Archives en ligne de trois quotidiens romands: quel désastre [fr]

Etude du désastre que sont les archives en ligne sur les sites de 24 Heures, Le Temps, et Le Matin. Moteurs de recherche cassés, archives payantes, mauvaise indexation par Google en l’absence de liens externes… Il est temps que nos quotidiens se réveillent et découvrent comment utiliser le web de façon plus profitable, et compatible avec leur mission d’information!

[en] An overview of the sorry state of online archives for three local Swiss newspapers: Le Temps, 24 Heures, and Le Matin. Time to wake up and use the web correctly!

Une des caractéristiques merveilleuses du blog, c’est la façon dont sont organisées les archives. Un vieil article peut être assez facilement retrouvé si l’on se souvient à  peu près quand il a été écrit, dans quelle catégorie il avait été classé, ou encore de quoi il parlait (en utilisant le moteur de recherche du blog).

On s’attendrait à  ce que les sites de quotidiens comme 24 Heures, Le Matin ou encore Le Temps en prennent de la graine. Que nenni ! Alors que les vieux journaux servent principalement à  protéger la moquette lors du rempotage annuel de notre plante verte préférée (quand on ne les trouve pas autour de la caisse du chat ou roulés en boule au fond de vieilles baskets détrempées), les archives en ligne de nos quotidiens sont mises à  disposition du grand public chez Swissdox pour la modeste somme de SFr 3.80 par article pour une consultation occasionnelle.

Un petit exemple : dans la base de données Swissdox, cherchez « Stephanie Booth » sans restriction de date. Voici donc une ribambelle d’articles offerts à  votre consultation, pour autant que vous soyez munis d’une carte de crédit. Et s’il y avait une autre solution ? Certains de ces articles sont encore en ligne, accessibles gratuitement à  qui sait les trouver. Partez de ma page presse et explorez un petit peu. Les articles du Matin, par exemple, sont encore en ligne. Sympathique ! Celui du Temps également. Pour 24 Heures, par contre, il faudra repasser : à  peine quelques jours après la sortie d’un article, celui-ci est retiré du site Web.

La situation ne serait-elle donc pas si dramatique que ça ? Un petit coup de moteur de recherche, et hop ! l’article tant désiré pourrait se retrouver sur nos écrans ? Essayons. Recherchons mon nom sur le site du Matin et sur celui du Temps. C’est pas trop mal ! On pourrait donc en conclure que notre ami Google est capable de nous extraire des deux sites mentionnés ci-dessus n’importe quel article qui aurait échappé à  notre marque-pages.

Minute, papillon ! Ne nous excitons pas ! Il ne faudrait pas oublier que les articles mentionnant ma modeste personne sont offerts en pâture aux moteurs de recherche dès la minute ou un blogueur (souvent moi, je dois l’avouer) fait un lien vers l’article. Les articles sur les blogs intéressent les blogueurs, c’est naturel, et ils bénéficient donc d’une visibilité artificielle dans les moteurs de recherche, pour des articles de quotidiens. Qu’en serait-il donc d’un article n’intéressant pas particulièrement les blogueurs, et qui n’aurait donc pas la chance d’avoir été indexé par Google ?

Regardons tout d’abord si les moteurs de recherche propres aux sites de ces quotidiens peuvent nous aider. Pour tester un moteur de recherche, rien de plus facile : on essaye tout d’abord avec des mots clés dont on sait qu’ils sont censés fournir un résultat (« Stephanie Booth », au hasard). Histoire d’être certaine de ne pas introduire des paramètres superflus avec mon navigateur Firefox pour Mac, j’ai même été jusqu’à  utiliser Internet Explorer sous Windows XP pour cette expérience. Résultat des courses :

  • 24 heures : moteur de recherche visiblement cassé ; en plus de nous gratifier d’un pop-up à  chaque requête, il s’avère incapable de nous retourner même un article pour le mot-clé « Lausanne ».
  • Le Matin : moteur de recherche également cassé (je pourrais également commenter longuement l’aspect visuel du site, mais ce n’est pas le sujet du jour) ; la recherche dans la base de données Swissdox, par contre, fonctionne.
  • Le Temps : le moteur de recherche fonctionne, mais lorsque l’on clique sur l’article, on nous annonce que l’accès à  celui-ci est payant ; oui, il s’agit bien du même article que celui auquel nous venons d’accéder gratuitement, en passant par Google ou par ma page presse.

Moralité : si Google ne peut rien pour vous, et il ne vous reste qu’à  faire un saut à  la BCU, chercher l’article sur microfilms, et commander des photocopies au tarif relativement modeste que vous pourrez ensuite scanner pour les envoyer par e-mail à  votre grand-mère ou votre petit ami vivant aux États-Unis.

Une chose me chicane concernant le site du Matin. Visiblement, tous les articles ayant été un jour en ligne le sont pas encore. S’ils ont été indexés par un moteur de recherche, on y accède facilement. Pourquoi diable rendre impossible leur accès via le site ? Qu’est-ce que l’éditeur y gagne ? On peut ne pas être d’accord avec la politique de 24 Heures, qui consiste purement et simplement à  ne pas garder en ligne des anciens articles, ou avec celle du Temps, qui part du principe que si l’on est trop bête pour utiliser Google, on n’a qu’à  payer pour voir les articles, mais il y a une logique derrière cette façon de faire. Les concepteurs du site comptaient-ils sur le moteur de recherche interne ? (Soit dit en passant, la présence de moteurs de recherche cassés sur des sites d’une importance régionale pareille en dit long quant au budget consacré à  ces sites, ou à  la compétence des personnes qui s’en occupent.)

Donc, Mesdames et Messieurs qui prenez des décisions concernant les sites Internet de nos quotidiens, je vous demande, en tant que blogueuse et sujet occasionnel de vos articles, de vous donner la peine de faire bien ce que vous faites déjà  à  moitié.

Laissez en ligne et libre d’accès les anciens articles. Souvenez-vous que s’il s’agissait de papier, ils n’auraient même pas la valeur de l’encre avec laquelle ils ont été imprimés. Demander SFr 3.80, plus encore que le prix du journal, pour pouvoir accéder à  un ancien article en ligne, c’est pour le moins excessif.

En 1998, Jakob Nielsen s’inquiétait de la quantité de liens cassés sur le Web, et rappelait à  ses lecteurs cet article de Tim Berners-Lee, l’inventeur du Web : Les URLs sympas ne changent pas. Ôter du Web un article qu’on y a mis ou le rendre inaccessible, c’est faire un magistral bras d’honneur à  tous ceux qui se sont donné la peine d’en parler en ligne, que ce soit pour le faire lire, le commenter, voire le critiquer. Est-ce ainsi qu’un quotidien veut traiter ses lecteurs, et ceux qui cherchent à  attirer l’attention sur les articles qu’il publie ?

Ensuite, permettez aux visiteurs de votre site (qui sont souvent des lecteurs ayant payé la version papier de l’article) de s’y retrouver facilement dans vos archives. Une organisation chronologique, des catégories, un moteur de recherche qui fonctionne… Est-ce trop demander ? Des milliers de blogs, mis en place et gérés par des amateurs ne déboursant pas un centime, le font très bien, et depuis plusieurs années. Les journaux ne sont-ils pas censés être les professionnels de l’information ?

Presse traditionnelle, il est temps de te réveiller et d’utiliser le Web correctement.

13 thoughts on “Archives en ligne de trois quotidiens romands: quel désastre [fr]

  1. Effectivement, en faisant mon séminaire de socio sur Iril et sa fermeture, j’ai déboursé la modique somme de 19.- pour 3 articles du 24 Heures, avec la Carte de Crédit que j’ai dû emprunter à  Séb… C’est la honte!!!

  2. You might like to comment on Edipresse’s infuriating web interface for navigating articles, as shown at http://epaper.femina.ch for example. If you can work it, let me know! The pages are all numbered 0 in the latest issue…. the sections are called NOSECTION…

  3. Les archives du Journal du Jura sont assez bien foutues, sauf quand on essaie d’y accéder depuis google actualités. Par contre, sauf erreur, elles ne sont pas du tout archivées dans les moteurs de recherche.

  4. Que les archives ne soient pas entièrement indexées par Google, c’est tout à  fait compréhensible — et pas si grave si le site du journal permet de s’y retrouver.

  5. Sans parler du nouveau format “e-paper” du Temps. Inutile, illisible, et vraiment vieillot !

    (Chouette votre blog, sinon)

  6. J’ai lu dans le Matin hier que Romandie.com allait lancer un service gratuit d’édition de blogs. La blogosphère romande risque donc enfin de décoller. Vois tu cela d’un bon oeil ??? Pierre

  7. En fait, je pense que la blogosphère Romande “personelle” se porte très bien. Il manque un peu de visibilité au blog “sérieux, pro, qui a un impact sur la société”, et ça, c’est gentiment en train de tourner (Lift06 y contribue, j’en suis certaine). Donc, si Romandie.com lance un plateforme de blogs, tant mieux! (tant qu’elle est bien et que ce n’est pas une sous-plateforme du point de vue technique et fonctionnalité…)

  8. Rectification: les archives du Journal du Jura ne sont plus disponibles gratuitement

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