“Une femme sans enfant” [en]

Aujourd’hui je me sens triste, triste et vidée.

La cérémonie hier était belle, c’était intense, fort de liens et de larmes, de rencontres du coeur, de mots et de bras qui soutiennent dans la peine.

Mais le rouleau compresseur émotionnel et physique de la semaine écoulée me laisse épuisée malgré les neuf heures de sommeil de la nuit, et en ce dimanche calme et sans urgences à accomplir, je me sens triste, triste, et triste encore.

Triste d’avoir perdu mon amie, triste de sa souffrance et de celle de ses proches, mais triste aussi de ce monde qui met un pareil poids sur les femmes concernant la maternité.

Bien sûr que quand quelqu’un quitte cette vie ainsi de son propre chef, on reste avec un grand “pourquoi?” dont la totalité nous échappera toujours. Mais on va construire du sens, tant bien que mal, parce que c’est humain d’avoir besoin de sens, et parce que la mort déjà ça nous bouleverse, mais si en plus il n’y a pas de sens, c’est encore moins supportable. On met ensemble des morceaux, des pièces du puzzle, sachant bien que ce n’est pas une cause unique qui mène à cet instant singulier, mais un faisceau d’éléments intérieurs et extérieurs, essentiels et contingents, personnels et collectifs, existentiels et triviaux, anciens et récents, dont la conjonction résulte en un tout – la mort – qui est irréductible à la somme de ses parties.

Et donc aujourd’hui je suis triste de ce poids que portent toujours les femmes, qu’elles soient mères ou non. Triste parce qu’il était lourd pour mon amie, et qu’elle n’était pas seule. Triste parce que le deuil de maternité reste tabou, parce que la société ne nous offre toujours pas un mode d’emploi de la vie ou une identité qui n’inclut pas d’avoir des enfants, triste parce qu’une fois mère il faut lutter pour ne pas être réduite à ça, et que si on ne l’est pas on est au mieux ignorée ou objet de pitié, au pire jugée ou méprisée.

Voici des choses que j’ai écrites au fil des années, et qui résonnent à nouveau fortement pour moi ces jours:

C’est assez parlant que je n’ai pas écrit plus sur le sujet, compte tenu de combien le deuil de maternité a été une période charnière (longue, difficile, mais charnière) dans ma vie. J’ai un milliard de choses à dire sur le sujet, mais j’en ai dites très peu. Durant cette période, près d’un an, je n’ai en fait presque rien écrit ici, alors que ça fait 25 ans jour pour jour que ce blog existe.

Parce que le deuil de maternité, il n’a pas “d’existence” dans notre société. Il n’y a pas de rituel, pas de reconnaissance, pas de copines qui passent avec un tup’ ou de connaissances qui présentent des condoléances. Non, le deuil de maternité, c’est avant tout un “échec” pour celle qui le vit, parce que oui quoi, “quand on veut on peut”, et avec tous les progrès de la médecine moderne, n’est-ce pas, avoir un enfant, c’est “si je veux, quand je veux”! Il n’y a pas de place là-dedans pour tous les scénarios vécus réels et douloureux qui contredisent ces refrains usés, la myriade de façons différentes dont on peut se retrouver à dépasser sa date limite de procréation, parfois sans même s’en rendre compte. Le deuil de maternité, c’est un deuil qui se traverse le plus souvent sans soutien, dans la honte, la culpabilité, et la perte de repères quant au sens de la vie et à son identité de femme.

Les femmes sans enfant les plus visibles sont celles qui le sont par choix. Pour elles, la honte, l’échec et la culpabilité sont moins un enjeu. (Je dis “moins”.) Ne pas vouloir d’enfant est un combat, quelque chose qu’on revendique, qu’on va assumer peut-être même avec colère face à un monde qui nous dit qu’on devrait “vouloir autrement”, que tant qu’on n’a pas eu d’enfants on ne sait pas quel est le véritable amour, que si on n’en veut pas c’est qu’on est un peu cassée dedans et qu’on devrait d’abord panser nos blessures profondes pour accéder enfin à la lumière du désir de maternité.

Mais les femmes sans enfant “par choix” sont en fait une minorité. Pour la majorité des femmes qui n’ont pas d’enfant, ce n’était pas un choix, une décision claire. Parfois, c’est une ambivalence qu’on va transformer rétroactivement en choix inconscient parce que oui, c’est moins lourd d’assumer d’être rebelle, de ne pas vouloir entrer dans les cases toutes faites de la société, que d’avouer qu’on aurait voulu, au fond, mais que pour mille raisons, ça ne s’est pas fait. Mais souvent, on voulait on voulait, et les circonstances ne se sont pas alignées pour, une rupture au mauvais moment, un décès, un déménagement, ou simplement “pas de bol” dans la vie amoureuse (un autre article…)

Si les mères souffrent que leur identité soit réduite à leur maternité, les non-mères sont regardées avec suspicion. Et si elles ne sont pas en couple, d’autant plus! Une femme sans enfant et sans partenaire, elle doit pas être tout à fait “normale”. Pourquoi personne n’a voulu d’elle? (Remarquez que ce sera rarement “pourquoi n’y avait-elle personne digne d’elle…?) Elle doit avoir peur d’aimer. Elle a probablement un glaçon à la place du coeur. Si elle ose évoquer qu’elle aurait voulu que les choses soient autrement, on lui dira d’abord “mais pourquoi tu as pas adopté, du coup?” ou bien “mais bon y’a pas besoin d’homme de nous jours pour avoir un enfant” ou encore “c’est pas trop tard, regarde, Hilary Swank vient d’avoir un enfant à 48 ans, tu as encore le temps, ne baisse pas les bras!” et évidemment “probablement qu’au fond de toi tu ne voulais pas vraiment…”

Promettez-moi svp qu’avant de réagir à ce que je raconte ici vous allez lire les articles que j’ai écrits sur le sujet il y a bientôt dix ans et dont j’ai mis les liens plus haut… merci.

Dans ces circonstances, on apprend vite à souffrir toute seule. Et le “business” de la PMA n’aide pas forcément, car il vient au final alimenter deux discours avec lesquels il faudrait peut-être prendre un peu de distance: “quand tu veux tu peux” et “être mère c’est le truc le plus important que puisse faire une femme de sa vie”.

Nous avons un besoin urgent de “modes d’emploi” sociaux pour comment se comporter vis-à-vis des femmes par rapport à leur maternité (exit les questions brise-glace genre “et alors, tu as des enfants?” pour commencer), le deuil de maternité (quoi dire? quoi ne pas dire? comment offrir du soutien?) et aussi pour redéfinir à quoi ressemble une “bonne vie”, une “vie réussie” d’une façon qui n’inclut pas systématiquement la maternité comme passage entendu et évident, comme point central de la vie d’une femme.

Les hommes peuvent évidemment morfler face à un deuil de paternité. Mais (pardon messieurs si vous me lisez et que vous êtes concerné, il ne s’agit pas de nier votre douleur) ils ne subissent pas le même poids à ce sujet que les femmes. Un homme sans enfant est bien plus acceptable qu’une femme sans enfant. Lisez simplement les biographies des gens, vous savez, les conférenciers, les auteurs, les petites présentations des nouveaux collègues. Et notez quelle place est faite à la progéniture de la personne concernée dans le texte, chez les hommes, chez les femmes. Vous verrez.

Alors, comment on fait ces modes d’emploi? Je ne sais pas, honnêtement. Mais je sais qu’on peut déjà commencer en ouvrant notre gueule, en n’acceptant pas le tabou, le silence et la honte, la culpabilité face à un état de fait qui n’est pas de notre faute, en osant mettre l’inconfort sur la personne qui nous dit “et alors, tu voulais pas d’enfants?” plutôt que de le prendre sur nous (“si, je voulais mais j’ai pas pu”), en racontant nos histoires, en donnant à nos “soeurs” plus jeunes des modèles de vies belles et épanouies hors de la maternité, en ne partant pas du principe que toutes les petites filles voudront être maman, en sensibilisant garçons et filles aux enjeux temporels liés à la fertilité féminine et en adaptant les modèles de parcours de vie en conséquence (tu fais tes études, tu fais ton post-doc, tu trouves un job stable, tu te cases après un ou deux ratages, tu profites un peu de la vie de couple quand même, et ensuite tu fondes ta petite famille… non mais sérieux?), en évitant de glorifier la maternité, et en continuant la lutte contre les valeurs patriarcales qui imprègnent encore implicitement notre société. Les femmes en paient le prix fort, mais les hommes n’en sortent pas indemnes non plus: c’est perdant-perdant.

Pour traverser un deuil, la souffrance doit être entendue. A 51 ans, c’est largement derrière moi, parce que j’ai trouvé à l’époque un espace où j’étais soutenue et entendue. Mais je vais continuer à ouvrir ma gueule parce que je me rends compte que même mes amies (vous êtes plusieurs) ploient sous la honte et la culpabilité de leur non-maternité, et je veux croire qu’ensemble on est plus fortes, qu’ensemble on peut faire bouger les choses, qu’en faisant assez de bruit assez longtemps notre société nous fera une vraie place, et pas juste une place en note de bas de page parce qu’il faut bien nous mettre quelque part.

Sans enfant: quelques éléments sur le contexte sociétal qui nous y mène [fr]

[en] A few thoughts and links about childlessness, and the social forces which bring 1 in 4 women of my generation to reach the end of their childbearing years without having a child.

Un discussion, hier. Comme je les aime. Sur la vie, les relations, le travail, comment on fonctionne. Ce qu’on arrive à changer et ce qu’on ne peut pas changer. Et aussi, sur le célibat et l’absence d’enfant.

Quelques liens en vrac, parce que mine de rien, depuis bientôt deux ans, j’en ai fait du chemin.

D’abord, le must: Date limite de procréation dépassée. Un article pas agréable à lire si on baigne dans le déni ambiant concernant la chute de la fertilité féminine dans la deuxième moitié de la trentaine.

Il y a un problème sociétal et d’information sur ce sujet. Si une femme veut un enfant, et qu’à la mi-trentaine elle n’est pas activement en train d’essayer de procréer, il y a un risque non négligeable qu’elle n’y parvienne pas.

Une femme sur cinq née durant les années soixante arrive à 45 ans sans avoir d’enfant. Pour les femmes des années septante, ça risque bien d’être une sur quatre.

Et si on parle de plus en plus des femmes qui font le choix de ne pas être mère, ce n’est de loin pas le cas de toutes. Certaines, comme moi, se retrouvent “par les circonstances de la vie” sans enfant alors qu’elles en voulaient.

Et là aussi, attention: ce n’est pas blanc et noir. Je veux ou je ne veux pas. Il y a beaucoup d’ambivalence autour du désir de maternité (ou de son non désir). Et on peut se retrouver, un peu du jour au lendemain, à réaliser que le temps a eu raison de notre ambivalence et pris la décision pour nous. Peut-être même des années avant qu’on en prenne conscience.

Les solutions médicales aux problèmes de fertilité existent, certes, mais elles ne sont pas une garantie de succès. On a une vision déformée des “miracles” de la médecine, à coups de célébrités d’âge “avancé” qui ont des enfants, mais sans qu’on sache:

  • combien d’années d’essais et de traitements
  • si ce sont leurs ovocytes (le don d’ovocyte est interdit en Suisse)
  • si même elles ont porté l’enfant elle-même, dans certains cas
  • combien de dizaines de milliers de dollars les traitements ont coûté

Il y a aussi un “biais du survivant” dans ces histoires: on entend parler de celles pour qui ça a marché, des exceptions, et jamais (ou pas assez) de toutes celles pour qui ça n’a pas “marché”, qui se retrouvent sans enfant et l’espoir brisé après des années de traitements, le portefeuille allégé en plus.

Savez-vous qu’à partir de 39 ans, les chances de succès d’une FIV sont autour de 10% seulement?

Personnellement, je n’avais pas conscience de tout ça durant mes années de fertilité “maximale”. Est-ce que ça aurait changé quelque chose aux diverses décisions de vie que j’ai prises? Va savoir, c’est dur de se projeter en arrière et d’imaginer ce qu’on aurait fait “si on avait su”. Mais je peux imaginer qu’avoir conscience à quelle point sa fertilité est finie est tout de même un élément important à avoir en main pour prendre les grandes décisions de la vie.

L’éducation sexuelle que les femmes de ma génération ont eues à l’école — et c’est déjà bien — mettait l’accent sur comment ne pas tomber enceinte. Bien moins sur comment, si on le désirait, et jusqu’à quand.

Comme avec la transmission du HIV: un rapport suffit, mais un rapport “n’implique pas nécessairement que”. On tombe dans le domaine des probabilités, ô combien dur à intégrer pour notre cerveau d’homme (de femme!) des cavernes. Une fécondation est une histoire de probabilités, et la probabilité n’est pas la même quand on a 25 ou 40 ans. On s’en doute, mais on n’a pas de chiffres, pas d’échelle, pas d’ordre de grandeur. Et si la fécondation est la condition sine qua non de la grossesse, elle n’est pas suffisante pour la mener à terme…

Notre génération souffre du retour de balancier de la libération sexuelle. Ça fait mal de dire ça. Mais oui. On a gagné plus de contrôle sur comment, quand, et avec qui on procrée. Surtout dans le sens du “pas”. Mais les limites biologiques dures ne se sont pas envolées. Notre contrôle n’est pas total. Même la congélation d’ovocytes n’est pas la panacée que certaines voudraient nous faire croire.

Avec la libération sexuelle, l’égalité, tout ça (qui est très bien!) on se retrouve en tant que femme à avoir (et vouloir!) accès à des “plans de vie” masculins. On fait ses études, supérieures autant qu’on peut, on se stabilise professionnellement, on fonde une famille. Vers 30-35 ans.

Vous voyez le blème? Si on regarde ça à travers le filtre de la fertilité, ça va très bien pour un homme, qui, malgré l’andropause, ne voit pas sa fertilité tomber dans le fond d’un ravin autour de 37 ans. Il suffit d’une rupture au mauvais moment, de difficultés imprévues, et hop, on sort de la fenêtre.

Du point de vue de la fertilité féminine, le modèle études-travail-couple-stable-enfants n’est vraiment pas top.

Au Danemark, et ailleurs également j’en suis sûre, de plus en plus de femmes font le choix de procréer “seules”. Parce qu’avoir un enfant est important pour elles, et qu’elles ne sont pas prêtes à risquer de se retrouver dans l’impossibilité biologique de le faire parce qu’elles attendent de trouver le compagnon qu’il faut. Jusqu’à trop tard.

Il n’y a pas de solution parfaite à ce problème social. Mais j’espère qu’il arrivera un moment où les femmes auront en mains les cartes nécessaires à prendre des décisions informées par rapport à leur désir ou non d’être mères, sans se réveiller un jour à 43 ans, après des années à s’être laissé ballotter par les vents et les vagues dans la petite coque de noix du manque d’information et de discussions franches autour de la fertilité féminine.

Deux premières [fr]

[en] Took the boat out with no engine (just sails and a paddle). Kept my nephew for the first time!

Aujourd’hui, deux premières:

  • j’ai sorti le Farrniente sans moteur (pagaie et voile)
  • j’ai gardé mon neveu pour la première fois

Une de mes amies était en visite pour la journée après le Bloggy Friday (qui comptait des fribourgeois, genevois et même bernois!). On avait parlé de sortir le bateau, mais malheureusement, après la dernière régate, on a eu des problèmes de moteur. Je lui avait donc dit que c’était compromis. Devant sa déception, toutefois, je lui ai dit qu’on avait quand même l’option “pagaie + voiles”. Elle a relevé le défi, nous sommes sorties de la place et du port comme des pros, et rentrées non moins admirablement. Il y avait des petits airs, on a pu faire un bon nombre de bords, parler de rêves de vie (ou au moins de vacances) sur l’eau, et croiser La Vaudoise (tiens, je deviendrais bien une femme Pirate, moi).

La Vaudoise

Ensuite, autre défi d’un tout autre ordre: garder mon neveu de bientôt cinq mois pour la première fois, histoire de donner à mon frère et ma belle-soeur un peu de temps “baby-free”. Eh bien oui, les tatas c’est là pour ça aussi. Après une première vingtaine de minutes à me demander ce que j’allais bien pouvoir faire de ce bébé hurlant (rien de ce que j’essayais ne marchait), un heureux concours de circonstances l’a calmé complètement. J’ai pu faire mon ménage (en petites tranches bien sûr) et finir d’aménager mon nouveau (et amélioré) “coin canapé”.

New sofa corner

Bien sûr, deux heures c’est long, j’ai donc passé par le biberon, les chansons, les cent pas dans l’appart, les escaliers, les escaliers encore, et pour finir le jardin parce que c’est plus sympa que les escaliers, au bout d’un moment. Mais il a bien dormi!

Infimes précisions [fr]

Je n’ai pas écrit Blog Story. Remise en contexte d’une remarque que je commente dans Journal Infime. Allumez vos téléviseurs dimanche à  20h00, je serai l’invitée de Mise au Point sur la TSR1. Quelques commentaires sur mes aventures avec les médias.

[en] A clarification about something said in the second part of my radio interview. Aside from that, I'll be on TV Sunday evening. I'll try to find out if it can be viewed online.

Si vous avez écouté Journal Infime aujourd’hui, vous aurez sans doute noté que suite à  une petite maladresse de la présentatrice, je me suis retrouvée propulsée auteur de Blog Story. Je vous rassure, rien n’a changé, ce sont toujours bien Cyril et Emily qui en sont les auteurs.

Il y a un point dans l’interview d’aujourd’hui qui mérite un commentaire. Martine Galland m’invite à  parler d’une remarque que je fais dans mes réflexions blogosphériques:

N’allez pas chercher plus loin qu’une famille “à  secrets” pour saisir mes motivations profondes…

Revenons au contexte dans lequel je fais cette remarque. En fait, j’essaie d’expliquer d’où vient la tendance, parfois très marquée chez moi, à  décortiquer les discours, les événements ou les idées, à  vouloir traquer “l’erreur” et la désinformation, casser les mythes et les illusions.

La problématique du secret n’eclaire à  mon sens pas vraiment, comme la structure de l’interview le laisse entendre, mes motivations profondes à  vouloir partager ainsi [ma] vie avec des milliers de lecteurs. Ma remarque, remise dans son contexte, concernait mes motivations à  décortiquer (et critiquer) les articles parus sur les weblogs. Face à  ce qui me paraissait être une forme de désinformation, je montais sur mon cheval de bataille pour clâmer au monde que la vérité n’était pas celle qu’on leur avait servie, poussée par un élan qui pour moi prend clairement sa source dans ce que j’ai vécu, enfant, dans ma famille.

Ce qui me pousse à  partager mes idées et quelques morceaux de ma vie sur internet, c’est à  mon avis plus un besoin d’exister, d’être entendue, reconnue. Je n’y vois pas tant un besoin de mettre au grand jour ce qui est caché en moi qu’un besoin assez primordial d’expression. En écrivant ces lignes, toutefois, je me rends compte que ce besoin d’expression pourrait être interprété comme un refus de jouer le jeu du secret — du silence. Est-ce lié? Possible… mais pour moi le lien n’est pas clair, et je ne le faisais certainement pas lorsque j’écrivais mes Réflexions blogosphériques.

Vous venez en passant d’avoir une démonstration, en direct, du besoin impérieux qui m’habite de m’assurer que j’ai bien été entièrement comprise…

Je poursuis ce billet coloré “presse” en vous proposant de regarder Mise au Point dimanche à  20h00 sur la TSR1. (Je ne vous donne pas plus de détails, z’avez qu’à  regarder… ou lire la suite!)

Après le petit couac concernant Migros Magazin, j’ai été heureuse d’apprendre le fin mot de l’histoire au sujet de ma mésaventure avec Le Temps. En effet, j’avais été interviewée pour un article, que la (fort sympathique) journaliste m’avait ensuite soumis pour relecture et feedback (quelques échanges de mails). Quelle n’a pas été ma surprise, lorsque, lisant le dossier consacré aux blogs dans les pages 2 et 3 du Temps le 2 février dernier, j’ai pu constater la totale absence de cet article que j’avais pourtant vu à  plusieurs reprises!

La journaliste qui m’avait interviewée étant à  ce moment-là  en vacances à  l’autre bout du monde ou presque, elle n’a pas été en mesure d’éclairer ma lanterne quant à  la raison exacte de cette disparition. C’est maintenant chose faite, et c’était un peu ce que je soupçonnais: manque de place, on a sacrifié un article. La journaliste n’avait malheureusement pas les lignages exacts pour réduire ses articles avant de partir en vacances. Ce sont des choses qui arrivent.

Sur le moment, cela m’avait d’autant plus déçue que la parution de ce dossier dans Le Temps avait incité la production de Mise au Point à  changer l’angle du reportage sur les blogs, renonçant à  m’interviewer pour pouvoir aborder plus longuement la question des adolescents skyblogueurs. J’avais passé plus de 6 heures à  parler avec le réalisateur, on avait fixé un jour de tournage, il m’avait montré un premier jet de scénario… double déception. Mais, comme je vous l’ai dit, les choses finissent bien pour moi (enfin, je trouve!) puisque je serai l’invitée du plateau de fin d’émission.

J’avoue une certaine excitation à  l’idée de “passer à  la télé”, et j’ai réalisé en en parlant autour de moi que tout le monde ne réagirait pas ainsi. Et vous, chers lecteurs — ça vous plairait, une apparition télévisuelle, ou bien c’est plutôt le genre de chose que vous préféreriez éviter? Je suis curieuse de vous entendre à  ce sujet.

Mise à  jour 17.02.2005: extraits cités par Mireille Galland dans la troisième partie de l’interview:

Bloguer anonymement [fr]

On peut vouloir l’anonymat sur son weblog pour deux raisons: (a) de peur que notre entourage ne découvre notre weblog, et (b) afin d’éviter d’être contacté nominalement par les inconnus.

[en] Two reasons, in my opinion, explain why people might want to blog anonymously: (a) to prevent people they know from reading what they write on their blog; (b) to prevent unknown people who read the blog from tracking them down. In both cases, there is a desire to create some kind of barrier between online and offline. In the first case, the aim is to prevent offline from penetrating online. In the second one, it is to prevent online from penetrating offline.

I think people who "go anonymous" for the first reason are those who are at risk of losing their jobs, falling out with family and friends, or at best, spend a few embarrassing moments if they are "outed". I personally think it's a pretty risky thing to do. On the other hand, I think the second reason can make sense, and even be a sensible choice in some cases -- for example, in the case of a lawyer who would not want to be contacted for professional reasons by people who know him through his weblog.

Lors de la première séance du “projet weblogs” avec les élèves (plus de détails prochainement, et un weblog séparé pour traiter de tout ça), nous avons discuté du fait que nous ne les laissons pas publier de manière “anonyme”. Bien sûr, leur nom de famille n’est pas révélé, mais leur véritable prénom l’est.

J’ai mis en avant ce que je considère depuis longtemps être les dangers du pseudonymat sur le web (je ne vais pas m’étaler, je l’ai fait bien assez déjà ): on risque de se permettre d’écrire des choses que l’on serait bien embarrasé d’assumer devant son employeur, ses grands-parents, ses copains ou la voisine du dessus.

En lisant Eolas, j’ai eu une soudaine illumination. En effet, je vois maintenant deux grandes familles de raisons pour lesquelles on pourrait vouloir ne pas révéler son identité sur son weblog:

  1. on ne désire pas que les gens qui nous connaissent puissent avoir accès à  ce que l’on écrit en ligne (on cache ce qu’on écrit)
  2. on ne désire pas que des inconnus puissent accéder à  son identité (on se cache).

La première est bien entendu celle qui peut nous valoir un jour ou l’autre de nous brouiller avec famille et amis, de perdre notre emploi, ou de subir encore d’autres conséquences désagreables.

La seconde raison est celle qu’invoque Eolas. Il est avocat, et ne désire certainement pas être contacté par le biais de son weblog pour des raisons professionnelles ou paraprofessionnelles. Je n’ai pas l’impression en le lisant, cependant, (qu’il me corrige si je me trompe, mais dans tous les cas, c’est un cas de figure que l’on pourrait imaginer) qu’il se retrouverait embarrassé d’une façon ou d’une autre si son entourage apprenait l’existence de ce weblog. Il serait même tout à  fait possible que les personnes qu’il connaît soient parfaitement au courant de ses écrits en ligne, sans que cela pose problème.

Si l’on choisit l’anonymat (ou le pseudonymat) pour son weblog, c’est qu’on est à  la recherche d’une certaine étanchéité entre sa vie d’auteur de weblog, et sa vie “tout court”. Dans le premier cas de figure, on cherche à  empêcher les gens faisant partie de notre vie hors-ligne de pénétrer dans la sphère du weblog; dans le deuxième cas, on cherche à  empêcher la sphère du weblog de déborder dans notre vie “tout court”.

Si je décourage fortement tout weblogueur de choisir l’anonymat pour la première raison évoquée ci-dessus (je pense, par exemple, que le “journal intime sur internet” que personne ne connaît est un leurre à  long terme), je suis nettement moins catégorique si les motivations sont de l’ordre de la seconde raison, et je pense que dans certains cas (celui d’Eolas par exemple), elle est même un choix raisonnable. Néanmoins, il faut garder à  l’esprit que l’anonymat ne dure que tant qu’il dure: que quelqu’un découvre l’identité d’Eolas et la mentionne ailleurs sur le web, et sa “couverture” s’en retrouvera affaiblie.