My space is there to serve me [en]

A few weeks ago I was listening to this episode of Life Kit on keeping your house clean. Of course I was. Each passing day puts my failings in that department right under my nose.

A few things clicked for me while listening to the show. Beyond the 5-step method for dealing with an overrun living space (go by category: trash, laundry, dishes, things that have a place, things that don’t have a place), what resonated the most was the attitude towards housekeeping:

  • you do not exist to serve your space, your space exists to serve you
  • rather than viewing tidying as reactive, after-the-fact, view it as a proactive kindness to your future self.

Nowadays, my space is rarely overrun. It’s just permanently cluttered. There are hotspots where stuff accumulates. Drawers I never open (I wonder what lives in there). But it’s “functional enough“.

However, every time I travel, every time I visit a nice cosy café or office, I am put in touch with how much I yearn to be able to exist on a daily basis in a living space that does not breathe chaos. I don’t mean immaculate with not a book out of place – space must live and be lived in – but at least tidy. And with pretty stuff on display rather than in boxes or in my head, waiting for a future that never comes.

I like the idea that my space is there for me. It removes some of the weight. It makes it feel a bit more like my body. I don’t feel that taking care of my body is a chore. It’s something I do willingly because I’m aware of how my body serves me and I want it to be able to serve me well, so that I can go skiing, do judo, write blog posts, and simply, exist in it comfortably.

So with my space, then: it is there to participate in my sensory experience of the world. It is there to hold me, provide shelter and warmth and comfort to my existence, allow for the activities I want to do in it. This changes the mindset around cleaning and tidying. It becomes less about what I’m supposed to do, and more about how I want my space to be for me to exist inside of it.

Reframing tidying or cleaning as a proactive kindness heads in the same direction. I already had this idea of treating myself as I would a good friend. But something was still missing. It still felt like a kind of moral obligation. “I need to treat myself as well as I would treat a friend.” Yes, I would do my friend this service, do the dishes. I will take this weight off my friend’s shoulders. The missing link, as I understand it today, is that “doing the dishes” is not just some chore that exists in the void, or a consequence of living and eating. It is something I can do to help my space better serve me.

If I focus on how I want my space to serve me, doing the dishes takes on a different tone. For example, one way in which my space can serve (or “disserve”) me is through the experience it provides me when I get up in the morning, not very awake but very hungry, and want to get ready to go to work. Do I enter the kitchen to be bombarded with reminders of things yet-to-do (yesterday’s dishes, a messy table?) or on the contrary, do I enter a kitchen that feels like a new day, and maybe even has the bowl and knife and cutting board already out on the counter for preparing my breakfast?

The shift here is moving from “doing the dishes tonight so I don’t have to do them tomorrow morning” to “doing the dishes tonight so that my kitchen is ready to serve me well tomorrow morning”.

I’m at the chalet right now, and over the weekend I’ve experimented a bit with this. Yesterday for example, before sitting down to do a quick puzzle (I’ve fallen in love with Ravensburger’s “Puzzle Moment” series), I did the dishes and tidied the kitchen, not to “get it out of the way”, but because I understood that my relaxing moment with my puzzle would be more pleasant and relaxing with a kitchen ready for preparing lunch, rather than containing the remains of breakfast, and I wanted to offer myself that.

I feel like I am getting there. It’s less about what I’m supposed to do and more about how I want to shape the context of my fragile moments of existence.

De l’intention à l’action: mode d’emploi [fr]

[en] For people with executive dysfunction (ADHD for example) or when faced with particularly challenging tasks, it can really help to use some tools: make lists, decompose tasks in concrete actions, plan precisely when one is going to do a task and for how long.

Vous arrive-t-il d’avoir l’intention de faire quelque chose, sans réussir à passer à l’action de réellement « faire » ? C’est un problème courant pour les personnes qui ont une dysfonction exécutive (TDAH par exemple), mais cela peut aussi arriver à tout le monde, en cas de fatigue importante, surcharge mentale, de tâches particulièrement rebutantes au rébarbatives, de burn-out…

J’ai réalisé récemment en discutant autour de moi qu’il y a certains principes de base pour faciliter ce processus de passage de l’intention à l’action que beaucoup de personnes ne connaissent pas ou n’a appliquent pas, soit qu’elles n’en ont jamais eu besoin, ou qu’elles n’ont simplement jamais eu l’occasion de les apprendre.

Pour moi, voici les trois étapes de base:

  • Faire une liste des tâches à faire (il y en a généralement plus qu’une)
  • Décomposer la ou les tâches choisies en actions comportementales
  • Planifier quand et pendant combien de temps on va avancer sur une tâche.

Important: il faut mettre tout ça par écrit.

Voyons pour chacune de ces étapes pourquoi elles sont importantes, à quoi elles servent et comment s’y prendre.

1. Faire une liste

Cela peut sembler basique et inutile. Beaucoup de gens me disent “la liste elle est dans ma tête”. On ne s’en rend pas compte, mais le fait d’avoir cette liste qui se balade dans notre tête “prend de la place”, et peut aussi venir nous perturber au moment de nous mettre à l’action.

Le moyen le plus simple de faire une liste est de prendre un papier (ou une nouvelle note sur son téléphone ou votre ordi si vous préférez) et de simplement écrire, les unes sous les autres, les choses qu’on sait qu’on doit faire prochainement. Les petites, les grandes, peu importe l’ordre.

Ainsi, notre cerveau n’a plus besoin de “se souvenir” de tout ça (même si on a l’impression, à tort, que cela ne nous demande pas d’effort).

2. Décomposer la tâche en actions comportementales

Cette étape peut sembler peu naturelle voire superflue. Il y a en effet beaucoup de tâches au quotidien que l’on décompose en actions sans nous en rendre compte. Et pour beaucoup de personnes, cette étape est automatique. Mais si notre fonction exécutive est en vacances ou traine la patte (ou au lit avec une crève!), ça peut souvent bloquer à ce niveau sans qu’on s’en rende compte.

Donc, on choisit sur notre liste la tâche qu’on veut faire. (S’il y en a plusieurs, on fait ça pour une à la fois.) On se pose la question: “quelle est la première action que je dois faire pour accomplir cette tâche?” Voici quelques exemples:

  • changer les pneus de la voiture => appeler le garage pour prendre rendez-vous
  • faire mes impôts => chercher dans ma pile de papiers tous ceux dont j’ai besoin pour les impôts (ou peut-être: faire une liste des différents documents dont j’ai besoin pour les impôts)
  • ranger le salon => ramasser les différents objets qui trainent par terre
  • faire la vaisselle => me lever du canapé et aller à la cuisine

Il ne faut pas hésiter à définir un très petit “premier pas” pour sa tâche. Parfois, ça peut sembler ridicule: “m’asseoir à mon bureau”. En fonction de la tâche (et des gens), il est nécessaire de faire des premiers pas plus ou moins petits.

Ce premier pas doit être très concret. Par exemple, ci-dessus, on a “appeler le garage pour prendre rendez-vous” et pas juste “prendre rendez-vous”. Suivant la situation, peut-être que le premier pas est même “chercher le numéro de téléphone du garage”.

Cette décomposition diminue le travail mental nécessaire pour “comment” faire une tâche et nous laisse donc avec plus d’énergie pour “faire”: il n’y a qu’à commencer avec le premier pas. On va donc mettre par écrit ce premier pas pour la tâche que l’on souhaite faire.

3. Planifier quand et combien de temps

Parfois les gens font assez bien les deux première étapes et brûlent cette troisième: j’ai ma liste, j’ai bien mis mes tâches sous forme d’actions, mais je n’ai quand même pas fait ce que je voulais faire aujourd’hui!

Faire une tâche, cela consiste à commencer à un certain moment, s’y atteler pendant un certain temps, puis arrêter (soit qu’elle est finie, soit qu’on passe à autre chose). Il est donc utile de planifier quand dans le déroulement de notre journée on va faire telle ou telle chose. Sinon, cela veut dire qu’on compte sur notre présence d’esprit, alors qu’on est pris dans l’instant présent de notre journée, pour nous dire “hah! maintenant est le bon moment pour appeler le garage!” – et réalistement, pour une tâche que l’on peine à accomplir, il y a peu de chances que ça se produise.

Une fois la tâche choisie et décomposée, on va donc décider quand on va la faire, ou du moins quand on va faire le premier pas. On va aussi prévoir une certaine quantité de temps pour ça (prévoir large! ce n’est pas grave s’il y a trop de temps, mais plus embêtant s’il n’y en a pas assez). Par exemple:

  • appeler le garage pour prendre rendez-vous pour les pneus: demain à 10h30, je prévois 20 minutes (ces petits appels c’est toujours plus chronophages que ce qu’on croit)
  • ranger le salon: samedi à 9h30, je commence par ramasser tout ce qui traine au sol, et je continue pendant 1h

On va noter ces plages consacrées à des tâches dans notre calendrier comme s’il s’agissait d’un rendez-vous. Cela aide à rendre visible le fait que durant ce temps, on n’est pas disponible pour autre chose.

Si vous n’utilisez (encore) pas de calendrier, vous pouvez simplement mettre par écrit le plan de votre journée sur une feuille:

  • 9h réveil, douche, petit-déjeuner => 10h
  • 10h30 appeler garage => 10h50
  • 11h30 préparer à manger => 12h00
  • etc

Le fait de préparer le déroulement de sa journée la veille augmente les chances qu’on réussisse à s’y tenir.

FAQ et objections

Je complèterai cette section en fonction des retours et commentaires.

Faire une liste augmente mon stress

Si on fonctionne un peu en mode “tête dans le sable”, le fait de mettre les choses par écrit peut effectivement faire monter le stress dans un premier temps, parce que la liste nous oblige à nous confronter à ce qu’on évite généralement de regarder.

Mais une fois les choses par écrit, on va se rendre compte que ça libère de la place dans notre tête – et de l’énergie (garder la tête dans le sable prend de l’énergie). Et identifier ce qu’on a à faire est une première étape requise pour avoir une chance de le faire avant d’avoir le couteau sous la gorge.

Je fais des listes mais ensuite je ne les regarde plus

Travailler avec une liste, comme toute stratégie de compensation, est une habitude à prendre. Si vous avez tendance à faire des listes qui ensuite disparaissent dans un trou noir, il vaut la peine de vous arrêter quelques instants pour réfléchir à comment vous allez intégrer la cette liste dans votre quotidien, et aussi sur quel support vous allez avoir moins de chances de la perdre ou de l’oublier.

Par exemple, un cahier est plus difficile à égarer qu’un post-it. Donc peut-être que pour certaines personnes, avoir un joli “cahier de tâches” ou “cahier de planification” est une solution. D’autres personnes préfèrent le numérique: peut-être qu’une note dans le téléphone sera plus appropriée (attention au piège de la recherche du “parfait outil” numérique, qui peut devenir simplement un autre moyen de procrastiner; si vous êtes là-dedans, retour au papier pour un temps).

Au début, cela peut être utile de prévoir un petit moment chaque jour pour regarder sa liste et préparer sa journée du lendemain (15 minutes). Comme pour les autres tâches, c’est quelque chose à noter dans son planning. Réfléchissez à votre routine de fin de journée pour voir où vous pourriez insérer cette nouvelle activité.

Je veux garder mes jours libres et ne pas tout planifier!

Attention! il ne s’agit pas de remplir le calendrier du matin au soir avec des choses à faire, mais de rendre visible quand vous allez faire une tâche spécifique. Il peut y en avoir plusieurs dans la journée, et avec l’entrainement on peut en arriver à planifier un déroulement complet de journée, avec les pauses et les moments “ouverts”, mais si vous commencez tout juste avec ce genre de chose, ne blindez pas votre journée.

Il faut toutefois garder en tête que quand on a du mal à passer à l’action, planifier peut être le prix à payer pour pouvoir surmonter ça. Cela ne signifie pas qu’il faut le faire du matin au soir et tous les jours. Mais si on insiste à refuser de planifier, le prix qu’on paie est peut-être qu’on… ne fait pas grand-chose de ce qu’on souhaite – ou doit – faire.

Je n’ai pas besoin de faire tout ça, quand il y a un truc à faire je le fais, point

Quelle chance! Les cerveaux fonctionnement différemment, et tout le monde n’a pas la même facilité pour “faire”. Cette facilité (ou difficulté) peut aussi évoluer au cours de la vie, et en fonction des périodes. Donc si vous n’avez pas besoin de faire de listes, de décomposer des tâches ou de planifier pour faire ce que vous voulez faire, tant mieux. Ces stratégies s’adressent aux personnes pour qui ça ne se fait pas “automatiquement”.

Je décompose mes tâches mais j’ai toujours l’impression d’être face à une montagne

Il est possible que vous ne fassiez pas des “pas” assez petits. Si la résistance est grande pour une tâche donnée, ou si on décompose mais que ça ne “marche” toujours pas, cela vaut la peine de voir s’il y a une plus petite “première action”. Cela peut être aussi bête que: m’asseoir à mon bureau.

Si le problème est qu’après la première action, on coince, alors cela peut aider de préparer les quelques actions suivantes, assez pour réussir à être “dedans” (souvent, une fois qu’on a réussi à commencer, c’est beaucoup plus facile de continuer). Donc on pourrait avoir: m’assoir à mon bureau => allumer l’ordinateur => ouvrir Word => mettre la date, l’adresse => écrire une première phrase.

Aussi, si votre tâche est quelque chose qui va vous prendre des heures et des heures, il peut être utile de la “saucissonner” en plusieurs sous-tâches. Par exemple: ranger le salon = ramasser les objets qui trainent par terre + ranger le coin à sacs + ranger ce qui est sur la table + arroser les plantes et ôter les feuilles mortes + faire la poussière de la bibliothèque + passer l’aspirateur.

Est-ce qu’il faut décomposer toutes les étapes nécessaires pour faire la tâche?

Il n’est pas forcément nécessaire d’aller au-delà du “premier pas”, mais ça peut aider de mettre aussi par écrit les quelques actions qui suivront la première (cf. exemple ci-dessus). Par contre, essayer de décrire en détail toutes les actions nécessaires jusqu’à la fin de la tâche est probablement un très bon moyen de se noyer. Généralement, une fois qu’on est dans l’action, il devient plus facile de “voir” ce qu’on doit faire.

Si on a beaucoup de soucis de distraction, alors c’est un problème un peu différent que simplement avoir du mal à initier une tâche (ce dont il est question ici), et dans ce cas peut-être qu’avoir une feuille de route plus détaillée pour l’accomplissement de la tâche est utile.

Body doubling: mode d’emploi [fr]

[en] I've done body doubling for years before learning it was a coping strategy for ADHD.

Pour les personnes qui aiment ça, j’ai fait une rapide (10 min) vidéo sur facebook pour expliquer ce que c’est le body doubling et comment le faire.

Le principe du body doubling est assez simple: il est plus facile de “faire” quand on est accompagné. C’est un peu le principe du “soutien moral”: je viens te tenir compagnie pendant que tu ranges tes habits ou les cartons qui moisissent au fond de la cave depuis des années.

Personnellement, j’ai pratiqué ça pendant des années avant de découvrir que c’était une stratégie de compensation répertoriée pour le TDAH. Evidemment, pas besoin d’avoir un TDAH pour en bénéficier: si vous êtes pas motivé, fatigué, face à des tâches particulièrement difficiles ou coincé à procrastiner, ou simplement, si vous voulez alléger un peu le fardeau de certaines tâches, c’est un très chouette outil.

Il y a quinze ans, je faisais ça sous forme de ce qu’on appelait à l’époque “buddy working“, avec une amie en particulier. On était les deux indépendantes. On se retrouvait sur Messenger le matin on papotait cinq minutes pour se dire bonjour, on disait chacune quelles étaient nos tâches/objectifs pour l’heure à venir, et hop, on se mettait au travail chacun de notre côté et on revenait à l’heure suivante pour faire un petit point de situation: j’ai fait ci, et toi, moi je suis restée coincée sur cela, ce truc en fait ça prend vachement plus (moins) de temps que je pensais, bravo, courage, etc. Et on repartait pour un tour.

Autour de cette époque, j’avais aussi organisé des “journées à thème“, un peu comme des ateliers de travail virtuels, pour avancer avec d’autres personnes sur des choses comme nos sites professionnels, notre administratif, et même nos sauvegardes. Les choses qu’on remet toujours à plus tard. J’avais compris, intuitivement, qu’un peu de structure et de compagnie ça aidait à “s’y mettre”. J’ai aussi, au fil des années, sollicité des copines pour venir me “soutenir moralement” pendant que je rangeais, trouvé un pote avec qui faire nos recherches d’emploi en tandem quand on était au chômage, etc. C’est aussi pas pour rien que je me suis investie dans le coworking.

Bref, ça a un nom, je l’ai appris relativement récemment: le body doubling. C’est bien que ça ait un nom, parce que ça en fait un “truc” dont on peut parler plus facilement. On peut dire “je cherche quelqu’un pour faire du body doubling dimanche matin”. C’est plus simple que de tenter d’expliquer.

Donc, concrètement, c’est quoi, le body doubling?

C’est avoir quelqu’un qui, d’une façon ou d’une autre, nous “tient compagnie” pendant qu’on fait des choses. La personne ne nous aide pas. La seule aide qu’elle nous apporte c’est sa présence, et peut-être un tout petit peu de contact social. Mais à la base, elle n’est pas là pour “faire avec nous” (même si c’est une variante possible).

A ce stade, je vois trois variantes possibles:

  • le body doubling “pur”
  • le body doubling “en tandem”
  • le body doubling “aidant” (ou “donnant-donnant”)

Quelle que soit la formule, il y a quelque chose dans la présence de l’autre et le cadre de temps que cela impose qui aide à se focaliser sur la tâche à faire. On part aussi du principe que chacun est autonome dans ses tâches: on sait ce qu’on veut faire, ou du moins on a une série de possibilités devant soi, et chacun prend en charge et est responsable de son avancement. L’autre n’est pas là pour nous prendre par la main, juste pour être une sorte de témoin de notre activité.

La présence peut être physique, ou par visio, ou par messages (éventuellement par téléphone, dans certains cas de figure).

Body doubling “pur“: l’autre personne est simplement présente, elle tricote ou lit son bouquin, elle est dans la même pièce ou à côté, ou bien au bout d’une visio.

Body doubling “en tandem“: chacun a des choses à faire et sert de “double” à l’autre. C’est la formule que je pratique le plus.

Body doubling “aidant“: dans cette version, le “double” participe à la tâche de la personne, en aidant, en faisant avec (rangement par exemple), en donnant des idées, aidant à résoudre des problèmes. Souvent, il y a réciprocité, avec inversion des rôles: “donnant-donnant”. Suivant le degré d’implication, on glisse hors du body doubling et on se retrouve dans de l’aide tout court.

D’après ce que je peux voir, il n’y a pas encore vraiment de recherche solide sur l’efficacité de cette technique, ni sur le mécanisme exact qui la rend efficace. Mais on a probablement à peu près tous expérimenté ça une fois ou l’autre (“oui mon chéri je vais m’asseoir avec toi pendant que tu fais tes devoirs”) et je crois que c’est assez clair que c’est quelque chose qui marche.

En fait, je pense que c’est une technique puissante qui est desservie par sa banalité. C’est tellement simple qu’on ne pense pas forcément à l’utiliser activement, à la considérer comme un véritable outil, et on sous-estime à quel point elle peut avoir un impact. Lui donner un nom, ça aide à lui donner plus de place. (En passant, il y a même maintenant des sites, comme Focusmate, qui aident les gens à trouver un partenaire de body doubling. Jamais testé, mais ça existe!)

La semaine dernière, j’ai commencé à faire des séances de body doubling avec quelqu’un que j’ai rencontré sur facebook. On avait les deux des tâches de rangement ou ménage à faire – ça tombait bien que c’était le même genre de tâche, mais ce n’est pas obligatoire. On a donc fait toute une série de séances de body-doubling, certains matins de 10h à 11h30. Et on a prévu de continuer. On se retrouve sur Messenger à 10h, on échange 2-3 mots pour se dire bonjour, on dit ce qu’on a prévu de faire, on s’y met, on fait un point de situation à 10h30, etc. Et à 11h30, on a déjà coché une série de choses sur notre liste, et on part continuer notre journée chacune de notre côté.

En plus d’être utile (on avance et on fait), c’est aussi sympa!

SOS mites alimentaires: vive les bocaux! [en]

Depuis plus de 20 ans que je vis dans un immeuble où les mites alimentaires circulent régulièrement dans la ventilation passive entre les cuisines, et ayant eu droit à une ou deux invasions mémorables par ma faute, j’ai “un peu d’expérience” en la matière. Cet article rassemble donc mes conseils à ce sujet.

La clé c’est de mettre tous les aliments susceptibles d’intéresser les mites dans des bocaux ou des boîtes hermétiques. Je sais, c’est très enquiquinant, j’ai longtemps résisté à l’idée, mais à chaque fois que j’y ai dérogé, je l’ai regretté. Même les emballages neufs ne sont souvent pas hermétiques (le riz et les pâtes dans les emballages carton par exemple). Et… les mites peuvent aussi entrer dans notre cuisine via les aliments contenus dans ces emballages (surtout si c’est bio, vrac, etc…). Il ne faut pas sous-estimer non plus à quel point elles peuvent aussi rentrer dans des emballages plastiques qui nous semblent hermétiques.

Valeur sûre: bocaux KORKEN chez IKEA ou similaires chez Landi. Prendre différentes tailles, des gros aux petits. Pour ranger les emballages neufs j’aime ce type de boîte IKEA 365+, à prendre aussi en différentes tailles.

De quels aliments on parle? Tout ce qui contient des céréales ou des fruits secs: biscuits, pâtes, farine, riz, lentilles, épices, noisettes moulues… En gros, tous ces machins secs qui se conservent longtemps. On en a aussi vu dans le café, le chocolat, les croquettes pour chat, et même le sucre (elles étaient peut-être perdues). Bref, moi je trouve plus simple de considérer que ça concerne tout ce qui n’est pas dans une boîte de conserve.

Pour moi, tout jeter est inutile, c’est surtout du gaspillage. Par contre, tout sortir placard par placard, inspecter, mettre en boîte ou bocal, donner un coup au meuble, oui. On trouve des fois des asticots qui se baladent sur les étagères (contrôler aussi la face du dessous!) et des mites planquées un peu partout. Elles peuvent pondre aussi dans le bois des meubles… Difficile donc de s’en débarrasser complètement, d’où l’intérêt de les priver entièrement d’accès à toute source de nourriture possible, en isolant les aliments. Il vaut mieux dépenser son argent à investir dans des bocaux et boîtes qu’à refaire tout son stock.

Les pièges à mites (à phéromones) sont d’une efficacité limitée. Alors certes, ça peut peut-être aider à évaluer la gravité d’une infestation, mais ça peut aussi attirer les mites d’ailleurs, si l’infestation principale est chez un voisin, par exemple. Personnellement cela fait bien dix ans que j’ai arrêté d’en mettre. Une autre chose à laquelle je fais attention: ne pas ouvrir la fenêtre de la cuisine de nuit en été, encore moins avec la lumière allumée. Elles rentrent!

Ma dernière infestation en date, cet été je crois, c’était un emballage de risotto bio encore fermé. J’étais devenue une peu insouciante avec les années, et j’avais aussi des emballages de pâtes en carton fermés que je n’avais pas mis en boîte. Ils ont été touchés. Heureusement, comme tout le reste de mes réserves était en bocaux ou en boîte, les dégâts ont été minimes et le nettoyage a été réglé en une heure. Mais on ne m’y reprendra plus.

En résumé: il faut isoler la nourriture, mettre en bocaux ou en boîtes hermétiques, même si l’emballage d’origine semble bien fermé. Tout le reste est secondaire, donc mettons notre énergie là où ça servira le plus!

Saisir une envie pour avancer dans des tâches moins motivantes [en]

Il y a six mois environ, je faisais le constat que parfois, quand j’étais motivée à faire une tâche, mais que je me disais “ah je vais juste faire ça avant!” j’arrivais à être vraiment très productive. Et je me demandais comment contrôler ça, ou le reproduire. J’ai peut-être trouvé la clé.

Par exemple, l’autre jour j’avais envie de boire une ovo (je le fais souvent le soir). J’ai sorti le mug, tendu le bras pour l’ovo et… je me suis arrêtée net en regardant la vaisselle dans l’évier. Je me suis dit “yes je vais me faire mon ovo mais je vais faire la vaisselle avant, comme ça l’ovo viendra faire ‘récompense’ après la vaisselle” (état d’esprit “renforcement positif” toujours). J’ai fait ça.

Et je pense que ce qui se passe dans ces situations où je veux faire un truc de ma liste de choses à faire mais où je me dis “ah, mais je vais juste faire cet autre truc avant”, c’est que vu que je suis dans une situation où je suis motivée à faire ce truc de ma liste, il y a une impulsion, donc limite un besoin à satisfaire, eh bien faire ce truc, ça va donc être “libérateur”. 

Vous voyez ce que je veux dire? Quand on sent vraiment l’envie-pression-impulsion de faire un truc, et qu’on le fait, on se sent bien, non? Et du coup, ce truc prend un rôle de récompense. Là, c’est une carotte qui tire vraiment en avant, et pas qui menace de disparaître. Je veux ce truc, et j’avance dans sa direction, mais en chemin je peux glisser d’autres trucs à faire pour profiter de cette énergie qui avance, pour autant que ce soit des choses qui semblent “terminables”, et je vais les liquider pour pouvoir arriver à la carotte. Et à la fin, j’aurai la satisfaction de manger la carotte – ou de boire mon ovo.

Donc, concrètement, pour reproduire ce phénomène: il faut avoir sous la main quelque chose qu’on a envie de faire et pour lequel on ressent une impulsion, une traction. Genre, j’ai envie de regarder ce film. Ou j’ai envie de faire la vaisselle (sait-on jamais, il y a des gens qui aiment). Ou j’ai envie de ranger ce truc. J’ai envie de faire cette tâche qui est sur ma liste au travail. Il faut pas juste que ce soit une envie de la tête, c’est pour ça que je parle “d’impulsion”, d’une pression intérieure qui nous pousse vers la chose en question, cette “tâche-cible”. Genre “je vais limite pas pouvoir m’empêcher”.

Et une fois qu’on tient cette tâche-cible, l’idée est de ne pas se jeter dessus tout de suite, mais tout en le gardant dans le collimateur, choisir une autre chose qu’on aimerait liquider avant et “vite juste le faire avant“. 

On tire ainsi parti de la focalisation de l’attention sur la tâche-cible, en lui mettant momentanément des rênes pour aller dans la direction qu’on souhaite, avant d’arriver au but qui va la satisfaire.

Depuis 2-3 jours que j’ai compris ça, j’essaie de le mettre en pratique. J’attrape au vol mes “envies de faire”, et je les suspends momentanément en insérant avant la tâche-cible quelque chose que je veux/dois faire. La tâche-cible, elle peut être petite ou grande, importante ou pas, c’est pas très grave. Ça peut être “manger un chocolat” ou “enfin je suis décidée à faire ma compta”. Ce qui compte c’est l’envie de s’y mettre.

Pour moi cette clé est étroitement en lien avec ma prise de conscience récente sur comment bien utiliser les récompenses pour me motiver, mais pas tant avec la procrastination structurée, même si en surface il peut sembler y avoir des similarités: ici, il s’agit d’utiliser la tâche qu’on repousse pour se tirer en avant, et non de “meubler” pour pouvoir l’éviter.

Je vois aussi un lien avec une des caractéristiques de la méthode “Final Version” de Mark Forster (voir aussi ce descriptif), le fait de créer des chaînes de tâches justement en se demandant “quelle autre tâche est-ce que j’ai envie de faire avant celle-ci?” Il fait d’ailleurs référence à la procrastination structurée comme source d’inspiration.

Une autre notion à laquelle ça me fait penser, c’est celle des “open loops” de l’effet Zeigarnik: l’engagement dans une tâche crée une motivation d’achèvement. En fait, c’est exactement ça qu’on exploite, ici. “Avoir envie de s’y mettre”, c’est déjà s’engager dans la tâche.

Moralité: être aux aguets pour les “tâches-cibles” ou “envies-cibles” qui peuvent être exploitées comme moteur pour “vite juste faire avant” d’autres choses.

Comment me récompenser efficacement (sans carotte) [en]

Il y a quelques temps, genre avant l’été je crois, on me suggérait, pour certaines choses que j’avais du mal à faire, de me récompenser. Ma réaction classique devant ce genre de proposition a fusé: pas question, avec moi ça ne marche pas, parce que la récompense, si j’en ai envie, je me l’octroie d’office, que j’ai fait ou pas, que je “mérite” ou pas, et les carottes ça tue la motivation intrinsèque, de toute façon.

Mais ça m’a trotté dans la tête, cet échange, durant les semaines qui ont suivi. Et un jour, face à une de ces tâches pour lesquelles j’aurais pu imaginer tenter de me “récompenser”, j’ai réalisé que je regardais cette histoire de récompense par le faux bout. Il ne s’agit pas de me récompenser si je fais la chose, mais parce que je l’ai faite.

Deux choses ont alimenté cette prise de conscience:

  • en training avec des animaux, on récompense les comportements désirés pour les renforcer
  • Dan Pink, dans son livre Drive, que j’avais lu avec grand intérêt à l’époque, racontait qu’il fallait utiliser des récompenses “parce que… donc” au lieu de “si… alors” pour motiver les gens (au lieu de “si on bosse bien alors on fera une fête”, tenter “on a bien bossé donc on va faire une fête” – vous sentez la différence immédiate que ça fait?)

Tout ça est venu ensemble: si la récompense est brandie comme une carotte, là clairement pour moi ça ne marche pas. “Allez, si tu fais xyz alors je te donnerai la jolie carotte.” Ça ne marche pas, parce que moi si je veux la carotte je vais la prendre toute seule, condition ou pas. 

Ce qui me rebrousse-poile dans ce scénario c’est la condition, qui implique une menace de rétribution/privation/punition en cas de non-compliance, en fait: si tu fais pas xyz alors je ne te donnerai pas la jolie carotte, tant pis pour toi!

Et moi, là, je prends la carotte et je la mange ostensiblement sans avoir fait xyz, majeur en l’air.

Donc me dire, allez, si je fais ça je m’octroie un truc sympa, c’est limite comme si je préparais un moyen de me punir quand j’échouerai à le faire.

Par contre, l’idée de rajouter un truc sympa après avoir fait un truc un peu chiant pour me féliciter/récompenser de l’avoir fait, après coup, ça me parle. Eh, j’ai fait xyz! Allez, pour marquer le coup, renforcement positif, je vais manger une bonne petite carotte. Et en faisant ça, mon cerveau fait une association “xyz => carotte” qui rend xyz plus agréable et moins aversif, et augmente mes chances de refaire xyz à l’avenir.

Tout comme, si le chat reçoit une friandise alors qu’il est monté sur la table, on augmente les chances qu’il monte à la table à nouveau.

J’ai fait ça avant-hier. J’avais fini de manger, et j’avais envie de taper dans les excellents caramels à la crème (fleur de sel des Alpes, siouplaît) qui attendaient au fond de mon tiroir. Mais je n’avais pas fait la vaisselle. Donc je me suis dit, allez hop, je fais vite la vaisselle, et après je vais savourer mes trois petits caramels, avec une tasse de thé en bonus. J’ai vite fait ma vaisselle, puis savouré tranquillement mes caramels et mon thé.

Ce qui est clair par contre, c’est que si je n’avais pas du tout envie de faire ma vaisselle, et que je m’étais dit “hmmm, qu’est-ce que je pourrais m’offrir de sympa pour me motiver à faire ma vaisselle?” (état d’esprit: comment je me corromps, quelle carotte je brandis), ça n’aurait pas marché. Ça aurait même été contre-productif, l’idée qu’il faut “mériter” son plaisir me rendant très grinche.

Et aujourd’hui, il se passe un truc intéressant. Je lorgne sur les trois derniers caramels du paquet. J’ai failli tendre la main et les prendre. Puis je me suis dit, me souvenant de mon agréable moment thé-caramels: ok, en fait je vais d’abord écrire l’article de blog que je procrastine depuis hier, je vais faire la vaisselle, faire un saut au magasin pour faire les courses de la semaine, faire quelques pas dehors comme me l’a ordonné la médecin, puis je m’installerai sous une couverture avec un thé, les caramels, et un podcast…

Fenêtre de tolérance émotionnelle: comment me ressourcer? [en]

Mon retour d’Inde a été (est?) difficile. Aujourd’hui ça va – en fait, depuis une petite semaine, “ça va”. La semaine dernière j’ai galéré, par contre. Et depuis, je réfléchis pas mal, non pas à ce qui fait ou a fait que ça va pas, mais à ce que j’ai fait, ou comment ça se fait, que j’ai réussi à me sortir du fossé où j’étais embourbée.

En fait, à un moment donné, je me suis souvenue que j’avais une boîte à outils (cognitive) pour faire face au type de situation où j’étais coincée. Je l’ai mise en action, et ça a tout de suite été mieux – même si évidemment, globalement, ceci reste une période difficile. C’est un schéma que je connais, à part ça: aller mal et n’avoir plus aucune conscience qu’on sait faire des choses pour aller mieux. La boîte à outil n’existe plus, comme les légumes au fond du bac en bas du frigo. Si je le vois pas, c’est pas là.

J’ai eu une discussion fort enrichissante lors de ma séance en début de semaine à As’trame. Petite parenthèse, cette fondation ne s’adresse pas qu’aux enfants, et en ce qui me concerne je suis enchantée par leur accompagnement. Si je devais résumer cette discussion, pour ce qui nous intéresse ici, elle portait sur l’idée de la fenêtre de tolérance émotionnelle, et sur identifier les choses qui me ressourçaient.

La métaphore de la fenêtre de tolérance émotionnelle (window of tolerance) est intéressante et me permet de mettre des mots sur quelque chose que j’avais de la difficulté à exprimer jusque-là. Ce sentiment de ne pas avoir “d’amortisseurs”, ou de rouler sur les jantes, les pneus usés jusqu’à ne plus être là, et donc de ne pas avoir la capacité à faire faire ou “gérer” les événements un peu contrariants de la vie.

L’idée est la suivante (si vous googlez vous allez trouver ce concept proposé en 2019 à un peu toutes les sauces, y compris pseudoscientifiques; j’ai mis deux liens plus haut qui me semblent pas trop mal): il y a une zone dans laquelle on arrive à réguler correctement ses émotions. C’est la fameuse “fenêtre”. Hors de cette zone, on n’arrive plus, ou pas assez bien, on peut avoir le sentiment que l’émotion prend le dessus et on tombe soit d’un côté “hyperactivation” (crise de colère ou de panique par exemple, “ON”), soit “hypoactivation” (dépression, engluement… “OFF”). La largeur de cette fenêtre peut être variable selon les individus (merci la loterie et les aléas de la vie) et aussi selon les périodes, suivant ce qui nous arrive. J’ai trouvé un article avec des illustrations/schémas un peu parlants.

Donc là, clairement, je suis dans une période où ma fenêtre de tolérance émotionnelle n’est pas très large. Ma tolérance au stress ou aux contrariétés est très limitée. Il suffit de pas grand chose pour que je “dégringole”. Clairement, un deuil, ou la réactivation de celui-ci, ça fait rétrécir la fenêtre. Avec le temps, mais aussi avec certaines activités, elle va tranquillement s’élargir. Mais ce n’est pas un processus linéaire.

La question suivante c’est donc: quelles sont les choses qui, pour moi, permettent d’élargir cette fenêtre? En somme, les choses qui me ressourcent? J’avais toujours eu du mal avec cette question, “qu’est-ce que tu fais pour te ressourcer”, parce que je ne comprenais pas bien ce qu’on entendait concrètement par “se ressourcer”. Maintenant, si on dit “se ressourcer = élargir la fenêtre de tolérance”, ça me parle beaucoup plus. (On pourrait discuter: est-ce élargir la fenêtre, ou revenir dedans quand on en est sorti? et est-ce qu’on y revient de la même façon si on a filé du côté “hypo” ou “hyper”? Laissons ça de côté pour le moment.)

J’ai donc commencé à faire un inventaire de ces activités. L’une d’entre elles, un peu surprenante, c’est de faire un puzzle, par exemple. La semaine passée j’ai eu une impulsion soudaine de démarrer un puzzle, et quelques heures après je me sentais déjà bien mieux. Pourquoi? Que s’est-il passé? Comme je le comprends, j’étais dans un état émotionnel qui n’était pas gérable pour moi. Je ne voulais plus sentir ce que je sentais parce que c’était “trop”, et je n’arrivais pas à en faire quoi que ce soit si ce n’est rester bloquée dans une spirale descendante. En faisant un puzzle, je sors de cet état “figé”, parce que c’est une activité facile pour mon cerveau, qui demande de la concentration mais qui est très rentable niveau gratification: les couleurs, le toucher, et surtout, trouver deux pièces qui vont ensemble! C’est donc une activité qui me demande très peu d’effort à initier, qui est active, gratifiante, et m’aide à prendre de la distance avec mes émotions.

Sinon, clairement, les activités sportives “intenses” comme le judo, le ski, la voile dans certains contextes, ça permet d’une part de me dépenser physiquement (et les émotions… c’est physiologique!) et en faisant une activité qui m’oblige à y consacrer mon attention. Quand je suis en train de combattre au judo, je laisse toutes mes préoccupations du moment au vestiaire. Je n’y pense pas une seconde. En combat, on ne peut pas être distrait: on se fait tourner. Et avec les années (30 ans bientôt) il y a un ancrage qui se fait: personnellement, dès le moment où je me change et où je suis sur les tapis, je suis, par habitude, en “mode judo”. Le ski, comme j’aime skier, vite, c’est similaire. Si je ne suis pas ultra concentrée, je risque la chute. Je suis donc 100% concentrée sur ce que je fais, ma trajectoire, les sensations corporelles, etc.

Marcher en montagne ça le fait aussi, être dehors, dans la nature, avec de grands espaces autour de moi. Un bain chaud, un massage, un hammam, les bains thermaux – plus directement corporel, mais ça le fait. Ecrire, évidemment, et aussi les moments de lien et de partage véritable, où je peux être entendue. Un peu de méditation, une turbo sieste, de la relaxation. Il y en a peut-être d’autres mais maintenant que j’ai compris de quoi on parle, je vais enrichir mon inventaire.

Il y a des activités que j’aime mais qui ne me ressourcent pas, ou pas toujours. Le chant par exemple, ou voir du monde. Les jeux de société, j’adore, mais après je suis épuisée dans la tête. Faire à manger, j’aime mais ça ne me ressource pas. Ça fait quelques années que j’ai mis ensemble que le fait d’aimer quelque chose ne signifie pas qu’on se “ressource” ou qu’on en sort en étant “mieux” après. Avant, je n’avais pas fait ce lien. C’est important.

Aujourd’hui j’ai une journée assez libre devant moi, et je réalise, en contraste avec mes journées tranquilles au Rajasthan, que j’ai du mal à vraiment ralentir, me poser et “débrancher” (mon cerveau des soucis de la vie). Et je me demande pourquoi. Et j’ai une piste. Ici, je n’arrive pas à ne pas avoir en tête la liste interminable des choses que je devrais ou pourrais faire. Il y a la poubelle à vider, un peu de vaisselle à faire, la lessive, le coin du couloir à ranger, la valise à finir de ranger, l’autre coin ici à ranger (en gros tout l’appart est à ranger), faire des choses pour décorer mon lieu de vie et le rendre plus accueillant, chaleureux et agréable, du courrier à ouvrir, des photos à regarder et avec lesquelles jouer (je n’aime plus dire traiter ou trier), quelques soucis sur mon site web à gérer, des vidéos à faire pour Diabète Félin, une pile de documents à compléter, je pourrais sortir faire une promenade, ah oui descendre au bord du lac voir le bateau après tout ce gros temps, faire les courses, planifier les prochaines vacances, regarder ma série, aller au cinema, pourquoi pas, enfin commander les cartes de crédit avec cashback dont m’a parlé mon père, organiser une après-midi jeux de société, réorganiser les armoires de la cuisine, les habits pour la saison froide, acheter ou louer des skis… Ça vous fatigue, tout ça? Eh bien moi aussi.

Donc, même quand j’ai décidé de prendre une journée tranquille pour me relaxer, je n’arrive pas à ne pas “voir” tout ça. Je lutte contre une paralysie du choix, soit je fais des trucs utiles et je me suis pas ressourcée, soit j’essaie de me ressourcer mais je culpabilise de ne pas avoir avancé sur toutes ces choses que j’ai à faire.

Au Rajasthan c’était simple. J’étais en vacances, physiquement loin. Sur le menu, je pouvais: prendre des photos, sortir me balader, m’étendre sur mon lit en écoutant un podcast si j’étais pas trop en forme, regarder mes photos, écrire, attendre le repas suivant…

Je pense qu’il me manque des outils, par là, ou que je n’ai pas encore bien trouvé comment adapteur ceux que j’ai à cette situation. Je sens que c’est à chercher en direction de la restriction – je fais ça quand j’ai une “obligation de productivité” et que je n’arrive pas à démarrer sur quoi que ce soit: au lieu d’essayer encore et encore, je me donne 15 minutes avec timer pour essayer, et si ça ne marche pas, je laisse tomber jusqu’à l’heure suivante (ou la journée suivante, la semaine suivante). Donc là, pour créer un contexte où je me sens plus libre de faire des activités ressourçantes, inventorier/limiter les activités productives que j’ai le droit de faire dans la journée? Je réfléchis à haute voix en écrivant, c’est gentil de me tenir compagnie.

Aujourd’hui par exemple: la lessive et les courses, c’est assez obligatoire que je les fasse. Et les poubelles. Ce week-end il faut que j’ouvre mon courier et probablement que je fasse un peu d’administratif. Les autres choses, même la valise éventrée dans ma chambre à coucher, ça peut attendre. Le bateau, ce serait quand même bien que j’y passe. Samedi je suis au chalet toute la journée pour m’occuper du jardin avec mon frère. Donc je pourrais dire, aujourd’hui je fais la lessive, les courses, les poubelles et je fais un crochet au bateau en allant aux courses. Dimanche, je fais 1 à 2h d’admin et c’est tout. Et le reste du temps, je n’ai pas le droit de faire des choses “productives”. Ça me stresse, l’idée de procéder comme ça, je vous dis pas! C’est pas évident de trouver l’équilibre entre “j’ai besoin de faire des activités qui me ressourcent” et “j’ai besoin de diminuer ma pile de “je devrais” pour me sentir moins stressée et sous pression.

Sur ce, je vais chercher une photo sympa et sans rapport pour illustrer cet article, et aller mettre ma lessive. Puis je vais démarrer un nouveau puzzle. Ah ben voilà: je vais vous mettre en photo le puzzle que j’ai terminé hier, celui qui m’a aidée à sortir de mon trou. Je sais, il manque deux pièces. C’est triste mais ça ne me sort pas de ma fenêtre de tolérance émotionnelle!

Cold Switzerland and New Things [en]

One thing I have succeeded in bringing back from my holidays is the desire and determination to blog. I’m trying to lower the bar, and not worry too much if I seem to be rambling on more than crafting content. I’ve always loved the “interaction/expression” aspect of blogging – over “communication”. Anyway, it’s cold here in Switzerland, and dark, and gloomy, and did I mention it was cold? Today was my first day back at work. I’m a bit disoriented, to be honest, but it went OK enough.

At home tonight I listened to The Secret of a Long Life (a Radiolab episode). It is about our sense of passing time, and how it is linked to memories and novelty. You know, the way the first few days of holiday go slowly by, and then everthing speeds up and suddenly you’re on the plane home? During the first days, everything is new and memorable. So it feels like the days were long. But then your days are less and less different from one another, and time starts shrinking. Taking the research on the subject literally, Sindhu goes off to try and live a week of absolute novelty. Doing only new things, eating only new things, sleeping in a different place every night.

Having just made the decision to spend 10 days of holidays in the same bed in Rajasthan every night instead of in a different place in Nepal every night, of course this had my attention. It also had strong echoes to my early 2019 realisation regarding making memories (yes, another podcast episode involved). Following that, I remember I had been very deliberate, when Aleika came to visit shortly after, about planning various activities to make for more memories. I must admit that over the last years, my focus has moved more towards creating routine and stability. I need it, but I know I also need novelty. How does one find a balance between the two?

All this reminds me of another podcast episode, Making the Good Times Last, which I listened to a few months back. It is about the science of savoring, and this connects with an idea put forward near the end of the Radiolab episode: it’s not just/so much doing new things that counts, but focusing our attention on them. You can see how this fits in with some kinds of mindfulness practice, or the importance of sensory perception in hypnotherapy (yes I still need to write about hypnotherapy).

As I try to navigate through life, I find myself cooking up plans (mental plans) to organise and schedule my life and activities. For example, I brought back a recipe book from Rajasthan: how about I cook one recipe from the book every week? Or, doing new or unusual things. Maybe I should make sure I do it at least once every month? Peak experiences: should I go to the cinema more often, for example? The list can go on and on, and the problem is that if I did try and put this into practice, I would probably quickly end up suffocated by everything I want to do. (I already tend to, just as things are – thanks, hyperactivity.)

So, how much routine? How much newness? How much simply paying attention to things differently? How do I navigate life whilst at the same time respecting my need to spend time in my comfort zone, and my need to discover new and exciting things, and hold down a job? Should I move the furniture around in my flat more? (23 years in the same flat, heavens.) I feel I already don’t have enough time to do all the things I know I enjoy doing, how many more should I explore?

So many questions. I didn’t take a photograph of the lake and the clouds and the mountains with snow on top this morning on my commute – it was stunning – so I’ll leave this post without a photo, for once.

Flight Podcasts [en]

On my flight back home, I listened to a certain number of podcasts. I had some fitful sleep too, but not enough (overnight flight).

After finishing the episode of Heavyweight I was listening to, I immediately went for part 2 of the Search Engine piece on ADHD medication. (I talk about part 1 in a previous post.) As promised, and expected, the story it told was much closer to mine: a woman who discovers methylphenidate in her mid-thirties, which is life-changing for her – and she wonders why it took her so long.

Her story and mine are at the same time very different and very similar. Very different: she started really struggling with reading in childhood after surgery to remove a brain tumour when she was eight. I had none of that. I did, however, have heart surgery when I was six. And what she describes about how her operation is talked about (or not talked about) in her family feels very familiar. What she says about getting the implicit message, again and again, that “everything is ok”, “it’s normal”, “nothing is wrong”.

She was very objectively struggling as a child, and I think I can honestly say I was not. Academically, that is. Socially was another matter. Being good at school ended up defining me. At one point in the podcast, PJ and his guest talk about the two different paths they ended up going down, regarding their difficulties in school: “I’m not even going to try” and “I’ll manage, whatever the cost”. I think I spent a lot of my life “managing” without even realising there was a cost. It was “normal”, right. I do remember one episode, though, where I was getting a bad evaluation (it had to do with presenting science reports). I made some effort at improvement, and still got the same bad evaluation. My reaction was clearly “forget about this”. Thankfully my parents intervened, we talked things through with the teacher and started over with more support for me and an assurance that my efforts would be rewarded.

This reminds me of the Hidden Brain episode on perfectionism I listened to a few weeks back. It was a revelation to me. I’ve always seen myself as “over perfectionism”. I understood, as a teenager, that wanted to do things “too well” was keeping me from doing them. So I made a deal with myself that it was better to “just do, even not well” than “not do, perfectly”. And generally, what I do still is viewed as at least “very good”. I thought I had cracked perfectionism. For me, perfectionists are people who spend hours doing and redoing their tasks until they are perfect. People who are hard workers.

I’m none of that. I’m a first draft person. Quickly throw something together and be done with it. One might even say, on my internal compas, minimalistic. You know, Pareto’s Law – I do the 20%.

But listening to the podcast, I was shocked to hear that my strategy was in fact another kind of perfectionism. The drive behind is the same. The bar I set for myself is still impossibly high. Only, I set myself up to fail reaching it, from the start. If I don’t really try, then it makes sense I won’t reach it, right? If I didn’t really give it my all, then it hurts less when it’s not as good as it could.

Looks like I’ve been fooling myself all these years, and I am indeed a perfectionist, despite my frantic attempts not to. I have to say this realisation upset me – not because I was wrong, but because it forced me to realise that there is where lies the source of the excruciating pressure I put on myself.

Back to the Search Engine episode: the first part had bothered me also by the use of “amphetamine” (and “speed”) to cover ADHD medication. Methylphenidate is not amphetamine, and at least in Switzerland, amphetamine is not prescribed unless there fails to be a result with methylphenidate. I thought the tone was a bit dramatising of the drug (which is understandable given PJ’s personal history). So, I’m really glad this second part showed another type of ADHD story. In a way, it’s all very well to want to throw away the meds when you’ve lived your whole life on them, but that’s also maybe forgetting that they helped you bring you where you are. I’m surrounded by so many people who have gone through life with no diagnosis and no meds (like me), only to come crashing down somewhere in their forties or fifties. And at least in Switzerland, getting an ADHD diagnosis as an adult is hard, so imagine try to get that sorted out when you’re reached a state where you’re barely functioning anymore.

Unlike PJs guest, I take my medication even on my days off, because what I struggle with (without) is simply managing daily tasks, emotions, life in general. It’s not “just” for reading or concentrating. It’s to reign in some of my hyperactivity so that I can actually get somewhere, and not feel too shitty while I’m getting there.

So, definitely an episode to listen to, probably before the first part, actually.

After that I continued with Radiolab’s Poison Control. A rerun that I hadn’t heard the first time around (I think), and as always, very interesting. I’m not sure it’s the kind of episode that’s supposed to make you cry, however – the fact I was in tears listening to it probably says more about my mental state on that plane in the middle of the night than about the podcast itself. Do listen.

One of my very favorite podcasts is Meta de Choc, a French podcast on “why we believe what we believe”. It often covers topics linked to New Age spirituality – not as innocuous as you may think. The host, Elisabeth Feytit, does an extraordinary job of explaining very clearly what is at stake, why these beliefs are problematic, and where they stem from. This episode was on modern day witches (think wicca) and the sacred feminine. If you understand French, I definitely encourage you to listen. It’s possible that like me, you’ll feel a mixture of gratitude (and relief) that somebody is putting in words your concerns, and discouragement at how difficult/impossible it is to talk somebody out of this type of belief. As somebody said, you can’t reason somebody out of the position they didn’t reason themselves into in the first place.

To continue losing hope in humanity (what was I thinking?) I followed with the first three episodes of The Kids of Rutherford County. Seriously, in what dystopian world is it even imaginable to consider throwing elementary school age kids into jail (handcuffs, jumpsuit and all – as young as 8 years old) for a schoolyard fight scene? I listened at those three episodes in shock and disbelief. What is WRONG with people? I just don’t have the words (and you know me, usually I have more than enough words). It boggles the mind.

For good measure, I did include two Heavyweight episodes (Nick & The Elliotts) in my listening queue. That’s probably what saved my remaining sanity.

Aside from podcast recommendations: I made it home, tired (couldn’t stay awake in the train from Geneva, was afraid of missing my stop) and drained, but happy to see Oscar, who was visibly happy to see me too. It’s rainy and foggy and windy and stormy and cold here. I’m glad I planned on having a day off to settle before going back to work on Tuesday. I’ll go back to trying to fix my Lightroom sync problems (very annoying), eat something, watch a series or two and have an early night (easy with the jetlag). Bright side of things: I should be up nice and early tomorrow morning!

La fin en vue [en]

On sait tous comment c’est. Le début des vacances, les jours s’étirent et le temps ralentit. Et soudain, on se retrouve presque à la veille de rentrer, un peu désorienté et dépaysé, à se demander si le monde normal de “à la maison” existe vraiment.

Demain, je rentre à Sonipat. Une nuit et un jour là-bas, puis direction Delhi pour prendre mon avion au milieu de la nuit, très tôt dimanche matin. Cela fait bien une semaine que je ne sais plus quel jour on est. On est jeudi, mais ça ne veut plus rien dire.

Juliette Armanet chante “c’est la fin” en boucle dans ma tête. Je pense à toutes les choses que je n’aurais pas faites durant mon séjour, tous ces possibles qui ne se sont pas réalisés, je m’exerce à “lâcher”. Des choses que je pensais ramener, bijoux, tissus, et autres peut-être, pour lesquels il me semble maintenant déraisonnable de fournir l’effort, au risque de regretter plus tard, de me dire “j’étais là, j’aurais quand même dû profiter”. Les habits que je voulais acheter avant-hier (ou était-ce hier?) et que j’ai remis au rayon car les cabines d’essayage n’avaient pas de lumière (nuit noire) et que ma capacité à communiquer avec le personnel du magasin n’a pas suffi à les faire marcher, ou apparaître, et après avoir attendu et attendu j’ai cru comprendre qu’à midi il y aurait la lumière, et je n’allais pas attendre là une heure dans ce magasin-fournaise alors que mon idée initiale était de rentrer dans le magasin, trouver 2-3 trucs, essayer, acheter, rentrer. J’accepte relativement bien tout ça.

Mais c’est la fin. Je ne l’ai pas vu venir. On est jeudi soir, dimanche matin je suis de retour à Lausanne, quelques heures de décalage horaire perdues en l’air entre Delhi et Zurich.

Me suis-je assez reposée? Ai-je assez récupéré? Y a-t-il un bilan à ces vacances qui ont démarré par un changement d’aiguillage assez brutal? Ai-je fait ce qu’il fallait? Vais-je revenir dans ce coin du monde un jour, ou est-ce que je quitte à tout jamais le Rajasthan, cette ville, ces gens? Vais-je réussir à ramener dans ma vie en Suisse un peu de ralentissement, de sérénité, d’équilibre? Non pas que j’idéalise mon temps ici, je ne veux pas croire ou faire croire que j’ai trouvé la paix et la sérénité ou un rythme de vie que je pense transposable en Suisse dans une vie professionnelle active, mais j’ai pu reprendre contact avec un certain goût du temps qui passe, du faire, de l’être, qui m’ont un peu manqué ces dernières années dans ma vie, et je rentre avec l’espoir de réussir à me servir un peu dans cette petite boîte à épices indienne que représente cette dizaine de jours à Nawalgarh, et aussi la crainte d’échouer complètement à cela.

Les phrases longues c’est pour vous montrer comment c’est dans ma tête.

J’ai peur d’arriver à la fin, alors que je suis déjà sur le seuil. La fin, comme la fin de la vie, c’est clore, c’est dire adieu à tous les potentiels, à tous les possibles. Quand on meurt, la somme de notre vie est faite. Elle est entière. Elle est comme elle est, ou plutôt a été. Il n’y a plus de marge de manoeuvre pour changer, pour être autre chose, faire autre chose, surprendre ou se surprendre, décevoir ou être déçu.

Loin de moi l’idée de mettre sur le même plan deux semaines de vacances et une vie qui s’achève, mais le mécanisme de clôture est là aussi. Tant que les vacances sont encore en cours, leur sens n’est pas complet. Elles peuvent encore apporter ceci ou cela, donner l’opportunité de faire, d’observer ou d’accomplir – de mettre du sens dans cette parenthèse au milieu de la vie ordinaire. Une fois que c’est fini, une fois dans l’avion du retour, l’histoire est écrite, la pièce est jouée, ce qui est fait est fait et ce qui n’est pas fait n’est pas fait. On peut tirer un bilan. On n’est plus dedans, on est dehors, à chercher à faire sens, peut-être, mais ça ce n’est plus du vivre, c’est de l’analyse, du commentaire, de l’interprétation, du discours sur. Un voyage qui se termine, c’est un espace qui se ferme. Un délai avant lequel il reste encore un peu de temps pour quelque chose, qui réveille désagréablement en moi ce sentiment d’urgence de vivre dont je parlais hier.

Comment faire, pour vivre ce jour qui vient comme s’il pouvait être suivi de tant d’autres, alors que je sais pertinemment que c’est le dernier? Aujourd’hui, alors que j’étais couchée sous mon ventilateur entre un repas et une sieste, j’écoutais un épisode du podcast The Pulse: How We Talk About Death. Il y a une histoire qui me prend à rebrousse-poil, mais qui me fascine aussi, parce que ça va tellement à l’encontre de mes croyances sur le monde que je me demande si je ne suis pas en train de rater quelque chose. Ce couple, dont l’un des deux est HIV+, qui se rencontrent dans les années 90, et vivent ensemble 30 ans sans jamais avoir les fameuses discussions sur la mort qui est à l’horizon, restant sciemment dans le déni en quelque sorte, et malgré les alertes, les hospitalisations, les “ça n’a pas passé loin”, continuent à vivre comme si cette épée de Damoclès n’était pas là – une formule qui leur a fort bien réussi, semble-t-il.

Alors, en continuant avec mon parallèle douteux entre les vacances et la vie, la fin du voyage et la mort, est-ce que j’arrive à vivre demain matin comme si je ne rentrais pas? A ne pas voir ce mur dans le temps devant moi, à me balader en ville comme si je pouvais y revenir demain? Est-ce souhaitable? Qu’est-ce qui me retient?

Je ne sais pas.