Blogging and Facebook [en]

[fr] Réflexion sur la place du blog, de facebook, et de la solitude.

Not 20 years ago. But not yesterday either.

My number of blogging years is going to start to look like 20. Well, 18 this summer, but that looks an awful lot like 20 around the corner. My old Quintus is not quite as old as this blog.

We all know that blogging before Twitter and Facebook was quite different from what it is now. “Social Media” made blogging seem tedious, and as we became addicted to more easily available social interaction, we forgot to stop and write. Some of us have been hanging in there. But most of those reading have left the room: consumption is so much easier in the click-baity world of Facebook.

Facebook didn’t invent click-bait. I remember the click-bait postings and the click-bait blogs, way back when. When the nunber of a comments on a post were an indicator of a blog’s success, and therefore quality, and therefore of the blogger’s worth. And then we lost Google Reader. Not that I was ever a huge user of any kind of newsreader, but many were. So Twitter and Facebook, our algorithm machines, became the sources to lead us to blog postings, and pretty much everything else we read.

As the current “delete Facebook” wave hits, I wonder if there will be any kind of rolling back, at any time, to a less algorithmic way to access information, and people. Algorithms came to help us deal with scale. I’ve long said that the advantage of communication and connection in the digital world is scale. But how much is too much?

Facebook is the nexus of my social life right now. But I’ve always viewed my blog as its backbone, even when I wasn’t blogging much. This blog is mine. I control it. It’s less busy than my facebook presence, to the point where I almost feel more comfortable posting certain things here, in a weird “private by obscurity” way, even though this is the open internet. But the hordes are not at the doors waiting to pounce, or give an opinion. Comments here are rare, and the bigger barrier to entry is definitely a feature.

I’ve found it much easier to write here since I decided to stop caring so much, stop putting so much energy in the “secondary” things like finding a catchy or adequately descriptive title (hey Google), picking the right categories, and tagging abundantly. All that is well and good, except when it detracts from writing. It makes wading through my posts more difficult, I’m aware of that. But oh well.

During my two-week holiday, I didn’t disconnect completely. That wasn’t the point. But I definitely pulled back from social interaction (online and off, it was a bit of a hermit fortnight). I spent more time alone, more time searching for boredom. I checked in on the little francophone diabetic cat group I manage, as well as FDMB, a little. I checked my notifications. I posted a little. But I didn’t spend that much time going through my feed.

And you know what? After a week or ten days or so, my facebook feed started giving me the same feeling as daytime TV. Or cinema ads. I stopped watching TV years ago. I watch the odd movie or series, but I’m not exposed to the everyday crap or ads anymore. And when I go to the cinema, the ads seem so stupid. I’m not “in there” anymore. This mild deconnection gave me a sense of distance with my facebook newsfeed that I was lacking.

I caught myself (and still catch myself) diving in now and again. Scroll, scroll, like, scroll, like, tap, scroll, like, comment, scroll, scroll, scroll. What exactly am I doing here, keeping my brain engaged when I could be doing nothing? Or something else? I think my holiday gave me enough of a taste of how much I need solitude and doing-nothingness that I now feel drawn to it.

I’m not leaving Facebook. But if it were to disappear, I’d survive. I’d regroup here, read more blogs, listen to more podcasts (hah!). It helps that I’m looking at my immediate and medium-term professional future as an employee. And that I’ve recently experienced that forum-based communities could be vibrant, and in some ways better than Facebook groups.

Grand moment de solitude [fr]

Minuit moins quart. Je suis rentrée tard, mais c’est samedi soir, ça va encore.

Je suis accoudée sur mon lit, téléphone à la main, chat presque contre moi. Il est temps de me lever pour me mettre vraiment au lit. Je vais lire un peu et dormir sans trop tarder.

Seulement, quand j’essaie de changer de position, je ne peux pas. Mon bassin est un océan de douleur paralysante. Changer ne serait-ce que la répartition du poids entre mon coude et ma hanche est un calvaire. J’essaie de plier légèrement la jambe: n’y pensons pas.

Quinze longues minutes plus tard, j’ai péniblement réussi à me coucher sur le dos.

Il me faudra quinze minutes supplémentaires et pas mal de serrage de dents pour me retrouver sur mes pieds, pliée comme une petite vieille, accrochée à la table de nuit – mais « debout ». Je tremble comme une feuille: froid, peur, choc?

Je me redresse tant bien que mal. Je fais quelques pas en m’accrochant aux murs. Que faire? Prendre des médicaments? Un bain chaud? Essayer de bouger? Au contraire, surtout ne pas bouger? Me mettre au lit et prier?

Je suis raide comme un bâton, pendue à un fil. J’aimerais aller aux WC mais je n’arrive plus à m’asseoir. J’aimerais voir ce que j’ai comme médicaments mais je n’arrive pas à me pencher pour ouvrir le tiroir. A tout hasard, je sors la clé de ma serrure. On sait jamais. Je m’accroche à mon téléphone, point de contact avec le monde.

Vais-je pouvoir aller travailler lundi? Ma tête fait le tour des plans de contingence en cas de catastrophe.

Vivre seul a plein d’avantages. Je ne range que mon propre bordel. J’ai toujours mon espace vital. Je fais ce que je veux à peu près quand je le veux.

Il y a des désavantages, aussi: je paie toutes les factures. Quand je rentre du travail, les courses ne sont jamais faites, le repas n’est jamais prêt. Toutes les décisions reposent sur mes épaules.

Et les frayeurs médicales arrivent toujours au milieu de la nuit. Être mal, effrayé, et seul, c’est vraiment misérable, comme situation. Je connais bien le numéro de la centrale des médecins de garde.

J’hésite à l’appeler, mais j’ai des scrupules à deranger l’infirmière de garde parce que je n’arrive pas à m’asseoir.

Heureusement, une copine infirmière est encore debout. Un paracétamol, un ibuprofène, un patch anti-inflammatoire et une heure plus tard, je peux précautionneusement me mettre au lit avec un coussin chauffant en bas du dos. J’ai pu aller aux WC.

Je vois ma physio mercredi.

[PS pour les curieux: très certainement l’articulation sacro-iliaque, et la suite du feuilleton faisant suite à mon accident de judo d’il y a 18 mois. Je suis entre de bonnes mains.]

Chalet, chat sous duvet [fr]

[en] A few words about being at the chalet alone with Bagha. I'm happy there is no internet connection there.

Me voici seule au chalet. Enfin, seule avec mon fidèle et ronronnant compagnon à quatre pattes. J’ai choisi d’écourter mon séjour, ayant deux (peut-être même trois) crises à gérer ces jours, mais j’ai refusé d’y renoncer. Un long week-end pour reprendre de l’air, du vendredi au lundi, je crois ne pas exagérer en disant que j’en ai bien besoin.

Cela fait longtemps que je ne suis pas montée ici seule. Je pourrais vérifier dans le carnet de bord du chalet, sorte de livre d’or où les visiteurs chroniquent les jours passés ici. C’était mon initiative, ce livre de bord: un “blog collaboratif hors-ligne” — et à ma surprise, tout le monde s’y est mis.

Je me souviens de deux séjours solitaires. Le premier, c’était dans une autre vie. Avant l’Inde, avant le blog, avant Bagha. J’avais découvert internet depuis quelques mois, je chattais à n’en plus dormir la nuit, j’avais peur d’être “accro”, et je suis montée quelques jours durant les (à l’époque) longues vacances universitaires de février pour faire le point. A défaut de cahier pour le chalet, c’est à cette occasion que j’ai acheté mon premier “cahier de route” (j’en suis au treize ou quatorzième) servant à la fois de journal, bloc-notes, liste de commissions.

Le deuxième, justement, c’est “celui du carnet de bord”. C’était en 2002, je préparais ma licence de philo, et j’avais besoin d’un changement d’air. Je me souviens que je lisais Paul Ricoeur devant un feu de cheminée, le chat sur les genoux, et à un moment donné, j’ai réalisé que je comprenais ce que je lisais. Vraiment. C’était une expérience de “flow” intellectuel assez intense. Peut-être que je devrais ressayer de lire Ricoeur — j’ai des tas de livres à lui dans ma bibliothèque.

Me voici donc seule au chalet, pour quelques jours de répit dans la tourmente. J’ai éteint mon téléphone, je sais à peine quelle heure il est, et demain matin je me lèverai quand je me lèverai, déjeunerai, prendrai ma douche, puis m’inquiéterai à ce moment-là de savoir ce que je fais de ma journée. Marche s’il fait beau. S’il pleut, lecture, écriture, ou piscine à Villars (puisque mon passe “indigène” m’y donne droit).

Avec les autres copropriétaires, on a évoqué la possibilité d’amener une connexion internet au chalet. J’espère que ça ne se fera pas. Je crains de ne pas réussir à me tenir à une décision qui ne serait pas soutenue par une contrainte technique: bien sûr que je pourrai continuer à monter au chalet “sans internet” — mais dans l’état actuel des choses, la décision est prise pour moi, et cela rend les choses plus simple.

Plutôt qu’une question de dépendance à internet, je pense qu’il s’agit ici plutôt d’une surcharge de décisions à prendre. J’ai déjà mentionné le livre The Paradox of Choice, qui m’a fait prendre conscience à quel point nous devons prendre un nombre toujours croissant de décisions (micro et macro) dans nos vies, à plus forte raison lorsque l’on est indépendants. N’avoir pas à décider de ne pas travailler quand je monte ici, c’est déjà des vacances. Vous voyez ce que je veux dire?

Refus [fr]

Franchement, je préfère ne pas y aller. Il fait noir là-dedans, et il y a des loups. Je te promets, j’en ai même vu, une fois. Puisque je te dis. Je ne m’en sors pas si mal. Tu vois, si je reste debout comme ça assez longtemps, je ne sens plus rien. Donc c’est pas si grave. Je vais attendre que ça passe.

Et puis il y a des moments où je peux même jouer. Ça ne me fait rien quand je joue. C’est quand même mieux que d’aller me promener dans le noir avec les loups!

Tu veux vraiment que j’y aille? Ah non, pas question! Tu ne me feras pas aller là-dedans. Je suis plus forte que toi, tu sais. Surtout quand j’ai peur. Ben oui j’ai peur d’aller toute seule dans le noir! Ah bon? tu veux venir avec moi? Quelle idée! Oui mais bon, ça va rien changer. Il fera toujours aussi noir. Et tu ne pourras pas me sauver des loups.

Non, non et non! Tu ne me feras pas aller. Je m’échapperai! J’oublierai le chemin. Je me perdrai. Je veux rester tranquillement ici. Ça finira bien par s’arranger tout seul, je le sais. Si.

Non, je ne bougerai pas. Puisque je te dis que je n’ai pas de problème! Tout va bien! Mais oui, promis. Regarde, est-ce que j’ai l’air d’aller mal? Je me débrouille très bien toute seule. Je n’ai besoin de personne! Personne, tu entends? Pas même toi!

Tu ne comprends pas que si je suis ici, c’est bien parce qu’il m’est impossible d’aller dans cette saleté de forêt? Les loups ont déjà failli me manger une fois. Ils m’ont attaquée, mordue, déchirée. Alors je me suis mise en boule et j’ai fait la morte. Je ne sais plus trop bien ce qu’il s’est passé ensuite. Peut-être que je me suis endormie, ou alors les loups sont partis, je ne sais plus. Je me suis retrouvée ici &mdash j’avais tellement mal que je ne pouvais plus bouger.

Je suis restée longtemps immobile. J’ai oublié la douleur. Ou bien je m’y suis habituée, je ne sais pas trop. J’ai réappris à  marcher. Je cache mes cicatrices sous de longs habits.

Je suis allée m’installer le plus loin possible des loups. Parfois je les entend hurler la nuit. Alors je me réveille, en sueur, et j’ai mal partout comme s’ils étaient là, à planter leurs dents dans mon corps.

Mais en général ils ne me dérangent pas. Ils sont loin, dans la forêt noire. Moi je reste à  la lumière. Je reste sans bouger à  fixer le ciel, et je ne sens plus rien. Ça me va tout à fait. Un jour ça passera, quand quelqu’un sera venu tuer les loups pour moi. Mais je préfère attendre, je ne veux pas aller là-bas.

Alors arrête de m’embêter, d’accord? J’irai pas. J’ai pas envie d’avoir mal.