Blog provoc' [en]

Au cours de ma tournée semestrielle des weblogs que je ne lis jamais, j’ai pu constater la fâcheuse propagation de la méthode “provoc'” à  travers la blogosphère francophone. Autrement dit, “si je n’ai pas d’ennemis, je m’en fais” et “peu importe ce que je dis, tant que ça choque et que ça fait réagir” — et que l’audimat grimpe.

Cette méthode, qui est loin d’être nouvelle, consiste à  attirer l’attention sur soi en tenant des propos dont le but principal est de déplaire à  certains. Notons que cela ne veut pas dire que l’on ne pense pas ce qu’on dit. On peut le penser et le dire d’une façon provocatrice, ou être plus diplomatique et ouvert. Mais on le sait, les gens fâchés réagissent, et comme ils réagissent souvent mal, c’est la porte ouverte à  une sympathique petite gué-guerre. Que d’aucuns se plairont ensuite également à  suivre de loin, alléchés par l’odeur du sang.

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Ecrire pour ses lecteurs… [en]

Trop de gens ont tendance à  oublier, lorsqu’ils écrivent, qu’ils ont des lecteurs.

Je m’étonne d’autant plus que les weblogueurs, qui a priori sont en contact plutôt étroit avec leurs lecteurs, ne soient pas différents.

Je viens de finir ma tournée de la blogosphère francophone. On peut faire mieux, les amis – on peut faire mieux!

Warblogger… [en]

Interesting and readable article of Anil’s on the transformation of a weblog. I remember hearing a lot about LGF post-9/11, visiting the weblog, and not liking it. I also remember thinking “I can’t recall having this reaction the first times I visited it…” (pre-9/11, that was).

I guess we all undergo change. I’m probably not writing the same kind of things I wrote two years ago—or am I?

Taming the Dirty Dishes [en]

Following popular request, one post in English (yes, things have been busy in the French-speaking world lately).

I have a satisfaction-guaranteed-or-get-your-money-back recipe for avoiding the accumulation of dirty dishes in the kitchen sink:

  1. each time you put something in the kitchen sink, wash it immediately
  2. if you walk past the kitchen sink and there is something in it, wash it immediately.

It is important that all members of the household follow these two simple rules.

It really works, promise. In a week from now, you’ll wonder how you ever ended up with piles of smelly dishes that took you a whole hour to scrub through!

(Extra bonus: when washing the dishes, imagine you are doing a favour to the person you love the most, and think about how happy you/he/she will be to walk past an empty sink!)

Article "weblogs" et construction de l'histoire [en]

A lire, l’article de Chryde sur Les blogues, la deuxième jeunesse d’Internet [pdf].

J’amorce de ce pas une petite réflexion sur la construction de l’histoire (inspirée j’en conviens de certaines constatations sur l’inceste bibliographique, faites en travaillant sur mon mémoire).

Tout article sur les weblogs qui paraît à  présent nous sert la distinction “weblogs technologiques” versus “warblogs”, et insiste sur le tournant du 11 septembre. Mis à  part le fait qu’on ne se lasse de répéter encore et encore l’importance de cette date charnière pour les weblogs, et donc qu’on asseoit ainsi à  chaque itération la vérité de cette affirmation, je ne suis pas convaincue qu’elle mérite toute l’attention qu’on lui donne.

J’étais au milieu du monde des weblogs avant, je suis encore au milieu après, et je ne vois pas vraiment de différence. De plus, le 11 septembre, c’était il y a bien peu de temps pour vouloir en faire de l’histoire…

Est-ce qu’on ne pourrait pas arguer que le discours “meta-webloguesque” au sujet des warblogs est un même, comme disent nos amis anglophones? Une idée séduisante qui se répète d’article en article, mais dont la source est toujours de seconde main? Une légende urbaine du journalisme ou de la recherche académique? Ne sommes-nous pas en ce moment même en train d’assister à  une construction de l’histoire des weblogs en affirmant l’importance de ces warblogs et du 11 septembre dans leur développement?

Oui, je sais, l’histoire est toujours construite.

De la traduction automatique [en]

Réflexion suite à  un commentaire de la grande rousse.

A mon avis, les traducteurs en ligne ne remplaceront jamais un traducteur humain. Pour trancher entre les différents sens possibles d’un mot en cas d’ambiguité, on utilise le sens du contexte. On infère également les sens possibles de l’ensemble du texte suite à  notre choix.

Jusqu’à  nouvel avis, la saisie du sens global est une opération de synthèse. La synthèse, contrairement à  l’analyse, est une opération proprement humaine et vivante. L’analyse peut tenter d’expliquer le tout en le décomposant, et pour ce qui nous intéresse, tenter de reconstruire le sens d’un texte en juxtaposant les sens individuels des mots qui le composent – mais elle ne pourra atteindre le “tout”.

Une manière un peu plus “bateau” de dire ceci, c’est “le tout est plus que la somme des parties”. Ce “plus”, c’est ce qu’apporte l’opération de synthèse.

Les traducteurs automatiques sont à  mon avis très utiles pour savoir de quoi parle un texte dans une langue que l’on ne maîtrise pas. Ils peuvent aussi servir de béquille pour comprendre un texte dans une langue que l’on ne maîtrise pas complètement. Mais ils ne peuvent rendre compte avec exactitude de ce qui est dit, ni de comment c’est dit.

Plus de considérations sur l’analyse et la synthèse.

Science des religions n'est pas théologie… [en]

Je fais des études en histoire et sciences des religions. La plupart des gens à  qui je le dis s’imaginent tout d’abord que j’étudie la théologie. Ce n’est pas la même chose.

Quelques réflexions tirées du dernier cours d’epistémologie en science des religions, qui a eu lieu aujourd’hui.

  • La science des religions est non-apologétique.
  • Elle n’a pas de visée eschatologique ou sotériologique.
  • Elle vise à  une transparence de méthode.
  • C’est une approche qui est le produit d’une culture occidentale et judéo-chrétienne.
  • C’est une discipline scientifique qui vise à  une certaine objectivité (avec les réserves détaillées ci-dessous).
  • Discipline en phase d’émancipation (de la théologie en particulier), elle tend à  se définir par la négative: elle n’est pas de la théologie, elle n’est pas de l’anthropologie religieuse, elle n’est pas de la sociologie de la religion…
  • De même, elle peine à  définir son objet (les “religions”).
  • La science des religions vise à  produire un discours “de l’extérieur” qui soit la transposition d’une compréhension “de l’intérieur”.

Ce désir d’objectivité (bien légitime), visant à  produire un discours qui soit détaché de toute appartenance religieuse, pose problème. Tout discours est idéologique – même celui des sciences dites “exactes”.

Même si je n’ai aucune affiliation religieuse, cela me met dans une certaine classe d’appartenance religieuse. L’exemple de cela que j’aime à  donner est celui de l’athéisme – c’est une prise de position idéologique aussi forte que l’adhérence à  une religion ou à  une croyance.

Ce désir d’objectivité paraît aujourd’hui ne pouvoir être exaucé que par cette transparence de méthode que j’ai mentionnée aussi: je dis qui je suis, comment je procède, ce que je veux montrer – je mets tout sur la table afin que l’on puisse me suivre.

Je ne veux pas débattre ici de terminologie. Que l’on dise histoire des religions, science(s) des religions, histoire et science(s) des religions, history or religions, ou encore religious studies… je considère pour le moment que si on parle de la même chose, il est inutile de nous battre sur les termes.

India, Pakistan, and History [en]

A few months back I read this post of Anil’s, in which he suggests reunification as a solution to the India-Pakistan situation. I must say I personally quite like this solution, although I’m not sure it’s really viable (see my ideas on critical mass and big communities). I won’t comment further on the problem and its possible solutions, though, as I totally lack the political and economical insight to do so.

One argument in Anil’s post shocked me, however, and this is what I want to talk about today:

I also feel like the division of 50 years, or one hundred years, or however long it lasts, pales in comparison to the thousands of years of shared history.

[…]

It should only take a strong leader to remind Indians, Pakistanis, and Kashmiris of their thousands of years of shared history.

Anil Dash, Jan. 2002

The thousands of years of shared history is unfortunately a reinterpretation of history. The indian subcontinent was more or less unified under the Raj, and also at some point under the Moghul domination, but apart from that its history is definitely not one of unification.

I’m currently in the process of digging out enough indian history to demonstrate this (as I like giving evidence for what I state – sometimes). The “united subcontinent” is another of these “myths” whose origin can certainly be traced to relatively recent times (19th or 20th century, probaly). If anybody is interested, I’ll do a bit of research about it.

Now, let it be clear that I don’t blame Anil a bit for making that statement. We all—me included—repeat things that are “common knowledge” every day, and (unfortunately?) a fair amount of such things “heard and repeated” are false (heard about urban legends?)

The reason I’m telling you about this is because when I read the post, I thought “OK, that’s definitely not correct… but where on earth do I start to explain that it’s wrong? Do I have to go through the entire history of the indian subcontinent?” Actually, it’s possible to give a concise explanation—which I will try to do in a future post. The problem, I have now realized, is that my knowledge of indian history isn’t thorough enough that I am able to do so off the top of my head, even though I remember having seen evidence proving the point. So I’ll sweat a bit for the education of my readers and hunt it down 😉

I run in to this “where do I start?” problem pretty often, especially when the subject matter happens to be in my field of expertise. For example, I have joined buddha-l for my dissertation research. One of the reasons I haven’t participated to discussions there is that a lot of what is said is so far “off the mark” that I just can’t answer to it with my (limited, albeit specialized) student’s knowledge. If I’m pointing at Anil’s post today, it’s simply this afternoon’s indian culture lecture happened to mention Independence and Partition…

Aimer, perdre [en]

Si l’attachement et la confiance te viennent difficilement, alors toute séparation est atroce, car elle risque de te laisser irrémédiablement seule.

Si pour être aimée tu dois à  chaque fois abdiquer une partie de toi-même, alors il est normal que cela te fasse peur et mal. Il est normal que tu ne t’attaches pas, que tu refuses de renoncer à  une part de toi.

Si donc être aimée se paie pour toi à  ce prix, la perte de cet amour qui n’est pourtant pas celui que tu voudrais ne peut que te déchirer.

Love and Writing Project [en]

Script continue à  écrire sur le Love and Writing Project. J’espère que tu ne m’en veux pas de t’emprunter le titre. Et oui, je vais bientôt l’écrire, cette bafouille sur l’intertextualité.

Je ne suis pas certaine qu’avoir reçu beaucoup d’amour soit une condition nécessaire pour pouvoir s’aimer soi-même. Je crois au contraire que plus l’amour nous a manqué, plus il est important de trouver une personne de confiance absolue pour nous le donner: nous-même.

Je pense qu’une personne ayant reçu beaucoup d’amour inconditionnel depuis toujours n’aura pas trop de peine à  s’aimer: on lui aura montré mainte et mainte fois qu’elle est lovable, et s’aimer lui viendra naturellement.

S’aimer soi-même, ce n’est pas non plus un moyen de s’enfoncer dans la solitude. Je crois que c’est plutôt un moyen d’en sortir. Parce qu’en apprenant à  s’aimer, à  se sentir lovable, on apprend aussi à  créer des liens avec autrui.

J’utilise “lovable” parce que c’est beaucoup plus parlant que “aimable”. Quoique— “aime-able” pourrait peut-être faire l’affaire…

C’est vrai en revanche que si l’on ne dépend plus de l’autre pour recevoir de l’amour, cela rend la solitude possible. La solitude saine, pas celle qui fait mal et dans laquelle on se retranche pour éviter la vie.

C’est vrai que même si on s’aime, j’imagine qu’il peut y avoir des jours où l’on s’aime moins. Mais si au fond on s’aime vraiment, alors peut-être que ces jours-là , la chute est moins grande: on s’aime moins moins (mais oui, c’est comme “plus je pédale moins vite, moins j’avance plus fort”). On ne se retrouve pas au fond d’un abîme d’abandon universel. Et c’est peut-être cela qui nous indique vraiment à  quel point on s’aime.

Et l’écriture? Moi je renverserais la chose: je dirais plutôt que si l’on a tant besoin d’écrire, c’est qu’on a ce trou d’amour au fond de nous. Je ne pense pas qu’on a besoin d’amour parce qu’on écrit. Ce serait plutôt le contraire (s’il fallait décider d’un sens). Ou bien ça n’a rien à  voir?

Si j’écris, est-ce pour remplir ce trou? Trouver à  travers les mots l’amour qui me manque? Sublimer cette douleur? Je me souviens qu’avec Steph, un jour il y a déjà  longtemps de cela, on parlait du rapport entre souffrance et création. Douleur et art. On se demandait s’il y avait des artistes qui ne souffraient pas, quelque part au fond. Et je crois qu’on avait répondu “non”.

Y a-t-il des êtres humains qui ne souffrent pas? Y a-t-il une douleur existentielle indépassable? Tous les hommes sont-ils des artistes en puissance? Ce besoin viscéral de création disparaîtrait-il si l’on était profondément heureux?

Je pense qu’on doit pouvoir vivre heureux. Et pour le moment, je vois que le chemin pour y parvenir c’est d’apprendre à  s’aimer, et de faire taire les questions qui paralysent. Pas les bonnes, celles qui font avancer. Celles qui font qu’on ne fait pas. Celles qui font qu’on reste à  se poser des questions au lieu de vivre.