Au-delà de mon petit drame personnel, je pense qu’il est important de comprendre les mécanismes sous-jacents qui décident de nos vies et “morts” numériques. (Parce que quand 18 ans de publications disparaissent en un instant, c’est un peu ça quand même.) On investit du temps et de l’énergie dans une présence en ligne, sur une plateforme qu’on ne contrôle pas. On le sait tous: si on paie pas, on est le produit. Mais le discours de la plateforme sera toujours “jouez le jeu, soyez authentiques, nous on s’occupe des mauvais acteurs, merci d’ailleurs de les signaler”. A partir d’une certaine échelle, automatisation et déshumanisation transforment l’espace communautaire en gouvernement totalitaire.
J’explique dans cette vidéo un peu longuette (la concision n’est toujours pas mon fort) “pourquoi” ou “comment ça se fait” que mon compte facebook ait été suspendu-supprimé. Parce qu’on me demande toujours ça, depuis une semaine: “mais pourquoi?!?”
Donc, explications en vidéo, pas juste pour satisfaire la curiosité des gens qui me connaissent et qui se demandent quel crime numérique j’ai bien pu commettre, mais aussi parce que c’est important de comprendre dans les grandes lignes comment ça marche derrière, et comment ça nous rend tous vulnérables, et que si votre présence en ligne et le contenu que vous partagez sur les plateformes comme facebook ou autres n’est pas quelque chose dont la perte vous laisserait de marbre, il vaut la peine de sortir de sa torpeur bordée de déni et faire une sauvegarde de votre contenu.
Demain, c’est vous qui pourriez vous retrouver devant un panneau “entrée interdite, et en plus on a balancé toutes vos affaires”. Vous n’êtes pas plus innocents que moi.
Si j’ai le courage, je complèterai cet article avec une synthèse écrite de ce que je raconte (merci TurboScribe et ChatGPT qui vont me mâcher le travail).
Edit 15:45 – les fameux points clés. Extraits par mes assistants algorithmiques, fignolés par moi.
Avec l’e-mail, on a des filtres à spam automatisés qui nous protègent du contenu indésirable. Sur les réseaux sociaux, il y a également une “course aux armements” automatisée entre les mauvais acteurs (arnaqueurs, etc) et les plates-formes.
Ces filtres sont imparfaits, et “attrapent” parfois à tort des contenus légitimes. On a tous vécu “l’e-mail qui arrive dans le spam”. Sur Facebook, des contenus inoffensifs sont parfois supprimés à tort. C’est ce qui est arrivé il y a un mois ou deux à une dizaine de mes publications, remontant jusqu’en 2016.
Il y a peu ou pas de possibilité de faire corriger ces erreurs ou de faire recours, et quand recours il y a, c’est également traité de façon automatisée. Les processus sont aussi “cassés” (on annonce une réponse en 24 heures, une semaine plus tard, toujours rien). Dans mon cas, je n’ai pas pu faire recours pour indiquer les erreurs de traitement lors de la suppression de ces publications. Par contre j’ai fait recours concernant la suspension du compte.
Mon compte était déjà “orange” faute à ces faux positifs, et un commentaire posté dans un de mes groupes avec un lien externe l’a fait basculer en “rouge”, entrainant sa suspension immédiate pour 180 jours, puis suppression si j’omets de contester la décision ou si mon appel n’aboutit pas.
Je publie beaucoup, et beaucoup de liens, donc statistiquement, probable qu’il y ait de temps en temps une publication qui déclenche l’alarme à tort; d’administre également des groupes assez grands et actifs, dans le cadre desquels j’envoie régulièrement des messages privés à des personnes qui ne sont pas dans mes contacts et qui ne me répondent pas. Ceci pourrait également avoir généré des “points négatifs” pour mon compte.
Le recours quant à la suspension est une procédure automatisée très basique qui ne permet pas d’argumenter ou de donner des explications. Il s’agit juste en gros de cliquer sur un bouton, et il y a très peu de chances qu’un humain évalue le cas.
Plus rien de ce que j’ai publié en 18 ans sur Facebook n’est visible, sauf ce qui est dans des groupes, visible seulement par les modérateurs. Les pages que je gérais ont disparu, sauf celles où j’avais mis quelqu’un d’autre comme co-admin.
Facebook veut être un acteur majeur de la société, mais peut suspendre ou supprimer des comptes de façon brutale et sans explication. Il n’y a pas de service client ou de moyen de contacter un être humain en cas de problème. Cette logique s’inscrit dans un fonctionnement de plus en plus déshumanisé de nos administrations et institutions, où les utilisateurs sont traités par des processus souvent défectueux et qui ne tiennent pas compte des situations réelles.
Ce qui m’est arrivé peut arriver à n’importe qui, vu qu’il s’agit d’erreurs de traitement. Si la disparition de votre contenu sur la plateforme a des conséquences pour vous, pensez à régulièrement demander un export de vos données (long et ennuyeux à faire, mais…). Si vous gérez des groupes ou des pages, assurez-vous toujours qu’il y ait au moins un autre administrateur en plus de vous.