J’ai testé pour vous le self-checkout en France [fr]

Aujourd’hui j’ai fait quelque chose de presque incroyable: j’ai passé la frontière. Un petit rendez-vous de dentiste pour une dent qui m’avais fait un mauvais coup il y a quelque temps. Genre, je mords dessus, et je décide dans la foulée que je ne vais pas refaire ça de sitôt. Il y avait une carie. Comme quoi, j’ai beau être “douillette”, comme on dit, j’ai quand même un assez bon radar.

Mais passons sur le dentiste et la carie. Je ne suis pas une grande “touriste d’achats”, mais quand je vais en France, je profite pour acheter 2-3 petits trucs. Donc, je passe à Carrefour. Et moi, ne vous déplaise, je suis des self-scanning et autres self-checkout (ceci n’est pas une invitation au débat, déjà moult fois fait et refait). A défaut de self-scanning (où l’on se balade dans le magasin son petit scanner à la main), je me rebats sur le self-checkout (la borne où l’on scanne patiemment tous ses articles les uns après les autres).

Donc, en France, ou plus précisément à Carrefour, ça se passe comme ça:

  • interdiction d’y aller avec un caddie, même s’il est quasi vide (j’ai du transvaser mes petites courses dans un panier)
  • pas de touche “fois deux” ou “répéter l’article”; il faut vraiment scanner chaque article
  • chaque article scanné doit être posé dans le “bac”, à droite, avant de pouvoir scanner le suivant. Chaque. Article. Donc quand tu as 6 tubes de dentifrice, tu scannes un tube, tu le poses, tu scannes le suivant, tu le poses, etc. Six fois.
  • impossible, donc, de prendre 2-3 articles à scanner dans les mains, les scanner, puis les poser ensemble
  • impossible aussi de faire “scan, scan” sur le même article quand on l’a à double
  • la machine arrête pas de causer pendant qu’on scanne (ne me demandez pas ce qu’elle dit, c’est complètement inintelligible pour moi)
  • l’hôtesse/assistante a dû venir au moins deux fois débloquer la machine qui ne voulait pas prendre mon scan suivant (sur une trentaine d’articles)

Clairement, ils ont tenté d’économiser sur le budget UX (expérience utilisateur). D’ailleurs, pour un grand magasin, il n’y a que 3-4 de ces bornes (dont une en panne).

Pour mes amis français, en Suisse (à la Migros en tous cas):

  • il n’y a pas besoin de poser un article scanné dans une zone définie avant de pouvoir scanner le suivant
  • il y a une touche “+” pour ajouter encore une fois le même article
  • on peut scanner un article et le rescanner 2 secondes plus tard
  • on peut venir avec son caddie
  • on peut mettre ses articles direct dans le sac qu’on tient à la main (si on n’a que 2-3 articles, par exemple)
  • la machine est complètement silencieuse sauf pour le joli “blip” quand on réussit à scanner un article
  • on peut donc scanner aussi vite qu’on veut
  • on peut scanner de droite à gauche si ça nous chante
  • on n’a pas besoin de déclarer en début de session si on a un sac ou non pour mettre nos courses
  • ça “marche”… je n’ai jamais dû faire appel à une hôtesse…

Voilà, c’était la petite humeur ronchonnante du jour!

Désapprendre la peur [fr]

Voilà où on en est: désapprendre la peur. L’arrivée de la crise sanitaire nous a appris, en très peu de temps, à avoir peur. Aujourd’hui, avec le recul de la pandémie dans notre pays, le “déconfinement” (même si nous n’avons pas eu à proprement parler de confinement), on doit apprendre à se détendre. Reprendre une vie “normale”, mais pas tout à fait normale quand même.

Aller voir une copine. Prendre un passager dans sa voiture. Cesser de faire des écarts quand on croise les gens sur le trottoir. Se rappeler qu’avec une poignée de nouveaux cas détectés chaque jour dans le canton, les chances de se casser le nez sur une personne infectée sont très réduites. Comprendre où sont les risques de transmission (lire l’original en anglais): les espaces clos comprenant beaucoup de monde, les activités qui nous font vider nos poumons (chant, sport, toux, éternuements).  Le temps passé à proximité.

Echanger trois mots avec quelqu’un d’asymptomatique qu’on croise dehors: zéro souci. S’enfermer avec 100 autres personnes dans une salle pour chanter durant deux heures: souci.

Pour ma part, voilà où j’en suis:

  • je mets sagement mon masque là où c’est demandé, mais pas autrement (typiquement, pas pour marcher dans la rue ou aller à la pharmacie)
  • je continue à me laver les mains, mais peut-être un peu moins frénétiquement (la grande majorité des transmissions sont par voie aérienne)
  • j’évite de prendre les transports publics
  • je vais bientôt retourner au judo, mais chanter, faudra attendre…
  • j’évite d’aller faire mes courses à la Migros et je commande plutôt via LeShop, surtout parce que mes expéditions courses de 3h durant la période confinée m’ont donné envie de ne plus mettre pied dans un magasin pour un moment
  • je n’aime pas que les gens portent des gants, c’est en fait contre-productif (le virus colle mieux aux gants qu’aux mains qu’on peut facilement laver ou désinfecter)
  • je vais volontiers au restau en terrasse, mais pas encore prête à m’installer à l’intérieur
  • pas encore prête à aller au cinéma – ce serait un bon été pour faire un Open Air, non?
  • je suis frustrée de ne pas pouvoir faire la bise à mes amis et ma famille, ou serrer la main aux gens – on pourra quand?
  • les gens qui portent leur masque de travers m’embêtent beaucoup moins, maintenant qu’on nage dans les masques et que le virus ne traine plus partout
  • je vais installer SwissCovid
  • je suis toujours très contente de rester chez moi et d’être relativement asociale!

Où j’en suis [fr]

J’en suis que ça va. Je crois que je me suis habituée à cette nouvelle normalité et que je m’y fais bien (parce que j’ai la chance que la version qui m’est proposée ne soit pas trop pénible). Ce qui me fait un peu flipper, c’est la possibilité que l’immunité après infection ne soit pas bonne, ou qu’on ne parvienne pas à produire un vaccin efficace. C’est pas du tout dit qu’on soit dans ce cas de figure, il faut patienter en attendant que la recherche avance, mais je sais que c’est une possibilité et c’est celle qui m’inquiète.

Je suis fatiguée des réactions outrées concernant les déclarations faites lors du point presse du CF sur la capacité des enfants à être infectés et vecteurs de la maladie. Pour moi ils ont clairement merdé la comm sur ce point, et on voit déjà quelques tentatives de rattrapage. Je pense que ça continuera en début de semaine – ce serait sage, en tous cas, vu les réactions que je vois dans mon entourage. Alors bon, avec “l’oreiller de paresse” l’histoire des enfants va peut-être passer au deuxième plan… C’était pas malin, cette expression-là, pour dire le moins.

M’enfin, je trouve que nos dirigeants font dans l’ensemble un très bon boulot, je pense qu’ils bossent comme des malades depuis plus longtemps qu’on ne l’imagine, et comme une amie à moi l’exprimait dans un tout autre contexte, le seul moyen de ne pas faire d’erreurs c’est de ne rien faire, et plus on fait, plus il y a des chances de béder quelque part. Ce que j’ai compris c’est qu’on va vers un assouplissement des mesures un peu “agile”, dans le sens où on fera quelques changements, on observe les résultats, on valide les prochains changements, on regarde ce que ça donne, etc. Et parmi ces changements il y a le fait de rendre aux cantons le pouvoir qu’ils ont perdu lorsque le Conseil Fédéral a déclaré que nous étions en “situation extraordinaire”. Il aura fallu cette crise pour que je commence à m’intéresser d’un peu plus près (et à suivre) la politique suisse!

J’ai découvert (redécouvert, en fait, j’avais oublié) qu’une de mes “maxime morales” était en fait le rasoir de Hanlon. Ma façon de le formuler c’est que quand on a le choix entre la maladresse et la malveillance, ou bien l’ignorance/l’incompétence ou le complot, on se trompe moins souvent en choisissant systématiquement le premier, jusqu’à preuve du contraire. Ce qui explique que je sois très peu complotiste (ce qui ne m’empêche pas d’être convaincue que les Russes, entre autres, fourrent les doigts dans nos médias sociaux pour accroitre la polarisation politique et idéologique dans la population, afin de servir leurs intérêts).

Hier j’ai fait ma première pizza maison (à passé 45 ans, c’est le moment, vous me direz) avec le surplus de mon levain. J’ai fait du sérieux rangement dans ma salle de bains (nouveau meuble de rangement, merci IKEA Clic&Collect), continué à avancer avec ma cuisine et mes réserves, j’ai enfin réussi à reprendre la lecture du livre que j’avais entamé… il y a tellement longtemps que je ne sais plus quand c’était. Je réalise que moins de contacts humains dans ma vie signifie plus de temps pour moi. Je trouve ça reposant et ça m’effraie un peu. Est-ce que je risque de découvrir qu’en fait j’aime l’isolement, après toutes ces années d’abord à fuir la solitude, quand j’étais jeune, puis à me perdre dans une overdose effrénée d’interaction humaine?

En cherchant dans mes photos quelque chose pour illustrer cet article, j’ai eu l’idée d’aller regarder mes photos d’il y a un an (vu qu’aujourd’hui je n’en ai pas encore faites). Et je tombe sur les photos de mon accident de voiture. Oui, mon accident de voiture, c’était il y a un an exactement, le 19 avril.

Un an.

Un an et ce n’est toujours pas complètement derrière moi. J’ai de la chance évidemment, car ça aurait pu être bien pire et il y a des gens qui trainent les conséquences d’accidents pendant bien plus longtemps que ça, mais à l’échelle de ma vie, cet accident a quand même été une bien grosse pourriture.

Mon chirurgien a déclaré que j’étais suffisamment “réparée” pour reprendre le travail (enfin ma recherche de travail) début mai. Qu’on s’entende, je suis entièrement d’accord avec cette décision, mais pour ce qui est du “reste” de ma vie, mon poignet n’a pas fini sa convalescence. J’ai encore mal (pas tout le temps, pas quand je suis à l’ordi, mais il suffit que je le plie ou torde un peu hors de sa zone de confort et c’est douloureux). Le sport qui sollicite le poignet (judo, voile), on n’y pense pas encore. J’arrive à me mettre à quatre pattes, mais avec le poids entier sur le poignet, c’est limite. L’autre jour j’ai perdu l’équilibre sur mon balcon (le sol était un peu encombré et je me suis encoublée), je me suis rattrapée à la barrière avec ma main droite, et j’ai compris ma douleur.

Cet accident, qui m’est tombée dessus sans crier gare Vendredi Saint 2019, il est encore là aujourd’hui. Heureusement les séquelles ne sont que physiques (et financières… parce que j’y ai laissé ma voiture) et limitées au poignet. Mais à cause de cet accident je n’ai pas pu poursuivre ma reprise du judo, pas fait de voile la saison passé, je n’ai pas pu skier cet hiver, j’ai eu mal au quotidien, j’ai subi une intervention lourde au poignet droit dont la convalescence n’a pas été une mince affaire et m’a valu presque six mois d’incapacité de travail. Je me souviendrai toute ma vie du premier mois après l’opération, où j’attendais l’heure de ma prochaine prise de tramadol, l’arrivée du soir où je pourrais dormir, le jour de ma prochaine séance de physio, le tout dans un brouillard médicamenteux total et sur fond de douleur constante au moindre mouvement – et parfois même sans mouvement.

Je me souviendrai aussi de l’anxiété constante (maintenant disparue) concernant ma récupération. Se retrouver avec le poignet de sa main dominante qui ne tourne plus, qui ne plie plus, qui fait mal… mine de rien j’ai eu peur pendant de longs mois, même si je réussissais à m’accrocher aux (lents) progrès et à la confiance de ma merveilleuse physio que tout allait bien aller.

Être sur la touche, aussi, ça n’a pas été facile – d’autant plus que je l’étais doublement, l’opération étant arrivée alors que j’étais en recherche d’emploi, après la fin de mon contrat à durée déterminée à Fribourg. J’ai du apprendre à vivre dans les limbes. C’est jamais agréable, les limbes.

Là, on est un peu tous dans les limbes, collectivement. Personne ne sait vraiment où on va. A quoi ressemblera notre vie dans un mois, dans trois mois, dans six mois? Dans un an ou deux, même? Il faut accepter de ne pas pouvoir se projeter, ou alors de ne pouvoir se projeter qu’avec incertitude, en suspens.

Si on y réfléchit bien, la vie au fond est comme ça, en temps normal. On est toujours à la merci d’une voiture qui nous bille dedans dans un giratoire. Alors certes, la part d’imprévisible aujourd’hui est augmentée, mais elle n’était pas inexistante avant. On choisit simplement de vivre comme si elle n’était pas là – parce qu’avoir le contrôle nous rassure.

La normalité reprend ses droits [fr]

L’habituel commence gentiment à reprendre ses droits. Le temps reste mou; hier j’étais convaincue qu’on était samedi, au point que quand une personne que je devais voir lundi m’a dit “à demain!” j’étais à deux doigts de la rectifier. La sensation de crise aiguë m’a quittée. J’ai trié mes tupperware.

Mes objectifs quotidiens sont modestes: m’installer pour lire mon roman, finir ma journée assez tôt pour regarder ma série, faire des boulettes de viande avec le kg de viande hâchée que j’ai achetée en action à la Migros. Et, la normalité revenant au galop, je procrastine. Bref, je me retrouve face aux mêmes challenges qu’il y a 2 mois, qu’il y a deux ans.

Je fais partie des grands privilégiés de cette crise, vu que je peux me payer le luxe de me débattre avec mes difficultés habituelles.

Ce qui n’est pas habituel, par contre, c’est que je me trouve extrêmement irritable. Je pars au quart de tour. Alors que d’habitude j’arrive à garder une saine distance émotionnelle par rapport aux choses qui ont tendance à m’énerver (les gens “qui font faux”, “qui ont tort”, “qui réfléchissent pas”, bref, vous voyez le schéma, c’est pas très glorieux), maintenant c’est un peu comme si je n’avais plus de fusible pour ça. Un effet de bord du confinement, rien d’anormal, mais c’est ennuyeux. La solution est assez simple, heureusement. Dormir assez (j’ai le luxe de pouvoir), sortir et bouger assez (idem), garder un rythme au quotidien (plus difficile). Et limiter un peu les contacts sociaux.

Je suis clairement sortie de ma phase “tout lire, tout apprendre” au sujet de coronavirus. Maintenant, ça m’ennuie même un peu. Je crois avoir fait le tour, j’attends surtout que la science avance (mais ça, ça sert à rien d’être au taquet dessus chaque jour), les décisions au niveau politique ont été faites et je me doute bien de ce qui nous attend, encore des semaines ou des mois de la même chose. Sur Vaud les chiffres commencent à se stabiliser, ce qui veut dire que la courbe grimpe moins raide, alors on tient bon, on pense fort à ceux qui sont au front, on évite de prendre des risques ou d’en faire courir à autrui, et on attend. Je suis consciente que c’est facile pour moi de dire ça, je n’ai que ça à faire, de toute façon, attendre, pas d’urgence.

J’ai fait des semis. Je suis allée chercher du levain, qui bulle à côté de celui que je tente de démarrer ici. J’essaie de me mettre chaque matin au soleil sur mon balcon, avec les chats. J’essaie de manger correctement, ni trop ni trop peu.

A ce propos, j’ai installé MyFitnessPal. Alors c’est très bien, la base de données de nourriture est super (on y trouve même les brownies de la Migros), on peut scanner les codes-barres… Mais le problème est que même si je me suis dit que j’allais juste noter ce que je mange pour prendre meilleure conscience de où sont les calories (je n’ai jamais fait de régime de ma vie, donc je suis assez peu au fait de la densité énergétique de ce que je mange), je me retrouve à regarder cet objectif total journalier et à me stresser pour essayer de l’atteindre. Et ça, c’est pas le but. Alors j’ai changé mon fusil d’épaule: je rentre les choses mangées le soir, après-coup. Et j’arrête d’essayer de faire attention – juste manger raisonnablement, comme je fais d’habitude (et comme je ne l’ai pas fait cette dernière année…).

Je trouve difficile de ne pas me mettre de pression, de façon générale. Tant pis si je ne “profite” pas de cette période. Ça aussi, c’est pas le but. Le but c’est de vivre. Et c’est pas si facile.

Mes top tips pour les courses en temps de pandémie [fr]

Histoire d’éviter les crises cardiaques, cette photo date du 16 mars 2020

Par les temps qui courent, faire les courses pour plusieurs personnes quand on y va (seule ou seul!) c’est une bonne idée. Ça permet aux personnes à risque d’éviter une sortie, ça fait une personne de moins qui se balade dans le magasin, bref, les courses groupées ont la cote.

Deux petits “trucs” pour vous simplifier la vie:

  1. Utilisez Google Keep pour les listes de courses. On peut y faire une liste avec des petites cases à cocher, et partager cette liste avec qui on veut. La personne peut mettre à jour sa liste quand elle veut, et on a toujours accès à la dernière version à jour. Quand on fait les achats, on coche, et les achats cochés disparaissent de la liste. Super pratique!
  2. Demandez aux personnes pour qui vous faites les courses de vous envoyer un bonne photo du code-barres de leur Cumulus (ou Supercard, ou…) et utilisez-les pour prendre autant de scanners que de personnes. Cela permet de scanner séparément, de faire des tickets de caisse séparés, et d’éviter (littéralement!) des comptes d’épicerie une fois les courses faites.

Sinon, pour les personnes que mes “pratiques d’hygiène” intéresseraient:

  • Je me lave les mains avant de partir de chez moi, je les désinfecte à l’entrée du magasin avec le désinfectant fourni, je passe aux WC les laver après avoir chargé la voiture, je les lave en arrivant chez moi, et encore une fois après avoir rangé mes courses.
  • Je ne désinfecte pas mes courses.
  • Je ne porte pas de gants. Le virus s’accroche mieux et survit plus longtemps sur les gants que sur la peau, et il ne peut pas rentrer dans le corps via la peau.
  • Je ne porte pas de masque. Dans un contexte où nous manquons de masques, il faut les laisser en priorité aux soignants, qui de par leur métier, ne peuvent respecter la distanciation sociale dans leur travail, et sont en contact avec des personnes malades ou particulièrement vulnérables (hôpitaux, EMS, soins à domicile), et aux personnes malades (pour éviter de contaminer autrui ou de faire paniquer l’assemblée en toussant). Ce serait différent si nous avions un stock de masques suffisant pour couvrir toute la population, en plus des soignants.
  • Je scanne et je paie avec Twint.
  • Je fais les courses une fois par semaine au max pour limiter mon exposition.

Pour terminer, un tuyau “rangement”: pour vos denrées non périssables, si vous fonctionnez comme moi un peu aux stocks, rangez-les par année de date de péremption (un étage pour 2019 et avant – oui vous pouvez sans autres manger une conserve “périmée”, un autre pour 2020, puis pour 2021, et 2022 et plus ça peut aller dans le placard du couloir ou la réserve de la cave). Ça vous aidera à utiliser les aliments les plus anciens en premier.

La texture du confinement [fr]

Ce qui a changé, c’est la texture du temps qui passe. Ce n’est plus un temps qui me file entre les doigts et que je cherche désespérément à retenir. C’est un temps bien plus immobile, qui ressemble un peu à celui du premier mois après mon opération, où il n’y a pas grand chose d’autre à faire que d’attendre qu’il passe, en tentant de vivre agréablement son quotidien. C’est un temps sombre, et au bout il y aura de la lumière, donc ce sera bien, après, mieux, probablement, mais si, un jour, plus tard.

C’est un peu le temps de l’attente, l’attente peu agréable d’un futur qui va nous en libérer.

Et dans ce temps un peu étrange, bizarrement, je me trouve fort capable de vivre.

Un jour ordinaire de confinement [fr]

Aujourd’hui, j’ai réorganisé mon armoire à épices (j’en ai beaucoup), et j’ai pleuré en écoutant Joan Baez chanter “Hello in There” (une chanson qui m’émeut toujours en temps normal), dédiée à son ami John Prine, chanteur que j’ai découvert via une interview de Terry Gross dans Fresh Air, qui est dans un état critique, victime du Covid-19.

On est tous en deuil, sous une forme ou une autre, même sans avoir perdu personne. On est en deuil de notre normalité, de notre vie d’avant qui ne sera jamais plus, de notre liberté, de notre sécurité physique soudainement compromise, de notre quotidien avec les enfants à l’école et le travail au bureau, des nos rencontres avec nos proches et nos amis, d’un avenir dont on ne sais plus précisément de quoi il sera fait.

L’état de stupeur, le sentiment d’irréalité, le temps qui passe lentement, la perte de conscience du jour qu’on est, le déni à divers degrés, l’incapacité de se concentrer, de bien fonctionner… tout ça c’est du deuil.

Adieu le monde qu’on tenait pour acquis. Adieu aussi, le sentiment de sécurité qu’on avait ici, vivant dans un pays ultra privilégié, de ne pas courir grand risque de choper une saleté de maladie qui pourrait nous terrasser.

J’ai l’impression d’être le jour de la Moisson dans les Hunger Games. On attend tous, plus ou moins tétanisés, de savoir où le couperet va tomber. Chaque semaine qui passe, le bilan s’alourdit, les personnes touchées se rapprochent. La grande majorité, sans gravité, heureusement. Mais pas toutes.

Ça commence à me faire peur. Mon déni commence à fléchir. La réalité rentre, insensiblement. Mais fermement.

Alors j’ai pleuré en pensant à John Prine, à Joan Baez qui chante pour un ami qu’elle risque de perdre, à tous les autres proches ou lointain qui sont touchés ou le seront. Je me recentre sur mon petit canton, ma petite ville, ma petite personne, en espérant très fort qu’on s’en tirera le moins mal possible.

J’essaie de ne pas trop penser au reste du monde, à l’Italie, à l’Inde, parce que juste là c’est trop dur.

Alors je vais aller me promener dans mon voisinage désert, parce que même si “je refuse de me réjouir“, cela ne veut absolument pas dire que je suis incapable de voir et de prendre plaisir au positif.

Et demain, je rangerai mon armoire à thés.

Je refuse de me réjouir [fr]

Je refuse de me réjouir. Je refuse de me réjouir de l’air plus clair, des animaux plus libres, du silence et du calme, du rythme de vie moins frénétique, des changements que vit notre société, des remises en question de nos décisions politiques.

Je refuse de me réjouir de ce “positif” que l’on paie de tant d’angoisse, de détresse, et de mort.

Nous sommes en crise. Evidemment, en crise, il y a des changements radicaux. Evidemment, le soleil continue à briller à travers les nuages, et il y a des bonnes choses à regarder pour nous aider à supporter la réalité du monde.

Mais comment peut-on se réjouir de la baisse de la pollution alors que des économies entières sont mises à genoux, des populations entières sont paralysées, les morts se comptent (pour le moment encore) en dizaines de milliers? Il faut aimer bien peu l’humanité pour se réjouir ainsi du désastre qui nous frappe.

Oui, résolvons les problèmes du monde en stoppant toute l’industrie, en plongeant dans la récession tête la première! Les gens qui tiennent ce genre de discours “positif” comprennent-ils vers quoi nous nous dirigeons? C’est bien une planète plus verte, je suis à 100% pour, mais quel prix sommes-nous prêts à payer? Faisons mourir de faim et de maladie les gens, ralentissons l’économie, ça fera moins de monde sur notre planète et moins d’émissions, c’est super.

Alors non, je refuse de me réjouir. Je trouve ça indécent.

Quand l’immeuble qui me bouchait la vue brûle et s’effondre, je ne vais pas crier de joie parce que je revois enfin les montagnes.

Ça fait combien de temps, déjà? [fr]

Cette semaine j’ai passé plus de temps hors ligne, et c’est bien. Depuis hier, facebook me gonfle un peu. Je pense que j’ai fait le tour de ce que j’avais besoin de savoir pour ma tranquillité d’esprit. Je pense que cette histoire va durer, je ne porterai pas de gants dans les magasins, les masques oui ça sert mais si toute la population en porte, sinon de grâce laissez-les aus soignants et ne les gaspillez pas pour vous protéger en faisant vos courses (restez à distance des gens plutôt), la chloroquine j’attends sagement de voir les résultats de vraies études, restez chez vous, confinement, isolement…

En fait je me rends compte que je ne suis pas trop mal dans cette période de distanciation sociale, pour le moment. Moins de contact, ça me convient, on dirait.

Donc facebook me gonfle: le confinement et la réalité de l’épidémie ce n’est plus nouveau. La chloroquine et Raoult me sortent par les oreilles. La paranoïa autour de la contamination des surfaces aussi. Les grands cris à plus de sévérité, plus de masques, plus de tests… allô le principe de réalité, les gens? Les gens qui obsèdent sur des chiffres qui ne veulent pas forcément dire grand chose. Les témoignages de patients et de soignants. Les articles plus ou moins complotistes et plus ou moins fumeux. Alors moi aussi je fais l’épidémiologiste et la politicienne de salon, j’en ai conscience, mais je crois que j’ai plus ou moins dit ce que j’avais à dire, et je commence à me répéter, et j’en ai marre.

Hier j’ai rangé mes réserves alimentaires. J’ai toujours des réserves en temps normal. Je dis souvent en rigolant que je tiens un mois facile avec ce qui est dans les armoires et le congel. En voyant l’épidémie arriver, je me suis simplement assurée que mes réserves étaient à jour. Et hier, en rangeant, j’ai trouvé des tas de vieilles conserves (c’est pas grave hein ça tient des années), et je me suis dit que ce serait peut-être intelligent de les ranger par date et non par sorte. Donc j’ai un rayon “2019 et avant”, un rayon 2020, un 2021, et un 2022 et après. A différents endroits. Alors bien sûr s’il me faut une boîte de thon et que la seule que j’ai est bonne jusqu’en 2022, je vais la prendre. Mais comme ça je peux facilement regarder d’abord dans la pile 2019, puis 2020, puis 2021… Même si ça se garde des années, autant commencer avec les plus vieilles.

J’entends des récits de personnes qui galèrent avec le télétravail. J’imagine bien que c’est pas simple pour tout le monde (surtout avec des enfants dans les pattes). Je vais faire un petit Live sur facebook tout à l’heure avec quelques conseils (plus de 10 ans à mon compte… je vous promets qu’on apprend des choses). Peut-être je ferai un article, aussi, on verra.

Cette semaine a passé plus vite que les précédentes. Je me dis que c’est bon signe, ça veut dire que le choc se dissipe, que je m’habitue. Ma peur de tomber malade ou de perdre des proches augmente, par contre (indicateur qui va dans le même sens: le choc/déni se relâche). Je connais des personnes malades, personne gravement à ma connaissance, et je connais des gens qui ont perdu des connaissances. Ça se rapproche.

Le dimanche perpétuel [fr]

Je viens de faire un petit tour dans le quartier avec mes jambes et mes bâtons. Peu de monde, beaucoup de calme. J’ai toujours aimé les dimanches et les jours fériés, ici, où tout est fermé et rien ne bouge.

Cette période c’est comme un dimanche, mais tous les jours.

C’est trompeur, pourtant. En fait, cette crise n’est pas également distribuée. Elle nous touche tous, nous bouleverse tous, mais alors que certains se trouvent ralentis voire arrêtés, d’autres ne savent plus où donner de la tête. Je pense aux soignants évidemment, mais aussi aux parents télétravailleurs, aux employés des supermarchés, aux profs qui doivent du jour au lendemain apprendre à enseigner à distance (si possible autrement que “je donne des exercices, ils font, je corriger”), à tous ceux dont le revenu est en train de s’évaporer et qui doivent dare-dare trouver des solutions pour payer les employés et les charges, ou simplement remplir le frigo.

On commence à le lire, femmes et hommes ne sont pas non plus frappés équitablement. Les femmes assument la plus grande part des soins et de l’aide à autrui. (Oui je sais qu’il y a des hommes aidants, mais regardons les choses à l’échelle de la population.)

La maladie non plus ne frappe pas équitablement: ça va de rien du tout à la mort, en passant par la petite toux, la vilaine pneumonie et les soins intensifs. Les seniors, les jeunes.

Je vous préviens, je risque de répéter des choses que j’ai déjà dites. Parce que là, j’écris parce que ça me fait du bien d’écrire.

Donc, je reviens de ma petite promenade sous un soleil radieux, sans croiser personne. Paradisiaque pour moi, mais avec un arrière-goût amer parce que je ne peux pas oublier pourquoi la rue est si calme. J’avoue avoir du mal avec ceux qui se réjouissent du confinement ou des conséquences de l’arrêt global de notre monde. Je trouve qu’il y a là quelque chose d’indécent.

Qu’on cherche pour soi du positif, par contre, évidemment qu’il faut. Pour moi, j’avoue que le ralentissement dans lequel on est plongés (tant qu’on ne bosse pas dans un hôpital ou un supermarché ou un service de distribution) m’aide à mieux supporter l’inactivité et “l’inutilité” qui m’accompagne depuis des mois. Donc moi, je le vis assez bien. Et les oiseaux chantent, même si les dauphins ne sont pas en train de se balader dans les canaux de Venise.

Je suis en train de réussir à prendre un peu de distance avec l’océan d’informations dans lequel nous baignons en ligne. J’ai fait du rangement, hier. J’ai décrété que le matin serait consacré autant que possible aux activités hors ligne. J’essaie de me poser la question “qu’est-ce que j’ai envie de faire?” même si ça ne donne généralement pas grand-chose. Je reste fatiguée, et je me demande au bout de combien de doses matinales de 2000UI de vitamine D celle-ci commencera à sortir de ses chaussettes. (Oui, bilan sanguin il y a quelque temps, vitamine D dans les chaussettes, ce qui explique probablement la fatigue que je traine… depuis loooooongtemps.)

Je me demande évidemment quel rôle je joue dans cet écosystème de partages et de communication frénétique. Je lis beaucoup, je partage beaucoup, je commente beaucoup… je me rends bien compte que si pour moi, être informée au max me rassure, pour d’autres, trop d’information est anxiogène. En fait, j’ai aussi mes “infos anxiogènes”: j’évite d’aller lire les récits de gens malades, les témoignages “première personne”… les chiffres, les analyses, les faits scientifiques, voilà ce qui me convient. La détresse à la première personne, j’en reste bien loin. Je sais qu’elle est là et ça m’est déjà assez difficile.

Ces jours j’aime lire Thierry Crouzet, un “énervé” (ses mots) qui écrit et pense bien. Je vous recommande aussi d’écouter les podcasts “Radiographies du coronavirus” (France Culture), un bel exemple de journalisme scientifique avec les pieds sur terre, et “La vie aux temps du coronavirus” (RTS, oui le “aux” me dérange mais c’est comme ça), un peu plus narratif-première-personne, mais qui donne la parole à des spécialistes divers, chaque fois sur une thématique différente. En anglais, il y a “Coronavirus Daily” (NPR), une dizaine de minutes chaque jour pour être à la page.

J’essaie de lâcher face à la chloroquine, à Raoult, aux gants, aux masques portés de travers dans les magasins, aux appels aux tests généralisés alors que c’est juste pas possible. J’essaie de ne pas trop penser aux “anti-vaccins” et à ce qu’on va entendre quand on aura enfin un vaccin contre ce virus. Je n’arrive pas toujours bien. Je me demande comment être utile au-delà de mon entourage immédiat pour notre petit monde romand qui se retrouve trainé de force dans le numérique, bon gré, mal gré. Je découvre le plaisir des appels vidéo, moi qui les snobais plutôt (je préfère mille fois mieux “voir en vrai” les gens). Je m’inquiète un peu pour mon vieux chat qui n’a plus ses traitements “doux” pour son arthrose et commence à peiner en montant et descendant son petit escalier pour accéder au lit.

Mais dans l’ensemble ma vie s’est simplifiée, juste là. C’est comme si la pression de me conformer à certaines attentes concernant comment je devrais vivre ma vie s’étaient envolées. Parce que tout le monde maintenant est en train de faire du mieux qu’il peut, le fait que moi aussi, je suis juste en train d’essayer de faire du mieux que je peux avec ce que j’ai, eh bien ça me pèse beaucoup moins. J’ai plus d’indulgence avec moi-même.

Restez dedans, sauf quand il faut. Restez loin des gens que vous voyez, même si vous les connaissez. Il me semble avoir constaté que les gens restent bien loin des étrangers, mais que cette détermination à maintenir la distanciation sociale se ramollit un peu quand la personne à garder à distance est un proche. Je vois des gens qui se baladent ensemble à moins de 2m, et qui certainement ne vivent pas ensemble. N’oublions pas que chaque “contact” relie non seulement deux personnes, mais toutes les personnes avec qui ces deux personnes sont en contact. L’enfant qui a le droit de jouer avec “un unique copain” et qui ne reste pas assez à distance, eh bien ce sont les deux familles qu’il relie. Ayons conscience de qui on “porte” avec nous dans nos interactions, et de qui ces personnes-là “portent”. Rester dedans règle toutes ces questions.