire. Les croquettes, mĂȘme les plus pauvres en glucides, sont encore gĂ©nĂ©ralement assez Ă©levĂ©es en glucides comparĂ© Ă  ce qu’on peut trouver dans les pĂątĂ©es.

ProcĂ©der avec grande prudence si le chat est dĂ©jĂ  sous insuline: le changement de nourriture va faire chuter les besoins en insuline, et si on fait ce changement brutalement et sans surveillance, on risque vraiment une hypoglycĂ©mie. Ça a failli m’arriver avec Quintus: j’avais changĂ© sa nourriture, je n’ai pas pensĂ© Ă  le dire Ă  mon vĂ©tĂ©rinaire (c’Ă©tait le dĂ©but, je n’avais pas rĂ©alisĂ© Ă  quel point c’Ă©tait important!) — heureusement celui-ci m’avait prĂȘtĂ© son glucomĂštre et dit de contrĂŽler la glycĂ©mie avant injection. Si je n’avais pas fait le test ce matin-lĂ  (il Ă©tait trĂšs bas) et injectĂ© Ă  l’aveugle, je n’ose pas penser Ă  ce qui serait arrivĂ©.

Corps cétoniques

On peut trouver facilement en pharmacie des bandelettes (ketodiastix) qui permettent de dĂ©tecter le glucose et les corps cĂ©toniques dans l’urine. Il suffit de la passer sous la queue du chat quand il urine (ou mettre un petit plastique pour rĂ©colter l’urine et y tremper la bandelette).

MĂȘme si on ne teste pas la glycĂ©mie Ă  domicile, ce test-ci devrait ĂȘtre fait. C’est vraiment le degrĂ© zĂ©ro de la surveillance.

La quantitĂ© de glucose dans l’urine peut vous donner une idĂ©e de la rĂ©gulation (mĂȘme si c’est trĂšs imprĂ©cis). Et surtout, il faut s’assurer de l’absence de corps cĂ©toniques. Si ceux-ci apparaissent, c’est vĂ©tĂ©rinaire direct!

On se retrouve avec des corps cĂ©toniques quand le chat ne reçoit pas assez d’insuline, pas assez de calories, et a un souci supplĂ©mentaire comme par exemple une infection (je n’ai pas compris tous les mĂ©canismes, mais grosso modo c’est ça). Donc une bĂȘte infection urinaire ou une gastro (le chat vomit) peut nous amener lĂ . Une fois que les corps cĂ©toniques ont fait leur apparition, c’est le cercle vicieux: la glycĂ©mie augmente, le chat est mal, il vomit… et si on ne fait rien, il finit par mourir.

Stress…

Il ne faut pas se leurrer: gĂ©rer un chat diabĂ©tique, c’est stressant, en tous cas au dĂ©but. Il y a un tas de choses Ă  apprendre, on craint pour son chat, on doit faire des gestes mĂ©dicaux (injections etc) qui nous effraient peut-ĂȘtre. Si on veut assurer un bon suivi on va tester la glycĂ©mie plusieurs fois par jour, commencer Ă  rĂ©guler la prise des repas, il va falloir ĂȘtre lĂ  toutes les 12h pour faire l’injection. Ça fait beaucoup.

En plus, on peut se heurter Ă  l’incomprĂ©hension de notre entourage, qui trouve qu’on s’acharne, qui ne comprend pas qu’on puisse se donner tout ce mal “juste pour un chat”.

Suivant comment les choses se passent, notre confiance en notre vĂ©tĂ©rinaire peut aussi se trouver Ă©branlĂ©e. Plus ça va, plus il me semble que le diabĂšte fĂ©lin est un peu un “parent pauvre” de la mĂ©decine vĂ©tĂ©rinaire. A leur dĂ©charge, les vĂ©tos doivent “tout savoir sur tout”, et pas juste pour une espĂšce, le diabĂšte fĂ©lin n’est pas trĂšs courant, et beaucoup de maĂźtres vont hĂ©siter devant la lourdeur du traitement: la prise en charge “standard” du diabĂšte fĂ©lin reflĂšte ça. Mais c’est trĂšs inconfortable de se retrouver pris entre ce que nous indique le professionnel de la santĂ© et ce qu’on trouve “sur internet”: on finit par ne plus savoir Ă  quel saint se vouer.

Largement, toutefois, ce que je constate Ă  travers les expĂ©riences des autres maĂźtres de chats diabĂ©tiques que je cĂŽtoie, c’est que quand les clients montrent Ă  leur vĂ©tĂ©rinaire qu’ils sont motivĂ©s Ă  faire une prise en charge sĂ©rieuse du diabĂšte de leur animal, qu’ils comprennent ce qu’ils font, que leur mĂ©thode est solide, les vĂ©tos se montrent gĂ©nĂ©ralement ouverts, et parfois mĂȘme ravis d’Ă©largir leurs horizons.

A travers tout ça, pouvoir Ă©changer avec d’autres personnes “ayant passĂ© par lĂ ”, faire partie d’une communautĂ© qui se serre les coudes et se soutient, c’est extrĂȘmement prĂ©cieux. Pour ma part, ça m’a clairement sauvĂ©e plus d’une fois du pĂ©tage de plombs 🙂

Le ronron du vieux chat [fr]

Dimanche 23h

Je voulais me coucher tĂŽt, parce que demain sonnez clairons Ă  5h pour aller Ă  Fribourg, aprĂšs prĂšs de 10 jours de maladie.

Mais je ne dors pas, parce que sitĂŽt la lumiĂšre Ă©teinte avec Quintus contre moi, j’ai fondu en larmes, parce que bien sĂ»r, si je suis en train d’apprendre tout ce sur quoi je peux mettre la main au sujet du diabĂšte fĂ©lin, de surveiller sa glycĂ©mie comme un aigle, de me demander comment je vais gĂ©rer les injections d’insuline Ă  6h et 18h tous les jours, c’est bien pour ne pas sentir combien je suis triste Ă  la perspective de perdre Quintus.

L’anniversaire de la mort de Tounsi approche Ă  grands pas, et je suis tout sauf sereine face Ă  son absence qui s’éternise.

Aujourd’hui Quintus aurait pu faire une hypo. Il en a peut-ĂȘtre fait une, petite, sans signes cliniques. Hier et samedi soir j’ai veillĂ© pour vĂ©rifier qu’il ne descendait pas trop bas, et frĂ©mi en voyant les mesures se rapprocher des valeurs prĂ©occupantes. Je l’ai trouvĂ© fatiguĂ© aujourd’hui. Hier aussi. Peut-ĂȘtre ce grand huit de la glycĂ©mie qu’il nous a fait. Il y aurait de quoi. C’est plus facile d’imaginer qu’un vieux chat va mourir quand il ne fait plus que dormir et semble n’avoir plus d’énergie.

Alors je ne dors pas. Il a fini par quitter mon lit, boire un peu, il m’a fait peine Ă  voir, il a dĂ» s’y reprendre Ă  deux fois pour trouver sa gamelle, puis il est sorti direction le couloir, oĂč est la nourriture. Je l’y ai amenĂ©, j’ai sorti l’écuelle de la gamelle Ă  puce, parce que je commence Ă  voir que ça le retient un peu de manger et que la pĂątĂ©e un peu sĂšche ne le dĂ©range nullement.

AprĂšs avoir bien mangĂ©, il est revenu d’un pas plus assurĂ©, a sautĂ© sur le lit pour s’installer sur l’oreiller.
Et soudain, alors je m’occupe Ă  ne pas dormir ni trop sentir, j’entends ce bruit rĂ©gulier que j’avais cherchĂ© en vain aujourd’hui et une bonne partie d’hier: il me regarde et il ronronne.

Il n’a pas dit son dernier mot.

Vous pouvez suivre le grand huit de la glycémie en temps réel.

Je vais vous raconter Tounsi… [fr]

[en] The beginnings of my story with Tounsi.

Je veux vous raconter Tounsi. Ça fait des jours que je veux le faire, mais que je recule, parce que je sais que ça va ĂȘtre dur. Deux semaines, et j’ai encore tellement mal. Je me sens bien plus perdue que ce Ă  quoi je m’attendais.

Tounsi 1

Alors je vais vous raconter Tounsi, sans trop savoir par oĂč commencer, parce que je l’aimais, et parce qu’il Ă©tait spĂ©cial — pas juste pour moi.

Tounsi, chat de refuge. Voici la premiĂšre photo que j’ai vue de lui. A tout dire, j’avais surtout craquĂ© sur Safran, mais je voulais deux chats qui s’entendaient bien, et ceux-ci Ă©taient cul et chemise. Tounsi Ă©tait au refuge depuis un an. TrouvĂ© du cĂŽtĂ© de Meyrin, m’avait-on dit. Puce d’identification tunisienne, mais sans adresse valable.

Un passĂ© un peu mystĂ©rieux, donc. Est-il nĂ© chat des rues en Tunisie? Voyageait-il avec ses premiers maĂźtres? Avait-il Ă©tĂ© ramenĂ© par des voyageurs? En tous cas, il ne m’a pas fallu trĂšs long pour imaginer comment il avait pu “se perdre”. DĂšs ses premiĂšres sorties, d’ailleurs, j’ai compris que ce n’Ă©tait pas un chat comme les autres: la premiĂšre fois qu’il a mis le nez dehors, il a foncĂ© tout droit Ă  travers le jardin, queue en l’air, pour explorer son nouveau territoire. Et quelques minutes plus tard, grands miaulements d’appel “tu es oĂč? tu es oĂč?” pour me retrouver. Droit devant lui, toujours. “Oh, un bruit Ă©trange! allons voir! oh, c’est la tondeuse Ă  gazon!”

Tounsi in December 3

Il buvait dans les WC, comme Bagha. Ouvrait le frigo, comme lui aussi. Dormait vautrĂ© sur le canapĂ©, idem. Mais alors que Bagha Ă©tait un vieux chat Ă  sa mort, Tounsi Ă©tait un jeune plein d’Ă©nergie: faire dĂ©guiller les plantes, attaquer mes pieds Ă  7h30 pĂ©tantes, course-poursuites avec Safran… Et manger, manger, manger. J’ai aussi vite compris pourquoi il Ă©tait un peu ventru, le Touns’. C’Ă©tait une obsession.

Et alors que Bagha Ă©tait bien Ă©duquĂ©, et que malgrĂ© son Ăąme de voleur il pouvait me regarder manger un steak sur la mĂȘme table sans y toucher, Tounsi, lui… ben disons qu’il n’avait pas beaucoup d’inhibitions. Je me souviens de mes premiĂšres tentatives pour le faire descendre de la table. D’abord en disant “non!” ou “descends!” sur le ton que j’utilisais avec Bagha. ZĂ©ro rĂ©action. Mais alors, zĂ©ro. Frapper des mains, non plus. Il me regardait: “qu’est-ce que tu veux?”

Looking forward to the great outdoors

J’avais passĂ© aux grands moyens, le pousser pour le faire descendre. Bagha, je le guidais d’une caresse, d’un effleurement. Tounsi, le bougre, il rĂ©sistait! “Mais pourquoi tu me pousses, tu vois pas que je veux ĂȘtre sur la table? C’est bien ici!”

J’ai fini par trouver ce cĂŽtĂ© de Tounsi extrĂȘmement attachant. Le cĂŽtĂ© un peu innocent, qui sans malice aucune veut faire ce qu’il veut faire. Curieux, intĂ©ressĂ©. Et pas timide du tout. “Oh, les courses, montre-moi ce que tu as achetĂ©!” ou bien “Mais moi aussi je veux un morceau de jambon!”

L'eau, ça coule et ça mouille!

Avec Tounsi et Safran, c’Ă©tait la premiĂšre fois que j’adoptais des chats au passĂ© inconnu. Ils avaient des habitudes que je ne connaissais pas, ou savaient faire des choses que je n’imaginais pas.

Tounsi, par exemple, savait faire sa crotte dans la cuvette des WC. J’ai fini, par Ă©limination et recoupements, par avoir la certitude que c’Ă©tait lui. Pas souvent, hein, peut-ĂȘtre une demi-douzaine de fois en cinq ans. Je vous dis pas ma tĂȘte la premiĂšre fois que je me suis retrouvĂ©e face Ă  cette grosse crotte au fond de la cuvette des WC. Un vrai moment “quatriĂšme dimension”! (Et aprĂšs, en le voyant faire de l’Ă©quilibrisme sur le rebord de sa caisse, on comprend mieux.)

img_2903

Curieuse de son passĂ© que j’imaginais voyageur, entre sa puce tunisienne, sa tendance Ă  suivre les gens (surtout moi) dehors, et sa visible aisance avec les environnements nouveaux, j’avais fait l’expĂ©rience un jour de mettre un harnais Ă  Tounsi. Il n’a pas bronchĂ© et a continuĂ© Ă  vaquer Ă  ses occupations comme de rien. Si vous avez dĂ©jĂ  essayĂ© de mettre un harnais Ă  un chat, vous comprenez que c’est assez parlant! A plus forte raison pour un chat qui faisait l’anguille dĂšs qu’on essayait de le contraindre un peu pour l’examiner…

Plus je m’attachais Ă  Tounsi, et plus cette annĂ©e passĂ©e au refuge me brisait le coeur. Un an, avant que quelqu’un ne l’adopte! C’est vrai que de premier abord, Tounsi ne semblait pas trop intĂ©ressĂ© par les gens. Il m’avait d’ailleurs royalement ignorĂ©e lors de notre premiĂšre rencontre, prĂ©fĂ©rant courir vers Safran pour une petite partie de judo. Comme quoi, il ne faut pas se fier aux premiĂšres apparences. Il avait un peu de poids en trop, et, j’ai assez vite remarquĂ©, une bouche qu’il ne fermait jamais.

AprĂšs la mort de Safran, on lui avait fait une narcose pour un contrĂŽle sanguin. J’en avais profitĂ© pour demander Ă  la vĂ©tĂ©rinaire de regarder cette histoire de bouche qui ne fermait pas: ses incisives se chevauchaient et bloquaient la fermeture complĂšte de la mĂąchoire! On avait donc ĂŽtĂ© celles du bas, et aprĂšs ça, c’Ă©tait devenu possible pour lui de fermer la bouche. Les habitudes ont la vie dure, toutefois, et il l’avait quand mĂȘme souvent partiellement ouverte.

Quintus Arriving in Switzerland 14

Je ne pense pas qu’il ait Ă©tĂ© malheureux au refuge — il Ă©tait libre de ses dĂ©placements, d’aprĂšs ce que j’ai compris. Un “chat d’extĂ©rieur”. Je n’ai jamais vraiment demandĂ© pourquoi, mais connaissant le gaillard, je pense que ça ne devait pas ĂȘtre facile de le garder dedans, et comme il revenait… Mais ça me fait quand mĂȘme mal au coeur qu’un gentil chat comme ça ait dĂ» attendre aussi longtemps avant d’ĂȘtre adoptĂ©. Et il y en a tant d’autres dans nos refuges.

Troupeau de chats 3

VoilĂ  donc le dĂ©but de notre histoire, Ă  Tounsi et moi. La suite suivra… quand elle viendra!

Les jours passent sans Tounsi [fr]

[en] Days without Tounsi are going by. Less tears by the day. I learned a lot about grief when Bagha died, and I am reaping the benefits today. I think we should be able to wish each other "good grieving", when the time comes. Because knowing how to grieve is such an important skill.

Tounsi en hautUn jour il y aura un jour sans larmes. C’est bĂȘte, mais je le redoute. Chaque matin passe un peu plus de temps avant que je pleure mon chat. Je suis en train de me faire Ă  son absence. Et alors que je sais bien que c’est nĂ©cessaire, me faire Ă  son absence signifie l’accepter – et je ne suis pas encore prĂȘte. Alors je pleure encore.

Je vais bien, compte tenu des circonstances. Vous ĂȘtes nombreux, nombreux, Ă  m’avoir fait part de votre sympathie, sur Facebook et ailleurs. Je l’apprĂ©cie infiniment. C’est con, hein, mais je vais m’en rappeler: en temps de deuil, ce ne sont pas vraiment les mots qui comptent, mais le fait qu’il y ait des mots. MĂȘme les formules convenues font du bien.

Mon appartement est plein de rappels de Tounsi. Je n’ai pas touchĂ© Ă  grand chose. J’ai ĂŽtĂ© l’Ă©lastique qui l’empĂȘchait d’ouvrir le frigo. Petit Ă  petit, je rangerai. Le carton au milieu du salon disparaĂźtra. Les perchoirs d’observation se rempliront de plantes. Les taches laissĂ©es par sa truffe sur la fenĂȘtre seront nettoyĂ©es. Les derniers marquages aussi. Je trouverai quoi faire de ses croquettes, des mĂ©dicaments qui restent, des jouets. Quintus et moi retrouverons un nouvel Ă©quilibre, pour le temps qu’il nous reste ensemble.

Avec la mort de Tounsi, je me prĂ©pare aussi Ă  me retrouver “sans chat” quand ce sera au tour de Quintus. Le plus tard possible, j’espĂšre. Mais il a quand mĂȘme 16 ans.

Tounsi et Quintus

Quintus ne semble pas souffrir outre mesure de la disparition de Tounsi, si ce n’est que son absence change le dĂ©roulement de son quotidien. Je crois que la prĂ©sence de Tounsi le stimulait Ă  bouger – je dois donc prendre plus sur moi.

Je repense Ă  Bagha, ces jours. Et je me retrouve parfois Ă  vouloir dire Bagha pour Tounsi. Bagha Ă©tait jusqu’ici mon chat mort. Maintenant j’en ai deux. Comme je l’avais fait pour Bagha, je veux raconter Tounsi. Mettre par Ă©crit qui il Ă©tait, ce qui le rendait si spĂ©cial pour moi. A la mort de Bagha j’avais un gros regret: ne pas avoir plus de vidĂ©os de lui. C’Ă©tait en 2010. Avec Tounsi, c’est presque le contraire. J’ai des milliers de photos et certainement des heures de vidĂ©o. Le temps du deuil, pour moi, c’est aussi le temps de prendre le temps d’en faire quelque chose. On verra quelle forme ça prend.

J’avais prĂ©vu de monter au chalet lundi. Je vais retarder de quelques jours, histoire d’avoir retrouvĂ© un peu de stabilitĂ© ici avant de partir. Ça va ĂȘtre dur Ă  nouveau quand je serai lĂ -haut sans Tounsi.

tounsi au chalet

Bien entendu, ces jours, je rĂ©flĂ©chis beaucoup au deuil. Le grand cadeau de la mort de Bagha avait Ă©tĂ© de pouvoir vivre pleinement son deuil – si vous connaissez mon histoire personnelle vous saisirez l’importance que ça a pu avoir. Maintenant, le deuil me fait moins peur, et c’est peut-ĂȘtre aussi pour ça que j’ai l’impression que ça va “vite” pour Tounsi. C’est un peu dĂ©stabilisant.

Je regrette qu’on ne souhaite pas “bon deuil” aux gens. On devrait. Il faut arrĂȘter de voir le deuil comme quelque chose Ă  Ă©viter, dont il faut sortir le plus vite possible, voire fuir en se perdant dans autre chose. Alors certes, c’est nĂ©cessaire parfois par moments pour continuer de fonctionner, mais mon expĂ©rience est que plus on accepte de s’y plonger, et de sentir les Ă©motions que le deuil nous amĂšne, plus on est justement capable de fonctionner en dehors de ces “montĂ©es de peine”, et plus celles-ci sont gĂ©rables.

On peut choisir ces moments pour se laisser sentir. J’ai dĂ» le faire ce week-end, totalisant passĂ© 8 heures de route en moins de 48 heures. On ne peut pas conduire quand on est pris par le chagrin. Mais on peut s’arrĂȘter, le temps qu’il faut, s’abandonner au chagrin, et ensuite vient un moment de rĂ©pit oĂč l’on peut fonctionner. Si on accepte de pleurer, vient un moment oĂč ça se calme.

A l’Ă©poque de la mort de Bagha, mon psy m’avait dit qu’une bonne crise de larmes, oĂč l’on pleure sans retenue Ă  grands sanglots, ça dure (physiologiquement) max 20 minutes. En cherchant une source pour ce chiffre, je suis tombĂ©e sur cette page “comment pleurer pour vous soulager” qui semble plutĂŽt bien faite (ça me fait un peu mal de mettre en avant une page de WikiHow mais elle me paraĂźt utile). J’avais trouvĂ© rassurant de savoir que ça s’arrĂȘte, parce que quand on est au fond de notre peine, on a le sentiment que ça ne va jamais s’arrĂȘter.

sleepy tounsi

Le deuil fait partie de la vie. C’est quelque chose qu’on traverse tous Ă  un moment ou un autre. Lorsque j’ai lu “Apprendre Ă  vivre”, de Luc Ferry, un livre qui m’a beaucoup aidĂ©e par rapport Ă  ma quĂȘte de sens dans la vie Ă  la lumiĂšre de l’inĂ©vitabilitĂ© de la mort, l’essentiel que j’en avais retirĂ© Ă©tait qu’apprivoiser le deuil, pouvoir accepter les “jamais plus” de la vie, petits ou grands, Ă©tait le travail d’une vie. Le sens, c’est ça.

On devrait se souhaiter bon deuil. Car le deuil peut ĂȘtre bon, ou moins bon. Et on le souhaite bon pour ceux qu’on aime.

Tounsi Ă©tait mon truffinet d’amour [fr]

[en] I had to put my beloved Tounsi to sleep last night. FATE, saddle thrombosis. I am heartbroken. There are some details on his Facebook page. I can't believe he's gone. I've cried myself out of tears again and again.

Pretty Tounsi

J’ai eu du mal Ă  l’aimer, au dĂ©but. Je ne semblais pas vraiment l’intĂ©resser. Il ressemblait un peu trop Ă  Bagha, de loin, sur le canapĂ©. J’avais surtout craquĂ© pour son pote de refuge, Safran. J’avais mĂȘme entrevu l’ombre de la possibilitĂ© de prendre Ă  sa place un joli noir et blanc qui avait juste refait surface au refuge, mais il Ă©tait dĂ©jĂ  dans son panier et je ne pouvais me rĂ©soudre Ă  penser Ă  le laisser.

Tounsi Ă©tait un chat spĂ©cial. Oui, tous les chats le sont, mais certains plus que d’autres. Beaucoup de personnalitĂ©. Une presence presque humaine. Beaucoup de volontĂ©. Des challenges tant mĂ©dicaux que comportementaux, qui m’ont menĂ©e Ă  beaucoup m’investir pour lui, ce qui n’a fait qu’augmenter mon attachement au fil des annĂ©es. Il Ă©tait vraiment mon amour de chat.

Nous avons Ă©tĂ© ensemble cinq petites annĂ©es. Mais il y a eu tellement de vie durant ces annĂ©es que ça me semble ĂȘtre au moins le double. J’ai le coeur en mille miettes. Perdre Bagha a Ă©tĂ© terrible, et c’Ă©tait brutal, mais il avait 14 ans, et je savais que chaque mois de plus ensemble Ă©tait un mois de bonus. Tounsi n’avait que 7-8 ans. Je pensais avoir encore de longues annĂ©es en sa compagnie. RĂ©cemment, j’Ă©tais plutĂŽt Ă  penser Ă  la disparition possible de Quintus, qui mĂȘme s’il est en bonne santĂ© mis Ă  part sa cĂ©citĂ©, son arthrose, et son dĂ©but d’insuffisance rĂ©nale, accuse quand mĂȘme bientĂŽt 16 ans.

LĂ , en trois jours, c’est fini. Vendredi matin, Tounsi a fait une thromboembolie aortique. Un caillot de sang s’est logĂ© lĂ  oĂč l’aorte se sĂ©pare en trois pour aller dans les pattes arriĂšres et la queue, et a coupĂ© la circulation. Pattes paralysĂ©es, grande douleur – mais en bon chat Tounsi n’a rien montrĂ©, et moi je n’ai rien vu, parce qu’il avait fait une crise semblable au dĂ©but du mois avec paralysie partielle d’une patte, qui avait passĂ© toute seule, et qu’on avait ajoutĂ© au tableau “Ă©pilepsie idiopathique”, le diagnostic sur lequel on s’Ă©tait arrĂȘtĂ©s pour expliquer les Ă©tranges mouvements de patte du Touns’. Ce n’est que le soir que j’ai notĂ© que sa respiration n’allait pas et qu’il montrait peut-ĂȘtre des signes de douleur.

VĂ©tĂ©rinaire de garde, Tierspital, diagnostic. Les dĂ©tails sont sur sa page Facebook. Samedi, dimanche, dĂ©sespĂ©rĂ©ment stable, si ce n’est que l’oedĂšme pulmonaire avait Ă©tĂ© rĂ©sorbĂ© et qu’il respirait sans oxygĂšne. Pattes toujours sans circulation, paralysĂ©es, muscles durs, coussinets bleus. Hier soir, appel du Tierspital. Ses reins ont lĂąchĂ©, probablement un nouveau thrombus. J’ai le temps de faire l’heure de route jusqu’Ă  Berne, la quatriĂšme fois en moins de 48 heures, pour lui faire mes adieux et le laisser mourir dans mes bras, parce qu’il n’y avait plus d’espoir, parce qu’il souffrait, parce que c’Ă©tait le moment.

Je pensais encore avoir quelques jours, on se donnait jusqu’Ă  la fin de la semaine pour voir si la circulation revenait dans ses pattes – mais mĂȘme si ce miracle s’Ă©tait produit, la source des thrombus (maladie cardiaque avancĂ©e, tumeur) ne nous donnait de toute façon pas grand espoir pour la suite.

J’ai beaucoup pleurĂ© depuis la nuit de vendredi Ă  samedi. Plus d’une fois je me suis vidĂ©e de mes larmes. Sur la bande d’arrĂȘt d’urgence de l’autoroute qui quitte Berne, personne ne vous entend crier votre peine. Je crois que je savais dĂšs le dĂ©but comment ça se terminerait. Mais je ne pensais pas que ce serait aussi brutal. La dĂ©gringolade. Les derniers morceaux de mon coeur abandonnĂ©s sur les aires de repos entre Lausanne et Berne. Et une absence de chat proportionnelle Ă  la place que prenait Tounsi dans ma vie.

Je suis sous le choc, bien Ă©videmment. Ça va, parce que j’ai passĂ© par lĂ  avec Bagha, et je sais qu’un jour il y aura un jour sans larmes, je sais que la peine s’estompe, je sais que la vie reprend son cours et qu’on se fait Ă  l’absence. Ça fait mal, aussi, de s’y faire. Mais on s’y fait.

Mais lĂ  je navigue entre dĂ©sespoir et moments oĂč je me sens sereine, shootĂ©e au dĂ©ni, merveilleux mĂ©canisme de dĂ©fense qui prĂȘte au monde une couche d’irrĂ©alitĂ©, qui nous permet de fonctionner, mais qui peut se retourner contre nous si on s’y accroche trop. Alors je pleure, je me vide de mes larmes encore une fois, j’accepte un bout de plus cette nouvelle rĂ©alitĂ© qu’est la mienne, et je repars pour un moment. Les larmes se rempliront, bien sĂ»r. Et je recommencerai.

Je regarde mon appartement et tout ce qui y est “pour Tounsi”. Le grand arbre Ă  chat avec le panier dans lequel il aimait dormir. “L’Ă©chelle Ă  chat” faite de deux meubles IKEA bricolĂ©s. Le carton de jouets, que j’ai rangĂ© enfin l’autre jour, plein de nouvelles cannes Ă  pĂȘche achetĂ©es exprĂšs pour lui, et dont Quintus ne peut profiter, car il est aveugle.

Tous les amĂ©nagements faits pour nourrir deux chats avec des appĂ©tits et des rĂ©gimes diffĂ©rents. Les coussins et espaces oĂč il se tenait. Ça m’a donnĂ© l’idĂ©e d’un projet photographique sur l’absence.

Il y a des moments, inĂ©vitables, oĂč je pense au prochain chat. Comme la derniĂšre fois, je vais attendre. Attendre d’ĂȘtre bien dans ma nouvelle vie sans mon Tounsinet. Mais ces idĂ©es me traversent l’esprit. Et ce nouveau chat qui s’invite timidement dans mon imagination, je vois tellement bien que c’est un remplacement de Tounsi. Je veux le mĂȘme. Je ne veux pas accepter d’ĂȘtre sans lui. Ces idĂ©es ne sont qu’une des formes que prend le dĂ©ni, le refus d’accepter.

Je suis prĂ©occupĂ©e par des questions pratiques: quelle routine Quintus et moi allons-nous Ă©tablir, sans Tounsi? Comment vais-je le nourrir, maintenant que la gamelle Ă  puce n’est plus nĂ©cessaire, que je peux contrĂŽler entiĂšrement ce qu’il mange? Etait-ce important pour lui, pour son Ă©quilibre, sa santĂ©, qu’il partage sa vie avec un autre chat – ceci d’autant plus qu’il ne sort presque plus?

J’entrevois aussi les soulagements, les pendants Ă  la libertĂ© dont j’avais su profiter durant mon “annĂ©e sans chat”. Tounsi Ă©tait un chat beaucoup plus contraignant que Quintus. Fini les problĂšmes de marquage dans l’appartement. Fini les expĂ©ditions nocturnes pour le rĂ©cupĂ©rer du cĂŽtĂ© du Gras Haret. Je n’arrive pas Ă  m’en rĂ©jouir – et ce ne serait pas juste, aujourd’hui. Mais je sais que le jour viendra.

Le deuil n’est pas un processus linĂ©aire, c’est une sĂ©rie d’allers-retours entre des Ă©tats assez diffĂ©rents. Ça zigue et ça zague, de moins en moins Ă  mesure que passe le temps. Il faut juste s’accrocher dans les contours, faire preuve de courage pour rester en selle, et garder confiance que mĂȘme lorsque le tunnel paraĂźt sans fin, lorsque le bleu du ciel ne nous fait plus rien, que la vie a perdu tout goĂ»t et que le peu de sens qu’on avait grappillĂ© au fil des annĂ©es semble s’ĂȘtre envolĂ© Ă  jamais, on est en train de faire ce qu’il faut faire. On serre les yeux, on plonge dans sa peine, Ă  la mesure de notre attachement, et on se laisse porter un bout plus loin.

Le chat, animal si pratique, mais qui s’ennuie “Ă  dormir” dans nos maisons [fr]

[en] I have followed two half-day courses on cat behaviour so far, and it has completely changed the way I see (my) cats. I thought I knew a lot about them, but I still have a lot to learn! The sad takeaway from these courses is realising how bored most of our cats are, particularly indoor cats. An unhappy cat will just stay silent and quiet, and sleep to pass the time. It's that bad. They do not let us know something is wrong except by sleeping. And we all expect our cats to sleep... a lot.

There is a lot we can do, as humans, to enrich their environment. But it takes work. And cats do not "know" how to use the devices we will present them. We need to teach them... and we usually do not know how to teach a cat something.

If you're interested in the topic, I recommend you listen to this episode of Fresh Air. If you struggle through my French blog post and have questions, I'm happy to answer them in the comments. I'm also planning a Facebook Live on the topic, and toying with the idea of doing one in English. Would you be interested in following it?

Nos chats s’ennuient bien plus que ce qu’on pense. TrĂšs franchement, je n’avais aucune idĂ©e. Ces derniers mois, ma façon de regarder les chats (et les miens) a Ă©normĂ©ment Ă©voluĂ©.

img_8499

J’ai en effet suivi deux demi-journĂ©es de cours sur le comportement fĂ©lin rĂ©cemment. Claire y Ă©tait Ă©galement et a Ă©crit de jolis comptes-rendus: premier cours, deuxiĂšme cours. Ma premiĂšre visite chez le comportementaliste m’avait dĂ©jĂ  ouvert grand les yeux sur les limites de ma comprĂ©hension de nos petits fauves d’appartement. Oui je sais, si vous me connaissez il y a des chances que vous me considĂ©riez “experte en chats” – eh bien laissez-moi vous dire que j’ai beaucoup appris durant ces deux cours. (Il y en a encore deux!)

J’ai tellement Ă  dire que je ne sais pas trop par oĂč commencer. Il y a des tas de trucs pratiques, des infos sur certains comportements que je ne savais pas dĂ©coder, etc. Mais ce qui m’a le plus touchĂ© (on peut dire ça) c’est cette question de l’ennui, de rĂ©aliser Ă  quel point la maltraitance par ignorance et manque d’information est rĂ©pandue (voire systĂ©mique) quand il s’agit du chat.

Ça peut choquer, d’entendre ça. Personne ne considĂšre qu’il ou elle maltraite son chat. On les aime, on en prend soin. On veut leur donner une bonne vie. Et malgrĂ© tout ça, il est possible qu’on les maltraite sans le savoir.

La clĂ© la plus importante Ă  intĂ©grer concernant le chat est que c’est un animal qui ne manifeste pas sa souffrance.

Je le savais dĂ©jĂ  pour la souffrance physique: un chat ĂągĂ© qui a de l’arthrose, et donc a mal, ne va pas se plaindre. Il va simplement adapter son activitĂ© pour ne pas avoir mal. Il va bouger moins. Dormir plus. ArrĂȘter de sauter sur la table. Si votre chat a huit ans ou plus, il y a de fortes chances qu’il ait dĂ©jĂ  de l’arthrose. Comment on sait ça? On prend toute une collection de chats d’un certain Ăąge. On leur donne des anti-inflammatoires pendant quelque temps. Et hop, ils dorment moins, sortent plus, sautent sur la table, jouent Ă  nouveau!

Ils ont mal mais ils ne se plaignent pas, ne montrent rien.

Ce qui est vrai pour la douleur physique l’est aussi pour la douleur psychique. Un chat qui va mal va s’inhiber, bien avant de dĂ©truire l’appartement en notre absence.

Il faut comprendre que c’est une des caractĂ©ristiques du chat qui le rendent si “pratique” comme animal de compagnie. Il ne nous emmerde pas… Le problĂšme c’est qu’on n’en a pas conscience. On pense que si notre chat ne pose pas de “problĂšmes” c’est que tout va bien. Mais ce n’est pas vrai. Un chat qui ne nous emmerde pas n’est pas nĂ©cessairement un chat qui va bien.

Un exemple: l’ennui. Si on compare les activitĂ©s “naturelles” du chat Ă  celles du chat “en appartement”, on se rend compte que l’environnement qu’on lui propose n’est absolument pas adaptĂ© Ă  ses besoins.

Un chat peut chasser jusqu’Ă  11 heures par jour. S’il est actif, il ne dort pas 16 heures par jour, mais plutĂŽt une dizaine d’heures. Le chat est un animal territorial, et son domaine vital “naturel” est bien bien plus grand que nos appartements. On le prive de territoire, on le prive de chasse. Se nourrir prend 5 minutes Ă  la gamelle. S’il a de la chance ses maĂźtres jouent avec lui un peu en rentrant du travail, et il s’installe sur leurs genoux devant le tĂ©lĂ©journal. Seul la journĂ©e, seul la nuit quand on dort (Ă  plus forte raison si la chambre Ă  coucher lui est interdite), le chat s’ennuie. Il se rĂ©signe, et dort par dĂ©pit. La grande majoritĂ© des chats en Suisse vivent dans des cages dorĂ©es.

Ces idĂ©es nous heurtent! On ne veut pas faire souffrir nos chats. Ils ne semblent pas demander quoi que ce soit de plus. Quand on essaie de les intĂ©resser Ă  un jouet, ça ne prend pas. Ils sont “paresseux” et prĂ©fĂšrent dormir. AprĂšs deux ou trois tentatives on se dit que ce n’est pas leur truc, alors on laisse tomber – ils ne se plaignent pas, ça doit pas ĂȘtre si grave.

Justement. Il faut enregistrer fermement cette information: le chat malheureux ne se plaint pas. Il ne le manifeste pas – si ce n’est en dormant. 

Que faire? Une fois cette prise de conscience faite, par oĂč commencer? C’est lĂ  qu’il y a des tonnes d’articles Ă  Ă©crire. Mais quelques principes, dĂ©jĂ .

Se dĂ©barrasser des gamelles, tout d’abord. Mettre en place des systĂšmes, achetĂ©s ou bricolĂ©s, pour que le chat doive “travailler” pour obtenir sa nourriture. Cela ne remplacera pas le temps de chasse, mais ce sera toujours plus que les 5 minutes nĂ©cessaires Ă  descendre le contenu de l’assiette. Quoi, comment, oĂč? Il y a pas mal d’idĂ©es dĂ©jĂ  dans l’article de Claire, et je pense dĂ©velopper ce sujet Ă  l’avenir.

Quintus et Tounsi avec des nouveaux jouets (je mettrai la vidéo sur YouTube quand je suis de retour en plaine avec du wifi)

Partir du principe que le chat ne “sait” pas faire l’activitĂ© qu’on lui propose. Que ce soit du jeu, de la chasse, un moyen diffĂ©rent de trouver sa nourriture: on doit lui apprendre. Et l’apprentissage, c’est une activitĂ©. On a tendance Ă  se limiter Ă  ce que le chat fait spontanĂ©ment ou pige tout de suite, et c’est une grave erreur. Les chats sont intelligents et capables d’apprendre beaucoup de choses, mais pour cela nous devons tout d’abord nous apprendre Ă  enseigner aux chats. On n’a pas la science infuse non plus. (Aussi plein de choses à Ă©crire lĂ -dessus, mon vieil article sur le clicker training vous donnera dĂ©jĂ  une idĂ©e de base. Mais c’est pas suffisant, Ă  l’Ă©poque oĂč je l’ai Ă©crit il y avait des tas de choses que je n’avais pas comprises, et je crois qu’il y en a encore qui m’Ă©chappent.)

Faire sortir son chat. C’est con hein, mais un chat qui sort, il va automatiquement avoir une vie bien plus remplie d’activitĂ©s qu’un chat dont le monde se rĂ©sume au canapĂ©, au lit, et Ă  l’arbre Ă  chats. Si vous avez trop peur, je me dis maintenant que le harnais, c’est dĂ©jĂ  mieux que rien (mais ça vous oblige Ă  ĂȘtre lĂ ).

Mais mĂȘme un chat qui sort peut s’ennuyer. Je le vois avec Tounsi et Quintus, qui sont clairement des chats “dedans d’abord, dehors un peu”. Je sortais dĂ©jĂ  un peu Quintus pour qu’il se dĂ©gourdisse les pattes (maintenant que je sais qu’il est presque aveugle, je comprends mieux pourquoi il ne quittait le devant de l’immeuble qu’en ma compagnie). Je le fais maintenant d’autant plus que je comprends que c’est une façon de le garder actif. Tounsi aussi. Au chalet, oĂč ils sont moins familiers avec le territoire, je les encourage activement. Je sors avec eux, je les appelle, j’amĂšne des croquettes, mĂȘme. Je prends mon tĂ©lĂ©phone ou ma kindle et je traine au jardin avec eux. Dehors, ils ne font pas la sieste: ils regardent, explorent, chassent mĂȘme un peu. Si je me contentais de leur ouvrir la porte, je resterais Ă  la conclusion que “ils ne veulent pas vraiment sortir”. Il ne faut pas s’arrĂȘter Ă  ce que le chat semble vouloir.

Combien d’activitĂ© par jour? Il y a des annĂ©es, j’avais vu quelque part 45 minutes par jour pour un chat d’appartement. Je n’ai jamais retrouvĂ© la source. Dans le deuxiĂšme cours, le comportementaliste nous propose de viser un minimum de 4 heures par jour d’activitĂ©s: chasse, alimentation, jeux, interactions. C’est Ă©norme! Cela veut dire qu’il faut mettre en place un contexte oĂč une partie des activitĂ©s ne dĂ©pend pas de notre prĂ©sence.

On pense souvent qu’avoir deux chats “rĂšgle le problĂšme” du chat enfermĂ© tout seul Ă  la maison toute la journĂ©e. Ce n’est malheureusement pas vrai. DĂ©jĂ , il faut que les chats s’entendent (ce n’est pas toujours le cas; imaginez, ĂȘtre enfermĂ© durant des annĂ©es avec comme compagnon principal quelqu’un que vous n’aimez pas). Mais mĂȘme s’ils s’entendent, ils vont simplement s’ennuyer ensemble si on ne leur propose pas d’activitĂ©s. On nous a montrĂ© cette vidĂ©o durant le deuxiĂšme cours, et j’avoue que ça m’a vraiment fait mal au coeur.

Saisir les opportunitĂ©s. Le chat est un sprinteur, il lui faut donc des activitĂ©s trĂšs courtes. Une fois qu’on se rend compte que des petites choses qui peuvent nous paraĂźtre insignifiantes sont importantes pour son Ă©quilibre, il y a en fait plein de petites choses qu’on peut faire.

En particulier, quand mes chats dorment depuis un moment, je vais aller dans la chambre et bouger un peu. Pas les rĂ©veiller toutes les cinq minutes, s’entend, mais rendre leur environnement moins statique. Lancer un truc par terre, ça va attirer leur attention. MĂȘme s’ils ne se jettent pas dessus, s’ils le regardent, ou se dĂ©placent, c’est dĂ©jĂ  ça. Quand je rentre de courses, Tounsi a toujours le nez dans tout. Je ne le chasse pas ni le gronde, son intĂ©rĂȘt pour ces choses nouvelles dans son environnement est tout Ă  fait sain. Je m’assure juste (gentiment) qu’il ne parte pas avec le fromage ou le jambon! Je vais faire des caresses Ă  Quintus pendant sa sieste, et je fais frĂ©tiller la ficelle qu’il aime bien sur le lit devant lui. Des fois il l’ignore, des fois il joue un peu. Une minute, c’est dĂ©jĂ  ça! Il faut procĂ©der par petites touches, plein plein de petites activitĂ©s courtes, au lieu d’une grande sĂ©ance de jeu dont ils se fatigueront trop vite. C’est comme avec la nourriture: plein de petits repas au fil de la journĂ©e. Toute occasion est bonne pour leur lancer une boulette de papier ou une croquette, ou laisser trainer un sac ou un emballage le temps qu’ils l’explorent.

J’ai Ă  peine grattĂ© la surface de tout ce que j’ai Ă  Ă©crire suivant ces deux cours, mais cet article commence Ă  ĂȘtre bien assez long. Je rĂ©ponds volontiers Ă  vos questions dans les commentaires. Je me tĂąte d’ailleurs de faire un (ou plusieurs?) Facebook Live, peut-ĂȘtre dĂ©jĂ  simplement pour discuter plus avant des idĂ©es que j’introduis ici. (Je vous tiens au courant, mais ça se dessine pour vendredi 15h ou 21h, ou samedi 10h.)

Mise Ă  jour: j’ai fait le fameux Facebook Live que vous pouvez donc dĂ©sormais visionner!