Douleur, pensée, dictée [en]

La douleur est invisible. Quand vous dites que vous avez mal, de façon chronique, les gens ont inévitablement de la peine à  vous croire. Ça ne se voit pas. Vous arrivez à  manger, vous déplacer, et même taper à  l’ordinateur, « si vous le voulez vraiment. »

On sympathise, bien sûr. On est même consterné. C’est terrible, ce qui vous arrive. Tellement, qu’on a de la peine à  imaginer ce que c’est. Oui, on a presque un peu de peine à  y croire. On vous souhaite un bon rétablissement et l’on s’en va, une brève pensée inquiète pour ses mains sans douleur…

Je me suis rendu compte récemment que je n’arrivais plus à  penser mes mains sans douleur. Je n’arrive plus à  dissocier la douleur de mes mains. Je pense (kinesthésiquement) « mains », je pense « douleur ». Je repense à  des choses que j’avais l’habitude de faire il n’y a pas si longtemps, et elles sont devenues inconcevables.

C’est effrayant et merveilleux de voir à  quel point notre image de notre corps (du corps propre) se modifie en fonction des contingences physiques, et impacte également les souvenirs. Notre corps se vit en actions, passées, présentes, et futures. En potentialité. Ce que je peux faire. Ce que je pourrais faire.

Dans le même ordre d’idées, je me suis surprise hier en train de dicter toute seule dans ma voiture. Oui, comme si je parlais à  mon Dragon.

Dans le passé, il n’était pas inhabituel que lorsque mon esprit tournait à  vide, je me retrouve à  « penser en écrit », et même à  « taper en pensée ». J’ai toujours eu tendance à  me faire beaucoup de « films » dans la tête : ce que j’aurais pu dire, ce que je pourrais dire, ce que je vais faire. Et après une soirée passée à  discuter par clavier durant de longues heures, il n’était pas rare que cela prenne la forme d’un mouvement de doigts dans ma tête et de frappes sur un clavier imaginé.

Maintenant que je dicte, lorsque je pense à  quelque chose à  écrire, je me retrouve parfois à  le penser « en dictée ». Et des fois, ça passe à  voix haute sans que je m’en rende compte. C’est amusant. Je vais commencer à  sérieusement utiliser la fonction dictaphone de mon téléphone portable.

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