Lausanne, 25 août 2002
Au cours de ma tournée semestrielle des weblogs que je ne lis jamais, j’ai pu constater la fâcheuse propagation de la méthode “provoc'” à travers la blogosphère francophone. Autrement dit, “si je n’ai pas d’ennemis, je m’en fais” et “peu importe ce que je dis, tant que ça choque et que ça fait réagir” — et que l’audimat grimpe.
Cette méthode, qui est loin d’être nouvelle, consiste à attirer l’attention sur soi en tenant des propos dont le but principal est de déplaire à certains. Notons que cela ne veut pas dire que l’on ne pense pas ce qu’on dit. On peut le penser et le dire d’une façon provocatrice, ou être plus diplomatique et ouvert. Mais on le sait, les gens fâchés réagissent, et comme ils réagissent souvent mal, c’est la porte ouverte à une sympathique petite gué-guerre. Que d’aucuns se plairont ensuite également à suivre de loin, alléchés par l’odeur du sang.
La plupart du temps, les réactions à ce genre de propos n’apportent rien de plus au sujet abordé. Nous en avons tous été témoin une fois ou l’autre. On réagit sous le coup de l’émotion, et on finit par se taper dessus à coups de commentaires ou de blogs.
On rationalise souvent cette attitude provocatrice en disant qu’il faut “susciter le débat” et “dire les choses qui dérangent”. Certes. Mais on peut le faire en visant le dialogue avec empathie aussi bien qu’en (pardonnez-moi l’expression) remuant la merde.
Un débat est une chose différente. S’il comporte toujours une part d’émotivité, le débat se base sur une argumentation rationnelle et respectueuse de part et d’autre. Je ne suis pas d’accord, j’écoute, nous échangeons nos points de vue et tentons de cerner les points fondamentaux de notre désaccord. On prêche, peut-être, pour convertir l’autre – mais on ne l’insulte pas.
La presse à scandale fonctionne comme cela. Elle ne cherche pas à communiquer une information intéressante, mais à faire réagir. Les gens sont choqués, fâchés, ou intrigués par un voyeurisme un peu malsain. Ils achètent. Certains weblogs, vous m’excuserez, n’ont rien à envier à ces feuilles de chou.
Quand on se retrouve sans rien à répliquer face au discours de quelqu’un, ce n’est pas nécessairement qu’il a raison. Il ne faut pas confondre argumentation solide et irréfutable avec manipulation et mauvaise foi qui laissent l’interlocuteur aussi impuissant et étourdi qu’un papillon dans une toile d’araignée.
On me répondra que je n’ai rien à dire, parce que ce que chacun écrit sur son weblog, c’est son affaire, parce qu’il y a la liberté d’expression. C’est vrai mais c’est incomplet. Il y a une autre valeur, tout aussi importante que la liberté d’expression: le respect. La liberté d’expression est trop souvent invoquée pour justifier un manque de respect crasse envers autrui. Parlons un peu moins de liberté d’expression, et un peu plus de respect, s’il vous plaît — notre petit monde à nous ne pourra qu’en être meilleur.