Hearing Less: Dealing With Bad Audio Recordings in the Classroom [en]

Taking example on Meryl who has started sharing similar stories on Facebook, here’s a little testimonial of my “somewhat deaf” life.

With my hearing aids, I’m fine for conversations with people (masks make it harder but not impossible unless people are very soft speakers), even in somewhat difficult settings.

But one disastrous context is non-professional recordings played through loudspeakers in echoey classrooms. I honestly can’t understand half of what is being said.

As this is often played through the teacher/trainer’s computer, I’ve come up with a workaround. I’ve bought a mini-jack split cable and an extension cord, so that I can listen to the audio through my headphones while the audio also goes to the classroom loudspeakers.

Note 12.01.2022: sometimes computers have VGA and audio on different sides. Worth having an extra VGA or mini-jack extension for these baffling situations.

This of course requires explaining the situation to the trainer (so far, everybody has been lovely about it), pointing out that I depend on the volume setting on the computer (keep it at maximum), and so they need to use the controls for the room loudspeakers to make it less loud for the class if needed.

Soundcheck recommended! I once forgot, and hadn’t realised the sound was going out through the HDMI cable, and not the mini-jack port!

One annoying situation that arises nonetheless is when trainers interrupt the recording to make a comment. I remove my hearing aids to put my earbuds in, so when the recording is stopped, I fiddle to get my hearing aids back in, and by the time I’m done, sometimes the comment the teacher was making is over! Worse: speaking over the audio of the recording… I miss everything.

But globally it’s a very good solution for me.

I use another workaround in my German class. We have an application which allows us to listen to the audio tracks at home. So when one is played in class, the teacher tells me which number it is and I play it on my phone with the earbuds. My comprehension score for German has gone way up this way! ?

So there you are, a glimpse into my “less-hearing” life!

Initially published on 15.10.2021 on Facebook

Quand toute une vie prend sens: les pièces du puzzle qui manquaient [fr]

[en] 2021 will forever be the year where I finally got the explanation and solutions to so many of the problems which plague my everyday life: chronic procrastination, tons of ideas of things to start but huge difficulties with follow-through and finishing, difficulties with delayed gratification, inability to "just do it" but at the same-time machine-like productivity when in the right context, etc.

Il y a des moments dans la vie où tout change, où tout va changer, où on voit que tout est en train de changer. Depuis quelques mois, je vis un moment comme ça. L’année 2021 va rester un tournant capital dans l’histoire de ma vie. 

La procrastination

Depuis toujours, je me heurte à des problèmes de procrastination. J’ai d’ailleurs écrit une pile d’articles à ce sujet. J’ai mis une énergie énorme à apprendre à m’organiser, à planifier, à construire des habitudes, pour garder un semblant d’ordre dans toutes les choses que je devais faire, et compenser ma gestion du temps plutôt cataclysmique.

Et ça a marché, jusqu’à un certain point. Mon entourage me voit souvent comme la reine de l’organisation. J’ai réussi à ne jamais m’attirer de gros ennuis administratifs. Par contre… que de stress, que d’efforts, que de culpabilisation à me dire que si je n’arrivais pas à faire ceci ou cela plus facilement, ça devait bien être parce qu’au fond je ne voulais peut-être pas vraiment. Quand on échoue jour après jour à “s’auto-discipliner”, difficile de ne pas se sentir responsable.

Terminer les choses

Toute ma vie, j’ai aussi eu un mal fou à terminer les choses, et à tenir des projets sur le long terme, à faire des choses maintenant en vue d’un objectif distant. J’ai bien failli échouer mes études par abandon au mémoire, tant je n’arrivais simplement pas – mais vraiment pas, c’était comme une impossibilité physique – à m’y mettre. Des idées de choses à démarrer, j’en ai à la pelle. Je démarre, je mets en route. Mais après le soufflé retombe, et ce qui était si enthousiasmant devient une chose de plus sur la liste de choses à faire. Difficile de ne pas voir ça comme un échec moral, une paresse de la persévérance, un manque de ténacité ou de volonté à faire des tâches un peu ingrates.

Une carrière sur mesure

J’ai vite compris ça, quand j’étais indépendante, et centré mon offre autour de services qui ne m’obligeaient pas à faire ce qui était si difficile pour moi: globalement, je me faisais payer pour du temps que je passais avec des gens (formation, consulting, conférences) et j’évitais les projets qui nécessitaient que je passe de longues heures “toute seule” à travailler dans mon coin, ou dont l’objectif était trop éloigné dans le futur. Ça a marché pas trop mal pendant 10 ans – mais ça m’a aussi limitée. Il y a des tas de choses que je n’ai pas entreprises, que je n’ai pas faites: je n’ai pas créé d’entreprise. Je n’ai pas écrit de livre. Je n’ai pas monté une expo photo. Je n’ai pas monté une super offre de services bien emballée avec ce qu’il fallait de marketing et d’arguments de vente. Côté biz dev, ce que j’ai fait pour moi a tout de même été passablement limité. Je me laissais porter par le flot, je saisissais les opportunités qui passaient.

Se motiver!

Le sujet de la motivation m’a toujours beaucoup intéressée, parce que c’était à travers ce prisme que je comprenais mes difficultés. J’ai beaucoup lu et réfléchi, beaucoup cherché de clés. Esclave de la récompense immédiate, je ne savais pas comment me motiver, alors que je voyais bien que j’avais une capacité immense à me plonger dans quelque chose quand j’étais, justement, motivée: j’ai ouvert un espace coworking en moins de deux mois, j’ai appris à peu près tout ce qu’il y avait à apprendre sur le diabète félin, j’étais “à fond” sur tout ce qui se développait comme nouvel outil dans les débuts du web social… Pourquoi est-ce que je n’arrivais pas à contrôler ou canaliser ça, à être quelque part entre la quasi-obsession et l’inertie?

Le lien entre mon incapacité à arrêter et mon incapacité à commencer m’était clair, mais je sais aujourd’hui qu’il me manquait un élément crucial de compréhension. J’ai appris au final que quand je sentais un élan pour faire quelque chose (même pour écrire un article pour mon blog), il fallait que je le fasse tout de suite, sous peine de voir cet élan s’éteindre et disparaître à jamais. J’ai aussi appris que cela ne servait à rien que je prévoie de préparer une conférence ou une formation à l’avance: je n’y arrivait simplement pas. Alors j’ai pris l’habitude de bloquer le jour ou deux avant pour le faire.

Moins de charge mentale

Un des facteurs qui m’ont poussée à revenir à la vie salariée après tant d’années à mon compte, c’était, outre les simples problématiques de chiffre d’affaires, le souhait d’avoir moins de charge mentale, que toutes les décisions ne dépendent pas de moi, d’avoir un regard sur mon travail. Et j’avais raison. Dans mes emplois salariés, je ne procrastine pas ou peu, je mets à profit mes compétences organisationnelle, je fais les choses – parce qu’il y a d’autres personnes qui comptent sur mon travail, parce qu’il y a un cadre qui est donné (tu viens au boulot, tu te poses à ton bureau, tu bosses), parce que souvent aussi, il y a des gens qui apprécient ce que je fais. Et ça suffit à lever la barrière. Je fais. A se taper la tête contre les murs, et à me demander pourquoi je n’arrive pas, à la maison, à faire la vaisselle après avoir mangé mon repas. Mais j’ai quand même fait deux burnouts, mine de rien, et pas passé loin du troisième.

Gestion émotionnelle

Sur un plan plus personnel, les émotions ça a toujours été un problème. Trop d’émotions, que j’ai longtemps gardées sous cloche. Des nombreuses années de thérapie m’ont aidée à en avoir moins peur, à les apprivoiser, à savoir quoi en faire. Et à nouveau, pour beaucoup de personnes de mon entourage, j’ai une “sagesse émotionnelle” et une compréhension des émotions que beaucoup n’ont pas. Parce que je n’ai pas pu faire autrement.

Mais malgré tout ça, j’ai continué à galérer avec des problèmes de gestion émotionnelle que je n’arrivais pas à dépasser. Quelqu’un se parquait sur ma place de parc, ou quelqu’un disait quelque chose sur facebook, et ça m’était impossible de “lâcher la chose” avant de l’avoir résolue. J’en perdais des demi-journées voire des journées entières de travail. J’avais l’impression d’être à la merci de la moindre contrariété, qui ferait voler en éclats tous mes beaux projets de faire ceci ou cela ce jour-là. Je parlerais peut-être une autre fois de ma vie sentimentale, mais elle a été la victime de ces mêmes difficultés de “trop d’émotions”.

Procrastiner le coucher

J’ai aussi toujours eu du mal à me mettre au lit. C’était comme si, plus j’étais fatiguée, moins j’arrivais à me coucher. Je le voulais, pourtant. J’étais raide! Mais je “procrastinais le coucher”. Alors OK, j’avais peut-être des peurs d’enfant autour de dormir, de mourir pendant la nuit, mais vraiment, c’était surtout que je me retrouvais prise dans une autre activité, pas toujours excitante ou intéressante, et que je n’arrivais simplement pas à me “bouger” pour me mettre au lit. Vraiment, je me disais: zéro auto-discipline. Il y a de quoi se sentir vraiment nulle.

De pire en pire

Ces dernières années, j’ai eu le sentiment que ces difficultés ont empiré. Peut-être que ce n’était que l’effet du temps qui passe, un peu l’âge aussi, la lassitude de rester coincée toujours devant les mêmes échecs, malgré le travail sur moi, malgré mon envie que ça change. Je finissais par me dire, pour de vrai, il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond chez moi. J’avais toujours eu cette impression, une grande crainte au fond de moi que je ne laissais pas trop monter à la surface, qu’il y avait chez moi quelque chose de “cassé”. Mais bon, tout le monde se sent un peu comme ça face à ses échecs, non?

Mon impression générale était que la vie était juste beaucoup plus difficile pour moi que ce qu’elle aurait dû être. Malgré mon intelligence, mes compétences, mes qualités (que je ne mettais pas en doute en mon for intérieur), je n’arrivais quand même pas. Est-ce que vraiment c’était normal d’être aussi épuisée juste à tenter de gérer le quotidien domestique, alors qu’en plus, je ne travaillais même pas? J’avais envie de plein de choses, plein de projets, mais quand j’en avais le temps, me bouger était une montagne tellement insurmontable que je n’avais plus envie de rien et que je restais à glandouiller. Et je n’étais pas déprimée. J’avais un point de repère, pour ça, et ce n’était pas ça. Je l’ai dit comme ça parfois: “J’ai du mal à faire. C’est comme si c’était super difficile pour moi de faire.

L’extérieur et l’intérieur

Je vous raconte tout ça pour poser le contexte. Toutes ces difficultés de vie, pour l’essentiel, je les ai vécues en privé. Les gens voient ce que j’ai accompli, ce que j’ai fait, me voient quand je suis en contact avec d’autres gens (eux, déjà!) mais pas quand je passe une journée entière à ne pas arriver à faire une petite chose que j’avais décidé que je ferais. Pas quand c’est le week-end et que je n’ai envie de rien alors qu’au fond j’ai des tas de projets et le sentiment de n’avoir jamais le temps, et que là, je l’ai, le temps, mais je n’arrive rien à en faire. C’en était désespérant. Et ce qui était particulièrement désespérant aussi, c’était de ne pas réussir à savoir si j’étais en train de me plaindre pour rien (tout le monde procrastine, au final, tout le monde est fatigué, oui la vie est difficile et pleine de contrariétés) ou si vraiment il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez moi. Parce que bon, je m’en sortais quand même pas mal dans la vie, hein. Quand je partageais mes problèmes, beaucoup de gens semblaient s’y retrouver, mais pour une raison qui m’échappait, ça ne semblait pas forcément leur poser autant de problèmes qu’à moi. Ça a duré des années, et des années, et des années encore.

Spoiler: il y avait vraiment quelque chose qui ne tournait pas rond chez moi. C’était vraiment pas normal de galérer autant. 

Epiphanie

En août, je suis tombée sur un article qui parlait du sous-diagnostic d’un certain trouble neuropsy chez l’adulte. J’ai commencé à le lire sans intérêt particulier autre que ma curiosité générale pour tout ce qui touche au fonctionnement humain, parce que je ne me sentais pas du tout concernée. Mais au fil de l’article, je ne pouvais pas ignorer qu’ils étaient en train de décrire toute une ribambelle de problématiques et caractéristiques dans lesquelles je me retrouvais:

  • procrastination chronique
  • difficulté à s’en tenir à ce qu’on a prévu de faire ou planifié
  • toujours envie de chercher ou d’apprendre de nouvelles choses
  • capacité à se focaliser à fond sur quelque chose, en ignorant tout le reste
  • souvent sous-employé par rapport à ses capacités, ou en train de galérer dans un job à la hauteur de ses compétences
  • tendance aux comportements addictifs (avec ou sans substances), sports à émotions fortes
  • attrait pour des professions stimulantes (pompier, secouriste par exemple, ou demandant beaucoup d’apprentissage ou de réflexion)
  • un problème lié à un déficit de dopamine et de noradrénaline (deux neurotransmetteurs qui interviennent dans les circuits de motivation et de récompense)

Ça a suffi à m’interpeller. Me questionner. J’en ai parlé à mon entourage, d’abord précautionneusement, puis avec un peu plus de certitude. Certains étaient poliment dubitatifs (“à ce moment-là, moi aussi” ou bien “ouais mais bon tout le monde a ces problèmes”), d’autres m’ont dit “mais bien sûr que tu es comme ça, tu ne savais pas?!” ou encore “ah oui, c’est en effet pas normal d’avoir autant de difficultés…”

Plein de pièces de puzzle

J’ai trouvé un questionnaire d’auto-dépistage (un vrai, celui qu’utilisent les psys) et je me suis retrouvée avec toute une série de croix “dans la zone grisée”. De plus, début 2019, j’avais fait une expérience étrange avec un antidépresseur (post-burnout) qui avait eu un effet quasi magique sur mes difficultés à faire des choses. En creusant un peu, j’avais découvert que ce médicament augmentait aussi la concentration de noradrénaline dans le cerveau, un des neurotransmetteurs qui pose problème dans le trouble en question. Dingue! J’ai rejoint des groupes facebook, j’ai parlé avec des gens concernés, j’ai regardé des conférences et lu des articles.

Très vite, c’était comme si les pièces de puzzle manquantes de ma vie commençaient à tomber en place. Tellement de choses s’expliquaient! Tout ce qui coinçait encore dans ma vie et m’empêchait d’avancer s’expliquait. Et avec cette explication, il y avait aussi l’espoir d’un changement, à travers une prise en charge spécifique.

Diagnostic

J’ai vite pris les devants pour trouver un spécialiste (malgré le scepticisme de ma psychiatre traitante) pour avoir un diagnostic – ou pas. J’y suis allée la peur au ventre, j’avoue. Cette hypothèse expliquait tellement de choses, mais j’avais tellement peur de me tromper, d’avoir été victime de l’effet Barnum (qui fait qu’on se reconnaît dans des descriptions un peu générales qui pourraient finalement coller à n’importe qui). J’ai beaucoup douté pendant les deux mois d’attente pour ce rendez-vous. C’était un peu “schizophrène”, entre soulagement de savoir enfin (je croyais avoir trouvé) et peur terrible de me tromper et de me retrouver au final sans porte de sortie.

Mais ça a été vite réglé. Après une séance d’intense discussion et une bonne heure passée à mettre des croix dans beaucoup de questionnaires, le spécialiste a confirmé mon “auto-diagnostic”. Je suis ressortie du deuxième rendez-vous avec la référence d’un livre spécifique pour m’aider à affiner mes stratégies de compensation (car j’en avais déjà beaucoup), et une ordonnance.

Prise en charge

Il y a un mois, j’ai donc commencé à mettre en pratique ce que je lisais dans ce livre (extrêmement bien fait, pragmatique, et écrit pour que ce soit facile à mettre en oeuvre). A chaque page, je comprenais mieux pourquoi telle ou telle chose était difficile pour moi, et comment contourner cette difficulté. Je voyais que j’étais déjà vraiment sur de très bonnes pistes avec ce que je faisais pour “me gérer”, mais il me manquait ici et là des morceaux pour que ça marche vraiment bien. C’était un tel soulagement d’avoir enfin une aide et des explications spécifiques à ma problématique.

Une semaine plus tard, début décembre, j’ai commencé les médicaments. Avec un peu de trépidation, évidemment. Ça aide pour beaucoup de gens, pas tout le monde. Certaines personnes ne les tolèrent pas. J’avoue qu’après mon expérience imprévue avec l’antidépresseur à inhibition de recapture de noradrénaline, j’avais bon espoir que ça m’aide. Je n’ai pas été déçue. Les médicaments ne sont évidemment pas magiques, mais c’est comme du fart sous les skis. Ça rend les choses beaucoup plus faciles.

Passer de l’intention à l’action

Une des manifestations générales du trouble en question est une difficulté à passer de l’intention à l’action. Je reviendrai là-dessus dans un autre article, mais une fois qu’on a compris ça, tout s’explique. Avec les médicaments, c’est juste plus facile de faire. Je pose une assiette dans l’évier, “ah ben tiens je vais aussi la laver pendant que j’y suis”. J’ai décidé qu’à telle heure j’allais faire telle chose, eh bien, sans gros effort, je m’y tiens. Il y a d’autres effets aussi, très très intéressants, qui feront l’objet d’un autre article, mais en gros, ça veut dire qu’avec les médicaments, j’arrive beaucoup plus facilement à réellement mettre en application ce que j’ai dans ma boîte à outils pour gérer la vie.

Le résultat de tout ça, c’est que depuis un mois environ, ma vie a vraiment changé. J’arrive à faire ce que j’ai prévu de faire. Je passe de bonnes journées. Je reprends confiance en moi. Je commence à entrevoir qu’un jour il me sera possible de faire des choses en vue d’un objectif à moyen ou long terme. Ma charge mentale a fondu comme neige au soleil.

C’est vraiment le début de la suite de ma vie.

Mais alors, c’est quoi?

Si je n’ai pas entamé cet article avec le nom du trouble qui m’a été diagnostiqué (et qui concerne, à des degrés divers, un adulte sur 20 ou 25), c’est parce que ce nom charrie de nombreux préjugés, et qu’il est – je ne suis pas la seule à le dire – assez mauvais. Ma mécompréhension de ce trouble, certainement basée sur son nom et les idées reçues qui circulent à son sujet, a clairement retardé mon diagnostic et ma prise en charge, et m’a valu plusieurs années de galère personnelle en plus. Je voulais donc raconter mon histoire d’abord, que vous ayez l’occasion de la découvrir sans les lunettes déformantes de l’étiquette que peut conférer ce diagnostic.

J’ai un autre article prévu dans la pipeline pour parler plus en détail de cette histoire de nom et des idées reçues, mais je ne vais pas vous laisser en suspens d’ici là. Le truc qui fait que j’ai du mal à faire les choses, à passer de l’intention à l’action, que ma gestion émotionnelle est un peu bof, que je suis comme prise dans l’immédiat du présent, que tout m’intéresse, que je déborde d’idées et de projets mais que je n’arrive rien à finir, que je suis créative et que je parle peut-être un peu trop, que je peux me plonger dans un truc et abattre un boulot énorme en un rien de temps ou devenir une experte de quelque chose que je ne connaissais pas, en gros, ce truc “qu’ont” les personnes comme moi qui ont une fonction exécutive pas top, on appelle ça un TDAH. Oui, le fameux Trouble du Déficit de l’Attention avec/ou sans Hyperactivité.

Ça vous fait quoi?

Peut-être que vous étiez familiers avec ce trouble et que vous saviez de quoi je parlais dès le début de cet article. Peut-être que, comme moi avant, ces quatre lettres évoquent “court partout et n’arrive pas à se concentrer plus de 2 minutes”. Peut-être que ça vous paraît très étonnant de me voir concernée par ce diagnostic, ou au contraire, pas du tout. Peut-être que ça vous dit vaguement quelque chose, mais que ces histoires de “trouble d’attention” ou “d’hyperactivité” c’est vraiment à la périphérie de votre conscience, un truc dont on n’est même pas vraiment sûr si c’est “pour de vrai” ou un machin à la mode un peu inventé de toutes pièces pour excuser une mauvaise éducation, la paresse, ou trop de complaisance envers soi-même. Peut-être que vous vous reconnaissez dans mon histoire, peut-être un peu trop pour votre confort, et que vous êtes en train de vous demander, entre sueurs froides et lueur au bout du tunnel, si vous aussi, non mais quand même, je saurais si j’avais ça…?

Toutes ces réactions sont légitimes. Les commentaires sont ouverts, et mes MP/Whatsapp aussi. En attendant d’écrire plus sur le sujet (et sur cette période charnière de mon parcours de vie), je vous laisse avec quelques liens si vous souhaitez creuser un peu:

Quintus, 1 an [fr]

13.12.2021, 21:20

Demain, le 14 décembre, cela fera un an jour pour jour que j’ai dit adieu à Quintus. J’ai récupéré ses cendres, comme je l’ai fait pour mes autres chats, et depuis, il y a une petite boîte sur ma table de nuit, tout près du coin du lit où il a passé une grande partie de ses dernières années.

Je n’avais pas le coeur de le mettre ailleurs. Alors le projet, c’est d’aller disperser ses cendres dans le jardin, comme je l’ai fait pour Bagha, Safran, et Tounsi avant lui. Alors c’est dur tout court, de faire ça, mais là, doublement dur parce que ses dernières années de vies étaient tellement peu dehors.

Mais je veux me souvenir aussi des années où il passait des heures installé sous le buisson devant l’immeuble, où on se promenait avec Tounsi autour du bâtiment, où il courait à travers le gazon, chassait, et grimpait même aux arbres.

Alors demain, je prendrai mon courage à deux mains, même si je ne suis absolument pas prête, et je ferai un pas de plus dans ma vie sans Quintus.

14.12.2021, 18:08

Il y a des moments où il faut aller de l’avant avec la vie, même si ça fait mal. Se souvenir que le chat qu’on aimait, avec son corps si chaud, ses poils si doux, son odeur, sa truffe humide, son ronron et ses coups de langue, et bien maintenant, c’est un petit tas de poussière dans une boîte. Que c’est fini, qu’il n’est plus là, qu’il est mort, pour toujours. Qu’il est temps d’aller de l’avant dans la vie, sans le chat.

Alors j’ai regardé cette poussière, qui n’est plus rien du chat que j’aimais, qu’un souvenir, et bien moins vivant que celui qui est dans mon coeur, quelques grammes symboliques que je vais rendre au jardin qu’il aimait, avec quelques larmes, la mémoire des précieuses années ensemble, la poussière qui s’envole et le sable qui tombe au sol.

Et puis, renter à la maison, faire un câlin au chat qui est là, tout chaud, tout vivant, et qui un jour aussi, si on a de la chance, sera un petit tas de poussière et de sable, au fond d’une boîte.

Ecouter: partie 1 | partie 2

Témoignage musical [fr]

En 2005, j’avais fait un long chemin entre “je ne sais pas chanter” et “en fait, j’adore chanter”. Ça avait bien dû prendre une décennie. On m’a parlé d’un choeur sympa où chantait une collègue. C’était Café-Café.

J’ai été gâtée pour mon premier concert, à Chéserex. Quatre soirs de suite. C’était magique.

Les concerts se sont enchaînés, les années aussi, et j’ai eu un plaisir fou non seulement à chanter, mais aussi à côtoyer toutes ces belles personnes qui, au milieu des notes de musique, respiraient avec moi en harmonie.

En 2013, j’ai dû prendre la décision déchirante d’arrêter Café-Café. J’avais d’autres activités qui me tenaient très à coeur, une vie professionnelle complexe, et l’incapacité fondamentale et malheureuse d’être à plusieurs endroits en même temps.

Il n’y avait pas de bonne solution. Durant quelques années, j’ai tenté de mener tout de front, à grands coups de compromis, jusqu’à ce que ça devienne intenable. Mon départ s’est fait dans les larmes, et pas comme j’aurais voulu. La faute à personne, juste à la vie et au temps.

Je suis allée revoir mes camarades de choeur en concert après ça. Une fois, peut-être deux. Mais c’était trop dur. J’en pleure encore aujourd’hui.

S’en est suivi une période de plusieurs années où je n’écoutais presque plus de musique – entre autres parce qu’elle me faisait quasi systématiquement fondre en larmes. C’était plus facile d’éviter.

‘2019. J’avais peut-être vaguement vu sur facebook que Pierre avait eu “un souci de santé”, mais cela ne m’avait pas interpellé plus que ça. J’ignorais qu’il était malade. J’ai appris son décès, je ne sais plus ni quand ni comment, et à son enterrement, dans la peine des derniers adieux, j’ai retrouvé mes amis de Café-Café. Et aussi une évidence: tout cela m’avait bien trop manqué.

Quand j’ai su qu’un spectacle serait en préparation pour rendre hommage à Pierre, je n’ai pas hésité très longtemps. Je sortais d’une opération qui avait élagué mon agenda pour l’année à venir et je ne travaillais pas: j’allais donc en profiter pour chanter.

Une pandémie et presque deux années plus tard, nous y voilà: nous sortons d’un week-end incroyable d’émotions, de musique et d’amitié. Une célébration de Pierre et de son oeuvre, et aussi de tous ces liens qui se sont tissés autour de lui, entre nous, et qui lui survivent.

Ces dix derniers jours ont été éprouvants. La musique, et ça je l’ai bien compris maintenant, elle vient chercher directement nos émotions. Impossible de se cacher. Et depuis le week-end dernier où nous avons commencé à mettre ensemble choeur, orchestre et solistes, c’est le raz-de-marée qui n’est allé que crescendo, jusqu’au dernier accord majeur de “Sang pour sang” dimanche soir.

Pour moi il y avait, en plus de tout ce que charriait cet hommage, l’émotion de me retrouver sur scène avec Café-Café après presque 10 ans d’absence. Egalement, la perspective d’un nouveau choix “impossible” entre ma famille musicale et les vents du Léman, puisqu’un avenir se dessine, sous une forme ou une autre, avec Elodie, qui a brillamment relevé le défi de nous diriger jusqu’à cet hommage. Elle l’a fait avec humanité, humour et humilité, nous offrant ainsi l’espace de guérison dont avaient tant besoin nos âmes musicales après les épreuves traversées. Je sais que je ne suis pas la seule à avoir été conquise et à vouloir continuer la route avec elle.
Ma décision restera difficile, mais peut-être que cette fois, je choisirai le chemin de la musique… et de l’amitié.

Ce billet a été initialement publié sur facebook

Crédit photo Ariane Dorsaz

Crédit photo François Clair

La vie avec deux doses [fr]

J’ai eu ma deuxième dose de vaccin le 5 juin. J’ai morflé, comme beaucoup, mais qu’est-ce que je suis heureuse d’être vaccinée et plus détendue dans ma vie. Déjà après la première dose, les jours puis les semaines passant, j’ai senti que mon irritation envers les gens qui tiennent à porter leur masque sous le nez (voire à faire les rebelles en le gardant sous le menton) diminuait.

Bon, ce n’était pas dramatique, car je ne croisais pas souvent des gens. Au travail, c’est masque chir pour tout le monde, on est drillés, et franchement bons élèves. Dehors, c’est dehors: 20 fois moins de risque que dedans. Les transports publics, le nombre de fois que je les ai pris ça se compte sur les doigts d’une main. Mais soyons honnête, ça me gonflait quand même de me retrouver “potentiellement exposée” comme ça. Et surtout, ne voulant pas faire courir de risque à des personnes vulnérables de mon entourage, ma vie sociale se trouvait d’autant plus réduite à néant.

Que mes parents soient vaccinés a déjà été un gros soulagement: je peux aller les voir, manger avec, sans stresser. L’arrivée des autotests aussi, même si je n’ai pas beaucoup eu l’occasion de les utiliser. Mais j’ai senti le soulagement que c’était de ne pas avoir derrière la tête cette crainte, après une rencontre, d’être infectée ou d’avoir infecté. De guetter d’éventuels symptômes. C’est un peu comme si je retrouvais ma tranquillité d’esprit d’avant. Pour moi et les autres.

Mon entourage, les gens qui me sont proches, sont très largement en train de se faire vacciner, à quelques exceptions près. Honnêtement, c’est comme une libération. Je sais qu’il y a un certain taux d’échec vaccinal, mais ça reste vraiment microscopique comparé à “sans”. C’est un risque qui commence à rentrer dans mes “risques acceptables de la vie” – alors que le covid sans vaccin ne l’était pas.

Maintenant, si les gens dans le bus laissent pendre leur nez sur leur masque, si les gens participant à la même activité que moi décident de l’enlever, “parce que”, je m’en fiche. Et franchement, c’est très agréable.

Ma préoccupation a basculé de la préservation de ma santé à celle de “suivre les règles”, être la bonne élève. J’ai tendance à suivre les règles. J’ai aussi tendance à avoir du mal avec les règles que je trouve inutiles ou insensées, comme tout le monde j’imagine. Evidemment que les consignes sanitaires actuelles s’appliquent à tous, vaccinés comme non vaccinés (car tout le monde n’a pas encore eu l’opportunité d’avoir ses deux doses), et donc on se trouve dans des situations un peu cocasses comme être dans une réunion de travail entre personnes vaccinées et garder malgré tout le masque sur le nez. Ou de prendre part à une activité théoriquement avec masques, mais en pratique sans, à me demander quel sens ça a que je porte le mien (outre faire la bonne élève) car au final, même si un cas positif se déclare, non seulement je cours très peu de risques de contamination, mais en plus, administrativement, je ne serai pas mise en quarantaine. On attend que les consignes sanitaires rattrapent la réalité du terrain. Et en attendant, on voit bien que ça va devenir de plus en plus difficile d’imposer le port du masque à des personnes vaccinées en nombre croissant.

Mais voilà, en attendant, ma vie retrouve de la légèreté. J’ai déjà mangé plusieurs fois au restaurant — en terrasse, mais finalement je serais aussi prête à manger dedans, s’il fallait. C’est marrant, les restaurants ne m’ont pas plus manqué que ça durant leur fermeture, mais maintenant qu’ils sont ouverts, je suis hyper contente de pouvoir y aller. Et j’y dépense de l’argent en très bonne conscience, me disant que ça vient mettre un peu de baume au coeur de leurs chiffres d’affaires bien malmenés par la crise.

Je commence à retourner à mes cours de chant, et au judo. Je planifie ma prochaine sortie bateau. Il fait beau. Je vais bien.

Quintus: 6 mois [fr]

Quatorze décembre, 14 juin. Six mois. Six mois que j’ai dit adieu à ma vieille boîte à ronrons. Je ne pleure plus, enfin je ne pleurais plus avant de commencer à écrire ces mots. Il me manque, mais je suis aussi tellement soulagée de ne plus vivre dans le stress constant qu’il lui arrive quelque chose, d’être libérée de la charge de me soucier de lui et de le soigner au quotidien.

Pourtant, je l’ai fait de bon coeur. Je me sens presque coupable d’apprécier autant ma liberté. Juste là, je donnerais beaucoup pour pouvoir le tenir encore quelques minutes dans mes bras, sentir sa tête contre la mienne, entendre son ronron.

Mon Quintus. ?

Pas envie [fr]

Tout à l’heure, je voulais écrire. Un truc précis. J’ai fait un détour par autre chose, et l’envie a filé se cacher sous un meuble.

J’ai un drôle de rapport à l’envie. L’envie de faire, donc. C’est compliqué, j’hésite à essayer d’expliquer.

Quand une envie passe j’ai tendance à vouloir me jeter dessus pour en faire quelque chose avant qu’elle s’en aille. Souvent, je n’ai pas d’envie. Envie de rien.

Et faire quand je n’ai pas envie, c’est au coeur de ma lutte. J’ai bien compris que dans la vie, il faut souvent faire même si on n’a pas envie. Ses impôts, aller au travail parfois, mais aussi des choses aussi bêtes que la vaisselle ou se faire à manger.

Je me raisonne, mais ça demande souvent une énergie folle. La contrainte en trainant des pieds ou même en allant à reculons. Alors je me dis, et si on travaillait sur l’envie? La créer, l’alimenter? Ce n’est pas une mince affaire non plus.

J’en entends déjà: “tu te prends trop la tête” ou de l’autre côté “non mais t’as raison de pas faire si tu as pas envie”. Les deux sont vrais sous un certain angle mais ne font rien bouger.

Hier, j’écoutais “Creatures of Habit“, un épisode de l’excellent podcast Hidden Brain. Pourquoi fait-on ce qu’on fait? On tend à surestimer l’importance de notre volonté, alors qu’une grande partie de nos actions sont déterminées par nos habitudes. Les habitudes, ça peut se contrôler, en partie, si on comprend comment elles s’établissent et s’éteignent.

Peut-être que je suis prise dans ce piège, à penser que “vouloir” (“avoir envie”?) est la clé de l’action et par conséquent du sens de la vie. Parce qu’évidemment derrière toute cette histoire d’envie/pas envie il y a celle du sens. Je n’arrive pas à y échapper, ni à y répondre de façon satisfaisante.

Faire ce qu’on a envie, c’est une solution facile, au fond. Mais peut-être que faire ce qu’on doit, regarder plutôt par la lorgnette de la responsabilité – aux autres, au monde, mais avant tout à soi-même – est plus satisfaisant, et au final, serein. Et peut-être que dans cette quête de sens il faut inclure la notion de bien-être (au sens éthologique plus que “développement personnel”).

Une autre notion qui est venue compléter ma boîte à outils il y a quelque mois, c’est celle de courage: le courage de faire les choses qui ne sont pas faciles. Peut-être, pour moi, simplement le courage de faire ce qui est bien pour moi, envie ou pas. A force, je me connais quand même assez bien, et je sais un peu ce qui marche et surtout ce qui marche pas.

Alors nous y sommes: je vais avoir le courage de ne pas attendre l’envie et de faire ce qui est de ma responsabilité pour assurer mon bien-être.

Pour le sens, il faudra peut-être repasser.

Un livre de chevet [fr]

A un moment donné j’ai perdu confiance dans ma capacité à m’endormir. Je ne saurais pas trop dire exactement quand, mais ça fait un moment. J’ai toujours eu du mal à aller me coucher, mais une fois couchée, pas tellement à m’endormir. Durant des périodes stressantes de ma vie, ça m’est arrivé, mais c’est pas “standard”.

Il y a des années et des années de ça, la préparation de ma demi-licence de français à l’uni avait méchamment entamé mon sommeil. J’avais du mal à dormir, je me réveillais en sursaut le matin et je ne me rendormais plus. J’ai découvert la tisane de fleur d’oranger, et j’aime à dire qu’elle a sauvé ma demi-licence de français.

Quand j’ai commencé à enseigner, alors que j’approchais du burnout, c’était pas top non plus. Je m’étais fait la réflexion que si je ne faisais plus rien hors du travail, c’était normal qu’il n’y ait que ça dans ma tête.

Au fil des années j’ai réalisé que plus je suis fatiguée, moins j’arrive à me mettre au lit, plus ça tourbillonne dans ma tête. Vous voyez le cercle vicieux. Une sorte d’hyperactivité vespérale.

Cet été, j’ai eu des soucis de mécanique respiratoire (je vous passe les détails) qui m’ont énormément gênés pour dormir. A un point catastrophique et extrêmement stressant. Merci mon physio, on est arrivé (après des mois) au bout de l’histoire et je respire à nouveau facilement, mais je crois que mine de rien, ça m’a fait une longue période où je n’arrivais souvent pas à m’endormir facilement. On rajoute là-dessus d’autres trucs, bref… pas la joie. Après, faut relativiser: pour moi, des soucis de sommeil ça veut dire que j’ai besoin d’écouter un podcast pour m’endormir, par exemple, ou que je me couche trop tard, et que je dors 6h30 par nuit (effectif) au lieu des plutôt 7h30 qu’il me faut.

Là, merci un machin bleu et puant qui s’appelle Redormin, à base de valériane, j’ai rajouté une heure de sommeil à mes nuits, globalement. Ça fait une sacrée différence. Et, détail intéressant, je me sens plus fatiguée le soir (comme quoi le cercle vicieux de la fatigue surexcitante… moche).

Alors bon, tout ça c’est le contexte. Ce dont je veux parler c’est de la lecture avant de se coucher. Le fameux livre de chevet. Je suis à la base une dévoreuse de livres. Il y a des pauses dans ma consommation libresque, mais globalement, j’aime lire. En quatrième année, je me souviens être restée éveillée jusqu’à passer minuit pour finir mon livre. Depuis 10-15 ans, je regarde aussi volontiers des séries. Et j’ai pris conscience à un moment donné que j’avais mes “phases séries” et mes “phases livres”. Je n’aime pas trop mélanger les deux. Un univers fictionnel à la fois dans lequel se plonger.

J’ai repris la lecture il y a quelques jours. Un livre tranquille. Je lis un peu, hop, je sens passer le train du sommeil, j’éteins, je dors (parfois avec le machin bleu puant, parfois pas). Mais quand je regarde des séries, j’ai aussi tendance à regarder avant de me coucher. Les écrans avant dodo c’est mal, je sais. Mais j’ai “toujours” fait comme ça. Sauf que là, en reprenant la lecture, j’ai réalisé que lire versus regarder une série avait un effet différent sur ma “chaîne de télé intérieure”. En effet, ce qui me chicane quand j’essaie de dormir, c’est qu’il y a trop de scènes qui se baladent dans ma tête. Des choses de la journée écoulée en replay, des scénarios pour des discussions à venir en mode maquette. Pas forcément des choses qui me stressent horriblement. Juste des choses qui tournent, tournent, tournent.

Et il me semble que lire avant de dormir, ça a un impact sur ça. Ce que je viens de comprendre, c’est que quand je lis, j’absorbe du texte, des mots, des phrases. Ça prend la place de mon discours intérieur. Et ça guide ma vidéo intérieure. En lisant je me “fais le film” de ce que je suis en train de lire. C’est d’ailleurs pour ça qu’écouter un podcast pour m’endormir marche bien: j’écoute un truc, je ne suis donc pas en train de produire mon propre matériel.

Par contre, en regardant une série, j’absorbe en mode passif un “discours vidéo” extérieur. Et je pense clairement que ça n’a pas le même effet débranchant sur ce qui se passe dans ma tête. Je me suis donc dit qu’il fallait que j’aie un livre de chevet même quand je regarde une série.

Un livre de chevet: assez intéressant pour avoir envie de le lire. Mais pas tellement prenant que je lutte contre le sommeil pour avoir la suite de l’histoire.

Je vous laisse, je vais lire.

Pandémie: où j’en suis [fr]

Ça fait un moment que j’ai envie de faire un peu le point sur où j’en suis avec cette satanée pandémie. Au début, quand on était tous sous le choc, j’avais fait quelques vidéos (et même articles, je crois). Puis l’impensable est devenu normal: les fermetures, l’isolement social, les masques partout, et même les tensions entre les façons différentes qu’on a de gérer cette nouvelle réalité et à l’intégrer dans notre système de croyances.

Donc moi, là-dedans? J’avoue vivre tout ça avec un certain stoïcisme. J’ai la chance de faire partie des personnes qui ont très bien vécu le premier confinement, sur le plan personnel. Ça a été un grand soulagement de me sentir libérée de l’attente (que je projetais sur moi) d’être productive, active, sociable. Je sais que ça n’a pas du tout été comme ça pour tout le monde (la pandémie: grande révélatrice des inégalités, creuseuse de fossés entre les vécus personnels) mais moi, là, j’ai fait partie des chanceux, pour ça.

La pandémie m’a amené un travail. Temporaire, certes, mais un travail. Je suis Responsable d’équipe au Centre de traçage du Canton. On est une vingtaine de responsables d’équipe. Deux par équipe. Environ 25 traceurs et traceuses par équipe. C’est étrange pour moi d’être dans une configuration où j’ai autant d’homologues. Les horaires irréguliers ce n’est pas toujours facile. Mais je suis heureuse d’être dans le service public, de “faire quelque chose” pour le bien commun dans cette situation difficile que nous traversons tous.

On s’habitue. Ça ne me fait plus rien de voir des gens avec des masques tout le temps. J’ai de la peine à imaginer qu’il y a un an, quand j’allais faire mes courses, la Migros était remplie de visages tout nus. On s’habitue, mais sournoisement, le temps s’accumule, et là, même si je prends mon mal en patience, j’en ai marre-marre-marre. Et je me rends compte que la perte de ma vie sociale, du contact physique aussi (les joies de vivre seul au temps de la pandémie), du sport, des “possibles” au niveau culturel ou simplement des activités, ça commence à avoir un impact négatif sur moi.

J’ai vu arriver les premiers vaccins avec une joie et un soulagement immenses. Le bout du tunnel en vue, enfin. Là, je ronge mon frein, en voyant à quelle non-vitesse on arrive à vacciner les gens ici. On n’est pas sortis de l’auberge.

Les nouveaux variants m’inquiètent. Pour le moment, ce n’est pas la cata, mais plus on traine, plus le virus circule, plus grande est la probabilité d’apparition de nouveaux variants.

J’ai beaucoup, beaucoup de mal avec le fait qu’une si grande proportion de notre population se méfie des vaccins, voire même s’y oppose. Ça m’inquiète beaucoup. Ça me fait peur aussi, de voir à quel point la peur pousse les gens dans des idéologies à la logique sectaire, déconnectées des faits et de la réalité. Je sais que “débattre” ou “tenter de convaincre” ne sert à rien. Je fais de mon mieux. Je me sens impuissante, j’essaie de ne pas être en colère. Mais j’ai du mal.

Le “théâtre sanitaire” m’énerve aussi. Toutes les mesures sanitaires ne sont pas théâtre, loin de là, mais il y en a. Nettoyer la chaise sur lequel un patient s’est assis avant l’arrivée du suivant? Ça n’a vraiment aucun sens épidémiologiquement. Toute cette obsession autour des surfaces de contact, toute cette énergie dépensée à nettoyer ou ne pas toucher des poignées de porte, c’est complètement disproportionné face au mode de transmission de ce virus respiratoire: les gouttelettes (petites particules qui tombent au sol à environ 1.5-2m) et les aérosols (gouttelettes plus fines qui volettent dans l’air, comme une odeur).

On en est encore à ne pas se serrer la main ou se prendre dans les bras (avec masque) alors qu’on ne sourcille pas devant l’idée de partager un repas en intérieur ou se voir pour boire un thé, regarder la télé, ou jouer à des jeux (“ben oui y’a les distances” – mais quid de la ventilation? aérosols, allô?)

Cette incohérence m’énerve.

Au niveau des mesures prises, franchement, c’est Charybde et Scylla. Tout est relié, notre société est un système extrêmement complexe. Il n’y a pas de bonne solution: il faut “choisir son poison”. Ici, on a choisi de maintenir les écoles ouvertes, d’éviter autant que possible de déscolariser les enfants. Parce que la santé publique n’est pas que physique. Donc oui, on accepte un surplus de transmission du virus dans la population pour ne pas déscolariser nos enfants. Mais on ne va pas accepter un surplus de transmission pour sauver les restaurants, ni la culture. Une pesée des intérêts comporte toujours une part d’idéologie, de valeurs. Elle n’est pas objective.

D’autres pays, comme les USA, n’ont pas bouclé la culture et la restauration, mais ont fermé leurs écoles en mars. Il y a des enfants de 8 ans qui auront bientôt fait une année scolaire entière à distance.

Toute décision aura des conséquences. La culture, la restauration, les petites entreprises qui auront coulé à cause de la crise sanitaire ne se relèveront pas. Il y a des aides, certes (à nouveau, mieux qu’ailleurs) mais de loin pas suffisantes ou adéquates pour compenser les dégâts de la crise.

Il ne faut pas se leurrer, une pandémie, c’est pas quelque chose qu’on arrive à gérer bien. C’est une catastrophe. Une catastrophe ça fait des dégâts. C’est moche. Très moche. Des morts, des drames personnels, des drames collectifs, des drames culturels, gastronomiques et économiques.

Cette pandémie nous affecte tous. Dans nos vies, il y a des drames et des catastrophes. On pert un être aimé, on a un accident, on se sépare. Ces drames ont des conséquences sur nos vies. Parfois il nous faut des années pour nous relever. Parfois les conséquences durent toute une vie. On perd la carrière qu’on aurait pu avoir, on doit déménager, notre couple pète. Parfois, ces drames sont “la faute de personne”. Parfois pas. Mais dans tous les cas, on les subit, on fait face du mieux qu’on peut, ou du moins mal qu’on peut, on se relève, on finit par se reconstruire.

Ce qui est différent maintenant, c’est qu’on est tous en train de vivre une période de drame en même temps. Pour certains le drame est plus grand que pour d’autres. Mais il est là pour nous tous. Cette pandémie n’est pas un inconvénient passager qu’on pourra oublier une fois qu’il est derrière nous. Ce n’est pas quelques semaines de maladie ou un vélo volé. Là, on est encore dedans. On sert les dents, on essaie de survivre. A nouveau, c’est injuste, car c’est plus dur pour certains que pour d’autres. Mais tout comme la vie ne sert pas à chacun et chacune la même quantité de difficultés. Certains se débattent avec une maladie chronique toute leur vie, d’autres pas. Certains galèrent professionnellement, ou relationnellement. Bref, on n’est pas tous égaux devant la vie, ni devant la pandémie.

Donc c’est la merde. C’est la merde pour nous individuellement à différents degrés. C’est la merde pour nous collectivement, parce qu’on va tous payer d’une façon ou une autre le prix que notre société paie pour tenter, tant bien que mal, de limiter les dégâts. Cette pandémie va marquer notre vie. Et si c’est le cas, c’est qu’on a la chance de ne pas faire partie de ceux qui n’en ont plus, eux, de vie.

Face à la difficulté et l’injustice, certains vont chercher un coupable. Un coupable, c’est confortable. Ça donne une cible à notre colère. Ça donne une explication. Ça donne du sens. S’il y a un ou des salauds dans l’histoire, on peut leur en vouloir et exiger d’eux qu’ils réparent, qu’ils solutionnent, qu’ils “cessent d’être méchants” – ainsi notre problème disparaîtra.

Moi, je suis plutôt à chercher des explications. Je crois que fondamentalement chacun et chacune fait de son mieux. Je crois qu’à quelques exceptions près, les gens sont de bonnes personnes. Nos politiciens et politiciennes aussi. Je crois que quand les choses vont mal, c’est rarement “la faute” à quelqu’un. Je crois que c’est beaucoup plus difficile – mais plus juste – d’accepter qu’il n’y a pas toujours une cause simple à tout, que les situations injustes ne sont pas souhaitées, ou alors qu’elles ont des explications bien plus complexes que celles qu’on voit, et qu’en l’absence de coupable personne n’a le pouvoir de venir nous sauver.

Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas se faire entendre, lutter pour nos droits, pour la justice. Mais ça change la posture. Cette crise sanitaire a mis tout un paquet de personnes, dont nos dirigeants, dans la situation de devoir prendre des décisions qui seront de toute façon mauvaises – parce qu’il n’y a pas de “bonne solution” à une pandémie mondiale.

Au bout du compte, ce qui importe, c’est qu’on puisse un jour en sortir. On va en sortir avec des vaccins. On va en sortir en continuant à “faire attention” pendant un moment encore. On va en sortir avec des changements peut-être durables, comme mettre un masque sur son nez quand on est malade. On va en sortir en apprenant à mieux prendre en charge la maladie – aiguë et chronique.

On en sortira, mais il y aura eu des dégâts. A tous les niveaux. Comme on est sortis de la guerre et de la grippe de 1918.

J’ai beaucoup de mal à accepter qu’on doive traverser ça. J’ai le même sentiment de “rejet” ces temps avec la pandémie qu’avec la mort de mon chat. Deux drames, à des niveaux différents, qui m’affectent. Un qui n’affecte plus ou moins que moi, un qui affecte tout le monde. Il y a ces moments où je voudrais pouvoir faire en sorte que Quintus ne soit pas mort. Et il y a ces moments où je voudrais pouvoir faire en sorte que le virus n’existe pas, que la pandémie ne soit pas là, récupérer nos vies normales d’avant, remplies de libertés et de possibilités que je n’appréciais pas à leur juste valeur avant de ne plus y avoir accès.

Je me raconte que c’est OK pour moi de ne voir personne, de ne pas chanter ni aller au judo, de ne pas faire la bise à ma famille et mes amis, de ne pas aller au cinéma ou au restaurant. Alors oui, à un niveau c’est OK, parce que je n’ai aucune envie d’attraper (ou transmettre) le covid, je sais à quel point nos hôpitaux sont surchargés et ce que ça signifie, le covid long me fout les boules. J’imagine aussi à quoi ça aurait pu ressembler si nos autorités avaient dit “rien à faire du virus, continuez à vivre vos vies, ça va passer”. Donc j’accepte. Mais c’est pas bien. Je n’aime pas vivre comme ça. J’en ai marre. Je veux reprendre ma vie d’avant.

Je comprends la tentation, après ces longs mois, maintenant que l’habituation a fait son job, de tout envoyer balader et vouloir faire comme si de rien n’était et “vivre normalement”. Je l’ai. Mais je n’y cède pas, parce que je sais que la réalité de la situation n’a pas changé, même si notre perception nous dit autrement.

Pourtant, qu’est-ce que j’en ai marre. J’ai l’impression d’être embourbée dans la vie, là, en attente d’un soleil qui ne vient pas.

Tristesse du soir [fr]

Ce soir, alors que ça va plutôt bien, subit coup de blues. Il me manque, mon vieux chaton câlin. Il aimait vraiment le contact, les caresses, être dans les bras, sur les genoux. Même si ces derniers temps, il ne voulait plus les genoux. Puis, plus les bras. Mais toujours les caresses.

Oscar, il est plus réservé dans le contact. Il a eu une vie plus mouvementée que Quintus, a beaucoup souffert, eu peur… Il me fait confiance, mais ce n’est pas la confiance absolue qu’avait Quintus. Il aime les caresses mais il faut montrer patte blanche d’abord. Frotter les joues, c’est bien. Gratter sous le cou, un peu, parfois. Il reste en alerte.

Il a le droit, bien sûr. Chaque chat est différent. Quand Tounsi est mort, c’est aussi ce qui était spécifique à notre lien qui me manquait. Ce que rien d’autre ne remplace. Ce qu’on n’aura plus jamais.

Quand Tounsi est mort, j’étais révoltée par l’injustice de la situation, il était jeune, on n’avait pas compris ce qui lui arrivait quand les premiers signes de sa maladie se sont manifestés, j’ai culpabilisé, bref, c’était un ouragan d’émotions.

Ici, avec Quintus, c’est presque si à quelque part je n’avais pas le “droit” d’être aussi triste. Il est mort paisiblement, il a vécu de longues années, il a eu une super vie, a été un super compagnon, que demander de plus? Une vie bien vécue, un mort au moment juste pour moi, et pour lui aussi j’espère.

La seule révolte à avoir ici, c’est contre la finitude de la vie. La mort. Et à quoi bon? Il n’y a rien à faire autrement, juste apprendre à faire avec. Et ça, je crois que je ne suis pas prête, au fond. Je lutte encore.

Alors je laisse de côté la révolte, car elle est vaine. Et il reste ça: j’aimais mon chat. Il n’est plus là. Il me manque. Je suis triste. Peu importe le comment, le pourquoi, que tout ce soit fait de les meilleures conditions possibles. Peu importe le juste ou l’injuste, peu importe que j’aie ou non un autre chat. Il n’est plus là, et c’est horrible. Je suis tellement triste. Juste tellement triste.