Avoir le temps [en]

J’ai toujours vécu avec un sentiment d’urgence vitale. Littéralement. Il y a tant de choses que je souhaite faire (hyperactivité, allô) et nous ne sommes pas éternels (j’ai appris jeune que chacun pouvait mourir demain). Il y a en moi une énorme pression interne à “profiter de la vie”, “faire”, accomplir des choses afin que ma vie ait un sens. Un sentiment de “pas assez de temps”, qui se manifeste également par une absence d’envie de dormir, une activité que j’ai tendance à percevoir comme du “temps perdu”.

Tout ceci est pas mal pourri, évidemment, et certainement le résultat de la combinaison entre TDAH et parcours de vie. Maintenant, j’ai quand même du recul par rapport à ça, et il y a eu du changement depuis que je suis sous traitement. J’aime beaucoup plus mes nuits, par exemple, et comme j’arrive effectivement à “faire” plus, je me sens beaucoup mieux par rapport à ma vie. Mon angoisse existentielle a également largement disparu. Auparavant, j’avais déjà compris que cette pression à faire et profiter me paralysait, et m’empêchait ironiquement de “profiter” de ma vie. Pourri, je vous ai dit.

Il y a quelques mois, mon chef m’a posé une question dont la réponse était évidente pour moi, mais qui m’a permis de vraiment expliciter un aspect de mon fonctionnement. Il m’a demandé si, dans une situation où j’avais du mal à avancer sur une tâche, un peu de pression supplémentaire m’aidait ou non. Clairement, cri du coeur, la réponse est non. En fait je me mets déjà une énorme pression interne pour à peu près tout (y’a quelque chose à écrire là au sujet du perfectionnisme et de ses manifestations), et comme dit plus haut, plus le stress grimpe, plus la pression augmente, plus je culpabilise de ne pas faire (“assez” – et je vous laisse imaginer à quelle hauteur est la barre) et moins j’arrive à faire. Typique des mécanismes de procrastination, typique TDAH.

Là où je suis le plus capable de produire, c’est quand il n’y a pas de pression (“il faut faire”) mais de la motivation interne (“j’ai envie” ou “c’est important”). Cette motivation interne, c’est une sorte de cri du coeur (“impulsivité/impulsion” si on veut un vocabulaire un peu plus scientifique) qu’il m’est difficile de commander. C’est là où c’est pas là. C’est “on” ou “off“. Qu’est-ce que j’aimerais en avoir la clé! A nouveau, avec mon traitement c’est plus nuancé, et c’est plus facile qu’avant d’accomplir des choses pour lesquelles je n’ai pas une grande motivation. Je suis moins susceptible d’être embarquée par mes élans à des moments moins opportuns, aussi. Je peux résister.

Un domaine où je vois ça très fortement à l’oeuvre, c’est dans la création de vidéos et de documentation pour la communauté Diabète Félin. Si l’élan est là, hop, je fais une vidéo ou je passe 3 heures à écrire, et c’est fait. Mais si l’élan n’est pas là, j’ai beau me rappeler que cette tâche est importante pour un projet global qui me tient à coeur, ça ne prend pas. Idem pour l’écriture. Les rares fois où j’ai écrit dans le cadre d’un mandat où il fallait produire, c’était vraiment pénible. Par contre, quand j’ai une idée pour un article, hop, j’écris, et voilà.

Comme mon chef l’a très bien résumé: le management par objectifs, c’est pas trop pour moi. Ce qui peut être difficile à comprendre, toutefois, c’est que si les objectifs et la pression ont tendance à me “casser”, je fonctionne plutôt bien face à une bonne situation de crise (mais une vraie, pas une fabriquée: l’importance et l’urgence doivent être une évidence).

Depuis quelques années, j’écris moins. D’une part, depuis que je ne suis plus indépendante, je me suis retrouvée avec la priorité soit du travail pour un employeur, soit de la recherche d’emploi. Et pré-diagnostic, il faut bien l’avouer, je n’allais pas super bien. Depuis mon diagnostic, aussi (ou peut-être même avant? c’est dur de s’y retrouver dans les années qui passent), je ressens moins le besoin d’écrire. J’ai beaucoup écrit pour me comprendre, comprendre le monde, digérer des émotions. J’ai beaucoup écrit car ça bouillonnait à l’intérieur et j’avais besoin de poser quelque part une information qui me tenait à coeur ou une prise de position. J’ai moins ça, maintenant. Une part le traitement, mais une autre part, déjà là je pense, simplement l’âge et peut-être un peu de sagesse et de maturité qui vient avec. J’ai bientôt le double de l’âge que j’avais quand j’ai ouvert ce blog. Plus du double de quand j’ai démarré ce site.

Mais aussi, je réalise de plus en plus, parce que pour écrire (et faire certaines autres choses que j’aime), j’ai besoin d’avoir le temps. J’ai besoin d’avoir du temps ouvert devant moi. J’ai besoin de ne pas sentir le poids des choses à faire, de ne pas avoir un temps limité à disposition. Je suis sûre que pour certains d’entre vous, ça semble complètement anodin de réaliser ça. La réalisation c’est une chose, réussir à en faire quelque chose, à mettre en pratique, c’en est une autre. Comment, dans mon quotidien surchargé (pas que d’obligations, aussi de choses que j’ai choisies et que j’aime), est-ce que je m’octroie suffisamment de temps ouvert pour qu’émerge l’élan de vouloir? Parce que voici quelque chose qui ne marche pas: me dire, allez, cet après-midi je ne m’oblige à rien, donc je vais pouvoir prendre le temps d’écrire, ou alors de lire, ou alors de trier mes photos… Ça ne suffit pas.

Ici, en Inde, en vacances, voilà que je retrouve ça. L’Inde est un pays rempli de temps morts, de chaleur qui cloue sur le lit sous le ventilo, de digestion capricieuse qui oblige à rien faire, d’imprévus et d’annulations, de moments dans la journée où tout s’arrête, soi-même y compris. Ce n’est pas pour rien que j’ai énormément écrit et lu en Inde. Les vacances, c’est bien aussi. On est hors du quotidien, on laisse nous soucis derrière nous, pour autant que les vacances soient assez longues et qu’elles comportent assez d’espace pour se laisser vivre.

Je suis ici depuis 10 jours. Dix jours, un début chaotique avec des projets de vacances annulés dans des circonstances difficiles, un changement radical de programme, et là une semaine, à une demi-heure près, que j’ai posé mes valises à Apani Dhani au Rajasthan. Durant mon trajet en voiture depuis le Nord de Delhi, je me suis dit “ah! je vais pouvoir écrire!” et j’ai même enregistré 45 minutes de notes sur le début de mon voyage, à défaut de pouvoir directement sortir mon ordinateur dans la voiture pour me mettre à taper. Au final, ce n’est qu’avant-hier que l’élan d’écrire est arrivé, après quelques premiers jours un peu trop actifs et un ralentissement soudain imposé par mon système digestif (rien de grave… juste le truc qui assomme et fait rester allongé sous le ventilo en attendant que ça passe…).

Quelle est la recette? Quelles sont les “conditions-cadre” (si vous avez bossé en Suisse allemande vous apprécierez la référence) pour que j’aie envie d’écrire, et écrive? Est-ce réalisable avec moins de deux semaines à disposition, en Suisse ou quelque part de plus proche? Pourquoi est-ce que des fois ça vient, des fois pas?

Une autre chose pour laquelle j’ai pu apprécier de prendre du temps c’est de trier et retoucher les photos que je suis en train de prendre ici. Comme j’avais “tout le temps du monde”, j’en ai aussi profité pour apprendre à utiliser certaines fonctions de Lightroom que je ne connaissais pas (il y en a tellement). Qu’est-ce que c’était agréable de pouvoir trainouiller à essayer des choses, sans la culpabilité d’avoir le sentiment que je “perds mon temps”!

Of Brains and Drugs [en]

India offers time to slow down, specially when your gut is unhappy. I might also have overdone it when it comes to activities – so I’ve been taking it slow these last two days and catching up on my podcasts, lying on my bed under the fan.

I’ve just listened to the episode “Why’d I take speed for twenty years?” by PJ Vogt (who used to do Reply All, and before that TL;DR). It’s about ADHD medication, its history, and PJ’s history with it. It was a slightly unsettling listen for me, given my history. There is a second part coming up, which maybe will tell a story closer to mine. I’m looking forward to hearing it.

In the meantime, here are some thoughts. Clearly the contexts in which PJ and I live are very different, regarding ADHD diagnosis and medication. The US clearly seems to have an overdiagnosis problem, and is generally very pill-happy with anything that has to do with mental health. Just take the pill and off you go. At least, that’s how I perceive it, seen from Switzerland – where ADHD is sorely underdiagnosed and even when it is, getting medication is far from easy.

PJ tells how after 20 years of taking various ADHD meds (+ antidepressants), since he was a teenager, he went off meds following the advice of his new psychiatrist to see how things would go, and figure out what was necessary. He’s still off them (a couple of years later, if my memory hasn’t been digested by my microbiome). And he has had a chance to discover – and like – the way his brain functions without. The podcast also walks us through the early years and decades of amphetamine and the search for a condition it could be the answer to. Initially an attempt at managing asthma, it turned out to not be great at it. So, there is this underlying idea of drugs looking for illnesses. In the early seventies, amphetamine (+ methylphenidate) became tightly regulated and stopped being authorised to treat depression. And that’s when ADHD diagnoses started to become more common, increasing dramatically over the next decades.

Now, nobody here is saying ADHD isn’t a real thing. However – and this is an issue I’m acutely aware of – it is a clinical diagnosis. It means that how you perform on this or that test does not determine if you have ADHD or not. What counts is the impact it has on your life. Does it prevent you from functioning, and to what extent.

PJ tells us he initially went through a series of psychometric tests, and it turns out he was below the threshold for the number of criteria required for a diagnosis (he discovered this whilst fact-checking the episode and reading through his initial medical report for the first time as an adult). One should note that diagnostic criteria evolve with time – those in the DSM-5 do not exactly match those in the DSM-IV. This means that “having ADHD” or not does contain an element of arbitrariness and subjectivity to it. Also, as it has to do with the capacity to function, one person could exhibit sufficient ADHD traits in one context, and not in another. It is not like the influenza or covid, where you “have it” or “don’t have it”.

It’s more like hearing loss, where there is a continuum starting with normalcy, and somewhere there is a cut-off point where the inability to function in the subjects life requires outside measures to compensate. I really like the parallel with hearing loss, as this is an issue I also have to deal with. Let’s dive in there.

I was born with hearing loss. I was born with ADHD. In both cases, they are not severe. I functioned for 13 years before knowing I had hearing loss, for 38 years with hearing aids, and for 47 years without knowing I had ADHD, and without medication.

As far as my hearing loss is concerned, if I live a life made up mainly of one-on-one interactions, with people who do not speak too quietly, if I don’t have to follow too many discussions with multiple people (particularly in noisy places or places with bad acoustics), if people around me take the trouble of coming up to me to speak instead of trying to communicating from the other room, and if my pace of life is mellow enough that I can recuperate from the extra effort I make in many social situations, I can live without hearing aids. And maybe, even, without “hearing loss”. When I am alone at home, my hearing loss doesn’t have much impact on my life. But I need to work, I want to have a social life, I want to have easy interactions with strangers and be able to communicate with soft-spoken people. At one point I was tired of struggling with all that, and took the plunge to get myself fitted with hearing aids. I have never looked back.

As for ADHD, maybe there is a life configuration for me somewhere in an alternate universe where it doesn’t have an impact on my life. Maybe a life where I don’t live alone, don’t have to work – or only when I feel like it, am free to fill my days with exciting things, have support for dealing with housekeeping, admin, troublesome emotions. And in a way, there have been times in my life where my life was rather well-adjusted to how I function – when I was self-employed, for example. Without really realising to what extent, I had built a career for myself which made excellent use of the particularities of the way my brain works. But as with living with hearing loss without hearing aids, it also came at a cost: missed opportunities, extra unrecognised efforts for the same accomplishments, and yes, pain, isolation and exhaustion.

I’m going through this because there is some vision of disability that leans towards “there is no disability, it’s just that we live in a world which is not adapted to our needs, abilities, or specific ways of functioning”. It comes in different shades and intensities, of course, but from my point of view, although obviously we must strive towards inclusion, it is normal that society is built to function with the “normal” in mind. It is normal that people expect me to hear when they are talking from the other room, because that is what works with the overwhelming majority of people to interact with. It is normal that people expect others to be able to be roughly on time at a meeting, because most people are able to. It is normal to write text in size 10 to 12, because most people are capable of reading at that size. Again: I’m not arguing we should not be inclusive, but I do think that there are objective differences in individuals’ ability to participate “normally” in the world we live in, and that it does nobody service to negate disability with ideas like “you shouldn’t have to take meds to be able to work and manage your household, society should adapt to you”.

Anyway. ADHD is a real thing. It’s not a black-or-white thing, but it is a neurodevelopmental disorder, it has a basis in physiology, and it can be more or less severe, and for similar “objective” severity, it can create big problems in one individual’s life and hardly any in another. I am saying this because when the discussion turns to ADHD and medication, or other neuropsychological or psychiatric conditions, there is always somebody to say that you should eat less sugar, do more yoga, tell society to go f*** itself, give yourself a kick in the pants, try harder, and also, taking meds long-term can’t be good for you.

That being said, what I really want to write about is how disturbing it is when you realise that taking a pill can change your life. Because that is what happened to me. I only have a couple of years of hindsight (who knows, maybe I started taking my pills when PJ stopped taking his), but the change is shocking for me. I went through years (approaching decades) of therapy way before I suspected I might have ADHD. I figured out a lot of stuff, sorted through it, grew a lot, came up with an impressive amount of what I now understand are coping strategies for ADHD. But my life was still collapsing. And taking a pill changed it pretty much overnight.

Five years ago, I experienced the real shock of understanding how much chemistry could transform what we think of as psychological. I had rather nasty vitamin D deficiency. After a couple of weeks of supplementation, my mood had lifted, I had stopped feeling tired and down all the time, life seemed to make sense once again. Because of a vitamin. A few years later a colleague told me how vitamin B deficiency had made her suicidal before they understood what was going on with her. We like to think that the mind conquers the body, but as an upset stomach in India can remind you, it’s more often the other way around.

Twenty years ago I was dead against taking any kind of psychoactive medication. Life put me face to the wall a couple of times and I revised my position. I still think drugs should come with therapy or counselling. Just like when you take antibiotics for an infection you’re also going to rest, if you’re on blood pressure medication you are also going to do what you can with your lifestyle to not make it worse, and if you need glasses or hearing aids you also learn to do things like sit in the front of the class, pick a quiet restaurant if you’re going to have an important conversation, and take care to preserve your eyesight or hearing.

I see two important reasons which, for me, explain why there is so much negativity around taking medication for psychological issues. First, our culture does think mind and body, spirit and physical, as separate. Taking medications that help your brain do its work better, and have an impact on what we think of as “me”, well, that kind of negates this separation of mind and matter. So it’s uncomfortable.

Second, we know enough about the placebo effect to be wary of it, but not enough about it to really understand what it does and how it works (to say nothing about how it is a key element of a double-blind randomised clinical trial). So, the assumption is “it’s all in your head”, right, you’re feeling better because you took a pill that you think is going to make you better. Improvement of psychological symptoms is not as simple to measure objectively as an infection or fever disappearing.

What makes it worse is that after some time, one gets used to the “new normal” with the medication. I have no temptation to stop my blood pressure medication because my blood pressure is well-controlled and I start to wonder if the medication is actually doing something. But life with ADHD meds, yeah, it feels all normal now, and sometimes the doubt creeps in. Do I really need these meds as much as I think I do? Was it really that bad “before”? I recognise that doubt for what it is – it happens with my hearing aids too. It’s super easy to check, however. I just have to try and go to work one day without my hearing aids and I’ll see how bad it is. Nobody will say “you’re struggling because you know you’re not wearing your hearing aids”. If I do the same thing with my medication, of course that will be the obvious assumption: it’s in your head.

For what it’s worth, I once went to a concert with people from my singing group without my hearing aids. Completely forgot them. And didn’t know I’d forgotten them. As we were waiting to go in, and I had a few exchanges with the people there, I couldn’t help but gradually notice how bad and muffled the acoustics in the hall were. I really had trouble understanding what people were saying to me. I thought it was the room. I only realised it was the absence of hearing aids when I reached up to press the button that allows me to increase the volume.

This has happened to me a bunch of times with my ADHD meds. Every now and again (rarely) I’ll forget to take them. (Scoop for people lamenting about these “horrible addictive meds”: people with ADHD regularly forget to take them… draw the conclusions.) I find myself faffing around, or having a really hard time getting something done at work or at home, and after an hour or so it slowly dawns on me… wait… did I take my meds?

Of course I wonder if I “lost” anything in the process of going “on medication”. I can clearly see what I gained. I’m happier, I’m able to do things, my mood is more stable, emotions are more manageable, my friends tell me I’m less scattered, I’m tired in the evening and actually want to go to sleep, I’m functional in the morning. I’m making plans for the future. But have I left anything behind? When you lose your hearing, what you don’t hear doesn’t exist. You don’t know that you’re not hearing the things you don’t hear. So, do I know what I left behind, if anything, with medication? Will I be like PJ in ten years, going off meds and rediscovering aspects of myself I had forgotten existed? Right now I’m happy with how things are, and have no objective reason to be concerned. But my mind wanders around and goes places, by curiosity, and this is one of them.

I’m looking forward to listening to the next episode.

Conte d’une vie [en]

Il était une fois dans un pays très, très lointain, il y a très, très longtemps, une jeune fille qui partit à l’aventure à travers le monde, car elle voulait comprendre ce qui était important dans la vie, ce qui faisait que la vie était la vie. 

Elle traversa d’abord la ville, les rues animées durant la journée, et la nuit avec les lumières. Elle demandait aux gens qu’elle croisait: “dis-moi, qu’est-ce qui est important dans la vie? qu’est-ce qui fait que la vie est la vie?” 

Certains lui disaient, “c’est l’amour qui est important, qui fait que la vie est la vie.” D’autres lui disaient, “il faut gagner beaucoup d’argent, voilà ce qui est important dans la vie”. 

Les gens lui donnaient tous des réponses différentes, et elle, elle continuait son chemin, à travers les rues et les parcs. 

Un forgeron par exemple lui dit, “tu vois, moi je fais des outils en métal, et mes outils permettent aux hommes de faire leur travail, et c’est ça qui compte vraiment.” 

Après la ville elle traversa la campagne, là encore, parlant aux gens, parfois s’arrêtant quelques temps dans un endroit, et parfois quelqu’un faisait un bout de chemin avec elle. Mais jamais elle n’était vraiment convaincue ou satisfaite par ce qu’elle entendait. 

Elle voyagea ainsi durant de longues années. Après la campagne, elle traversa la forêt, avec ses arbres immenses.

Ensuite vint la montagne, parfois sur des petits sentiers au milieu de la végétation, puis elle traversa les rivières et les déserts, et escalada les pics escarpés. Elle revit d’autres villes et d’autres campagnes, d’autres montagnes et d’autres forêts.

Finalement, son long voyage la mena au bord de la mer, sur une plage. Une plage de sable où crissaient ses pas, et dans le sable il y avait des galets et des coquillages. Au bord de cette plage, bercé par les vagues, il y avait un bateau, dans lequel elle monta, pour traverser la mer et l’océan, toujours plus loin dans sa quête interminable. 

Et dans ce bateau, à la barre, il y avait un vieux sage. 

Alors elle lui demanda, comme elle demandait à tous ceux qu’elle croisait: “Dis-moi, qu’est-ce qui est important dans la vie? Qu’est-ce qui fait que la vie est la vie?” 

Et le vieux sage lui répondit: “Je crois que j’ai peut-être une réponse pour toi. Mais avant que te réponde: tu as fait un très long voyage, et j’aimerais que tu me racontes d’abord ce que tu as vu, ce que tu as entendu, ce que tu as senti, perçu, et touché, les odeurs que tu as senties et les goûts que tu as goûtés.” 

Alors la jeune fille devenue femme lui raconta. Elle lui raconta les sons de la ville, l’odeur des échoppes qui préparaient de la nourriture. Elle ferma les yeux et lui raconta les couleurs des lumières la nuit, l’odeur des blés en été, le poids de son bagage sur ses épaules. Il y avait aussi les paysages magnifiques et les couchers de soleil, le son des chants le soir autour du feu, la chaleur des flammes sur son visage alors que l’air de la nuit fraîchissait. Elle raconta le son de ses pas sur ce petit sentier de montagne, la voix d’une vieille femme, l’odeur de la terre humide dans la forêt, la fatigue dans ses jambes après une longue journée de marche. 

Elle lui raconta tout. Et pendant tout son récit, le vieux sage la regardait avec douceur, en souriant avec bienveillance. 

Enfin, elle lui raconta la sensation du sable sous ses pieds nus sur la plage, les formes des coquillages, le son des vagues qui clapotaient sur la coque du bateau, l’odeur du sel dans l’air de la mer. 

Et là, elle comprit qu’elle avait trouvé sa réponse.

Paradoxe ou punition? [fr]

Que faire quand on a tendance à “zapper” des choses qu’on devrait faire, quotidiennement par exemple? La vaisselle, se doucher, préparer ses affaires, passer le fil dentaire, répéter son voc allemand…

Généralement, on tente par tous les moyens de se pousser à “faire”. On met des rappels. On construit des habitudes. On essaie de se motiver. On se récompense. Mais des fois ça ne suffit pas. Et si on a un TDAH, la difficulté est encore augmentée, car le passage de l’intention à l’action présente un challenge particulier.

L’autre jour, je mentionnais qu’une approche “paradoxale” pouvait aussi fonctionner pour ce genre de problème. C’est d’ailleurs grâce à ça que j’ai mis en place l’habitude (maintenant solide) de faire ma vaisselle au moins tous les soirs. De façon très résumée, l’approche est la suivante: si je “zappe” ma vaisselle, alors je n’ai pas le droit de la faire durant 4 jours.

A mon étonnement, cette façon de faire a été comprise comme punitive. J’aimerais expliquer ici en quoi elle ne l’est pas.

La situation de départ, c’est que la personne ne fait pas la tâche X. Elle ne fait pas sa vaisselle, ou ne se douche pas, ou ne prépare pas ses affaires. Elle aimerait, ou pense qu’elle devrait, mais n’arrive pas. Elle se dit “il faut que je le fasse! je vais le faire! je veux le faire! je devrais le faire!” – bref, tout va dans le sens de “faire”.

Le grand et simple enseignement de l’approche systémique de Palo Alto (à laquelle je me forme) est que si une situation indésirable persiste, malgré nos efforts répétés pour y remédier, c’est de toute évidence que ce que nous faisons pour tenter d’en sortir ne marche pas. Si ça marchait, le problème serait résolu. Si me dire “promis, à partir de maintenant je fais ma vaisselle tous les soirs” marchait, je ne me retrouverais plus jamais devant une pile de 4 jours de vaisselle. On croit souvent avoir “tout essayé”, mais notre “tout essayé” va toujours dans le même sens. Il y a un thème commun à toutes nos “tentatives de solution”. Ici: “je peux et je dois faire”.

Pire que de ne pas résoudre le problème auquel on se confronte, ces “tentatives de solution” participent à l’entretenir. (Ça, c’est un peu complexe à expliquer simplement, donc je ne vais pas le faire ici, mais ça a à voir avec la théorie des systèmes.)

Un moyen “punitif” d’essayer de se pousser à faire serait: “si je ne me douche pas aujourd’hui, je n’ai pas le droit de regarder la télé”. Mais on reste toujours dans le même thème “je dois faire”. Alors qu’en réalité on est (souvent activement) en train de ne pas faire.

L’approche paradoxale, qu’on retrouve dans l’idée de “prescrire le symptôme”, cherche à nous sortir de ce thème du “je dois faire”. Le but, c’est de changer la dynamique “énergétique” (pas au sens ésotérique, hein vous me connaissez) de notre posture face au problème. On sort de “je dois faire” et on va vers “en fait non, je dois pas faire”. Ça ôte la pression. C’est OK de ne pas faire. Et d’un autre côté, ça en met (et donc ça change la motivation) car on va dire: “c’est OK de pas faire, mais si tu fais pas, c’est sans doute que pour le moment c’est trop pour toi de le faire, donc prends un break et ne fais pas pendant x jours”. On prend la logique de ce que fait la personne (elle dit qu’elle veut faire mais en réalité, dans ses actes, elle ne fait pas) et on la met à plat sur la table, on dit “OK”, alors voyons ce qui se passe si on va dans ce sens, si on pousse cette logique plus loin au lieu de lutter contre. Ne faisons pas! Et voyons où ça nous mène.

L’autre levier qu’actionne cette approche c’est que ça neutralise le discours qu’on se tient souvent quand on “ne fait pas”: on se dit “bah, tant pis, je fais pas aujourd’hui mais je ferai demain; aujourd’hui j’ai pas le courage; je saute juste un jour, c’est pas grave, un jour.” C’est en se racontant cette histoire, qu’on va se raconter également le lendemain, qu’on se retrouve à ne pas avoir touché son voc allemand pendant une semaine. Parce que sur le moment, à chaque fois qu’on renonce ou abandonne, on se dit “c’est juste une fois, c’est pas grave”.

Mais si on dit “tu peux ne pas faire, c’est OK, mais alors quand tu ne fais pas, vas-y à fond quoi, ne fais pas pendant 3 jours”, alors on ne peut plus se dire “je fais pas aujourd’hui mais je ferai demain.” Ça devient: je fais aujourd’hui, ou bien je saute les 3 prochains jours? Les deux sont OK. Il n’y a pas de punition. Ne pas faire, c’est la situation par défaut. C’est ce que la personne fait déjà. Donc au pire, elle est pas moins avancée qu’avant, avec le bonus qu’on déculpabilise le fait de ne pas faire. Et au mieux, ça marche.

Vous aurez compris que le succès de cette méthode dépend de la logique interne qui sous-tend la procrastination. Elle ne peut donc pas s’appliquer à l’aveugle. Mais si vous sentez que la pression que vous vous mettez à faire a plutôt tendance à empirer le problème que l’arranger, c’est peut-être une piste à envisager. Mais je vous préviens: il faut du courage.

Chez qui laisser l’inconfort? [fr]

Vous les femmes qui me lisez, je pense que vous connaissez bien ce scénario: on vous fait une remarque sexiste ou paternaliste, un compliment non sollicité, un truc qui s’apparente à de la drague lourdingue ou au sexisme ordinaire.

Généralement, mal à l’aise, on part sur la pointe des pieds. L’auteur de la remarque ou de la drague mal placée a toutes les chances de ne pas recevoir de “feedback” de la part des femmes qu’il met mal à l’aise. (Je dis “il”, car généralement, n’en déplaise au ceux qui s’écrieront “#notallmen!?”, ce sont des hommes.)

Alors au lieu de juste disparaître, ou bloquer, ou fuir: dire les choses. Confronter l’autre, même maladroitement. Il ne s’est pas privé d’être maladroit, alors donc? Il n’avait pas de mauvaises intentions? Il a quand même le droit de savoir qu’il a foutu mal la personne en face.

Ce n’est pas à nous de garder l’inconfort. Il faut le remettre chez l’autre.

Il s’excuse? Est consterné, horrifié? Eh bien, il a peut-être appris quelque chose aujourd’hui sur l’effet que ça fait aux autres, et qui sait, peut-être que ça rendra service à la prochaine femme à qui il serait tenté de dire quelque chose de semblable. Laissons-le avec son malaise. Ce n’est pas à nous de le tirer de là.

(Soit dit en passant, ce qui s’applique aux remarques sexistes et aux approches lourdingues peut aussi s’appliquer aux compétences exercées entre les draps. Le gars qui ne sait pas s’y prendre pour deux sous et qui vous assure que toutes les femmes ayant passé entre ses mains étaient satisfaites… Peut-être que si l’une d’entre elles avait pris le risque de le mettre mal à l’aise en lui donnant un feedback honnête… Passons. Je précise que ce n’est pas pour rejeter la responsabilité pleine et entière sur les femmes, hein! Mais ouvrons notre gueule.)

Un autre cas de figure qui sort des rapports entre les sexes mais qui touche à cette notion d’inconfort. Vous fournissez des prestations en indiquant clairement que vous ne faites ni crédit, ni facture. Qu’on paie sur place, direct. Une personne arrive et demande, la bouche en coeur, une facture. Est-ce à vous de vous plier en disant “mais bien sûr”, pour ne pas la mettre mal à l’aise (et donc prendre le malaise sur vous), ou bien n’est-il peut-être pas plus approprié de lui renvoyer l’inconfort: “non, nous ne faisons pas de facture, nous avons bien précisé que cette prestation se payait comptant. Que proposez-vous?”

En prenant sur soi l’inconfort de la situation, on garantit à peu près qu’elle se répètera, avec nous ou autrui. En laissant la personne qui n’a pas respecté le cadre (implicite ou explicite) avec son inconfort, il y a une chance que les choses changent.

Pour beaucoup de personnes, c’est dur de ne pas prendre l’inconfort sur soi, pour épargner l’autre, même quand c’est l’autre qui nous met dans l’embarras. Ça vous parle?

What Goes On My To-Do List? [en]

As far as I can remember, I’ve used lists as a strategy to keep track of what I needed to do. Lists of things to pack when I was a child, lists of things to deal with when I was a scout leader or youth camp organiser, lists of topics to revise or courseworks to work on when I was a student… and so on.

In 2006, I discovered “Getting Things Done” and the concept of “next action”, which was hugely helpful. I’ve used various tools and methods over the years but the one I fall back to in times of stress (which tells me it’s the easiest for me to manage) is simply to write down my tasks on a double page, as they come, and cross them out when they’re done. Once the double page is full, I start a new double page, copy over the remaining tasks from the old one, and go from there.

But what is a task? What goes on this comprehensive to-do list?

In short, anything that I’m going to have to think about, or need a reminder for, or risk postponing or forgetting in the daily flow of things. Anything that will not naturally get done. Brushing my teeth doesn’t go on it, because it’s part of my routine and I do it automatically. Things in my calendar (appointments, etc.) aren’t either. But “contact garage to get new tyres” is, as is “sort through mail”, because it tends to pile up and I haven’t succeeded in building a routine for it yet. I also put things I want to do in my list, like “go to the museum for the samurai exhibit” or “write poetry” because I know now that they won’t just happen if I don’t prioritise or plan them.

If I find myself going “oh, I need to do this!” or “omg, I’d forgotten about that!” it means it needs to go on the list. Time horizon? Within a month or two.

Isn’t a comprehensive list overwhelming?

It can be, but it’s certainly less overwhelming than trying to keep it all in your head and running around like a headless chicken (forgetting important things along the way or staying up late because you forgot a deadline).

How do you use it?

Making a list is one thing, actually using it is another (and maybe the topic of another blog post). The trick is to set aside (plan!) a little time each day to check in on the list and update it. What I do these days is excerpt a weekly list from my comprehensive list when I prepare my week. During the week I work with the weekly list to produce and plan my daily set of tasks.

What about work?

I’ve always had a separate planning system (and list, or notebook) for work and non-work. Work usually happens in a defined timespace, particularly if you’re an employee. This, by the way, explains why I often struggled with my personal life organisation even though things were going fine at work: it’s quite obvious that at work I will keep track of my tasks, plan my days, etc. It’s taken me time to realise I also needed to manage my personal life in a similar fashion – and implement it.

I’ve tried, it doesn’t work!

In that case, what is interesting is to examine how it didn’t work for you. For example, looking back to when lists and planning failed for me, I realised that the key element of failure is that I was not scheduling time to plan, update my list, and schedule. Planning is a task and it needs to be planned for.

What about priorities, deadlines, task classification?

Over the years I tried many shiny task management tools, and saw that anything more than just jotting down something or crossing it out adds friction, and decreases the likelihood that I will keep using the system. If something has a hard deadline I might forget, I’ll write it down with the task. As for priorities, I find that my intuitive feeling of dread when I look at a task on the list is generally a good indicator of what needs to be dealt with first. However, bear in mind that setting priorities for my personal projects is still tricky for me (not enough constraints, compared to a work environment which makes things way easier), and I may have more to say about this as I progress in that regard.

How do you word a task?

I’m more relaxed about this than I used to be. The most important thing is to write it down, so if how you formulate it is keeping you from writing it down… don’t worry so much about the words. But over all, “next concrete action” is always good, especially if you can express it in terms of behaviour. A typical example is “find garage phone number and call for tyres” rather than “change tyres” or even “tyres”. The less your brain has to work to transform the item on your to-do list into an action, the better. I find that when I’m copying over what’s left of my comprehensive to-do list, I’ll often tweak the wording of the list items to make them more actionable (and avoid copying them over a third time in a few weeks!)

Got more questions? Ask away in the comments.

Changes in the World, Changes in Us [en]

These last few years, I’ve come to a slightly unsettling realisation: there are changes happening in the world around me that I’m far from enthusiastic about. It’s not just “The Shattering” I wrote about recently. It’s also small things. A restaurant I liked that isn’t there anymore. Part of the ski resort I liked that has been closed. A holiday spot that is now damaged beyond repair. My GP retiring. There is a common thread: parts of my world that I appreciated, and relied on, often for years, and which are coming to an end before I am.

This has got me thinking about how we relate to the world, and how it has to do with the ages of life. Remember what Douglas Adams had to say about how we relate to technology, according to how old we were when the technology in question appeared? Something like that.

When we are children, and teenagers, and even young adults, we seem to be changing much more than the world around us. We’re growing up, one year after the other, learning things, earning freedoms and responsibilities, discovering how the wold is and works. We see ourselves as evolving, and the world as something rather stable, outside of us, which we are excitedly discovering and understanding better with each passing year.

At some point this shifts. We become adults, we’ve gained autonomy, we’ve pretty much figured things out. Of course, we never stop “growing up” and learning. But there comes a time when we start viewing ourselves as more stable and the world as more changing. As years turn into decades, we might even catch ourselves thinking “it didn’t change this much before, when I was a child/teenager!” But of course it did. We just didn’t see it, because what was moving in the world was drowned in our ever-moving perspective on the world, discovering and discovering and discovering.

It’s logical: there is less change in us between, say, ages 35 and 45, than between ages 15 and 25. At 35, we’re fully active participants in the world. As we are at 45. And that allows us to be hit head-on with “what has changed” in that decade.

So I think back to my childhood, teenage and young adult years. I remember everything I saw in the world that seemed normal, that was simply “the way the world was”. Sure, I was already seeing changes. The CD. The internet. TV remotes. Cars changed. Houses were built in the neighbourhood. A new ski run opened. The price of stamps went up. All those changes were astonishing and exciting: wow, things change in the world! There are new things, and I’m here to see them!

But my normal at the time was “oh gosh how the world has changed, how I regret xyz” for many people who had been around a few decades longer than I had. And now it’s catching up with me.

The Shattering of my Faith in Our Future [en]

I was always very optimistic regarding the future of the world. The resilience of civilization and humanity. The faith that in the long run, things would turn out OK.

I had some of this optimism for myself, too. Faith that things would improve. That bad times would pass. That I would end up finding a way.

It has served me well.

But this is not about me. This is about the world. When I was younger I wanted to believe in God. Or at the very least, in some spiritual realm that gave meaning to life and all that goes with it. I failed at believing, and at some point came to terms with it.

The world is as we see it, matter and energy as defined and measured by physics. There is magic in my world, but that is a topic for another day. It’s probably not the kind of magic you imagine.

I believed in some kind of self-regulation of the huge systems that are our societies, and even humanity as a whole. I believed that things could not, on a global scale, become fundamentally worse. That there would only be improvement, even though we would witness what looked like setbacks.

I do not believe this anymore. I have lost my optimism, over the last years. My faith has been shattered.

It started with Brexit, and the election of Donald Trump. Those were the big blows. I did not see either one coming, comfortable in my little idealistic bubble. Oh, I knew they were on the table, but I never in a million years believed they could happen.

After that, I would often think, or say, “remember Iran”. You know, those photos from the seventies? Yes. And now. Things can get much worse. Things can go “backward”. Meaningful freedoms can be lost.

Of course all this also has to do with my age. I’m closer to 50 than 40 now. When you’re a young adult, the world you’re living in is the world you’re most familiar with. Your child and teenage eyes turn into adult eyes, and you finally see things as they are, you think, doors open in front of you and you walk forward in life, hopefully with a smile, but at least with a sense of order in the world. Well, that’s how it was for me, in any case.

When you’re in your forties, you see the world change. You slowly use the world of your youth, the one you thought was “the world how it is and is supposed to be”. As years go by I find myself slowly starting to struggle with some of the changes our society is going through. I find myself looking back upon the “good ol’ times”. I pinch myself when that happens.

Brexit and Trump also finished shattering some of my beliefs about technology and the resistance to exploitation of the systems built upon it. I was aware, of course, of the plague of those who would always try to “game the system” in social networks. But I never thought – or wanted to see – that the real-world, political implications, could be so dire. I saw what good could be done, but closed my eyes to the evil. Optimism. Blame the seduction of the full half of the glass.

Then there was the pandemic. If Trump’s election made me fear for the turn our world could be taking when it came to politics, and the value of Truth, the pandemic was here. Here, there, and everywhere. I had seen things going on in Wuhan, but naively didn’t think it could hit us. It hit us hard. It hit me hard. I remember. I was at my chalet with a friend. The first cases had been detected in Switzerland. Friday, March 13th, 2020. We watched the federal government’s announcement. Schools closed. That shook me. It shook me badly. I remember thinking that the world as we knew it was over.

That was two years ago. Here in Switzerland, for most people, we’re gently trying to drift back into the “normalcy of before”. It’s a façade, of course. We know there’s no going back. But life feels back on track. Not quite, though. As if we were in a slightly alternate reality.

I think of those for whom these last two years were “formative” years. It’s not the same thing to go through two years of pandemic when you’re 45, 25, 15 or 5. I think of those, children in particular, for whom post-covid life will be “just life”. For us, older ones, there is before and after covid. The old world, and the new world. But for children, and teenagers, there will pretty much just be a world after/with covid, when it comes to the story of their lives. Just as for me, coming of age in a world where AIDS was already an established threat, the only world I know is a world where AIDS exists.

The pandemic shook me because or the disruption in our lives, the death, the exhausted medical staff, the economic impact – immediate and long-lasting. We are not out of it. And worse that that, it shook me because it brought home the fact that pandemics were possible. This one was bad. But it could have been worse. And there is no guarantee the next one is not waiting around the corner. Actually, it is – just like this one had been waiting around the corner for decades, jumping from bat to bat.

As if the craziness of the first three years of Trump’s presidency hadn’t been enough to drive home that we were living in a post-truth wold, the pandemic allowed us all, wherever we lived, to witness the damage wrought by cognitive bias, conspiracy theories, and capitalist media together.

And now Russia has invaded Ukraine.

I thought the pandemic was bad and would change our world forever. This is worse. Far worse. I never thought WWIII could happen. Now I’m not so sure. And even if it doesn’t, however this ends, the balance of power in the world is going to undergo a major shift. There will be “before”, and “after”, just as with the pandemic. I was 15 in 1989. I remember listening to “France Infos” radio, which gave news every 15 minutes, as the Berlin Wall and Nicolae Ceaușescu fell. The world felt like it was opening. Now it feels like it’s unravelling.

As I listen to news about Ukraine and cry, I realise I’m also grieving for the world I lost, a world I thought had a certain stability I could rely on, a world where autocrats don’t win, pandemics don’t kill six million people and leave so many others broken, where civilians and maternity hospitals don’t get bombed, and where truth prevails.

This shattering is not easy, as I look at it through the lens of my personal life. But however discomforting it is, it also tells me that I have the luxury of such philosophical considerations, rather than fleeing for my life in the cold and fear, and for that I am infinitely grateful.

Tester, observer, ajuster [fr]

Je me rends compte (ce n’est pas une grande découverte, je vous l’accorde) que beaucoup de situations peuvent être abordées en commençant par essayer quelque chose, en regardant le résultat, puis en ajustant l’essai suivant en fonction du résultat obtenu.

C’est une approche itérative. C’est aussi une approche “scientifique” dans le sens où on a une hypothèse (“faire xyz va peut-être résoudre le problème ou avoir tel ou tel effet”), on la teste, on regarde le résultat, et on en tire une conclusion.

Un exemple présent dans mon quotidien c’est celui des méthodes de dosage de l’insuline que l’on utilise dans le groupe Diabète Félin: on donne une certaine dose d’insuline au chat (“tester”), on mesure la glycémie sur quelques jours pour voir quel est l’effet de cette dose d’insuline pour ce chat (“observer”), puis on augmente ou diminue la dose (“ajuster”) en fonction du résultat.

Si vous y réfléchissez, dans le milieu médical on fait beaucoup ça: on donne un médicament, on regarde si ça va, on ajuste en conséquence.

Donc effectivement, cette méthode n’est pas une grande découverte. On l’utilise aussi sans y penser au quotidien, de façon instinctive: combien de temps je dois mettre mon assiette au micro-ondes pour la réchauffer; combien je dois manger ou ne pas manger pour perdre ou maintenir mon poids; combien de temps je dois prévoir le matin pour me préparer à partir au travail; jusqu’où je peux m’approcher des vagues sans me mouiller les pieds. Vous avez d’autres exemples?

Le point commun de ces situations, c’est qu’il est difficile de deviner à l’avance, sans expérience, combien faire ou donner. Combien de temps, combien d’insuline, combien de nourriture. On va donc acquérir de l’expérience en essayant quelque chose, même si on n’a aucune idée si ce “quelque chose” est juste ou pas. On va justement l’essayer pour le découvrir.

Un exemple d’application courant, c’est pour découvrir combien de temps prennent réellement les choses. Le fait de noter notre estimation préalable, et de la confronter après avec la réalité, ça nous permet de faire ensuite des estimations plus justes. Par exemple, je sais maintenant que “faire les courses” pour la semaine, ça me prend deux heures, entre le départ de la maison et la fin du rangement des courses. Je le sais parce que j’ai d’abord essayé de le faire en une heure, et j’ai vu que ça n’était pas possible.

Mais cette approche n’a pas besoin de se limiter aux questions de quantité. Souvent, quand on ne sait pas ce qu’il faut faire, ou quoi choisir, on reste bloqué. On ne fait rien, on ne choisit pas. Alors qu’en fait, en essayant déjà quelque chose et en regardant ce qui se passe, on avance. Je me souviendrai toujours de ce qu’avait dit un des co-fondateurs de la plateforme Blogger au début des années 2000, concernant les difficultés qu’avaient traversées l’entreprise: “ne pas décider est en fait une décision”. Ils étaient coincés, ne savaient pas quoi décider, et donc n’avaient rien décidé, ce qui avait précipité la dégradation de la situation. Avec le recul, n’importe quelle décision aurait été meilleure que cette “non-décision”.

Tester, observer, ajuster: une méthode à garder en tête pour les situations où on ne sait pas “combien”, et aussi les situations dans lesquelles on est bloqués. Souvent il est mieux de simplement “essayer quelque chose”, et regarder ce que ça donne.

Si vous avez des expériences ou réflexions à partager sur ce thème, on se réjouit de les entendre!


La photo? pas de rapport, juste une photo sympa du lac hivernal que j’ai prise l’autre jour!

Avec cette méthode simple, domptez votre paperasse! [fr]

C’est attirant comme idée, non?

Le titre est un peu racoleur, j’avoue. Exprès.

Tout le contraire de ma philosophie habituelle “under-promise, over-deliver“. Mais allez, des fois il faut sortir de sa zone de confort et changer de style.

“Dompter” est un peu exagéré, comme terme. “Garder suffisamment sous contrôle”, c’est mieux, mais moins vendeur. Et si la méthode est, effectivement, simple, la meilleure méthode du monde ne peut rien si on n’arrive pas à l’appliquer.

Et donc, cette méthode?

Depuis plus de 15 ans, j’utilise un simple système de tri alphabétique pour mes papiers, décrit dans le livre Getting Things Done (d’où j’ai également tiré la “règle des deux minutes“). Il vous faut:

  • un tiroir à dossier suspendus (à defaut de tiroir il y a des cartons prévus pour, mais honnêtement, un chouette tiroir bien profond et qui coulisse bien ça rend la vie très agréable)
  • des dossiers suspendus: au moins 26 pour démarrer, un par lettre de l’alphabet (avec les manchons et étiquettes)
  • des fourres plastique (allez, je dirais une centaine, ça dépend de la quantité de paperasse que vous avez)
  • une étiqueteuse (le machin basique à 30-40 francs) ⚠️ c’est vital l’étiqueteuse, ne sautez pas cette étape!
  • de la paperasse à classer.

Préparez les dossiers suspendus: une lettre par dossier, indiquée clairement, de façon à ce qu’en regardant le tiroir on puisse tout de suite arriver au dossier de la lettre désirée.

Ensuite, c’est simple: chaque type de paperasse va dans une fourre plastique avec l’étiquette correspondante. Ça peut être aussi précis ou général que vous voulez. Exemples:

  • AVS
  • Mastercard
  • Contrats
  • Diplômes
  • Factures payées 2020
  • Téléphone mobile
  • Garanties
  • Bail
  • Chats (ou alors, le nom du chat)
  • Séminaire xyz juin 2019
  • BCV
  • Impôts 2022
  • Fiches de salaire

Il n’y a pas de règle pour comment on “nomme” ces regroupements de papiers, ou pour combien de papiers on met dans une fourre. Chacun est libre de choisir les regroupements ou mots-clés qui font sens pour lui ou elle.

On range ensuite la fourre plastique dans le dossier suspendu qui correspond à l’étiquette sur la fourre. Garanties => sous “G”, Contrats => sous “C”, etc.

Pourquoi ça marche? (pour moi en tous cas!)

Ce que j’aime dans cette méthode c’est qu’elle élimine le besoin de hiérarchiser ou de regrouper les différentes thématiques, ou de définir des “méta-catégories”. On utilise simplement l’ordre alphabétique, que l’on connaît bien. Cela signifie que quand on a une nouvelle fourre à ajouter (un nouveau type de paperasse!), on n’a pas besoin de se demander “où” ou “avec quoi” on va ranger ça. On regarde simplement comment ça s’appelle, et hop, c’est rangé. Moins de charge mentale/cognitive!

Un autre avantage, pour moi, c’est qu’il n’y a pas de classeurs, pas de trous à faire. Du point de vue de la manipulation physique, c’est très simple. Donc là aussi, un obstacle en moins (“Damned, où ai-je bien pu mettre la perforatrice?!”)

Ensuite, quand on cherche quelque chose, même si on ne se souvient pas à 100% de ce qu’on aurait pu écrire sur l’étiquette, si on l’a fait en suivant sa propre logique, il y a probablement deux ou trois termes à essayer, et c’est facile de vérifier en regardant dans le dossier suspendu des lettres en question. (Exemple: “Assurance maladie”, c’est certainement sous “A” ou “M”; ou bien, ai-je mis ça sous “Carte de crédit” ou “VISA”?)

De façon générale, cette méthode me plaît car elle est suit la philosophie de “assez d’organisation pour s’y retrouver, mais pas tellement d’organisation qu’on y passe plus de temps que le temps que ça nous économisera quand on cherche quelque chose”. Somme toute, il n’est pas si fréquent que ça qu’on ait besoin de quelque chose qu’on a “rangé dans sa paperasse”. On peut se permettre de passer 5 minutes à faire le tour de quelques dossiers suspendus quand c’est le cas.

Bonus! Factures et paiements

Avec les années, voici ce que j’ai mis en place pour mes factures et paiements.

D’abord, je ne classe pas mes factures une fois payées. Elles vont toutes dans la même fourre plastique, une par année. ?

Réfléchissez. Combien de fois par an est-ce que vous avez besoin de ressortir une facture spécifique, version papier? Quand on veut savoir si on a payé quelque chose, ou quand on l’a payé, le plus efficace est au final de faire une recherche dans son e-banking. Et si vraiment on a besoin de retrouver la facture papier payée, faire le tour d’une pile où tout est dans l’ordre plus ou moins chronologique pour l’année, même si un peu en vrac, ça prend max 20 minutes. Est-ce que l’effort et le temps de classement de ces factures vaut la peine, si au final on économise une ou deux fois par an 15 ou 20 minutes?

Donc, je prends ma pile de factures à payer (soit je les mets direct dans une pile à payer au fur et à mesure quand j’ouvre mon courrier, soit je prends d’abord la pile de courrier et j’extrais toutes les factures), et je les scanne les unes après les autres avec mon téléphone pour les payer.

A une époque, je mettais sur chaque facture la date. Au début, la date prévue du débit. Puis, pour simplifier, la date du jour où je donnais l’ordre, parce que justement, c’est si facile de retrouver la date du débit dans mon e-banking. Mais le problème c’est que parfois je n’avais pas un stylo sous la main. Et il m’est déjà arrivé de retrouver une pile de factures et de devoir vérifier si je les avais payées ou non.

Donc, la solution (avec crédits et remerciements à mon paternel): une fois une facture payée, faire une petite déchirure en bas de la feuille, comme sur un ticket de caisse. Ça indique que ça a été payé. On peut même faire toute la pile d’un coup. J’utilise d’ailleurs la même technique, maintenant, pour les justificatifs de frais médicaux pour la caisse maladie.

Petite conclusion

On est tous différents, on fonctionne tous différemment, et on a tous des besoins différents en matière d’organisation. Je décris ici ce qui marche pour moi dans l’idée que ça puisse donner de l’inspiration ou des idées à ceux qui le liront. Ce n’est pas “le meilleur moyen” de faire les choses, juste un moyen parmi d’autres. Si vous classez vos factures et que vous aimez ça, si l’idée d’un classement “plat” alphabétique vous donne des boutons, alors n’essayez pas de faire comme moi! Par contre, si vous souffrez chaque mois à mettre vos factures dans un classeur bien catégorisé, si vos papiers à classer restent à l’état de pile grandissante parce que votre système d’organisation vous demande en fait trop d’efforts à mettre en oeuvre, voici peut-être des idées à essayer.

Les commentaires sont à vous si vous voulez nous dire comment vous vivez votre paperasse, et comment vous en faites façon!