Brains Get Tired Too [en]

It’s funny how physical tiredness is not something one would think to question. It seems pretty obvious. We understand that if somebody has spent decades using and abusing their body, they’re going to face consequences as they get older. If you’re doing extreme running, hundreds of kilometres, or an insane amount of walking, crossing continents, your body gets worn out. We also understand that as we age, we may still be capable of doing things, but it doesn’t mean it’s a good idea to do them. For example: I can still carry very heavy loads, but if I do, my back is going to remind me the next day that I’m not 20 years old anymore.

For some reason, we do not seem to apply the same kind of thinking to the brain. Or at least, I didn’t. Although we understand that the brain has limits – everybody experiences some degree of cognitive tiredness at some point or another – we seem to think that the consequence is temporary. We need a break, we’re done for the day, we need a good night’s sleep and then we can start over. We know about burnout and that sure, of course, you need to take the time to recover if you want to function correctly again. But wear and tear over years and decades does not really seem to be on the radar.

We don’t tell somebody who keeps pushing their brain day after day, month after month, year after year, that they should ease up a bit – as we would our sport-obsessed friend who trains 6 times a week and considers “rest” a 10k run. We look at performance (what are you delivering at work), but not at effort and actual “cognitive use”.

My accident has driven home for me, in a frighteningly clear manner, that “cognitive overtraining” is as much a thing as “physical overtraining”. I’ve been “cognitive overtraining” all my life, and for most of it, unaware that I was doing it or that there was such a thing.

I am really good at pushing myself. It’s not always visible, because I have a lot of ressources (one way to put it is that I am clearly towards the right end of the IQ bell curve) and therefore compensate well for my hearing loss and ADHD. But that compensation has a cost, even if it is not visible that I am compensating. I am only now starting to measure how much effort goes into “simple” things like following conversations and managing my daily life. I am in a somewhat paradoxical situation where many of the things I receive most praise and recognition for are those that cost me the less – and those that cost me the most go completely unnoticed. This means that I have trained myself, all my life, to consider the efforts I make as “normal” rather than recognise that I am pushing myself.

This also means I have internalised the idea that when I “fail” (and by that I mean: feel tired “without reason”, don’t manage to get around to doing housework, miss parts of what is being said) it is because I was not trying hard enough. Pushing myself is the norm.

I had a moment of realisation regarding that the other day. I went back to singing practice, which I hadn’t really been able to since my accident. I was a bit tired, but I wanted to go as we were starting a new programme which contains a lot of songs I like. So I decided to go and “take it easy” – something I’ve been trying to practice these last months. Going easy. I told myself “I’ll just go and not try too hard”. Very quickly, during the rehearsal, I realised how much effort I was putting in, despite myself. Concentrating really hard to understand what the director was saying. Paying close attention to try and sing the line correctly as soon as possible, and memorise things as I went along. I usually use the time when the director is working with other registers to learn lyrics and compare musical phrases to help me remember them. It was very weird to tell myself to “just relax” when the others were working, and “nevermind” if I couldn’t hear or understand what was being said.

Earlier, some time last year I think, I realised that when I had long meetings in German at work, I really had trouble being productive the next day. But I hadn’t gone beyond “ok, plan a light day the next day” in terms of drawing conclusions. I kept thinking that the main driver of whether I could perform cognitively or not was sleep. But it’s not.

According to the neurologist who is treating me for my post-concussion syndrome, chronic cognitive overload is a clear risk factor for this type of complication. It’s also a risk factor for worse recovery after a stroke, or worse outcomes in case of cognitive decline or dementia in older age.

This has given me an awful lot to think about regarding how I’m using my brain-as-organ in my life, and how things are going to have to change. Where can I save on my brain budget? Where is it worth expending effort? What else can I put in place to have a lower “cognitive burn rate” just to get through daily life?

I’m not too bad at managing the load I place on my body – now I have to do the same with my brain.

Fenêtre de tolérance émotionnelle: comment me ressourcer? [en]

Mon retour d’Inde a été (est?) difficile. Aujourd’hui ça va – en fait, depuis une petite semaine, “ça va”. La semaine dernière j’ai galéré, par contre. Et depuis, je réfléchis pas mal, non pas à ce qui fait ou a fait que ça va pas, mais à ce que j’ai fait, ou comment ça se fait, que j’ai réussi à me sortir du fossé où j’étais embourbée.

En fait, à un moment donné, je me suis souvenue que j’avais une boîte à outils (cognitive) pour faire face au type de situation où j’étais coincée. Je l’ai mise en action, et ça a tout de suite été mieux – même si évidemment, globalement, ceci reste une période difficile. C’est un schéma que je connais, à part ça: aller mal et n’avoir plus aucune conscience qu’on sait faire des choses pour aller mieux. La boîte à outil n’existe plus, comme les légumes au fond du bac en bas du frigo. Si je le vois pas, c’est pas là.

J’ai eu une discussion fort enrichissante lors de ma séance en début de semaine à As’trame. Petite parenthèse, cette fondation ne s’adresse pas qu’aux enfants, et en ce qui me concerne je suis enchantée par leur accompagnement. Si je devais résumer cette discussion, pour ce qui nous intéresse ici, elle portait sur l’idée de la fenêtre de tolérance émotionnelle, et sur identifier les choses qui me ressourçaient.

La métaphore de la fenêtre de tolérance émotionnelle (window of tolerance) est intéressante et me permet de mettre des mots sur quelque chose que j’avais de la difficulté à exprimer jusque-là. Ce sentiment de ne pas avoir “d’amortisseurs”, ou de rouler sur les jantes, les pneus usés jusqu’à ne plus être là, et donc de ne pas avoir la capacité à faire faire ou “gérer” les événements un peu contrariants de la vie.

L’idée est la suivante (si vous googlez vous allez trouver ce concept proposé en 2019 à un peu toutes les sauces, y compris pseudoscientifiques; j’ai mis deux liens plus haut qui me semblent pas trop mal): il y a une zone dans laquelle on arrive à réguler correctement ses émotions. C’est la fameuse “fenêtre”. Hors de cette zone, on n’arrive plus, ou pas assez bien, on peut avoir le sentiment que l’émotion prend le dessus et on tombe soit d’un côté “hyperactivation” (crise de colère ou de panique par exemple, “ON”), soit “hypoactivation” (dépression, engluement… “OFF”). La largeur de cette fenêtre peut être variable selon les individus (merci la loterie et les aléas de la vie) et aussi selon les périodes, suivant ce qui nous arrive. J’ai trouvé un article avec des illustrations/schémas un peu parlants.

Donc là, clairement, je suis dans une période où ma fenêtre de tolérance émotionnelle n’est pas très large. Ma tolérance au stress ou aux contrariétés est très limitée. Il suffit de pas grand chose pour que je “dégringole”. Clairement, un deuil, ou la réactivation de celui-ci, ça fait rétrécir la fenêtre. Avec le temps, mais aussi avec certaines activités, elle va tranquillement s’élargir. Mais ce n’est pas un processus linéaire.

La question suivante c’est donc: quelles sont les choses qui, pour moi, permettent d’élargir cette fenêtre? En somme, les choses qui me ressourcent? J’avais toujours eu du mal avec cette question, “qu’est-ce que tu fais pour te ressourcer”, parce que je ne comprenais pas bien ce qu’on entendait concrètement par “se ressourcer”. Maintenant, si on dit “se ressourcer = élargir la fenêtre de tolérance”, ça me parle beaucoup plus. (On pourrait discuter: est-ce élargir la fenêtre, ou revenir dedans quand on en est sorti? et est-ce qu’on y revient de la même façon si on a filé du côté “hypo” ou “hyper”? Laissons ça de côté pour le moment.)

J’ai donc commencé à faire un inventaire de ces activités. L’une d’entre elles, un peu surprenante, c’est de faire un puzzle, par exemple. La semaine passée j’ai eu une impulsion soudaine de démarrer un puzzle, et quelques heures après je me sentais déjà bien mieux. Pourquoi? Que s’est-il passé? Comme je le comprends, j’étais dans un état émotionnel qui n’était pas gérable pour moi. Je ne voulais plus sentir ce que je sentais parce que c’était “trop”, et je n’arrivais pas à en faire quoi que ce soit si ce n’est rester bloquée dans une spirale descendante. En faisant un puzzle, je sors de cet état “figé”, parce que c’est une activité facile pour mon cerveau, qui demande de la concentration mais qui est très rentable niveau gratification: les couleurs, le toucher, et surtout, trouver deux pièces qui vont ensemble! C’est donc une activité qui me demande très peu d’effort à initier, qui est active, gratifiante, et m’aide à prendre de la distance avec mes émotions.

Sinon, clairement, les activités sportives “intenses” comme le judo, le ski, la voile dans certains contextes, ça permet d’une part de me dépenser physiquement (et les émotions… c’est physiologique!) et en faisant une activité qui m’oblige à y consacrer mon attention. Quand je suis en train de combattre au judo, je laisse toutes mes préoccupations du moment au vestiaire. Je n’y pense pas une seconde. En combat, on ne peut pas être distrait: on se fait tourner. Et avec les années (30 ans bientôt) il y a un ancrage qui se fait: personnellement, dès le moment où je me change et où je suis sur les tapis, je suis, par habitude, en “mode judo”. Le ski, comme j’aime skier, vite, c’est similaire. Si je ne suis pas ultra concentrée, je risque la chute. Je suis donc 100% concentrée sur ce que je fais, ma trajectoire, les sensations corporelles, etc.

Marcher en montagne ça le fait aussi, être dehors, dans la nature, avec de grands espaces autour de moi. Un bain chaud, un massage, un hammam, les bains thermaux – plus directement corporel, mais ça le fait. Ecrire, évidemment, et aussi les moments de lien et de partage véritable, où je peux être entendue. Un peu de méditation, une turbo sieste, de la relaxation. Il y en a peut-être d’autres mais maintenant que j’ai compris de quoi on parle, je vais enrichir mon inventaire.

Il y a des activités que j’aime mais qui ne me ressourcent pas, ou pas toujours. Le chant par exemple, ou voir du monde. Les jeux de société, j’adore, mais après je suis épuisée dans la tête. Faire à manger, j’aime mais ça ne me ressource pas. Ça fait quelques années que j’ai mis ensemble que le fait d’aimer quelque chose ne signifie pas qu’on se “ressource” ou qu’on en sort en étant “mieux” après. Avant, je n’avais pas fait ce lien. C’est important.

Aujourd’hui j’ai une journée assez libre devant moi, et je réalise, en contraste avec mes journées tranquilles au Rajasthan, que j’ai du mal à vraiment ralentir, me poser et “débrancher” (mon cerveau des soucis de la vie). Et je me demande pourquoi. Et j’ai une piste. Ici, je n’arrive pas à ne pas avoir en tête la liste interminable des choses que je devrais ou pourrais faire. Il y a la poubelle à vider, un peu de vaisselle à faire, la lessive, le coin du couloir à ranger, la valise à finir de ranger, l’autre coin ici à ranger (en gros tout l’appart est à ranger), faire des choses pour décorer mon lieu de vie et le rendre plus accueillant, chaleureux et agréable, du courrier à ouvrir, des photos à regarder et avec lesquelles jouer (je n’aime plus dire traiter ou trier), quelques soucis sur mon site web à gérer, des vidéos à faire pour Diabète Félin, une pile de documents à compléter, je pourrais sortir faire une promenade, ah oui descendre au bord du lac voir le bateau après tout ce gros temps, faire les courses, planifier les prochaines vacances, regarder ma série, aller au cinema, pourquoi pas, enfin commander les cartes de crédit avec cashback dont m’a parlé mon père, organiser une après-midi jeux de société, réorganiser les armoires de la cuisine, les habits pour la saison froide, acheter ou louer des skis… Ça vous fatigue, tout ça? Eh bien moi aussi.

Donc, même quand j’ai décidé de prendre une journée tranquille pour me relaxer, je n’arrive pas à ne pas “voir” tout ça. Je lutte contre une paralysie du choix, soit je fais des trucs utiles et je me suis pas ressourcée, soit j’essaie de me ressourcer mais je culpabilise de ne pas avoir avancé sur toutes ces choses que j’ai à faire.

Au Rajasthan c’était simple. J’étais en vacances, physiquement loin. Sur le menu, je pouvais: prendre des photos, sortir me balader, m’étendre sur mon lit en écoutant un podcast si j’étais pas trop en forme, regarder mes photos, écrire, attendre le repas suivant…

Je pense qu’il me manque des outils, par là, ou que je n’ai pas encore bien trouvé comment adapteur ceux que j’ai à cette situation. Je sens que c’est à chercher en direction de la restriction – je fais ça quand j’ai une “obligation de productivité” et que je n’arrive pas à démarrer sur quoi que ce soit: au lieu d’essayer encore et encore, je me donne 15 minutes avec timer pour essayer, et si ça ne marche pas, je laisse tomber jusqu’à l’heure suivante (ou la journée suivante, la semaine suivante). Donc là, pour créer un contexte où je me sens plus libre de faire des activités ressourçantes, inventorier/limiter les activités productives que j’ai le droit de faire dans la journée? Je réfléchis à haute voix en écrivant, c’est gentil de me tenir compagnie.

Aujourd’hui par exemple: la lessive et les courses, c’est assez obligatoire que je les fasse. Et les poubelles. Ce week-end il faut que j’ouvre mon courier et probablement que je fasse un peu d’administratif. Les autres choses, même la valise éventrée dans ma chambre à coucher, ça peut attendre. Le bateau, ce serait quand même bien que j’y passe. Samedi je suis au chalet toute la journée pour m’occuper du jardin avec mon frère. Donc je pourrais dire, aujourd’hui je fais la lessive, les courses, les poubelles et je fais un crochet au bateau en allant aux courses. Dimanche, je fais 1 à 2h d’admin et c’est tout. Et le reste du temps, je n’ai pas le droit de faire des choses “productives”. Ça me stresse, l’idée de procéder comme ça, je vous dis pas! C’est pas évident de trouver l’équilibre entre “j’ai besoin de faire des activités qui me ressourcent” et “j’ai besoin de diminuer ma pile de “je devrais” pour me sentir moins stressée et sous pression.

Sur ce, je vais chercher une photo sympa et sans rapport pour illustrer cet article, et aller mettre ma lessive. Puis je vais démarrer un nouveau puzzle. Ah ben voilà: je vais vous mettre en photo le puzzle que j’ai terminé hier, celui qui m’a aidée à sortir de mon trou. Je sais, il manque deux pièces. C’est triste mais ça ne me sort pas de ma fenêtre de tolérance émotionnelle!

The Danger of Backup Plans. And Choice. [en]

[fr] Avoir un plan B nous rassure, mais nous empêche aussi souvent de mettre autant d'énergie qu'il le faudrait dans notre plan A. Parfois, ne pas avoir le choix est une bonne chose.

Being rather pessimistic by nature and risk-averse, I love my backup plans. I really like knowing what I’ll do “if something goes wrong”.

The only way to go is forward.
No plan B here!
Photo by Anita Bora, taken on one of our hikes a couple of years ago.

These last ten years as a self-employed professional are no exception. In the back of my mind I’ve always “known” that, if things go awry:

  • I have savings I can dip into
  • I can borrow money
  • I can always “find a job”
  • maybe I’ll shack up with somebody who has a stable situation and there won’t be so much pressure on my income anymore.

I have always had the nagging feeling that these backup plans kept me from giving my fullest to the current one, the one I was actually living. Why struggle and work like crazy when it might not be necessary?

Like our modern western world, I like the idea that we are responsible, that the way we lead our life is through choices. We always have a choice. I’ve been brought up to believe that we always choose, even when we think we don’t. I don’t think it was drilled into me on purpose — it just reflects the ambient beliefs of our time. If you say you don’t have a choice, you’re in some ways painting yourself as a hapless victim with less agency than you actually have.

But reality is more complex than that, as all we women of the 60s and 70s who ended up not having children due to the circumstances of life rather than our desire not to have any very well know. (I hope.) Not everything that happens to you is a choice.

Looking at the future (and present) rather than the past, absence of choice can actually be a good thing. Absence of a plan B. A series of recent discussions brought that to light for me: professionally, there isn’t really a plan B for me. In the long run, I need to stay self-employed (more about this in another post at some point). And so I have to make my business more successful than in the past (not just by wishful thinking, there is a lot of work to be done, actually — more about that in another post).

Saying “I have to do this” is, again, something I’ve been taught to avoid. Because it makes one powerless to have to do something, rather than want, choose, decide. But an episode of the podcast Hidden Brain presents research that points to another phenomenon: if we have a fallback plan, our motivation or drive to make our main plan succeed diminishes.

Not having a choice can actually be an advantage!

This might be one reason I like action/thriller movies, in which characters very often have no choice but to do what they are doing. Trying to stay alive or save the world definitely gives one a sense of purpose, something I sometimes feel I am lacking in my life.

There could also be a link to my love of physical activities like skiing, sailing, judo, kitesurfing, and even cycling and driving: when you’re moving or in action, you have to do what you have to do, or you can hurt or even kill yourself. In that moment, there is no backup plan. Come to think of it, that is true of public speaking too, though there is of course no physical danger there.

Pourquoi fait-on du sport? [fr]

“Pourquoi fait-on du sport?”

C’est cette question que posait, lundi soir en début de cours, mon prof de judo. Une question multi-couches et pleine de wagons (d’autant plus que pour lui, si le judo aussi un sport, il est également bien plus que “juste un sport” — j’abonde d’ailleurs dans ce sens) — à laquelle je me permets de donner deux réponses à raz les pâquerettes.

Tout d’abord, je crois qu’on fait du sport (et qu’on en refait) parce qu’on se sent mieux après qu’avant. C’est une réponse un peu axée “plaisir immédiat”, mais soyons honnêtes, beaucoup de nos activités sont motivées par le plaisir qu’on a à les exercer.

Deuxièmement, motivée par ma lecture récente de L’animal moral de Robert Wright (en VO bien entendu) — et cette réponse à mon avis est liée à la première et l’explique — je dirais que l’histoire de l’animal humain, à l’échelle de l’évolution, nous rappelle que nous sommes une espèce de prédateurs. Nous avons passé des dizaines de milliers d’années à chasser le mammouth (je caricature), et ce n’est pas les quelques derniers siècles (ou millénaires) de sédentarisation qui auront changé notre nature profonde. Il est fondamentalement humain d’avoir besoin de bouger.

Les réponses ne s’arrêtent pas là, bien entendu. Suivant la portée que l’on donne au mot “sport”, on pourra donner aussi des réponses d’ordre économique, psychologique, philosophique, existentiel, ou même spirituel.

Mais le raz des pâquerettes reste valable.