Grieving My Little Feline Family [en]

I am so unbelievably sad to be left without my beautiful Quintus. I don’t want my life to be without him. I miss him, physically. I loved holding him in my arms, feeling him rub his head against mine, even licking my cheek, though his tongue was very rough, it was a mark of affection that I understood and welcomed. He slept on my pillow or next to it every night, give or take a few, for over eight years. I would bury my head in his tummy to fall asleep, wake up to his soft fur next to my face and a gentle purr. All that is gone, forever. It hurts so much that I’ve been setting it aside these last weeks, as I tried to get back on my feet after the ten terrible last days of his life, where I agonised over whether it was indeed time or if he could still make it for a bit that would be worth living.

And now, when I try to sleep, when I manage to stop work-related stress from spinning in my head and finally relax, grief come roaring in, all the more I guess because this is the time where I would most need him, companion of my evenings, of my nights, of my coming-back-to-consciousness when morning arrives. If only he hadn’t had to grow so old and die. I’m grateful for the time we had, and I know that it was time to let him go, but still, I wish there was a way to not have had to. I wish I could still have him near me, trying to crawl into my lap, pushing the computer away to squeeze in, stealing my pillow during the night. I wish I could still spot his graceful feline form in my flat, go to him for comfort when I need it, watch him enjoy a cat’s life.

But no, he’s gone. Gone forever. Forever. I want more time to say goodbye. More time before he has to go. But it’s too late, too late, all I’m left with are memories and pain and en empty spot at the corner of my bed where he spent most of his last months. I know it’s inevitable, I know he’s gone, but I don’t want to have to deal with this. I really don’t.

There is a little box with his remains and his paw print on my night-stand. It comforts me a bit that “he” is there, just next to his spot. It’s not him of course, but a symbol of his presence, and it makes me feel like he’s still somewhat there. Which he is not. I’m not in a hurry to spread his ashes. I will wait until the time feels right. I know already it will be months rather than weeks.

I hate being sad. I guess nobody likes being sad. But I feel like I particularly hate it. In these moments of deep sadness, I stop caring about anything, myself included. I just want to escape, stop feeling. Lose myself in something else, even if I pay for it in some way later.

I still have the box that contained Tounsi’s ashes, even if they have now long since gone back to the earth in the garden he liked to patrol. I put Tounsi’s box next to Quintus’s. I really loved these two cats so much. I loved how they were together, and with me. They were my little feline family. Something broke when Tounsi died. I wasn’t ready at all. And after that it was long years of fear that I’d lose Quintus too, his health slowly declining, each year bringing a new scare, each year thinking it would be the last, that he wouldn’t reach his next birthday. It was so hard the first year or two. I had prepared myself to long years with Tounsi once Quintus would be gone, but that’s not at all how it went. Things don’t go to plan.

I still miss Tounsi. He was a really special cat. I guess all cats are special, but he was particularly special to me. Because he was weird and astonishing, but I “got” him. Bagha and Quintus were wonderful and extraordinary cats, and I’ll never thank Aleika enough for bringing them into my life. They were “real cats”. Tounsi was different. Less feline, more like something of a puppy trapped in a cat’s body. Maybe not too sure about how to be a cat, at times. Losing him was devastating. And losing Quintus now feels like it’s not only the end of his own chapter, but also Tounsi’s.

Quintus and Tounsi were close. It didn’t come immediately, and I worked with them for it, but they slept together, groomed each other, play-fought. Quintus followed Tounsi when they were outside and he was starting to lose his eyesight. I’d always find them in the same room. Where one went, the other followed not long after. It was the little feline family I’d imagined when I decided I would adopt two cats.

I miss my old Quintus. Right now I’d like to scoop him up in my arms and hold him close and pet him while he purrs and headbutts my chin. But I can’t, because he died three weeks ago. I miss him so much.

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Sept mois sans Tounsi [fr]

[en] Grieving Tounsi, 7 months in.

Aujourd’hui je me sens vide plutôt que triste, mais quand je plonge mon regard dans ce vide, je vois qu’il est encore rempli de larmes qui ne veulent pas sortir. Ah, mon petit deuil de chat. A l’échelle des drames de la vie, ça paraît bien mineur. Mais à l’échelle de la peine dans mon coeur, c’est clairement majeur. On ne fait pas de concours de peine. Chacun la sienne ou les siennes, la peine c’est la peine. On doit vivre avec.

Vivre avec l’absence, l’absence irrémédiable. Je n’y pense plus trop, à vrai dire, mais dessous, la peine est là, et je me traine, dans mes jours, mes nuits aussi parfois. Mes semaines et mes mois et mon absence de chat. J’aimerais ne plus avoir de peine. J’aimerais qu’il y ait de la place dans mon coeur pour Erica, mais je vois bien que c’est trop tôt, et ça me fait double peine, du coup. J’aimerais pouvoir penser à mon drôle de chat gris et blanc avec tendresse et sans fondre en larmes, sans vouloir si fort son retour qui n’aura jamais lieu.

Ce qui reste de lui est un tas de cendres dans une petite boîte au pied de mon lit. Le poids de son petit corps doux et chaud au coin de mes pieds dans le lit me manque. Son regard vif et plein d’intention quand il me regardait. Sa manière presque nerveuse de faire sa toilette. Ses bonds à travers le jardin pour répondre à mon appel. Ses postures improbables, son vendre si doux et blanc, ses pattes fines, sa truffe rose qui passait de pastel à fraise tagada. Son intérêt pour tout ce qui se passait autour de lui. Lui, quoi. Tounsi me manque. En sourdine, la plupart du temps.

J’en suis là: au fond, je refuse toujours d’accepter sa mort. Ça viendra, un jour, ce sentiment d’être en paix avec les choses contre lesquelles on ne peut rien. Le temps, les larmes. Mais je suis pressée car j’en ai marre d’avoir mal, et être pressé, ça ne fait pas avancer.

N’en déplaise à certains, je vois le deuil comme quelque chose à travers lequel on avance. On accepte de plus en plus. Et en acceptant plus, la douleur s’atténue. L’absence reste, le manque aussi, et la tristesse, mais la vie reprend. Et là, à force de vouloir m’arracher, j’ai l’impression de m’enliser dans les limbes. A chacun sa façon d’avancer. Et de deuil en deuil, le chemin varie.

A la mort de Tounsi, je croyais savoir où j’allais. J’avais déjà perdu Bagha, ce qui m’avait semblé insurmontable. Et je l’avais surmonté. Mais là, je ne sais pas trop où je suis. Ai-je oublié? Ai-je pris ma peine trop à la légère, alors même que j’essayais de lui donner sa place? Est-ce que simplement, chaque chat, chaque relation, chaque séparation étant unique, il faut à chaque fois se frayer une voie nouvelle vers la sérénité?

Je n’avais pas d’impatience après la mort de Bagha. Je crois, au contraire, que j’avais explicitement décidé de me donner le temps. Le temps d’être bien dans ma vie sans chat, je disais. Je voulais que ça prenne du temps.

Aujourd’hui, c’est moins simple. Il y a mon vieux Quintus, toujours, et Erica qui s’est retrouvée parachutée ici, à un moment que ni elle ni moi n’avons choisi. Ce n’était pas le bon moment, pour plein de raisons, mais c’était le sien. Alors elle est là. Il y a Fripouille, aussi, qui vient en pension pendant les vacances de sa maîtresse.

Ma vie sans Tounsi ne ressemble en rien à ma vie sans Bagha. Je prendrai le temps qu’il faudra pour être triste. Pour accepter, peut-être, un jour, que j’ai dû tenir dans mes bras mon drôle de chat gris et blanc et le regarder mourir.

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Je vous raconte encore Tounsi [fr]

[en] More memories of Tounsi.

Tounsi. Chat gris et blanc. Un joli gris très gris, avec des marquages discrets. Un blanc immaculé. Cape sur les épaules: chat blanc depuis devant, chat gris depuis derrière. Triangle blanc sur la hanche, qui m’a permis de l’identifier avec certitude, perché au quatrième sur le balcon d’une dame pavée de bonnes intentions, quelques semaines après son adoption. Une truffe rose, flamme blanche sur le nez, légère asymétrie. Un peu de maquillage.

Sous-poil blanc dans le gris argenté, bien visible en soufflant un peu ou en passant la main. Ou même au détour d’une toilette.

Tounsi, chat à la drôle d’allure. Les yeux ronds et la bouche ouverte, d’abord. Impossible à fermer à cause d’incisives qui se chevauchaient. Retrait de celles du bas, il lui était resté celles du haut, un peu de traviole, les dents du bonheur. Un air toujours un peu surpris et étonné, une expression très humaine qui ne le rendait que plus attachant.

Des côtes larges, de longs membres fins, un poil doux comme la soie, tellement doux. La tête un peu plate, l’arête du nez et le front dans le même alignement. Heureusement il n’a jamais dû porter de lunettes, elles auraient eu du mal à tenir. Les coudes qui sortent pour une drôle de démarche. Une longue queue gracieuse pour un grand chat élancé. Une tendance à l’embonpoint pour cause de rapport un peu frénétique à la nourriture, contrôlée par des croquettes spéciales puis, effet secondaire heureux, ses anxiolytiques. Oui, les anxiolytiques, grand chapitre.

Outre son côté “j’ai peur de rien”, Tounsi était un chat qui marquait. Pas juste dehors, comme Bagha. Dedans. Partout. Tout le temps. Dieu merci, de l’urine en petites quantités, et elle ne sentait pas trop fort. Mais quand même. J’ai passé beaucoup de temps à nettoyer. J’ai utilisé des litres de Feliway. Un jour, alors que je partageais mon désespoir avec les assistantes vétérinaires du cabinet, et que je me demandais si cela valait la peine de changer mes meubles souillés pour qu’il se mette aussitôt à pisser sur les nouveaux, l’une d’elles me recommande de consulter un comportementaliste. Ce que je fais.

Et c’est là que je découvre que Tounsi est dans le genre anxieux/angoissé. Je relis plein de comportements, son état d’alerte constante, à la lumière de ce diagnostic. Je me rends compte que j’avais complètement passé à côté d’un aspect important de la personnalité de mon chat. Ça transforme complètement notre relation. Et entre les médicaments et les changements que j’apporte à son environnement et à mon attitude avec lui, les marquages finissent par cesser complètement.

Tounsi, chat anxieux. Toujours aux aguets. Oreilles rondes sans plumets, toujours sur le qui-vive, radars en mouvement, même lors de la sieste. Tout savoir, tout contrôler. Tout voir. Du coup, Tounsi, chat curieux. Le nez dans le sac de courses, et même dans la salade. Sentir, savoir ce que c’est. L’odorat, tellement important pour un chat.

Tounsi avait l’habitude de gratter à la fenêtre. Un peu nonchalamment, d’une patte, tout en restant tranquillement assis. “Ouvre-moi la fenêtre, que je puisse sentir les nouvelles!” Sortir aussi, parfois, lorsqu’il était à l’eclau. Mais surtout, sentir le monde. Une fenêtre fermée pour un chat, c’est comme un store baissé pour nous. L’odorat est leur premier sens.

Il n’a jamais appris à vraiment demander à sortir. Je devais deviner. Gratter ou miauler à la porte, même attendre devant? Jamais. Par contre, il faisait des allers-retours dans l’appartement. Il marquait, ou faisait mine de marquer. Il grattait à la porte du balcon. J’ai passé beaucoup de temps à demander “Tounsi, tu veux sortir?” en allant à la porte d’entrée.

Comme Bagha, et Quintus, il savait rentrer “tout seul” dans l’immeuble et puis dans l’appart, par la “chatière de fortune” de la porte entrouverte avec la chaîne de sécurité. Dernièrement, il avait aussi pris l’habitude d’aller gratter à la porte de ma voisine du dessus, où il parvenait parfois à s’enfiler pour engouffrer croquettes et pâtée. Elle le ramenait chez moi, ou allait lui ouvrir en bas.

Il était intelligent, très, mais son intelligence ne suivait pas forcément les mêmes chemins que la nôtre. C’était un chat, après tout.

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Tounsi: Hope Is Easier Than Grief [en]

[fr]

Une réflexion sur l'espoir et le deuil. Souvent, l'espoir est ce à quoi l'on s'accroche par peur de souffrir. Il vaut mieux faire face à cette souffrance, mais garder de l'espoir dans nos actions. Par exemple, en acceptant qu'un chat malade risque de mourir, mais en faisant tout ce qui est possible pour le sauver. Ou qu'un chat disparu est peut-être mort, tout en étant actif dans nos recherches.

On n'aime pas que les gens soient en peine, on veut leur proposer un remède pour les en sortir. L'espoir semble pouvoir jouer ce rôle. Mais il vaut mieux peut-être simplement les accueillir dans leur peine.

This is what I was thinking, after dropping off Tounsi at the Tierspital, our national animal hospital and veterinary school, at 3am just before New Year’s Eve.

I have noticed that in the face of hardship and pain, many want to offer hope. But I think we need encouragement to grieve, rather than hope. Even though I am pessimistic by nature, I find it easy to hope. It’s something you can cling to to avoid the pain. Depending on the shape it takes, it can even be fodder for denial.

Grief, on the other hand, is hard. It takes courage to dive into the pain. You need to trust that it is the way out, or at least forward.

When I got the preliminary diagnosis for Tounsi, I knew it was very bad. I know there were high chances he was going to die. There was still hope, though. Sometimes it is possible to dissolve the clot, and depending on how far along the underlying heart condition is, the cat can go on to have a few more months or years with decent quality of life.

I could have refused to grieve and hang on to this hope with all my might. This is what people around me wanted me to do. Don’t be sad! Don’t consider him dead already! You have to hope!

Let’s get one thing out of the way: I’m not superstition. I don’t think that hoping or giving up hope per se has any incidence on an outcome. I don’t think telling your friends about a job or flat you’re hoping to get will jinx it. I do accept, however, that our internal state (hope or not) influences our actions, and can in this way have an impact on an outcome.

Understanding this, I did what I think is the most sane thing to do in this kind of situation: separate emotions from actions. Let me explain what I mean by that.

  • Emotions: there was a high chance Tounsi wasn’t going to make it. I knew it. So I grieved, already. Trying to suppress my grief and hold on to the meagre hope he would be OK would have made me extremely anxious. Often, it’s better to face the pain and deal with it than have to deal with the anxiety that comes out of trying desperately to avoid it because you’re scared.
    I cried so much in those two days Tounsi was in the hospital. I stopped on the motorway to cry. I cried at home, along with Quintus. I cried when I visited Tounsi, and when I got news that there was no real improvement. All this crying helped bring some acceptance to the very serious situation Tounsi was in.
  • Actions: there was a hope that Tounsi could beat the clot, with the help of the medications he was getting. This chance was not so small that it was not worth putting him through the discomfort he was in. So when it came to my actions and decisions about him, I bet on hope. I could have put him down immediately, and we discussed this with the vet. As his pain was under control, we decided it was worth it (and ethical) to give him a chance. To hope.
    And when the situation changed (another clot to the kidneys that sent him into kidney failure), I was more capable of accepting it, because I’d been processing my grief in parallel, and making the decision to end his suffering, although it ripped my heart out. I did not find myself in the situation I have seen some cat owners, where the decision to end the cat’s life is the obvious one, because there is no hope left, but they just can’t let go, because they are unprepared.

A parallel “cat situation” is when a cat is missing. Emotionally, it is important to process fears that something bad has happened to the cat. These fears may be rational or not, it doesn’t matter: they are there. They are the fears of pain and loss and grief, and the earlier one faces them, I think, the better off one is.

It doesn’t mean that one should consider one’s cat dead as soon as it doesn’t show up one evening. But if a missing cat puts one in an immediate panic, as it used to do to me, it might be worse facing the fact that pretty much whatever happens, we’re at some point going to have to deal with the cat’s death. I remember the time when I couldn’t even entertain this idea.

Cats are there so we can love them, and they die so we can grieve them.

When it comes to actions, however, one must hope that the cat is not dead: call the shelters, the vets, put up flyers, talk to neighbours, call, search, ask people to open garages and cellars. Even if the place one is emotionally is facing the possibility the cat is dead.

I think loving a pet can teach us a lot about grief and loss, if we’re willing to listen.

So, next time you see somebody who seems to have abandoned hope – maybe they don’t need to be encouraged to hope more, but supported in their grief, so that they can free their actions from the weight of fear.

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Je vais vous raconter Tounsi… [fr]

[en] The beginnings of my story with Tounsi.

Je veux vous raconter Tounsi. Ça fait des jours que je veux le faire, mais que je recule, parce que je sais que ça va être dur. Deux semaines, et j’ai encore tellement mal. Je me sens bien plus perdue que ce à quoi je m’attendais.

Tounsi 1

Alors je vais vous raconter Tounsi, sans trop savoir par où commencer, parce que je l’aimais, et parce qu’il était spécial — pas juste pour moi.

Tounsi, chat de refuge. Voici la première photo que j’ai vue de lui. A tout dire, j’avais surtout craqué sur Safran, mais je voulais deux chats qui s’entendaient bien, et ceux-ci étaient cul et chemise. Tounsi était au refuge depuis un an. Trouvé du côté de Meyrin, m’avait-on dit. Puce d’identification tunisienne, mais sans adresse valable.

Un passé un peu mystérieux, donc. Est-il né chat des rues en Tunisie? Voyageait-il avec ses premiers maîtres? Avait-il été ramené par des voyageurs? En tous cas, il ne m’a pas fallu très long pour imaginer comment il avait pu “se perdre”. Dès ses premières sorties, d’ailleurs, j’ai compris que ce n’était pas un chat comme les autres: la première fois qu’il a mis le nez dehors, il a foncé tout droit à travers le jardin, queue en l’air, pour explorer son nouveau territoire. Et quelques minutes plus tard, grands miaulements d’appel “tu es où? tu es où?” pour me retrouver. Droit devant lui, toujours. “Oh, un bruit étrange! allons voir! oh, c’est la tondeuse à gazon!”

Tounsi in December 3

Il buvait dans les WC, comme Bagha. Ouvrait le frigo, comme lui aussi. Dormait vautré sur le canapé, idem. Mais alors que Bagha était un vieux chat à sa mort, Tounsi était un jeune plein d’énergie: faire déguiller les plantes, attaquer mes pieds à 7h30 pétantes, course-poursuites avec Safran… Et manger, manger, manger. J’ai aussi vite compris pourquoi il était un peu ventru, le Touns’. C’était une obsession.

Et alors que Bagha était bien éduqué, et que malgré son âme de voleur il pouvait me regarder manger un steak sur la même table sans y toucher, Tounsi, lui… ben disons qu’il n’avait pas beaucoup d’inhibitions. Je me souviens de mes premières tentatives pour le faire descendre de la table. D’abord en disant “non!” ou “descends!” sur le ton que j’utilisais avec Bagha. Zéro réaction. Mais alors, zéro. Frapper des mains, non plus. Il me regardait: “qu’est-ce que tu veux?”

Looking forward to the great outdoors

J’avais passé aux grands moyens, le pousser pour le faire descendre. Bagha, je le guidais d’une caresse, d’un effleurement. Tounsi, le bougre, il résistait! “Mais pourquoi tu me pousses, tu vois pas que je veux être sur la table? C’est bien ici!”

J’ai fini par trouver ce côté de Tounsi extrêmement attachant. Le côté un peu innocent, qui sans malice aucune veut faire ce qu’il veut faire. Curieux, intéressé. Et pas timide du tout. “Oh, les courses, montre-moi ce que tu as acheté!” ou bien “Mais moi aussi je veux un morceau de jambon!”

L'eau, ça coule et ça mouille!

Avec Tounsi et Safran, c’était la première fois que j’adoptais des chats au passé inconnu. Ils avaient des habitudes que je ne connaissais pas, ou savaient faire des choses que je n’imaginais pas.

Tounsi, par exemple, savait faire sa crotte dans la cuvette des WC. J’ai fini, par élimination et recoupements, par avoir la certitude que c’était lui. Pas souvent, hein, peut-être une demi-douzaine de fois en cinq ans. Je vous dis pas ma tête la première fois que je me suis retrouvée face à cette grosse crotte au fond de la cuvette des WC. Un vrai moment “quatrième dimension”! (Et après, en le voyant faire de l’équilibrisme sur le rebord de sa caisse, on comprend mieux.)

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Curieuse de son passé que j’imaginais voyageur, entre sa puce tunisienne, sa tendance à suivre les gens (surtout moi) dehors, et sa visible aisance avec les environnements nouveaux, j’avais fait l’expérience un jour de mettre un harnais à Tounsi. Il n’a pas bronché et a continué à vaquer à ses occupations comme de rien. Si vous avez déjà essayé de mettre un harnais à un chat, vous comprenez que c’est assez parlant! A plus forte raison pour un chat qui faisait l’anguille dès qu’on essayait de le contraindre un peu pour l’examiner…

Plus je m’attachais à Tounsi, et plus cette année passée au refuge me brisait le coeur. Un an, avant que quelqu’un ne l’adopte! C’est vrai que de premier abord, Tounsi ne semblait pas trop intéressé par les gens. Il m’avait d’ailleurs royalement ignorée lors de notre première rencontre, préférant courir vers Safran pour une petite partie de judo. Comme quoi, il ne faut pas se fier aux premières apparences. Il avait un peu de poids en trop, et, j’ai assez vite remarqué, une bouche qu’il ne fermait jamais.

Après la mort de Safran, on lui avait fait une narcose pour un contrôle sanguin. J’en avais profité pour demander à la vétérinaire de regarder cette histoire de bouche qui ne fermait pas: ses incisives se chevauchaient et bloquaient la fermeture complète de la mâchoire! On avait donc ôté celles du bas, et après ça, c’était devenu possible pour lui de fermer la bouche. Les habitudes ont la vie dure, toutefois, et il l’avait quand même souvent partiellement ouverte.

Quintus Arriving in Switzerland 14

Je ne pense pas qu’il ait été malheureux au refuge — il était libre de ses déplacements, d’après ce que j’ai compris. Un “chat d’extérieur”. Je n’ai jamais vraiment demandé pourquoi, mais connaissant le gaillard, je pense que ça ne devait pas être facile de le garder dedans, et comme il revenait… Mais ça me fait quand même mal au coeur qu’un gentil chat comme ça ait dû attendre aussi longtemps avant d’être adopté. Et il y en a tant d’autres dans nos refuges.

Troupeau de chats 3

Voilà donc le début de notre histoire, à Tounsi et moi. La suite suivra… quand elle viendra!

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A la fois plus et moins qu’une semaine [fr]

[en] A week. More if you look at when I dropped Tounsi off at the Tierspital and understood how bad things were. A few hours less, if you look at his last breath in my arms. The unending flow of tears has given way to a heavy stone in my chest which slows me down, and breaks my heart in two when I look at my darling Quintus. I will write about how special Tounsi was to me, as I did for Bagha. But another day, when I have more words left.

Mon Tounsi… Une semaine. Un clin d’oeil, une éternité. Je suis perdue dans le temps sans toi. Tes entrées et sorties, tes allées et venues, tes expéditions gastronomiques: tout ça rythmait nos journées, à Quintus et moi.

Absence

Mon Tou-touns’ que je n’appellerai plus jamais, pour le voir arriver en trottinant, les coudes un peu à l’extérieur, la bouche rose en sourire. Tounsi qui m’appelait, parfois, dehors, quand je ne l’avais pas vu et que lui se sentait un petit peu perdu. Attends-moi! J’arrive! Je répondais, il arrivait en bondissant à travers les buissons.

Aujourd’hui était un jour de peu de larmes. Un jour presque normal, si je fais abstraction du gros caillou au fond de mon coeur, qui me ralentit parfois tant que je m’arrête, qui m’empêche de voir ne serait-ce que jusqu’à demain, qui me prive d’une partie de ma tête. C’est le caillou de la révolte, celui que je pourrais lancer pour briser les fenêtres de l’injustice, l’injustice de cette mort “trop tôt”, de la maladie qui ne laisse pas de chance, de ce diagnostic à côté duquel on a passé mais qui n’aurait probablement finalement rien changé, ou si, ou pas, mais qu’importe, car Tounsi est mort et rien ne le ramènera.

Sad Steph and Quintus

C’est le caillou de la peine qu’il me peine d’admettre, quand je regarde mon vieux Quintus, qui est encore là, lui, alors que Tounsi ne l’est plus. Le contraire n’aurait sans doute pas été moins douloureux (j’ai encore au ventre mon désespoir quand j’ai cru perdre Quintus), mais aurait au moins donné la consolation d’être dans l’ordre des choses. Voir partir Tounsi avant Quintus, c’est très dur à accepter.

Avec ces jours de moins de larmes à travers lesquels je traine mon coeur et mon caillou, Tounsi me manque. Le choc s’atténue, la séparation se fait plus sentir. La douceur extraordinaire de sa fourrure. Sa bouche un peu ouverte alors qu’il dormait. Ses petits bruits, gémissements ou proto-ronronnements, quand on le caressait. Le petit spasme de sa patte quand la main passait sur son épaule. Son regard rond de billes aux aguets, son adorable truffe rose, qui pouvait passer de pastel à fraise tagada suivant son état. Sa queue longue et élégante, souvent dressée au ciel durant ses déplacements, sagement rangée entre ses pattes arrières durant la sieste, ou enroulée en colimaçon tout serré sur une cuisse. Queue expressive, dont le bout s’agitait facilement, à la différence de celle de Bagha ou de Quintus, se contentant de battre les grands tempos.

Tounsi attitude

Tounsi était un chat spécial, particulier, même, a dit une fois sa vétérinaire. Pas tout à fait aussi par-ti-cu-lier que Zad, mais pas mal dans son genre quand même. Ma peine me dit que jamais je ne croiserai de chat aussi extraordinaire. Ce sentiment, je le connais. Il m’a habitée très fortement après la mort de Bagha. Et pourtant Tounsi a croisé mon chemin. Est-ce que je collectionne les chats extra-ordinaires, ou est-ce donc une caractéristique qui vient habiller tout chat récemment décédé? Avec l’absence, c’est l’irremplaçable, l’individualité, ce qui rend ce chat différent, qui ressort. Différent en tant que chat, différent dans sa relation avec moi.

Alors je vais vous raconter Tounsi. Et vous raconter notre histoire, parce que c’est un peu dur de faire l’un sans l’autre. Mais ce sera pour un autre jour, parce qu’aujourd’hui je crois que j’ai utilisé tous mes mots.

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Les jours passent sans Tounsi [fr]

[en] Days without Tounsi are going by. Less tears by the day. I learned a lot about grief when Bagha died, and I am reaping the benefits today. I think we should be able to wish each other "good grieving", when the time comes. Because knowing how to grieve is such an important skill.

Tounsi en hautUn jour il y aura un jour sans larmes. C’est bête, mais je le redoute. Chaque matin passe un peu plus de temps avant que je pleure mon chat. Je suis en train de me faire à son absence. Et alors que je sais bien que c’est nécessaire, me faire à son absence signifie l’accepter – et je ne suis pas encore prête. Alors je pleure encore.

Je vais bien, compte tenu des circonstances. Vous êtes nombreux, nombreux, à m’avoir fait part de votre sympathie, sur Facebook et ailleurs. Je l’apprécie infiniment. C’est con, hein, mais je vais m’en rappeler: en temps de deuil, ce ne sont pas vraiment les mots qui comptent, mais le fait qu’il y ait des mots. Même les formules convenues font du bien.

Mon appartement est plein de rappels de Tounsi. Je n’ai pas touché à grand chose. J’ai ôté l’élastique qui l’empêchait d’ouvrir le frigo. Petit à petit, je rangerai. Le carton au milieu du salon disparaîtra. Les perchoirs d’observation se rempliront de plantes. Les taches laissées par sa truffe sur la fenêtre seront nettoyées. Les derniers marquages aussi. Je trouverai quoi faire de ses croquettes, des médicaments qui restent, des jouets. Quintus et moi retrouverons un nouvel équilibre, pour le temps qu’il nous reste ensemble.

Avec la mort de Tounsi, je me prépare aussi à me retrouver “sans chat” quand ce sera au tour de Quintus. Le plus tard possible, j’espère. Mais il a quand même 16 ans.

Tounsi et Quintus

Quintus ne semble pas souffrir outre mesure de la disparition de Tounsi, si ce n’est que son absence change le déroulement de son quotidien. Je crois que la présence de Tounsi le stimulait à bouger – je dois donc prendre plus sur moi.

Je repense à Bagha, ces jours. Et je me retrouve parfois à vouloir dire Bagha pour Tounsi. Bagha était jusqu’ici mon chat mort. Maintenant j’en ai deux. Comme je l’avais fait pour Bagha, je veux raconter Tounsi. Mettre par écrit qui il était, ce qui le rendait si spécial pour moi. A la mort de Bagha j’avais un gros regret: ne pas avoir plus de vidéos de lui. C’était en 2010. Avec Tounsi, c’est presque le contraire. J’ai des milliers de photos et certainement des heures de vidéo. Le temps du deuil, pour moi, c’est aussi le temps de prendre le temps d’en faire quelque chose. On verra quelle forme ça prend.

J’avais prévu de monter au chalet lundi. Je vais retarder de quelques jours, histoire d’avoir retrouvé un peu de stabilité ici avant de partir. Ça va être dur à nouveau quand je serai là-haut sans Tounsi.

tounsi au chalet

Bien entendu, ces jours, je réfléchis beaucoup au deuil. Le grand cadeau de la mort de Bagha avait été de pouvoir vivre pleinement son deuil – si vous connaissez mon histoire personnelle vous saisirez l’importance que ça a pu avoir. Maintenant, le deuil me fait moins peur, et c’est peut-être aussi pour ça que j’ai l’impression que ça va “vite” pour Tounsi. C’est un peu déstabilisant.

Je regrette qu’on ne souhaite pas “bon deuil” aux gens. On devrait. Il faut arrêter de voir le deuil comme quelque chose à éviter, dont il faut sortir le plus vite possible, voire fuir en se perdant dans autre chose. Alors certes, c’est nécessaire parfois par moments pour continuer de fonctionner, mais mon expérience est que plus on accepte de s’y plonger, et de sentir les émotions que le deuil nous amène, plus on est justement capable de fonctionner en dehors de ces “montées de peine”, et plus celles-ci sont gérables.

On peut choisir ces moments pour se laisser sentir. J’ai dû le faire ce week-end, totalisant passé 8 heures de route en moins de 48 heures. On ne peut pas conduire quand on est pris par le chagrin. Mais on peut s’arrêter, le temps qu’il faut, s’abandonner au chagrin, et ensuite vient un moment de répit où l’on peut fonctionner. Si on accepte de pleurer, vient un moment où ça se calme.

A l’époque de la mort de Bagha, mon psy m’avait dit qu’une bonne crise de larmes, où l’on pleure sans retenue à grands sanglots, ça dure (physiologiquement) max 20 minutes. En cherchant une source pour ce chiffre, je suis tombée sur cette page “comment pleurer pour vous soulager” qui semble plutôt bien faite (ça me fait un peu mal de mettre en avant une page de WikiHow mais elle me paraît utile). J’avais trouvé rassurant de savoir que ça s’arrête, parce que quand on est au fond de notre peine, on a le sentiment que ça ne va jamais s’arrêter.

sleepy tounsi

Le deuil fait partie de la vie. C’est quelque chose qu’on traverse tous à un moment ou un autre. Lorsque j’ai lu “Apprendre à vivre”, de Luc Ferry, un livre qui m’a beaucoup aidée par rapport à ma quête de sens dans la vie à la lumière de l’inévitabilité de la mort, l’essentiel que j’en avais retiré était qu’apprivoiser le deuil, pouvoir accepter les “jamais plus” de la vie, petits ou grands, était le travail d’une vie. Le sens, c’est ça.

On devrait se souhaiter bon deuil. Car le deuil peut être bon, ou moins bon. Et on le souhaite bon pour ceux qu’on aime.

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Tounsi était mon truffinet d’amour [fr]

[en] I had to put my beloved Tounsi to sleep last night. FATE, saddle thrombosis. I am heartbroken. There are some details on his Facebook page. I can't believe he's gone. I've cried myself out of tears again and again.

Pretty Tounsi

J’ai eu du mal à l’aimer, au début. Je ne semblais pas vraiment l’intéresser. Il ressemblait un peu trop à Bagha, de loin, sur le canapé. J’avais surtout craqué pour son pote de refuge, Safran. J’avais même entrevu l’ombre de la possibilité de prendre à sa place un joli noir et blanc qui avait juste refait surface au refuge, mais il était déjà dans son panier et je ne pouvais me résoudre à penser à le laisser.

Tounsi était un chat spécial. Oui, tous les chats le sont, mais certains plus que d’autres. Beaucoup de personnalité. Une presence presque humaine. Beaucoup de volonté. Des challenges tant médicaux que comportementaux, qui m’ont menée à beaucoup m’investir pour lui, ce qui n’a fait qu’augmenter mon attachement au fil des années. Il était vraiment mon amour de chat.

Nous avons été ensemble cinq petites années. Mais il y a eu tellement de vie durant ces années que ça me semble être au moins le double. J’ai le coeur en mille miettes. Perdre Bagha a été terrible, et c’était brutal, mais il avait 14 ans, et je savais que chaque mois de plus ensemble était un mois de bonus. Tounsi n’avait que 7-8 ans. Je pensais avoir encore de longues années en sa compagnie. Récemment, j’étais plutôt à penser à la disparition possible de Quintus, qui même s’il est en bonne santé mis à part sa cécité, son arthrose, et son début d’insuffisance rénale, accuse quand même bientôt 16 ans.

Là, en trois jours, c’est fini. Vendredi matin, Tounsi a fait une thromboembolie aortique. Un caillot de sang s’est logé là où l’aorte se sépare en trois pour aller dans les pattes arrières et la queue, et a coupé la circulation. Pattes paralysées, grande douleur – mais en bon chat Tounsi n’a rien montré, et moi je n’ai rien vu, parce qu’il avait fait une crise semblable au début du mois avec paralysie partielle d’une patte, qui avait passé toute seule, et qu’on avait ajouté au tableau “épilepsie idiopathique”, le diagnostic sur lequel on s’était arrêtés pour expliquer les étranges mouvements de patte du Touns’. Ce n’est que le soir que j’ai noté que sa respiration n’allait pas et qu’il montrait peut-être des signes de douleur.

Vétérinaire de garde, Tierspital, diagnostic. Les détails sont sur sa page Facebook. Samedi, dimanche, désespérément stable, si ce n’est que l’oedème pulmonaire avait été résorbé et qu’il respirait sans oxygène. Pattes toujours sans circulation, paralysées, muscles durs, coussinets bleus. Hier soir, appel du Tierspital. Ses reins ont lâché, probablement un nouveau thrombus. J’ai le temps de faire l’heure de route jusqu’à Berne, la quatrième fois en moins de 48 heures, pour lui faire mes adieux et le laisser mourir dans mes bras, parce qu’il n’y avait plus d’espoir, parce qu’il souffrait, parce que c’était le moment.

Je pensais encore avoir quelques jours, on se donnait jusqu’à la fin de la semaine pour voir si la circulation revenait dans ses pattes – mais même si ce miracle s’était produit, la source des thrombus (maladie cardiaque avancée, tumeur) ne nous donnait de toute façon pas grand espoir pour la suite.

J’ai beaucoup pleuré depuis la nuit de vendredi à samedi. Plus d’une fois je me suis vidée de mes larmes. Sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute qui quitte Berne, personne ne vous entend crier votre peine. Je crois que je savais dès le début comment ça se terminerait. Mais je ne pensais pas que ce serait aussi brutal. La dégringolade. Les derniers morceaux de mon coeur abandonnés sur les aires de repos entre Lausanne et Berne. Et une absence de chat proportionnelle à la place que prenait Tounsi dans ma vie.

Je suis sous le choc, bien évidemment. Ça va, parce que j’ai passé par là avec Bagha, et je sais qu’un jour il y aura un jour sans larmes, je sais que la peine s’estompe, je sais que la vie reprend son cours et qu’on se fait à l’absence. Ça fait mal, aussi, de s’y faire. Mais on s’y fait.

Mais là je navigue entre désespoir et moments où je me sens sereine, shootée au déni, merveilleux mécanisme de défense qui prête au monde une couche d’irréalité, qui nous permet de fonctionner, mais qui peut se retourner contre nous si on s’y accroche trop. Alors je pleure, je me vide de mes larmes encore une fois, j’accepte un bout de plus cette nouvelle réalité qu’est la mienne, et je repars pour un moment. Les larmes se rempliront, bien sûr. Et je recommencerai.

Je regarde mon appartement et tout ce qui y est “pour Tounsi”. Le grand arbre à chat avec le panier dans lequel il aimait dormir. “L’échelle à chat” faite de deux meubles IKEA bricolés. Le carton de jouets, que j’ai rangé enfin l’autre jour, plein de nouvelles cannes à pêche achetées exprès pour lui, et dont Quintus ne peut profiter, car il est aveugle.

Tous les aménagements faits pour nourrir deux chats avec des appétits et des régimes différents. Les coussins et espaces où il se tenait. Ça m’a donné l’idée d’un projet photographique sur l’absence.

Il y a des moments, inévitables, où je pense au prochain chat. Comme la dernière fois, je vais attendre. Attendre d’être bien dans ma nouvelle vie sans mon Tounsinet. Mais ces idées me traversent l’esprit. Et ce nouveau chat qui s’invite timidement dans mon imagination, je vois tellement bien que c’est un remplacement de Tounsi. Je veux le même. Je ne veux pas accepter d’être sans lui. Ces idées ne sont qu’une des formes que prend le déni, le refus d’accepter.

Je suis préoccupée par des questions pratiques: quelle routine Quintus et moi allons-nous établir, sans Tounsi? Comment vais-je le nourrir, maintenant que la gamelle à puce n’est plus nécessaire, que je peux contrôler entièrement ce qu’il mange? Etait-ce important pour lui, pour son équilibre, sa santé, qu’il partage sa vie avec un autre chat – ceci d’autant plus qu’il ne sort presque plus?

J’entrevois aussi les soulagements, les pendants à la liberté dont j’avais su profiter durant mon “année sans chat”. Tounsi était un chat beaucoup plus contraignant que Quintus. Fini les problèmes de marquage dans l’appartement. Fini les expéditions nocturnes pour le récupérer du côté du Gras Haret. Je n’arrive pas à m’en réjouir – et ce ne serait pas juste, aujourd’hui. Mais je sais que le jour viendra.

Le deuil n’est pas un processus linéaire, c’est une série d’allers-retours entre des états assez différents. Ça zigue et ça zague, de moins en moins à mesure que passe le temps. Il faut juste s’accrocher dans les contours, faire preuve de courage pour rester en selle, et garder confiance que même lorsque le tunnel paraît sans fin, lorsque le bleu du ciel ne nous fait plus rien, que la vie a perdu tout goût et que le peu de sens qu’on avait grappillé au fil des années semble s’être envolé à jamais, on est en train de faire ce qu’il faut faire. On serre les yeux, on plonge dans sa peine, à la mesure de notre attachement, et on se laisse porter un bout plus loin.

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