Snapchat pour les nuls: l’essentiel pour démarrer [fr]

[en] An introduction to snapchat. Understanding chats and stories.

Snapchat est sur mon radar depuis un moment, mais je vous avoue que je ne captais vraiment pas — ressentant probablement ce que beaucoup de mes clients ressentent face à Twitter! 😉

Steph Snapcode

Le week-end dernier, j’ai eu un déclic, comme on dit, et je crois que j’ai enfin assez pigé pour vous expliquer l’intérêt de la chose. Je suis assez fan!

En très résumé:

  • c’est une application smartphone, point barre
  • ça permet de communiquer individuellement, ou de publier sur l’équivalent d’un “mur” pour tous ceux qui nous suivent (ou un sous-groupe)
  • ça mélange au même endroit texte, photo, vidéo — c’est principalement visuel
  • il y a tout un côté ludique avec des “masques” qu’on peut appliquer sur son visage, en photo ou en vidéo (je ne m’en lasse pas)
  • il n’y a pas d’archives, tout disparaît
  • l’interface n’est pas hyper intuitive…

Si vous ne l’avez pas encore fait, téléchargez snapchat sur votre mobile et créez un compte. Ça se fait directement dans l’application. Snapchat vous proposera spontanément d’ajouter les personnes parmi vos contacts qui ont déjà un compte: faites votre choix!

Regardons un peu plus en détail comment ça marche, histoire de ne pas se perdre.

La base

Quand on ouvre Snapchat, ça ressemble à ça:

Ouverture de SnapchatJ’ai deviné juste, hein? On fait bien cette tête, parce qu’on a une caméra pointée sur nous et on ne sait pas ce qui va se passer.

Avant de jouer avec la caméra (ça vient tout de suite), orientons-nous. En balayant un doigt sur l’écran, on trouve:

  • en haut, notre profil
  • à droite, les “stories” (l’équivalent du “mur” facebook)
  • à gauche, nos contacts pour la messagerie.

On peut aussi arriver sur ces écrans en touchant les icônes correspondantes, en haut au milieu, et en bas sur les côtés. Le petit “1” à droite est une notification m’indiquant qu’une nouvelle “story” (histoire) m’attend.

La caméra

Toucher le bouton prend une photo, appuyer longuement filme en vidéo, pour un temps limité. Jusque-là, rien de sorcier.

Grille de mesureAvant de prendre une photo ou une vidéo, on peut aussi appuyer “longuement” sur son visage. Un petit grillage comme celui-ci le recouvre afin de le mesurer pour l’utilisation des masques.

Vous voyez ensuite apparaître à gauche toute une ribambelle de masques. Ceux-ci changent régulièrement, on dirait. Si vous avez aimé les filtres déformants de Photo Booth dans le temps, vous allez adorer Snapchat! Amusez-vous un peu, puis filmez/photographiez-vous avec le masque que vous voulez.

Nice Tongue Smile Rainbow Feline 30s

Bref 🙂

Une fois la photo prise, de nouvelles possibilités s’ouvrent à vous, via une rangée de boutons en haut et en bas de l’écran.

Mona StephEn haut:

  • la croix, pour mettre à la poubelle votre oeuvre et revenir en arrière
  • les stickers, pour ajouter autant d’emojis que vous voulez; vous pouvez les déplacer avec un doigt, les agrandir (tirer avec deux doigts) et même les faire tourner
  • le texte, pour ajouter un commentaire; on peut aussi le déplacer avec le doigt, et changer la police en touchant à nouveau le bouton texte
  • le crayon, pour gribouiller à la main sur l’image.

En bas:

  • le minuteur, qui règle combien de secondes s’affichera la photo (ça deviendra plus clair quand j’expliquerai comment on construit son histoire)
  • la flèche vers le bas pour sauvegarder votre oeuvre sur votre téléphone
  • le cadre avec le “+” pour ajouter directement la photo à votre story
  • la flèche vers la droite qui vous permet de partager votre photo avec certains destinataires précis.

En balayant à droite et à gauche, vous avez aussi des filtres ou l’affichage d’informations comme le lieu, l’heure, la vitesse…

Essayez!

J'ai mis le paquet

Les stories (histoires)

Ça, c’est là où j’ai coincé pendant un moment. Mais une fois qu’on a compris la logique c’est assez simple. “My Story”, c’est une pile de photos de de vidéos, qu’on voit à la suite. Une montage qui se fait automatiquement: chaque fois qu’on ajoute quelque chose à “My Story”, ça vient se mettre en fin de vidéo.

Snapchat StoriesEt si on regarde une story, ce qu’on voit c’est une suite de moments peut-être un peu hétéroclites, mais dans l’ordre chronologique. C’est sur ça que j’ai bloqué au début: je pensais qu’il fallait expressément faire son propre montage, et je ne trouvais pas comment. Eh bien non, ça se fait tout seul!

Seules les dernières 24 heures d’une story donnée sont visibles. Ce qui est plus ancien est perdu à jamais!

Les stories qu’on n’a pas encore vues en entier se trouvent sous “Recent Updates”. S’il y en a plusieurs, Snapchat va nous les montrer à la suite quand on lance la première. Si on veut aller voir la story entière de quelqu’un en particulier, on va dans “All Stories”. Pour accélérer le défilement, il suffit de toucher l’écran et on passe au plan suivant.

Profil SnapchatOn peut sauvegarder sa propre story, sous forme d’une vidéo unique, mais pas celles des autres.

Donc, pour faire sa story, on enregistre une photo ou une vidéo, et on la rajoute sur la pile. On peut choisir dans les paramètres (écran de profil, en haut quand vous êtes sur la caméra d’accueil de l’app, roue dentée à droite) si notre story n’est visible qu’aux personnes que l’on suite (nos “amis”), à tout le monde, ou bien à un groupe restreint de personnes.

La messagerie (le chat)

Dans la messagerie (à gauche de l’écran principal, glisser encore vers la gauche sur le nom d’un contact pour ouvrir l’écran de conversation) on retrouve “l’appareil photo” décrit ci-dessus. Il est aussi possible de:

  • partager des photos depuis la pellicule de son téléphone
  • lancer une conversation vidéo ou audio, et basculer sans interruption de l’une à l’autre
  • écrire du texte 🙂
  • partager des stickers divers et variés
  • envoyer une courte séquence vidéo en appuyant longuement sur le bouton “appel vidéo” (attention ça part tout seul, une fois lancé rien ne l’arrête, faites vos expériences avec quelqu’un de confiance ;-))

Ce qui est intéressant:

  • dès que vous quittez la fenêtre de conversation, tous les messages disparaissent (bonjour la perte de contexte si on laisse des messages hors-ligne, pensez-y)
  • les captures d’écran sont possibles mais visibles, l’autre est donc informé
  • on peut vraiment mélanger texte, images, vidéo dans une même conversation
  • en appuyant longuement sur un élément de la conversation, on peut le sauvegarder (il ne disparaîtra donc pas à fermeture de la conversation)

Snap Chat 1 Snap Chat 2

Le snapcode

Pour suivre quelqu’un dans snapchat, il faut soit son nom d’utilisateur, soit son numéro de téléphone, soit son adresse e-mail soit… son snapcode.

Le snapcode c’est un peu comme un QR code spécial-snapchat. C’est le carré jaune avec les petits points et le fantôme au milieu. Si vous vous demandiez, comme moi, pourquoi certaines personnes utilisent ça comme photo de profil facebook, voilà pourquoi.

Il suffit de pointer l’appareil photo snapchat sur le snapcode, et d’appuyer (longuement) sur l’écran. Essayez avec le mien dans cet article!

La confidentialité

Une des raisons pour lesquelles on a (en tous cas au début) beaucoup parlé de snapchat, c’est parce qu’il n’y a pas d’archives. C’est l’application qui “ne laisse pas de traces”.

Alors, s’il est vrai qu’il n’y a effectivement pas d’archives, il ne faut pas non plus se lâcher complètement. Il y a toujours moyen d’enregistrer ce qui passe sur un écran, de faire des saisies d’écran, etc.

Attention quand même!

En conclusion

Je n’ai pas été exhaustive (je n’ai pas parlé de Discover, j’ai perso pas croché, en tous cas pour le moment) et je suis en train de faire mes premiers pas sur snapchat, mais j’espère que ce petit tour d’horizon vous donnera l’envie et le courage de vous lancer.

Je trouve très très sympa pour communiquer “au quotidien” avec les gens que je connais (c’est fait pour ça). C’est vraiment pratique de pouvoir balancer un morceau de vidéo quand on discute, plutôt que d’être coincé dans le texte.

J’aime beaucoup les masques, vraiment, et le fait qu’ils changent me donne vraiment envie de garder un oeil dessus afin de ne pas en rater des sympas (c’est le but, je pense).

Les stories ont vraiment été une découverte pour moi, car je suis quelqu’un qui communique en premier lieu par écrit. Avoir un outil qui m’oblige à le faire en vidéos et en images, ça ouvre des horizons que je me réjouis d’explorer (un peu le sentiment que j’avais eu avec Periscope, que je n’ai pas réutilisé depuis l’Inde, tiens… peut-être parce que ça bugait un peu trop à mon goût, et que le workflow pour récupérer les vidéos était laborieux).

S’il y a des coins encore brumeux n’hésitez pas à poser des questions en commentaire ou… à me trouver sur snapchat, si on se connaît!

Facebook: comment rendre public un statut pour qu’il puisse être partagé [fr]

[en] Archive of my weekly French-language "technology advice column".

Ma newsletter hebdomadaire “Demande à Steph” est archivée ici pour la postérité. Chaque semaine, un tuyau ou une explication touchant à la technologie numérique, ou une réponse à vos questions! Inscrivez-vous pour recevoir directement la prochaine édition. Voici l’archive originale.

L’idée de la semaine pour inaugurer cette newsletter: comment rendre public un statut facebook afin que nos amis puissent le partager plus loin.

C’est très utile pour les petites annonces: un meuble à donner, un appartement à remettre, un chat perdu — mais aussi pour les recherches, les demandes: “est-ce que quelqu’un sait si…”, “connaissez-vous quelqu’un qui…”).

Une chose qui nous échappe souvent quand on poste ce type de demande ou d’annonce, c’est qu’un statut visible pour “amis seulement” ne sera jamais visible en dehors de notre cercle d’amis, même si il est partagé. Imaginez, si nos statuts privés étaient à la merci d’un partage maladroit!

Du coup, on voit souvent des messages avec “merci de partager”, mais qui sont limités aux amis de la personne qui poste. C’est dommage! (On peut les partager, mais ils seront invisibles à quiconque n’avait pas déjà le droit de les voir sur le profil d’origine. Selon les cas, ceci donne lieu à la fameuse “pièce jointe indisponible” que vous avez déjà certainement croisée ici ou là dans des groupes Facebook.)

Chacun de vos statuts indique, à côté de l’heure (et du lieu), qui peut le voir. Celui-ci n’est par exemple visible que pour mes amis:

Et celui-ci est public. C’est ça qu’on veut voir quand on fait un statut à partager:

Souvent, on publie d’abord le statut, puis on se rend compte qu’il n’est pas public. Pas de panique! Il n’est pas nécessaire de l’effacer et d’en republier un. On peut changer la visibilité de n’importe quel statut Facebook, même longtemps après sa publication:

C’est bien sûr aussi possible sur le téléphone:

Et voilà pour aujourd’hui!

Comme on démarre tout juste, ça m’intéresse vraiment d’avoir vos retours. Il suffit de laisser un commentaire:

  • est-ce que ces infos vous sont utiles, ou bien vous saviez déjà?
  • est-ce que l’explication est claire, trop longue?
  • avez-vous une question à laquelle vous aimeriez que je réponde une prochaine fois?

Facebook: on s'est pris une machine à remonter le temps dans la tronche [fr]

[en] Musings on the Facebook "private message bug" hysteria.

Hier soir, vous avez peut-être entendu qu’il y avait un “bug” Facebook qui faisait apparaître des messages privés dans la timeline. Rassurez-vous, jusqu’à nouvel avis, il n’en est rien: allez vite lire ce super petit compte-rendu de 20minutes.fr sur l’hystérie collective qui nous a frappée dans la nuit.

Pour les sceptiques, je vais faire comme 20minutes: si vous avez une preuve matérielle qu’il y a effectivement bug (à savoir, une message apparaissant dans votre timeline accompagné de l’e-mail vous annonçant que vous avez reçu un nouveau message privé), balancez-moi ça et je rectifierai. Et bien sûr je ne publierai pas votre message privé :-p

Je ne résiste toutefois pas à faire quelques commentaires, un peu en vrac. Début de tartine, allez chercher un jus d’orange.

Notons d’abord que les médias (et non pas les “internautes anonymes”) sont les grands coupables dans la génération et la propagation de cette rumeur. Et ça me fait penser à l’instant à cet excellent article de Titiou Lecoq, à lire aussi: “Ma réponse aux élites qui ‘détestent’ internet“.

PEBCAK. Problem exists between chair and keyboard. Le problème ici, c’est nous et notre mémoire faillible, nos codes sociaux mouvants, notre compréhension partielle des outils avec lesquels on jour, notre recherche incessante (et inconsciente) de ce qui confirmera nos croyances (ici: Facebook sont des gros méchants irresponsables).

(Vous noterez en passant mon “confirmation bias” à moi: rares sont les “vrais méchants”; les médias — et certaines personnes — aiment se faire peur et faire peur; on a tendance à sombrer dans des théories du complot face à ce monde qui nous échappe — au moins quelqu’un maîtrise la situation, ouf; le monde est plus complexe qu’on ne le croit et on cherche toujours un coupable pour ce qui ne va pas; et j’en passe…)

Revenons à la mémoire. Ah, la mémoire. Vous chercherez les articles vous-mêmes, sur ce coup, si vous voulez plus d’explications. Mais on sait bien aujourd’hui que la mémoire est extrêmement plastique. Ce n’est pas un enregistrement sur un disque dur. Et je ne parle pas que des “fausses mémoires”.

A chaque fois qu’on se souvient de quelque chose, on reconstruit le souvenir à partir des bribes de contexte et d’éléments “enregistrés”. Le présent et nos émotions du moment s’y mêlent. Et après ça, le souvenir est “réenregistré”, écrasant la première version. A chaque fois qu’on fait appel à un souvenir, on le change. Effrayant, non? Et en plus, c’est même pas des souvenirs complets, c’est des machins partiels qu’on réinvente à moitié.

J’ai vu arriver sans surprise le démenti initial de Facebook. Mais quelques personnes de mon entourage soutenaient qu’elles avaient trouvé chez elles la preuve du bug. Des personnes que je respecte, et qui savent faire la différence entre un message privé et public.

Alors je suis allée regarder chez moi. Consternation! J’ai trouvé dans ma timeline des messages passablement personnels. Oh, pas de quoi fouetter un chat ou briser mon couple. Mais quand même, étonnant. Pour en avoir le coeur net, j’ai consulté ma Mémoire: GMail. Comme l’a très bien dit David Labouré dans notre conversation Facebook sur le sujet, “ta mémoire s’appelle GMail”.

Eh ben, stupéfaction: c’était bien tous des messages du mur. Oui, même les machins qui commençaient avec des salutations, se terminaient avec des xoxo, et qui suggéraient qu’on se voie pour une pizza la semaine prochaine. J’ai fouillé, fouillé, et rien trouvé.

Allez, sautons dans la machine à remonter le temps. 2011, 2010, 2009, 2008, 2007, 2006… Y avait-il des messages privés vraiment privés à l’époque? Je ne m’en souviens plus, honnêtement. Par contre ce dont je me souviens, c’est qu’on écrivait des choses sur les murs des gens. Il y avait même, à une époque, la vision “mur-à-mur” qui affichait sous forme de conversation les messages qu’on s’était laissés sur nos murs respectifs. Le mur, c’était le truc sur lequel nos amis laissaient des messages. Ecrire sur son propre mur, ça ne se faisait pas. (J’ai même posté des choses sur mon mur pour dire ça, c’est dire!)

J’en déduis (parce que là, ma mémoire me fait défaut, enfin, un vague souvenir, mais il est vague) que poster un statut ce n’était pas la même chose que publier sur son propre mur.

Je me souviens avoir dû rendre attentifs les gens (lors de conférences, formations) au fait que ce qu’ils publiaient sur le mur d’autrui, ils ne savaient pas qui pourrait le lire. Les amis du destinataire… c’est quelque chose qu’ils ne contrôlaient pas. Et surtout, ils ne contrôlaient pas si le mur était visible aux amis, aux amis d’amis, aux amis et aux réseaux (vous vous souvenez du réseau “Suisse” dans les débuts?) Avec les commentaires, on avait le même problème. Je me souviens d’élèves qui écrivaient des choses “privées” dans les commentaires de leurs amis, sans réaliser que ces amis étaient peut-être amis avec des profs 🙂

Aujourd’hui encore, je vois que la distinction entre message privé et message sur le mur est loin d’être évidente à saisir pour des internautes débutants, tant sur le plan conceptuel que technique.

Dur-dur pour nos petits cerveaux de mammifères d’appréhender comment circule l’information dans un espace numérique semi-privé.

Il y a six ans ou même quatre ans, on n’utilisait pas du tout de la même façon les messages sur le mur des autres. Aussi, à l’époque, on avait bien moins de contacts. Ce qu’on était prêt à mettre sur le mur de quelqu’un en 2006 ou en 2008, on ne le mettrait plus aujourd’hui.

Même si le réglage est resté “amis seulement” durant toutes ces années, sa signification a évolué. Quand on publie quelque chose aujourd’hui, on peut avoir une relativement bonne idée de qui le lit. Mais on n’a aucune idée qui le lira dans le futur. C’était déjà un enjeu important avec les blogs, lorsque le web était moins “mainstream”. On publiait des choses sur l’internet public, pour son public actuel, en oubliant que dans six mois ou six moins son patron pouvait débarquer dans le monde en ligne et lire nos écrits immortels.

Facebook n’est pas complètement blanc dans l’histoire: les paramètres de confidentialité ont changé de nombreuses fois, parfois de force. On est bien pardonnables d’avoir perdu le fil. Comme le rappelle mon ami Kevin Marks, danah boyd a très bien expliqué l’importance de prendre en compte les codes sociaux et la perception des utilisateurs, et en particulier notre tendance à nous reposer sur “privacy by obscurity”. C’est “privé” parce que peu de gens le trouvent, même si les droits d’accès le sont moins. Avec timeline (et d’autres évolutions de la plate-forme avant ça, comme l’apparition du newsfeed, qui avait provoqué une véritable révolution — les francophones ne l’ont pas vécu, c’était très tôt), Facebook fait remonter à la surface et rend facilement trouvable des choses qui étaient auparavant relativement cachées.

Ma politique générale de publication (“tout ce que tu mets en ligne risque de finir dans les journaux”) me paraît bien saine, du coup. (Et non, je n’applique pas ça littéralement-tout-le-temps-sans-exception. Il y a des choses que je publie sur Facebook que je préférerais ne pas voir apparaître dans les journaux. Quand même. Mais je sais que tout ce que j’y mets court un risque de devenir un jour un peu plus public que ce que je pensais au départ.)

Pourquoi sommes-nous si prêts à croire à une magistrale bourde de Facebook? C’est vachement grave, quand même, de rendre public des messages privés. C’est arrivé à Twitter et c’était pas joli. Si je concevais un système comme ça, je m’assurerais bien que les baquets dans lesquels on stocke le privé et le public ne se mélangent pas trop côté code. Je suis pas développeuse ni ingénieur, mais d’après ce que nous dit Facebook, quand ils disent que ça peut pas arriver techniquement, c’est à ce genre de chose qu’ils font référence. (Quelqu’un qui sait mieux que moi peut peut-être expliquer.)

Facebook, ces temps, c’est la grosse méchante entreprise. Celle qui est évaluée à des montants astronomiques et qui a fait une entrée en bourse générant bien du schadenfreude chez ses détracteurs. C’est le Big Brother de 2012. Notre Microsoft. La sale entreprise qui fait un profit indécent sur le dos de nos photos de chats. Un service qui devrait être d’utilité publique mais qui est au mains de Zuck. En même temps, on adore passer du temps sur Facebook. On est accro. Amour-haine, quoi. Donc oui, s’il y a l’occasion de dire qu’ils se sont plantés grave, on va sauter dessus! Scandale! Outrage! Drame! Catastrophe!

On est un peu susceptibles. On monte aux barricades pour un oui ou pour un nom. Cf. le fameux statut qui a recommencé à faire ses rondes, mais qui n’est rien d’autre qu’un message en chaîne à côté de la plaque: “Attention, avec la nouvelle version de Facebook, les gens peuvent voir des trucs privés qu’ils devraient pas pouvoir voir, merci de vous bander les yeux quand vous regardez mon profil histoire que vous ne les voyiez pas!”

L’être humain n’aime pas trop le changement. On réagit négativement, on menace de tout quitter. Rappelez-vous les révoltes lors de chaque nouvelle version de Facebook: on est toujours là, et même tellement là qu’on en a oublié comment c’était avant, au point de croire en toute bonne foi que les messages “privés” sur nos murs ne peuvent pas en être, parce que jamais on aurait fait des choses pareilles.

On réagit “contre” parce que c’est du changement. Son contenu importe moins. J’ai d’ailleurs pris l’habitude d’attendre quand quelque chose change et que je n’aime pas. Je sais qu’une bonne partie de mon “je n’aime pas” c’est juste parce que ça a changé. J’ai des nouveaux embouts dans mes appareils auditifs. Ça remplit mes oreilles. Ça change le son. Je n’aime pas. Mais j’attends quelques semaines avant de décider que vraiment je n’aime pas et que je veux revenir en arrière. Parce que ce que je n’aime surtout pas, là, c’est juste que “c’est pas comme j’ai l’habitude”. Bon, moi je suis un cas un peu particulier, parce qu’avec un léger trouble de l’adaptation, j’ai dû me pencher sur ces questions avec beaucoup d’attention. Mais je ressens juste un peu plus fort ce que “tout le monde” ressent face au “nouveau imposé”.

Si on résume?

  • les médias ont bien chauffé la salle
  • on utilisait Facebook bien différemment il y a 4-5 ans
  • notre mémoire est plastique et faillible
  • Facebook a changé ses paramètres de confidentialité de nombreuses fois, et dans le processus certaines choses “un peu plus cachées” sont devenues “un peu plus publiques” (comme les messages du mur)
  • on aime bien taper sur Facebook ou tout autre grand méchant monopole profiteur
  • les espaces numériques semi-publics, c’est pas facile de s’y retrouver (même pour les pros)

 

Google Buzz, il faut en parler quand même [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

J’essaie d’éviter de me jeter sur les sujets d’actualité, parce qu’il y en a assez qui font déjà ça, et souvent bien mieux que moi. Mais je vais quand même dire quelques mots sur Google Buzz, que vous avez vu passer dans votre boîte e-mail si vous avez une adresse Gmail.

Google Buzz, c’est la réponse de Google à Twitter et Facebook. Un flux de nouvelles provenant de votre réseau, auxquelles on peut répondre, un ruisseau de vie numérique dans lequel on plonge quand bon nous semble.

Jusqu’ici, et compte tenu du peu de temps que j’ai passé avec ce nouveau jouet, il y a deux commentaires intéressants à faire: l’un concernant la nature des publics auxquels on s’adresse via les médias sociaux, et l’autre concernant (encore et toujours) la vie privée. Et comme on pourrait s’y attendre, ces deux problématiques sont liées.

Le jour du lancement de Buzz, coup de fil d’un journaliste, ancien camarade d’études, qui me pose une question tout à fait pertinente: y a-t-il encore de la place pour un nouvel acteur face à Twitter et Facebook? Oui, clairement, il y a de la place. Il y a de la place, parce que l’élément déterminant dans les médias sociaux, plus que la technologie, c’est la communauté. Les gens sur Twitter ne sont pas les mêmes que les gens sur Facebook, et ceux-ci sont encore différent de ceux qui vont utiliser Buzz.

C’est la façon dont se construit notre monde dans les médias sociaux: des publics différents dans des endroits différents, mais qui se recouvrent partiellement. Du coup, on ne parle pas aux mêmes personnes via Facebook, Twitter, ou Buzz — même si certains essaient de tout centraliser-harmoniser-uniformiser en synchronisant leurs mises à jour sur tous ces services.

C’est ces publics différents qui ont été à la base d’une levée de boucliers assez immédiate et violente à l’encontre de Google Buzz, dans les jours qui ont suivi sa mise en service. En effet, Google Buzz propose de “peupler” votre liste de personnes “à suivre” en se basant sur les personnes avec qui vous chattez et correspondez le plus souvent.

Ça peut paraître une bonne idée a priori (ces personnes sont effectivement probablement des personnes importantes de votre monde) mais il y a un gros hic: Google Buzz est public, alors que nos conversations par e-mail ou par chat ne le sont clairement pas. Est-ce qu’on a vraiment envie d’exposer aux yeux du monde entier quelles sont les personnes avec lesquelles on chatte et on e-maile le plus? Probablement pas. (Pour ma part, j’ai été proprement horrifiée quand j’ai découvert que ma liste de “contacts proches” avait ainsi été rendue publique à l’insu de mon plein gré… enfin, pas vraiment à mon insu, car j’ai cliqué “OK”, mais je ne m’étais vraiment pas rendu compte de ce que je faisais!)

Heureusement, Google est à l’écoute, et a réagi rapidement à ces soucis de confidentialité en modifiant les réglages par défaut de Buzz.

Une source de confusion, à mon avis, est l’emplacement de Google Buzz. Eh oui, dans votre boîte de réception e-mail! Si c’est pas mélanger le public et le privé, ça, je ne sais pas ce qui l’est. Il faudra s’attendre à bien des confusions, comme après les changements dans la politique de confidentialité de Facebook, où l’on verra des internautes innocemment partager avec le monde entier des informations qu’ils destinaient à un public bien plus restreint… un des éternels problèmes d’internet.