[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.
Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).
Une chose toute simple relevant pour moi du bon sens mais qui n’est pas évidente aux yeux de tous est ce que j’ai nommé “l’effet chat”, à défaut d’un meilleur mot.
Derrière l’écran, sans présence physique, les défenses psychologiques et l’anxiété sociale tombent. On ose plus, on est désinhibé. Sur le versant positif, on se livre plus, parlant de choses parfois trop difficiles pour le face-à-face ou le téléphone, expérimentant des choses nouvelles (oser dire “non” par exemple) que l’on pourra par la suite, petit à petit, transférer dans nos relations hors ligne.
Le revers de la médaille, c’est l’agressivité exacerbée, les escalades d’insultes, la malhonnêteté — qui profitent de s’infiltrer dans la brèche ouverte par l’écran protecteur. On n’a pas besoin de prononcer les mots non plus: les écrire les rend plus faciles.
Dans l’ensemble je vois l’effet chat comme quelque chose de positif. Un peu comme dans un espace protégé (groupe de partage confidentiel par exemple) les timides en nous osent un peu plus être eux sans tant de peurs qui les encombrent. Beaucoup de gens un peu mal à l’aise socialement (et ça ne se voit pas toujours!) apprécient les échanges en ligne, qui leur permettent de se sentir plus eux-mêmes, plus authentiques.
L’effet chat mène aussi à un sentiment d’intimité avec l’autre qui s’installe souvent très rapidement (d’où d’ailleurs la facilité de tomber amoureux en ligne, aussi étonnant que cela puisse paraître à celui ou celle qui n’en a jamais fait l’expérience). Le problème, c’est que ce sentiment d’intimité est dû en bonne partie au moyen de communication plutôt qu’à la personne en face. D’où certaines douches froides, surtout chez les chatteurs inexpérimentés, lors de la première rencontre en chair et en os.
Heureusement, avec l’expérience et le temps viennent la sagesse, et on apprend à rendre au chat ce qui est au chat, et au chatteur ce qui est au chatteur. Les rencontres humaines peuvent être belles, qu’elles se fassent au travers d’un clavier ou autour d’un café.