Delphine, mon amie [fr]

C’était à l’AFVAC en 2022, à Marseille. Audrey nous avait présentées. “Vous habitez les deux Lausanne!” Dans mon souvenir, qui n’est peut-être pas la réalité, on a commencé à parler et on ne s’est plus arrêtées, enfin si quand même, parce qu’il fallait aller assister à telle ou telle conférence ou retrouver telle ou telle personne. Pour moi en tous cas, un coup de foudre et de coeur amical.

On s’est revues après ça, assez vite. Pour discuter, pour skier, pour randonner, pour se voir. On s’appelait, “on fait pas long cette fois, promis”, et six heures après on y était encore.

J’aimais son enthousiasme qui me faisait penser au mien, son énergie, sa curiosité concernant le monde, son amour de la nature et des animaux, son écoute, sa disponibilité et sa bienveillance, son ouverture à se remettre en question, sa capacité à se positionner clairement aussi.

Notre amitié était encore jeune, mais je me réjouissais de la voir grandir et de nous accompagner dans les décennies à venir. Elle comptait pour moi, pas juste parce que Delphine était la belle personne qu’elle était, mais aussi, à titre un peu plus “égoïste”, parce que Delphine et moi partagions beaucoup d’intérêts et de valeurs. Au-delà de la qualité du lien, l’étendue des domaines de la vie qui comptent pour nous et qu’on a en commun avec l’autre jouent un rôle important.

Avec Delphine, j’avais une amie qui comme moi aimait les animaux et le vivant, les sports en plein air, la région dans laquelle nous vivons, ses montagnes et ses lacs, était une féministe engagée (plus que moi probablement d’ailleurs), s’intéressait avec finesse à la santé mentale, de façon générale et aussi plus personnelle, à comment fonctionne notre cerveau et notre société, à l’approche systémique à laquelle je me formais, qui adorait le podcast Meta de choc, avec qui je pouvais “geeker Diabète Félin” et comportement félin, dont le cerveau entrepreneurial et peut-être même hyperactif fourmillait d’idées et de projets, et qui s’arrêtait aussi en randonnée pour regarder les fleurs.

Evidemment qu’il y avait des choses importantes que nous ne partagions pas, je pense par exemple à la musique et la peinture, au fait qu’elle avait un chien et moi un chat. Nos parcours de vie tentaient de panser des blessures différentes, aussi. Mais pour moi, en tous cas, c’était déjà beaucoup.

Delphine faisait également partie des personnes qui arrivaient à être là pour moi, assez spontanément. Pour vous qui me connaissez, vous savez que ce n’est pas rien, ça.

Ma tristesse pleure à tellement d’étages.

La perte d’une jeune femme bourrée de qualités et de ressources, pleine de potentiel qui ne verra jamais le jour. La perte d’une personne qui mettait du soleil dans ma vie juste en état là. La perte d’un lien qui comptait pour moi et en l’absence duquel je me retrouve appauvrie, fragilisée. La perte d’envies et de projets communs qui ne seront jamais réalisés.

Mais c’est aussi le deuil de ce qui peut encore me rester comme illusions qu’il y aurait une justice dans le monde, qu’être entouré, aimé et soutenu devrait être assez pour s’accrocher à la vie, qu’on peut “faire une différence qui fait la différence” dans la vie des gens, que l’on devrait pouvoir percevoir le poids de la souffrance que porte l’autre avec lequel on est en lien, voir à travers les sourires et les paroles solides, qu’on devrait pouvoir “sauver les autres malgré eux”. On ne peut pas. On ne peut pas.

J’ai des regrets. C’est normal les regrets, et avec le temps, il s’agit de les lâcher. Un vieux sage m’a dit un jour “les regrets, c’est utile si ça sert à faire autrement à l’avenir; sinon il faut les laisser”. Mais les émotions et la tête sont parfois en décalage, et comme on le sait, les émotions gagnent toujours.

Le regret le plus présent, bizarrement, mais peut-être pas, en fait, est un regret qui peut sembler très superficiel: c’est que Delphine n’aura jamais rencontré Juju. Elle aurait aimé Juju. Ce regret a du sens, car ce sont les chats qui nous ont rapprochées, et aussi parce qu’elle avait suivi de près l’histoire de Juju, depuis le début jusqu’à maintenant. Elle avait pris du temps avec moi au téléphone, très généreusement, pour me conseiller et me soutenir quand je croulais sous le stress de cette responsabilité imprévue dont je n’avais pas vraiment pris la mesure, que je me torturais à ne pas savoir quelle était la meilleure décision à prendre pour ce chat que j’avais sur les bras. Après tout ça, elle ne l’aura jamais caressé, jamais gratouillé, jamais eu sur les genoux à ronronner. Un chat qui ronronne, c’est une petite chose de la vie, justement de celles auxquelles Delphine était sensible.

J’ai d’autres regrets aussi, évidemment, les randonnées que nous ne ferons pas, de n’avoir pas fait de via ferrata ensemble (alors qu’elle m’avait prêté son matériel en 2023 pour que je m’y remette), de ne pas avoir l’occasion d’accompagner ses progrès à ski, de ne pas voir sa clientèle se développer en Suisse, le bivouac qu’on avait prévu mais que ma santé ne nous a pas permis de faire. On avait évoqué, un peu en l’air, de partir en vacances aux Îles Féroé. Mais plus sérieusement, de partir en vacances ensemble, à l’occasion. Ses projets de vie ont repoussé la concrétisation de projets dans ce sens, et ils resteront à tout jamais à l’état d’idée, dans le giron de cette belle amitié trop courte, en compagnie de toutes ces autres choses auxquelles on avait même pas encore eu le temps de penser.

Je regrette aussi, infiniment, que nous n’ayons pas plus échangé sur un aspect douloureux de nos parcours de vie respectifs, que nous partagions d’une certaine façon, même si nous n’étions pas – la décennie qui nous sépare peut-être – au même endroit par rapport à ça. Je le regrette, et dans mes regrets il y a des “et si je…?”, mais je leur dis à ces “et si”, que dans une relation on est deux, et que si on n’en a pas plus parlé, ce n’est pas tout sur mes épaules. On peut être là pour l’autre, on peut tendre la main, mais on ne contrôle pas plus – et on n’a pas à juger non plus ce qu’a fait ou pas fait l’autre, car nous ne sommes pas en lui, nous n’avons pas toutes les clés, nous ne pouvons pas véritablement “comprendre” ce qui l’anime.

Accepter cette impuissance fait vraiment mal.

Delphine, tu vas énormément me manquer. Tu me manques déjà, tu sais. Ces derniers jours, j’ai voulu t’envoyer mes “trois bonnes choses” de la journée comme nous le faisions ces dernières semaines. Je retourne dans ma tête ces “bonnes choses” que tu as partagées avec moi, qui témoignaient des liens forts et nourrissants dans ta vie, d’un avenir qui se dessinait et se construisait, de moments de vie et de lumière, alors même que peut-être ta décision était déjà prise. J’essaie de réconcilier les deux mais je n’arrive pas. Comment peux-tu me parler de ta voisine qui distribue tes cartes de visite pour te faire connaître le mardi soir, et n’être plus là 24 heures plus tard? Je n’arrive pas. C’est pas possible.

Je me dis que j’aurais dû plus vite te relancer pour te voir, toi qui avais repris contact juste deux semaines avant que tu disparaisses. Mais il n’y avait pas d’urgence, l’urgence était ma convalescence et mon repos, on aurait le temps plus tard. Je me demande vainement si ça aurait pu faire pencher la balance, mais comme je sais si bien le dire aux autres qui se rongent de culpabilité, la réponse est non, ce avec quoi tu te débattais n’était pas dans nos mains.

Mais je suis triste de n’avoir pas de coup de fil plus récent, de rencontre plus récente, qu’on se soit si peu vues ces derniers mois. Je sais que ça n’a pas tenu qu’à moi, mais je suis comme tout le monde, j’ai beau savoir, mes émotions ont le dessus et je pleure. Tu vois, quand j’ai reçu ton message vocal le 17 juin – et je te l’ai dit d’ailleurs – j’ai vu sur ma montre connectée que c’était toi, et ça m’a fait tellement plaisir que j’ai interrompu mon temps de repos pour monter chercher mon téléphone et écouter ton message. Dans ton message, ta proposition de se voir, j’ai entendu que tu repiquais, alors que je comprends maintenant que c’était sûrement plutôt le contraire…

Je ne crois pas au sens dans le monde, ni à la justice de l’univers. Je crois que nous partagions ça, en tous cas en partie. C’est très désécurisant de faire face à ça. J’ai du mal, tu sais, parfois. Et s’il y avait besoin, ton décès vient me conforter dans ce (non-) sens. Non, ce n’est pas juste, pas juste pour toi que ta vie t’ait servi des cartes avec lesquelles tu n’as pas pu gagner, pas juste pour nous qui restons sur le carreau aux prises avec ton absence, toi qui étais présente dans tant de vies et les enrichissais.

Il nous reste à nous frayer à travers la jungle émotionnelle du deuil, dans la peine et la douleur, le mince chemin qui nous permettra de construire du sens. Et ce sens, qui nous accompagnera chacun dans la suite de nos vies, ce sera aussi ainsi que ta mémoire vivra en nous. Des fruits nombreux que ta vie aura portés.

En attendant ce moment, je vais encore pleurer souvent, quand je penserai à toi, quand je caresserai Juju, quand j’irai en randonnée quelque part où nous sommes allées ou où nous aurions pu aller, quand je préparerai ma saison de ski sans pouvoir te proposer de dates pour me rejoindre au chalet, quand je tomberai sur un podcast qui t’aurait intéressé, quand j’aurai envie de partager quelque chose de ma vie avec toi ou de te demander quelque chose, quand je me dirai “tiens, ça fait trop longtemps, faut qu’on se voie…”

Je suis si triste, Delphine. Si triste.

The LLMification of Everything [en]

I find LLMs (“AI”) fascinating. I haven’t been this excited about new technology since I discovered the internet. I am super interested in how they are changing the way we access information – admittedly, not necessarily for the better. I love the interactive interfaces.

But one thing I love less is the way LLM productions creep up all over the place, somewhat uncontrollably. “AI summaries” of search results are one thing. I actually quite like that, it’s clearly marked, usually quite synthetic and a good “overview” before diving into the search results themselves. But do I need a Quora AI-bot answer to the question I clicked on to look at? (Not that Quora is the highest-quality content on earth these days, it’s clearly fallen into the chasm of infotainment.) And of course, page after web page filled with AI slop, and invitations in pretty much all the tools we use to let “AI” do the job for us.

Which brings us to what irks me the most: humans passing off unedited and unreviewed LLM productions as their own. You know what I mean. That facebook comment that clearly was not composed by the person posting it. The answer to your WhatsApp or Messenger message that suddenly gives you the feeling you’re in a discussion with ChatGPT. This is another level from getting Claude to write your job application letter or craft a polite and astute response to a tricky e-mail. Or using whichever is your current LLM of choice to assist you in “creating content”. Slipping “AI stuff” into conversation without labelling it as such, is, in my opinion, a big no-no. Like copy-pasting without attribution.

As we use LLMs to create content for us and also summarise and digest the same content for our consumption, we’re quickly ending up in a rather bland “AI echo chamber”. I have to hope that enough of us will not be satisfied with the fluffiness of knowledge this leads to. That writing our own words and reading those of others will remain something that we value when it comes to making sense of the world and expressing what it means to be human.

Cerveau avec vision tunnel [en]

C’est quand même très étrange et déroutant, ce que cette blessure fait à mon cerveau. Hier je me suis reposée, assez. Ce matin je me suis réveillée sans mal de tête, et j’ai trainé tranquille. Cet après-midi j’ai fait un peu d’administratif. Dont un peu de rédaction. Pas de la rédaction comme ici où je parle à voix haute, de la rédaction où on tente de composer un truc administratif tourné comme il faut avec les infos qu’il faut et pas trop long. Au bout d’un moment, 30-45 minutes peut-être, j’ai senti que ça patinait. Et quand ça patine, c’est comme si mon cerveau souffrait de vision tunnel. Je peux me focaliser sur la phrase que j’écris, mais je n’arrive pas bien à garder en tête le contexte: ce qui vient avant, après, le mot que je veux placer, la partie de phrase que je veux bouger, l’idée que je veux exprimer. Décrit comme ça, ça fait clairement penser à une mémoire de travail réduite. (Ce qui fait sens, c’est décrit comme un symptôme en cas de syndrome post-commotionnel.) L’expérience subjective est vraiment désagréable. C’est vraiment comme si mon cerveau ne “voyait” plus en grand angle mais en zoom. Et encore, le gros zoom sans stabilisateur qui tremblote et qu’on peine à garder sur le sujet.

Alors bon, j’ai arrêté, j’ai fait une croix sur ma sortie de la soirée, et je me mets au repos, vive la glande. Mais ces moments de cerveau en mode vision tunnel, j’avoue que ça m’effraie. Et que j’aimerais que ça passe. Je l’aime bien, mon cerveau, vous voyez, et ça m’embête de le voir galérer comme ça.

Tartine du jour entre fatigue, judo, ménage et planning [en]

Aujourd’hui le moral bat un peu de l’aile. Parce qu’encore une fois je me retrouve HS, à plat, raide, et avec le petit mal de tête en prime, alors que ce qui a mené à cet état représente pour moi assez peu d’activité. Encore une fois, j’ai surestimé ce que je pouvais faire. Et ça me déprime de voir “combien peu” je peux me permettre de faire, juste là.

Je cogite beaucoup à comment gérer ça. Oui, oui, il faut réduire les attentes et ambitions. Croyez-moi, j’y travaille. J’essaie de lire tranquillement alors que l’armée de paparazzis tambourine à la porte, menaçant de la défoncer, qu’il y a des fuites d’eau au plafond et que des bombes tombent sur les immeubles d’à côté. Pas littéralement, vous m’aurez comprise. Les paparazzis, ce sont mes envies, mes obligations, mes responsabilités, mes projets, mes “ah oui je pourrais faire xyz”.

Concrètement, que faire? Quelques réflexions en vrac. On verra où ça me mène. Merci à toi, cher lecteur, chère lectrice, de faire ce bout de chemin avec moi.

Les “choses à faire”, elles sont à différents niveaux. Il y a les obligations plus ou moins obligatoires, les envies plus ou moins utiles, les choses qui nous font du bien et nous satisfont, les choses qui font plaisir, les choses qui font qu’on se sent moins coupable. Les choses qui nous coûtent et les choses qui nous ressourcent. Les choses qu’on doit et les choses qu’on veut, avec une frontière pas toujours très nette entre les deux.

Tâches au fil des jours et des semaines

Tout à l’heure, avant d’aller chercher mon ordi pour commencer à écrire ici, j’ai pris mon cahier et tenté de faire l’inventaire de mes tâches quotidiennes et hebdomadaires “obligatoires”. Pour l’exercice, on va éviter de débattre sur la signification de ce mot.

Chaque jour par exemple, il y a des choses comme:

  • préparer les repas
  • faire la vaisselle
  • donner les médics au(x) chat(s), prendre les miens
  • nettoyer la litière
  • arroser les plantes du balcon
  • relever le courrier
  • faire du petit rangement courant, au fur et à mesure
  • théoriquement, faire des exercices pour la physio (j’arrive quasi jamais)

Et puis à un rythme plus hebdomadaire (pour certaines tâches deux fois par semaine, d’autres toutes les deux semaines ou plus, ça varie):

  • faire les courses
  • faire la lessive
  • changer le capteur d’Oscar
  • divers rendez-vous médicaux et paramédicaux, véto y compris (à la louche, j’en ai minimum 5 de fixe, donc généralement 6, et parfois jusqu’à 8)
  • arroser les plantes d’intérieur
  • changer les draps
  • vider les poubelles diverses et variées
  • superviser le robot pendant qu’il fait le ménage
  • tenter d’aller au judo et (j’espère toujours) au chant

Et là, il n’y a vraiment que les choses de base. Ecrire, voir du monde et rester en contact avec mon cercle social (conséquent), rempoter les plantes, tenter d’améliorer l’entente entre les deux chats pour pouvoir descendre Oscar plus souvent, m’occuper de DF, boutiquer avec ChatGPT et autres LLM, gérer mon admin perso (citoyen et digital), rendre quelques menus services à mes proches… Sans compter que les choses comme la vaisselle, les paiements et le petit rangement, les habits propres sortant de la lessive, si on n’a pas pu faire à mesure, ça s’accumule.

On est d’accord que ce n’est pas un problème nouveau chez moi, la gestion du quotidien et des affaires domestiques. Mais depuis mon diagnostic et mon traitement, c’était quand même assez sous contrôle. Alors que je travaillais! Et là, avec traitement, j’ai l’impression d’être de retour à la case départ. Pas toujours bien sûr, et au moins je comprends ce qu’il se passe et je me blâme moins, mais c’est vraiment frustrant de voir combien “juste vivre” me prend à peu près toute mon énergie.

Jeudi

J’ai fait quoi, là, pour me retrouver HS? J’ai tenté d’y aller mollo cette semaine. Et j’ai mieux réussi que celle d’avant. J’avais des journées “vides” dans le calendrier – mais que je me suis bien entendu pressée de remplir malgré ma ferme intention de les maintenir en mode “repos”. Jeudi par exemple, journée “repos” après ma séance d’entrainement cognitif de la veille (je confirme, l’entrainement cognitif ça me met HS pour 24-48h). J’ai écrit un article, reçu une livraison de puzzles qui m’a lancée dans une analyse des différentes versions des puzzles Heye des oeuvres de Rosina Wachtmeister, réfléchi à un escalier plus adapté pour qu’Oscar puisse monter et descendre du canapé du balcon en sécurité, après l’avoir vu “ripper” à la descente sur les marches de l’escalier zooplus en place, nettoyé une plante envahie de bestioles que j’avais mise en quarantaine la veille dans la baignoire (les deux autres attendent toujours), dépendu la lessive, fait un saut chez le véto pour chercher du matériel pour perf sous-cutanée pour Oscar, importé les photos de mes dernières sorties dans Lightroom, appelé une copine (long téléphone), reçu la visite (courte) d’une autre, supervisé Oscar et Juju ensemble à l’eclau durant un petit moment. J’avais prévu de faire des courses à la Migros, et j’ai sagement renoncé.

Vendredi

Ça vous fatigue? Moi aussi. Et honnêtement, c’était une journée plutôt light. La preuve, le lendemain je me suis réveillée sans mal de tête. Le lendemain, donc, vendredi, avant-hier, j’ai pris le train pour aller à Berne et manger avec une collègue – rendez-vous prévu de longue date et que j’ai choisi de maintenir, avec raison, c’était vraiment très chouette. Avant de partir j’ai changé le capteur d’Oscar et eu la présence d’esprit de faire ma vaisselle du matin. Dans le train à l’aller, j’ai fait un premier jet d’un document que je dois pondre. A mon retour, j’ai réussi à bouquiner dans le train – j’avais un léger mal de tête arrivé en fin de repas de midi, comme quoi déjà 1h et quelque de discussion intense et sympathique ça fait déjà surchauffer mes neurones.

De retour à la maison j’ai réussi à me poser. J’ai mis le ventilateur sur le balcon, bouquiné un peu, et fait une sieste. Puis j’ai réalisé que j’avais de quoi “bricoler” un meilleur escalier pour Oscar à la cave, et je suis descendue chercher le matériel pour l’installer. J’ai mangé un truc en vitesse, et je suis partie à mon stage de judo, malgré la fatigue. Parce que ça faisait plusieurs semaines que je me réjouissais d’aller à ce stage. Pas pour pratiquer, mais pour assister mon prof et enseigner un peu, ce que j’aime bien faire. Et du coup je me sens un peu utile, aussi. Je suis rentrée du stage bien fatiguée. J’ai aussi vu combien c’est limitant de ne pas pouvoir démontrer beaucoup de ce qu’on explique – que ce soit à cause de mon épaule ou ma tête (pas de chocs!) J’ai quand même montré un peu, ce qui me semblait faisable, et évidemment, il y a 2-3 trucs que je n’aurais pas dû faire. Je suis rentrée, j’ai mangé, je me suis couchée trop tard parce que je suis restée coincée sur facebook (récurrent ces temps, oui oui “je sais” qu’il faut pas, merci de l’info). J’ai quand même eu un nombre d’heures de sommeil correctes.

Samedi

Réveil hier avec un petit mal de tête. Surprise? non. Embêtée? oui. Parce que je sais ce que ça veut dire et je veux pas. Allez, matinée tranquille. Installé une caméra de surveillance sur le balcon pour voir si Oscar gère bien son nouvel escalier. Trainouillé en ligne et avec les chats. Midi. Ouille! Le stage commence à 14h, et il faut vraiment que je fasse des courses. Je file à la Migros. Je fais les grosses courses, j’en ai pour une heure, je rentre avec un sacré mal de caillou (pour moi, hein, mes maux de tête sont pas “horribles” sur une échelle absolue). Je sais que je ne devrais pas aller au stage, c’est pas raisonnable, mais j’ai envie. Et hier je me suis proposée pour gérer la caisse et les inscriptions, donc je me sens responsable. Pas le temps de ranger les courses, je mets en catastrophe ce qui doit aller au frigo au frigo, je bricole une salade de pâtes que j’avale vite fait, je saute sur mon vélo et je vais au dojo.

Je suis contente d’être au stage, je travaille avec deux jeunes motivés et adorables (j’espère qu’ils ne liront jamais ça parce qu’ils vont sûrement trouver extrêmement “cringe”). J’ai quand même prévu un filet de sécurité: je me suis dit (et j’ai prévenu) que suivant l’état je partirai à la pause. Ça ne pose aucun souci, hein, sauf à moi. J’ai toujours mal à la tête, donc à la pause je prends mon medikinet et un ibuprofen (on sait jamais). Je devrais peut-être rentrer, mais je veux rester pour continuer le travail commencé avec “mes” deux jeunes. Eh oui, voyez, je me sens de nouveau “responsable“. Alors que, c’est juste moi, hein. Je précise. Personne ne me fait ça que moi-même. Pas le temps de vraiment décider, une discussion sympa plus tard autour d’un thé froid, le cours reprend et moi je reprends ma place sur les tapis. Contente d’être là! Mais c’est pas raisonnable. Il me faudra une bonne quinzaine minutes de tergiversations internes, le constat que ni medikinet ni ibuprofen ne font quoi que ce soit à mon mal de tête, quelques brefs échanges avec une copine pour lui confier la caisse si je ne viens pas demain et les jeunes pour la suite du cours, et quelques larmes difficilement retenues pour me décider à faire ce que je sais très bien que j’aurais déjà dû faire: rentrer.

Qu’est-ce que ça me coûte, ce genre de chose.

Je pleure un coup en me changeant, je rentre, j’essaie très fort de voir ça comme une victoire (car je sais que c’en est une) et non un échec (c’est ainsi que je le ressens au fond de moi). Je me pose sur le balcon, je reste tranquille, je me félicite d’avoir levé le pied. Je passe du temps à gratouiller Juju, je traine sur le balcon avec Oscar et en profite pour lui faire sa perf, je me mets en mode “off”. Je suis trop raide pour faire la vaisselle, trop raide pour ranger les courses. Je me dis que je vais tester une recette de blancs de poulet farcis que m’a donnée une copine, pour le souper. Mais en fait non, je suis trop raide, et la cuisine est en chaos. Allez, repas facile. Le soir, pour la première fois depuis plusieurs jours, j’arrive à me mettre au lit et à lâcher mon tél assez tôt pour pouvoir lire plus que deux paragraphes avant de m’effondrer.

Dimanche

Ce matin, je me réveille à nouveau avec mal à la tête. J’ai “bien” dormi. Je vais y aller mollo. Objectif: la vaisselle et les courses à ranger, parce que là ça commence vraiment à me tomber sur le moral. Mais je suis HS, déjà. Je descends, je fais un peu de puzzle. Je suis lancée, et je sens que même ça, ça me demande un petit effort. Un puzzle, normalement, c’est le truc qui me repose le cerveau. Ça se fait tout seul. Là, je sens que c’est moins fluide. Je ne me force pas, hein. Mais je sens ce signal de fatigue. Donc la vaisselle attendra. Les courses aussi. Et vers 13h, quand je lâche le puzzle et que je remonte pour me faire à manger, je réalise que les poitrines de poulet farcies attendront aussi.

Il est 15h30, et je ne suis pas au stage de judo, alors qu’aujourd’hui c’est le sol, ma discipline favorite. Et j’ai un mal fou à ne pas ressentir ça comme un échec.

Comment faire mieux?

Leçons de vie de judoka

Le judo, ça fait 30 ans que j’en fais. Et indépendamment des techniques, de la condition physique, et de ce qui va avec, le judo a ancré en moi une certaine vision du monde, une certaine attitude face au monde. Par exemple:

  • essayer quelque chose, observer le résultat, essayer de nouveau, observer le résultat, ajuster notre quelque chose et ressayer, observer le résultat…
  • tomber huit fois, se relever neuf fois
  • quand on croit qu’on peut plus, on peut encore.

Tiens, c’est marrant, j’avais fait un exercice un peu similaire sur les leçons du judo pour la vie il y a 10 ans.

Le premier point, j’en ai pris conscience récemment, c’est une vision profondément interactionnelle des rapports entre les gens. Au cours de ma formation en systémique, je me suis souvent demandée pourquoi cette façon de voir les choses m’est si naturelle alors que pour beaucoup de gens, elle ne va pas de soi. Que ce soit clair, ce n’est pas la seule raison (je pourrais faire un article à ce sujet, tiens), mais le fait de pratiquer depuis aussi longtemps une discipline où on ressent directement dans son corps que action => réaction, ça fait quelque chose.

Le deuxième, c’est la ténacité. On essaie encore. Une défaite ou un échec, ce n’est jamais final. On se relève et on repart au combat. Une chute, ce n’est pas la fin du monde.

Le troisième, il rejoint un peu le deuxième, mais pas que. Il nous dit que nos limites ne sont pas ce qu’on croit. Quand on est immobilisé au milieu d’un combat, en compétition, et qu’on n’a plus de jus, qu’on n’en peut plus, qu’on est cuit, qu’on commence à accepter que c’est fini, qu’on a perdu… on découvre parfois qu’on peut encore. Je me souviens très bien de ce moment. J’ai entendu mon prof, qui me coachait du bord du tapis, me dire “allez sors! ne perds pas maintenant!” – je n’y croyais pas, j’ai donné tout ce que j’avais et même ce que je ne savais pas que j’avais, et je suis sortie de l’immobilisation où l’autre me tenait. Ça ne vous surprendra pas, je pense, d’entendre que c’est une de mes forces en combat, de dépasser mes limites.

Mais ça, ça va un moment.

Ça va quand on est jeune. Ça va quand on est en forme. Ça va quand il s’agit d’effort physique et de force, de résistance et d’endurance. Ça va quand c’est ponctuel.

Avec les décennies, j’ai dû apprendre à les écouter, mes limites, plutôt que les dépasser. Pour éviter de me blesser. Le corps, c’est facile. J’ai appris aussi que ce n’est pas parce que je peux porter de lourdes charges que c’est une bonne idée de le faire. Après, j’ai mal au dos. Ce n’est pas parce que je peux chuter des dizaines de fois que c’est une bonne idée de le faire.

Cette leçon inverse est beaucoup plus difficile pour moi à intégrer pour ce qui est de l’effort cognitif ou de la fatigue mentale. Pas de surprise, hein.

Donc, comment faire mieux?

Je sais, ça devient long. Merci si vous êtes encore là à lire. Moi, en tous cas, je suis encore là à écrire. Et je me demande comment faire mieux avec mes journées, mes tâches et mon énergie. Et même si en ce moment j’ai un coup de mou, je vais me relever, et essayer encore une fois de passer cette satanée technique qui me résiste. Sans me blesser.

Je pense qu’il y a deux clés:

  1. la priorisation
  2. la flexibilité

Le premier point a toujours été une grande difficulté pour moi (merci TDAH). Quant au deuxième, je crois que j’ai récemment fait de gros progrès: je me dis “tout est annulable, si je ne suis pas en état”. Je préviens les gens avec qui je conviens de projets et de rendez-vous. Une copine m’a donné un bon truc pour les “tâches à faire”: ne pas juste prévoir une plage, mais prévoir une fenêtre de temps (entre mardi et jeudi par exemple) avec une plage plan A, une plage plan B, plan C. L’idée étant que cela ôte la pression de “faire quand même” si je n’ai pas l’énergie quand arrive la plage choisie, vu qu’il y a un plan B et un plan C derrière pour me rattraper.

Pour les priorités, je vois les choses comme ça, actuellement. La base, c’est la gestion de mon ménage, de ma santé, de mon administratif. L’administratif, c’est pour ne pas avoir de problèmes de sous (ou pire). La santé, c’est pour se remettre sur pied et ne pas tomber malade (sans blague). Et le ménage, c’est parce que l’état de mon environnement a un très gros impact sur mon moral. Surtout dans cette période où par la force des choses je passe beaucoup de temps à la maison, m’installer jour après jour sur un balcon en désordre, ça finit par me miner.

Santé

La santé, ce sont surtout des rendez-vous. Ils sont là. Je pense que je ne les répartis pas bien sur la semaine, parce que je me retrouve avec des jours à 4 rendez-vous, et ça c’est trop. Mais ça, c’est aussi parce que je ne veux pas “bloquer” toutes mes journées avec des rendez-vous. J’espère encore pouvoir me dire “oh, je vais faire une randonnée”, ou bien sortir le bateau, ou bien pourquoi pas, avoir une journée toute libre pour trier des affaires. Donc, la répartition optimale des rendez-vous médicaux (rappel: 5 récurrents, souvent 6 ou 7) c’est encore à travailler. Et peut-être, parmi ces rendez-vous, il y a des choses à reprioriser. Je vais y réfléchir…

La santé, c’est aussi “bien dormir, bien manger, bien s’entrainer”, comme disait mon prof de judo. Dormir, ça va, une fois que je suis dans mon lit avec mon bouquin. Le problème c’est d’y arriver. Premièrement dans le lit, deuxièmement avec le bouquin. Là, clairement, il y a une marge d’amélioration. J’ai besoin de trouver une stratégie qui fonctionne pour moi par rapport à ça. Réflexion en cours. Manger, ça va, même s’il y a des jours un peu bof, globalement je mange équilibré (et je mange tout court, ça c’est sûr, je ne suis pas du genre à être capable de sauter un repas, j’ai trop la dalle). S’entraîner, faire de l’exercice physique, donc, c’est moins simple, parce que mon épaule est encore convalescente, mon cerveau doit éviter les chocs, et ma fatigabilité est grande. Donc, me pointer au cours de judo pour bouger un peu, comme je l’ai fait ces derniers temps, c’est bien. La physio, c’est bien. Me déplacer à vélo, même si c’est un peu court, c’est bien aussi. Ce qui manque là-dedans c’est peut-être sortir marcher – sauf si ça se confirme que l’impact répété de la marche ne fait pas de bien à ma tête. Malheureusement je n’aime pas nager (au-delà de barboter) et je n’ai plus de vélo d’appartement (c’est quand même vachement bien pour transpirer sans impact). Roller peut-être?

Admin

Ah, l’administratif. Il y a des choses que je fais à mesure: payer les factures quand elles arrivent (merci l’app Postfinance et les QR-codes), et souvent, envoyer les demandes de remboursement (frais médicaux des chats, par exemple). Mais pas toujours et pas tout. Et il y a de l’admin “non trivial”, qui traine et s’accumule, auquel on repense toujours au mauvais moment et avec une culpabilité croissante. Moi en tous cas. En 2019, quand je récupérais de mon burnout, j’avais fait quelque chose qui marchait assez bien: j’avais prévu une plage hebdomadaire pour ça. Si je reprendre cette idée aujourd’hui, ce n’est pas juste une plage que je devrais prévoir, mais aussi la plage plan B ou plan C. Peut-être que plan B suffit, parce qu’au train où ça va, si je saute une semaine d’admin de temps en temps ce sera pas pire que maintenant. Donc voilà l’idée: deux plages de deux heures dans la semaine pour faire mon admin. Et si je le fais lors de la première, la deuxième se libère. Reste à voir quand, et si j’arrive à mettre une plage stable avec la valse des rendez-vous.

Ménage

Nous y sommes. Dans ma vie idéale, mon ménage est fait à mesure et mon appart est sous contrôle. Je ne me suis jamais mise une pression de dingue pour ça, parce que vraiment, les tâches ménagères c’est pas ce que je préfère. Mais le résultat c’est que je vis souvent dans un appart qui me “stresse” car partout autour de moi il y a les rappels visibles des choses à faire. Les plantes à rempoter, le rideau de balcon à trouver, le coin vide-sacs à ranger, etc.

Quand on fait ce qu’on peut faire à mesure, tout va mieux. La vaisselle, la lessive… un brin de ménage. Ça fonctionnait plutôt bien avant mon accident. J’avais même radicalement changé ma façon de voir le ménage et réussi à lancer une grande opération “rangements de fond, réaménagement et déco“. Mais maintenant c’est le débandade. Je pense que je sais pourquoi: je n’ai plus la structure que donnent les horaires de travail à la vie, tout flotte un peu, et en plus, je fonctionne globalement moins bien et suis plus fatiguée. Il est certainement temps, pour ce type de chose en tous cas, de reprendre la pratique de planifier le déroulement de mes journées. Ça ne veut pas dire les remplir, car on peut planifier du vide ou du libre. Mais je pense qu’en l’état, les choses comme la vaisselle et le ménage, c’est peut-être pas inutile que je me rappelle que ce n’est pas trivial pour moi, et que ça prend du temps, et de l’énergie. Et peut-être que je peux faire ça en appliquant aussi la méthode “plan A, plan B”. Je prévois 15 minutes après le repas pour faire la vaisselle. Et je prévois aussi 15 minutes avant le repas d’après pour si je ne l’ai pas faite. Ou alors, une plage large d’une heure de rattrapage vaisselle tous les deux jours? Idem avec la lessive. Je sais quand est mon jour de lessive, mais je retombe dans ma pratique ancienne d’improviser cette tâche (cette collection de tâches, en fait, depuis mettre en route la première machine jusqu’à ranger les habits dans l’armoire le lendemain). Et le ménage proprement dit, idem. Quand je travaillais, j’avais des samedis bloqués pour ça.

Le thème qui semble se dégager de tout ça, à ce stade, c’est structure.

Et le reste, alors?

Le reste, ça vient après. Ecrire, trier les cartons, voir les copines, rempoter les plantes, optimiser ma maison connectée, jouer avec ChatGPT pour classer mes clips vidéos des aventures de Juju à l’eclau, sortir faire du bateau… tout ça vient après la base, et en fonction de l’énergie qui me restera. Qui ne sera pas assez d’énergie, je le sais déjà. Et peut-être que parmi le reste, il faudra prioriser. Combien de rencontres avec interaction sociale intense est-ce que je m’autorise dans la semaine? Est-ce que je range ou bien j’écris? Je sors faire du bateau ou bien je trie mes habits? J’amène la voiture au garage pour changer les pneus ou bien je vais chez IKEA? Tout ceci en tenant compte de la nécessité des plages de repos et de la flexibilité “plage plan A, plage plan B, plan C”.

Franchement la perspective de tout ça me tord le bide. Mais j’ai bien compris: plus je fais d’excès maintenant (les “excès” qui me laissent à plat et avec mal au crâne), plus cette période où je suis limitée va se prolonger. Et je sais déjà qu’une fois dans la semaine, j’ai une séance d’entrainement cognitif qui me pousse à mes limites (c’est voulu).

Bon honnêtement, je ne sais pas si qui que ce soit va lire ça en entier (ni même si moi je me lirais), mais réfléchir à haute voix par écrit m’a beaucoup aidée, encore une fois.

Je vais manger un snack et sortir mon calendrier pour voir ce que j’arrive à commencer à mettre en place de tout ça!

Le piège [en]

Je me sens relativement normale. Mes blessures physiques guérissent, ma tête semble fonctionner. Je veux dire par là qu’au quotidien, visiblement, ça va. Je peux lire, je peux écrire, je peux causer avec les copines, m’occuper de mes chats. Tant que je suis en mode “take it easy” ou “vacances à la maison”, je pourrais presque en venir à douter.

Les doutes s’envolent dès que je suis un peu plus active. Une journée avec un peu trop de rendez-vous (médicaux souvent). Un week-end où je veux aller voir deux spectacles. Une discussion un peu intense de plus. Une randonnée facile de 3 heures.

Enfin je dis qu’ils s’envolent, ça donne l’impression dit comme ça que c’est indubitable, mais c’est un peu forcer le train, quand même. Ils se dissipent, peut-être. Faiblissent.

Quand je fais trop, j’ai mal à la tête. Mais pas tout de suite. Le soir ou le lendemain. Et parfois encore le jour d’après. Je suis fatiguée, bien plus fatiguée que je ne le devrais. Mais c’est pas un mal de tête à percer le crâne, c’est pas non plus une fatigue à s’endormir sur place. Parce que j’apprends à être prudente, à écouter mes limites (leur apprendre à parler?), et surtout à réagir à ces signaux d’alerte et lever le pied.

Si je ne le faisais pas (et lors de la poignée d’occasions où je ne l’ai pas fait, pour diverses raisons) les maux de tête sont plus insistants, la fatigue plus assommante. Et d’après ce que j’ai compris, c’est ça le mécanisme avec un syndrome post-commotionnel: le risque, si on ne prend pas le temps de la convalescence, c’est que tout ça devienne chronique et s’intensifie, jusqu’à ce qu’on casse ou s’effondre.

Donc c’est ça qui est difficile, surtout pour quelqu’un comme moi qui a toujours tendance à douter d’elle quand elle est “mal” (au sens large). “Est-ce que j’exagère? Est-ce que je simule, même? Est-ce que je me raconte que je vais plus mal que je ne vais vraiment?” Ce sont les refrains constants dans ma tête. Ces deux dernières années j’ai appris à leur donner moins de place, mais ils sont toujours là. Ce qui est difficile, donc? C’est que le “traitement”, durant cette longue convalescence, consiste à se réguler autant que possible de sorte à ne pas avoir de symptômes. Ne pas avoir mal à la tête (à la base, je ne suis pas quelqu’un qui a beaucoup de maux de tête, même si ça m’arrivait). Ne pas être épuisée.

Et donc quand on fait “juste”, on finit par se dire: mais… est-ce que je suis vraiment “malade/blessée”? Pourquoi je suis en arrêt de travail, au juste? Ça va pas mal, en fait! Et ça c’est la porte par laquelle vient s’engouffrer le doute et sa meilleure copine, la culpabilité. Un peu de honte aussi, peut-être, c’est à voir. Un syndrome de l’imposteur du patient convalescent. La peur d’être découverte (alors qu’il n’y a rien à découvrir), ou simplement pas crue, pas prise au sérieux.

Les maux invisibles sont vraiment les parents pauvres des soucis de santé. Si on boite visiblement après avoir marché une heure, personne ne va venir dire qu’il n’y a pas de problème. Si on a le cerveau qui commence à patiner après une heure de concentration, c’est la plupart du temps 100% intérieur. Peut-être même qu’on arrive, vu de l’extérieur, à penser et fonctionner sans boiterie visible. Mais elle est là. On peut pédaler à 50 tours/minute sur un vélo alors qu’on serait capable de 80, ou alors que 50 est notre maximum. De l’extérieur, on ne verra toujours que ces 50 tours/minute, donc “tout va bien”.

Donc le piège il est là, pour moi en tous cas. Je ne travaille pas. Il fait beau. Je dois “vivre en mode vacances”, en quelque sorte. Bon, avec pas mal de rendez-vous médicaux qui remplissent mon agenda, il faut dire. Je dois me ménager et y aller mollo pour éviter de me réveiller, comme c’est le cas aujourd’hui, avec un mal de tête qui ne va pas me quitter de la journée. Le mot d’ordre est quand même de rester active, hein, pas de larver devant Netflix toute la journée. Donc je me dis “bah OK, alors c’est l’occasion de m’occuper un peu de mes affaires domestiques, d’avoir quelques activités de loisirs, de voir des gens”.

Ça ressemble en surface furieusement à des vacances à la maison. Mais ça n’en est pas, parce que je ne peux pas faire les choses que je ferais si j’étais en vacances à la maison. Je le sais parce que l’automne dernier j’ai pris deux semaines de vacances à la maison pour “réaménager” mon appart. Et sans pour autant me tuer à la tâche, j’ai abattu une tonne de travail. J’ai fait des choses tous les jours, du matin au soir. Si j’étais en état de faire tout ce que je ferais si j’étais en vacances à la maison, je serais en train de reprendre le travail, en fait. C’est évident, mais c’est compliqué de réconcilier cette apparence “vacancière” (j’ai même pas le moral dans les chaussettes, la plupart du temps) qui fait naître en moi plein d’envies de “faire”, de projets, d’idées, avec la réalité du cerveau blessé et de ma convalescence, déjà longue mais qui va certainement l’être encore (j’essaie de m’y faire), qui m’interdit leur réalisation.

Et comme cet état ne m’est pas familier, qu’il n’y a pas de manuel (chacun est différent donc c’est à moi de l’écrire), ça me rend d’autant plus difficile quelque chose qui m’était déjà très difficile avant mon accident: ramener à la réalité mes projets et mes envies. OK, j’ai envie de faire tout ça, mais qu’est-ce que je peux vraiment faire dans un temps imparti? Je me frustre déjà énormément parce que mon cerveau est précieux et que je comprends bien l’importance du repos pour sa récupération, et ça reste régulièrement insuffisant. Je peux plus ou moins faire “de tout”, mais pas trop. C’est pas comme une jambe dans le plâtre où c’est très clair que la randonnée ce sera pour plus tard.

Bref. C’est dur d’être libre de son temps et de ne pas se laisser avoir par ce goût de vacances qui pointe le bout de son nez. Parce qu’il est agréable, ce goût, et juste là, j’en ai besoin, des choses agréables, pour me distraire de la peur qui trépigne dans les coulisses.

Shit Happens [en]

It would be nice to have somebody to blame. Or something. Somebody to be angry against, to be the bad guy in my story – even if it had to be me. It’s so much easier to accept bad stuff when there is a reason, an explanation. Somebody made a mistake. Somebody was a bad person. Even, maybe, God’s will. Or, I took a risk and sometimes, when you take a risk, you get hurt. Or I was careless. I should have known better.

I’ve had accidents before in my life. Many. Some trivial, some less so. A driving teacher who didn’t see me and cut me off on my moped – I crashed into the side of her car. A car that stopped in front of me in the slowly moving line right at the moment when I was distracted. A ski jump that I took despite parental interdiction, and without necessary precautions. A lady who rammed my car from the side at a roundabout – she was just coming home from visiting her husband in the hospital. Even somebody who landed on my head at judo – just bad luck of the two of us falling on the same little mat at the same exact time.

I’m generally pretty relaxed about the fact that shit happens. We all make mistakes. We all misjudge at some point or another. Reading an essay on “Moral Luck” by Thomas Nagel when I was a young adult made a lasting impact on me. Consequences are not always in proportion with the mistake or “crime” one makes. I don’t feel the need to bash on people who make them. I make plenty myself. I also don’t believe there are inherently “bad people”. Troubled and dysfunctional people, yes. But not – or very rarely – to the point that they are “essentially bad”.

But yeah, right now I wish I had somebody or something to be angry at, even myself. We’re closing in on three months and I can see I am still far from being in good enough working order to have a life similar to the one I had before. Of course that’s not 100% the goal, because I know – knew before, actually – that I have to slow down. But to have the capacity, the ability, the choice. Really not there yet. I’m not even sure the neurologist will send me back to work on a “therapeutic” programme next month. We’ll see that next week.

This is the tough period: time has gone by, the choc of the accident is behind, normalcy has crept up on everybody, and as it is in this type of situation, lives go on and the immediate support that rallies around one in times of crisis gently fades away. On the surface I’m back to functioning, so much so that I sometimes have to remind/convince people that I’m actually not capable of working yet. And not capable of a bunch of other stuff, but that’s stuff that I see, not outside people.

This is quite clearly the worst accident I’ve had. And ironically, it’s (amongst my significant accidents) the one where the absence of a candidate to the role of the guilty party is the most glaring.

I was skiing, in my comfort zone, without taking any out-of-the-ordinary risks. You’ll tell me, skiing is risky, especially when you ski fast. I hear you. So is driving on the motorway (you know those stats we’re all immune to, how many people die on the road each year), and doing a whole bunch of other things. So of course, if you stay at home and do less things you run less risk of having an accident. But you’re running other health risks, right.

I was just skiing, doing something I’ve done hundreds of times, and I fell. Nobody else was involved. I didn’t do anything crazy. The most probable explanation is that I wasn’t able to absorb a pile of snow my right ski ran over. Why not? No idea, because this kind of thing happens regularly – a bump or pile of snow – and absorbing them is what legs and knees and a good sense of balance are for. But in this case, I lost my balance, right when I was gathering speed for the end of the run, and I fell. Initially, I told myself that maybe my ski had come off before I fell, maybe it hadn’t been set “heavy enough” (the setting is by weight, and when you ski well and fast you want to be sure your ski doesn’t come off “by accident”, and when you’re a beginner you’d rather it detached easier). But honestly, I don’t think so. I haven’t even checked – I could, my skis are in the cellar.

So there we are. A bad accident, with no real satisfying explanation. No bad or silly person, nobody to blame. I don’t even have God handy for that, personally. Just an ordinary day on the slopes, and there we go. It rattles me. It rattles me all the more because serious as the consequences are right now, I’m quite aware that I was actually lucky. I was lucky with my shoulder and thumb. And I was lucky with my brain.

It scares me to be reminded, very concretely, of something that I know and troubles me deeply: people don’t always die for a good reason. Or even a reason.

Sometimes shit just happens.

Writing After Breakfast [en]

Maybe I should kick off my day by writing. After breakfast of course. Do you know this blog is going to turn 25 in a month or so? It sounds crazy. Almost half my life. I remember the early days, before Facebook, when a blog post was a small thing one wrote, not a full-blown essay. I would sometimes post more than once a day. I had blogging friends who blogged every day. I did, for long stretches. Not because it was a decision, but because the blog was where we lived online.

Now, for me, it’s still clearly facebook, after all these years. That’s where people hang out. This blog feels a bit lonely. For many years, writing here has felt more “private” than Facebook, isn’t that weird? Both are quite public, but the audience isn’t the same.

Anyway, maybe I should kick off my day by writing. Breakfast comes first, I learned that years ago. Interacting on an empty stomach is not a great way to start the day for me – it usually goes sideways. Breakfast, then write a bit. It’s not like my balcony can’t wait another half hour or sixty minutes for me to get to work turning it from a pile of stuff to a cozy hangout. I’m on my balcony already, actually. You can see the photo.

My balcony has been waiting for weeks. It’s been waiting for weeks because I struggle with managing my time and activities since my accident two months ago. I’ve always struggled with that, you know that, but since my ADHD diagnosis and medication, it had improved a lot. Night and day. Now I feel I’m back to pre-diagnosis days, although I’m taking my usual work-day dose of medication. Not to worry, it will get better. It’s getting better. I am thankful to have the time and space for that.

So my balcony has been waiting for weeks because I struggle with time and task management, and also because unexpected tiredness will hit me. Not unexplainable, just unexpected, because I’m still in the process of understanding what costs me in terms of cognitive effort, and where my limits are. Again, not to worry: it is improving and will improve. But for example, this Saturday I was pretty much completely non-functional after a first small session of cognitive training. At least, that’s my working assumption at this stage – that this session is the cause. I didn’t expect it, but I was warned it could. We’ll see if the next session brings similar aftereffects, or if it was a coincidence and the reason is elsewhere.

Anyway: I had planned on “doing my balcony” Saturday, and I didn’t.

Yesterday I would have had some time for it, but instead I ended up taking the cat to the vet for a few stitches. He’s fine, though unhappy about his cone. I feel for him. I also helped a friend put together a non-IKEA wardrobe. I love IKEA furniture even more now. This happens each time I grapple with non-IKEA furniture design and instructions.

The small stack of yesterday’s dishes can also wait a bit, so can yesterday’s grocery shopping which is patiently waiting on the kitchen floor, half out of its bags. The cats can also wait a little for their medications. Insulin is done, that’s the most important, and I have had my meds, which is the absolute priority in the morning to increase chances I actually have a morning to do something with, be it tidy the balcony, put groceries away, or write a blog post.

As facebook goes downhill in terms of functionality, and as the world goes downhill with it. Between what’s happening in LA right now and the interception of the Madleen, it’s taking more energy than I have to keep the lump in my throat down and the tears out of my eyes. There is a time for trying to change the world, and a time for self-preservation.

My friend Pierre Crevoisier wrote about selective indignation last month. It struck a chord with me. We cannot care about everything. Just like we cannot do everything, we cannot get up in arms about everything. We cannot fight all the causes. We are finite, and though the world is too, at our scale it is not. And there will be times in life when our finitude is even more finite than usual. When maybe just facing more than the balcony that needs to be done, the dishes and the groceries, the cat’s medications and one’s recovery, and a few words thrown on a screen is just not doable today.

Good Night [en]

When I’m so tired I can’t do anything
Except maybe mindless scrolling
Well yes, to be honest, that’s what I do
Why don’t I go to bed?
OK, I am in bed, but you get my drift
Why don’t I turn off the light
Put my head down on my pillow
Close my eyes, and drift
Into the unconsciousness of sleep?

I like sleep
Sleep is good
I used to pooh-pooh it
Though I knew it was important.
I don’t want to sleep!
Feels like a waste of time!
There is so much in life that calls to be done
And time is so finite
Short days, and weeks, and months
Life counted in years
Can end without a warning

But no, I like my sleep now
It gives me good days
It feels soft to slip into
Like silken sheets and a purring cat
Enough space to stretch and relax

And so why, oh why
When I’m so tired I can’t even pretend
That I’m using my time for something worthwhile
When my head is all foggy and my eyes glaze over
And the cat is complaining that his arm-pillow is missing
Why don’t I just give in?

Maybe because as the clock ticks the night away
As the fog comes in on the shores of my mind
I have run out of what it takes
To stop
To tell myself “done for today”
To deal with the frustration
Of yet another evening
Where I will read two lines or two paragraphs before dropping
Where I won’t get to enjoy much of the story
Do I really want to start reading to give up in two minutes?
No, I don’t, I definitely don’t
So I don’t start
I don’t stop
The ants march in circles inside my head
Neverending
So silly isn’t it
I messed up again
And am too brain-dead to deal with it
So I’ll just let the beachball spin to death
And the clock hands reach scary places
Until I really really can’t anymore
And I’ll tell myself
Tomorrow I’ll do better
I’ll go to bed early
Have time to read and enjoy my book
Just like I told myself that a day ago
And the day before
“Just go to bed,” they say
“Just do it”
Yeah sure, it’s that easy, right.
Good night.

Bon allez, je me lance [en]

Je pense qu’il faut que j’écrive. Que ça va m’aider. Ça fait des semaines que je me dis ça, et que je veux écrire, et que je n’écris pas. M’organiser c’est compliqué, certes. Mais il n’y a pas que ça. J’ai peur de découvrir des choses qui ne marchent pas. Depuis mon accident – je sais, il manque des épisodes, on y reviendra – je pense à Agatha Christie, dont les écrits révèlent, après coup, qu’elle était atteinte de la maladie d’Alzheimer.

Alors moi je n’ai “que” un syndrome post-commotionnel après un trauma crânien mineur. On adore l’attribut “mineur”, qui signifie qu’il n’y a rien de visible à l’imagerie, ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas “grave”, même si bien sûr c’est moins grave qu’un trauma crânien pas mineur (on s’entend). Et en effet, ça fait maintenant bientôt 3 mois que par moments, mon cerveau ne fait pas ce qu’il devrait. Enfin, qu’il ne se comporte pas comme d’habitude. Que je ne le reconnais pas.

C’est flippant mine de rien, d’être blessé au cerveau. Surtout quand c’est une “petite blessure”. Si on en est à ne plus pouvoir s’habiller ou parler, le problème est bien évident. Mais quand c’est la concentration qui est en PLS, que la fatigue débarque alors qu’elle n’a pas été invitée, qu’il y a des petits signes “anodins” qu’on remarque de l’intérieur parce qu’on se connaît bien mais qui ne se voient pas de l’extérieur, on se retrouve dans le terrain des maladies ou handicaps invisibles que tant de nous connaissons bien. (Evidemment, je ne dis pas que je souhaiterais avoir plus de problèmes plus visibles que ceux que j’ai!)

Donc le flip, il est double: je vois bien que mon cerveau est abîmé en ce moment, première chose flippante, mais aussi, est-ce que le monde extérieur et en particulier les soignants (au sens large) vont prendre ce problème au sérieux? Et jusqu’où? Les difficultés de concentration, la fatigue et les maux de tête qui m’empêchent encore de travailler, c’est une chose. Et déjà ça c’était pas forcément gagné, à un moment donné. Mais quid des “petites choses” plus subtiles, mais qui touchent à des capacités importantes pour moi – que ce soit pour ce qui est de mon rapport au monde, ou en tant qu’elles participent à mon identité?

Les mots, c’est un peu mon super-pouvoir. Et j’ai peur d’avoir perdu quelque chose, quelque chose de difficile à voir, et dont je ne sais pas si je le récupérerai. Et j’ai peur qu’en me confrontant à l’exercice de l’écriture, ça se révèle – comme l’écriture a révélé la maladie d’Agatha. Ce n’est pas par rapport au regard des autres que j’ai peur. C’est par rapport à moi. J’ai peur de découvrir des choses que je n’avais pas vues. Parce que mon cerveau qui boîte, c’est comme ça que ça se passe. Je découvre avec étonnement qu’il a fait un truc inhabituel, ou pas fait un truc habituel. Ou n’arrive pas à faire un truc auquel je m’attendrais. Je sais, c’est pas très précis. Ce que j’essaie de dire, c’est qu’il m’arrive des trucs que je ne vois pas venir. Pas des trucs graves hein. Mais pour moi qui suis une plutôt (très) bonne observatrice de moi-même et de mon fonctionnement, c’est très déroutant.

Donc écrire, d’un côté je me dis que c’est un bon exercice, et de l’autre j’appréhende ce que ça va me révéler.

Un de ces “petits soucis” que j’ai remarqués depuis mon accident, c’est que j’ai parfois de la peine à “sortir” un mot. (“Recall” en anglais.) Le mot est bien là, je sais qu’il est là et que c’est celui que je veux (ou un bon candidat), mais il ne vient pas. Je tends mon bras mental vers ma bibliothèque de mots, et il n’est pas là sur l’étagère là où il devrait être. Alors bon, c’est pas dramatique. Je pense que la seule personne qui remarque, c’est moi – et maintenant, mes interlocuteurs à qui je dis de temps en temps “zut, attends, je trouve pas le mot, me dis pas! … Laisse-moi chercher, attends!” – et je cherche, et au bout d’un moment, généralement je le trouve, et je suis contente. Ça n’arrivait pas avant, ou du moins pas autant. Et pas avec autant de difficulté à rapercher le mot si jamais il s’était égaré.

Un autre, sur lequel je viens de réussir à mettre des mots: je remarque parfois que mes souvenirs sont un peu lacunaires. Je sais que j’ai parlé de ceci ou cela à quelqu’un, mais je ne sais plus à qui. Ou je ne sais plus si j’ai fait quelque chose ou pas. Ou alors, je me replonge dans un épisode passé pour tenter d’en récupérer une impression, un sentiment, une idée, et ça ne vient pas. Clairement, ça pouvait m’arriver avant, ça. Mais post-accident, c’est bien plus fréquent. Est-ce que ça concerne les souvenirs post-accident, ou aussi les plus anciens? Je ne sais pas encore. Mais c’est comme s’il manquait des dimensions à ces souvenirs, des métadonnées, comme s’ils étaient un peu appauvris. A nouveau, pas quelque chose que qui que ce soit va remarquer, probablement, sauf moi. Mais pour moi c’est vraiment enquiquinant. J’ai l’habitude de pouvoir me reposer sur cette fonctionnalité de mon cerveau. Et là… y’a du sable dans les rouages.

Alors bon, vous avez lu jusqu’ici, et vous allez me dire “t’inquiète, tout parait normal, tu écris comme d’habitude!” – j’en suis sûre, que ça ressemble à ça. J’ai d’ailleurs pas l’impression que c’est très différent d’avant, d’écrire ça. Sauf que là je sens bien que je fatigue et que le mal de tête revient et qu’il faut que j’arrête. Bon, ça c’est l’histoire de la fatigue et de la concentration. Et hier j’ai eu ma première séance d’entrainement cognitif. Pas très long, mais on m’a prévenue que je pouvais avoir des répercussions. Honnêtement, je ne pensais pas. Oui, j’ai dû faire un peu des efforts, mais la séance n’était pas très longue. pas de l’ampleur des “efforts cognitifs” dont j’ai maintenant compris qu’ils étaient trop importants à ce stade de ma convalescence. Donc j’écris ça un jour où je me suis trainée un petit mal de tête post-effort et où je suis bien à plat (je suis même allée me mettre au lit à un moment, ça ne m’était pas arrivé depuis un moment).

Je retourne à mon puzzle, on verra ce que raconte mon cerveau. Et quand c’est la prochaine fois que j’écris (bientôt j’espère mais j’ai appris à revoir à la baisse mes attentes de “follow-through” quand je me dis “yes, je vais faire xyz!”)

Suspension [en]

Hello my life
We need to chat
It’s been pretty good
But I can’t keep up

I know I say “yes”
I even say “go!”
Come up with ideas
And projects and dreams

We’ve talked before
I want to do all the things
But our time is finite
And so are my cells

The fork in the road
No– not that one
But still
Let’s reassess

What do I want?
What do you want of me?
When my spoons dwindle
What will there be left?

I used to think
It’ll be better tomorrow
And then I got it
Today is the day – every day

No time to dawdle
Time flies us by
Cram everything in
All the things
All the ideas
All the dreams
All the hope
All the sights
All the emotions

But we want to last
You and I
Don’t we?
So how do we do this

What comes first
What needs to remain
What can be abandoned
What needs to be changed

We need to chat, my life
The road has been bumpy
And I hit my head
Suspension is dead
Has been for a while
I’m starting to think
We need smoother ground.