“Une femme sans enfant” [en]

Aujourd’hui je me sens triste, triste et vidée.

La cérémonie hier était belle, c’était intense, fort de liens et de larmes, de rencontres du coeur, de mots et de bras qui soutiennent dans la peine.

Mais le rouleau compresseur émotionnel et physique de la semaine écoulée me laisse épuisée malgré les neuf heures de sommeil de la nuit, et en ce dimanche calme et sans urgences à accomplir, je me sens triste, triste, et triste encore.

Triste d’avoir perdu mon amie, triste de sa souffrance et de celle de ses proches, mais triste aussi de ce monde qui met un pareil poids sur les femmes concernant la maternité.

Bien sûr que quand quelqu’un quitte cette vie ainsi de son propre chef, on reste avec un grand “pourquoi?” dont la totalité nous échappera toujours. Mais on va construire du sens, tant bien que mal, parce que c’est humain d’avoir besoin de sens, et parce que la mort déjà ça nous bouleverse, mais si en plus il n’y a pas de sens, c’est encore moins supportable. On met ensemble des morceaux, des pièces du puzzle, sachant bien que ce n’est pas une cause unique qui mène à cet instant singulier, mais un faisceau d’éléments intérieurs et extérieurs, essentiels et contingents, personnels et collectifs, existentiels et triviaux, anciens et récents, dont la conjonction résulte en un tout – la mort – qui est irréductible à la somme de ses parties.

Et donc aujourd’hui je suis triste de ce poids que portent toujours les femmes, qu’elles soient mères ou non. Triste parce qu’il était lourd pour mon amie, et qu’elle n’était pas seule. Triste parce que le deuil de maternité reste tabou, parce que la société ne nous offre toujours pas un mode d’emploi de la vie ou une identité qui n’inclut pas d’avoir des enfants, triste parce qu’une fois mère il faut lutter pour ne pas être réduite à ça, et que si on ne l’est pas on est au mieux ignorée ou objet de pitié, au pire jugée ou méprisée.

Voici des choses que j’ai écrites au fil des années, et qui résonnent à nouveau fortement pour moi ces jours:

C’est assez parlant que je n’ai pas écrit plus sur le sujet, compte tenu de combien le deuil de maternité a été une période charnière (longue, difficile, mais charnière) dans ma vie. J’ai un milliard de choses à dire sur le sujet, mais j’en ai dites très peu. Durant cette période, près d’un an, je n’ai en fait presque rien écrit ici, alors que ça fait 25 ans jour pour jour que ce blog existe.

Parce que le deuil de maternité, il n’a pas “d’existence” dans notre société. Il n’y a pas de rituel, pas de reconnaissance, pas de copines qui passent avec un tup’ ou de connaissances qui présentent des condoléances. Non, le deuil de maternité, c’est avant tout un “échec” pour celle qui le vit, parce que oui quoi, “quand on veut on peut”, et avec tous les progrès de la médecine moderne, n’est-ce pas, avoir un enfant, c’est “si je veux, quand je veux”! Il n’y a pas de place là-dedans pour tous les scénarios vécus réels et douloureux qui contredisent ces refrains usés, la myriade de façons différentes dont on peut se retrouver à dépasser sa date limite de procréation, parfois sans même s’en rendre compte. Le deuil de maternité, c’est un deuil qui se traverse le plus souvent sans soutien, dans la honte, la culpabilité, et la perte de repères quant au sens de la vie et à son identité de femme.

Les femmes sans enfant les plus visibles sont celles qui le sont par choix. Pour elles, la honte, l’échec et la culpabilité sont moins un enjeu. (Je dis “moins”.) Ne pas vouloir d’enfant est un combat, quelque chose qu’on revendique, qu’on va assumer peut-être même avec colère face à un monde qui nous dit qu’on devrait “vouloir autrement”, que tant qu’on n’a pas eu d’enfants on ne sait pas quel est le véritable amour, que si on n’en veut pas c’est qu’on est un peu cassée dedans et qu’on devrait d’abord panser nos blessures profondes pour accéder enfin à la lumière du désir de maternité.

Mais les femmes sans enfant “par choix” sont en fait une minorité. Pour la majorité des femmes qui n’ont pas d’enfant, ce n’était pas un choix, une décision claire. Parfois, c’est une ambivalence qu’on va transformer rétroactivement en choix inconscient parce que oui, c’est moins lourd d’assumer d’être rebelle, de ne pas vouloir entrer dans les cases toutes faites de la société, que d’avouer qu’on aurait voulu, au fond, mais que pour mille raisons, ça ne s’est pas fait. Mais souvent, on voulait on voulait, et les circonstances ne se sont pas alignées pour, une rupture au mauvais moment, un décès, un déménagement, ou simplement “pas de bol” dans la vie amoureuse (un autre article…)

Si les mères souffrent que leur identité soit réduite à leur maternité, les non-mères sont regardées avec suspicion. Et si elles ne sont pas en couple, d’autant plus! Une femme sans enfant et sans partenaire, elle doit pas être tout à fait “normale”. Pourquoi personne n’a voulu d’elle? (Remarquez que ce sera rarement “pourquoi n’y avait-elle personne digne d’elle…?) Elle doit avoir peur d’aimer. Elle a probablement un glaçon à la place du coeur. Si elle ose évoquer qu’elle aurait voulu que les choses soient autrement, on lui dira d’abord “mais pourquoi tu as pas adopté, du coup?” ou bien “mais bon y’a pas besoin d’homme de nous jours pour avoir un enfant” ou encore “c’est pas trop tard, regarde, Hilary Swank vient d’avoir un enfant à 48 ans, tu as encore le temps, ne baisse pas les bras!” et évidemment “probablement qu’au fond de toi tu ne voulais pas vraiment…”

Promettez-moi svp qu’avant de réagir à ce que je raconte ici vous allez lire les articles que j’ai écrits sur le sujet il y a bientôt dix ans et dont j’ai mis les liens plus haut… merci.

Dans ces circonstances, on apprend vite à souffrir toute seule. Et le “business” de la PMA n’aide pas forcément, car il vient au final alimenter deux discours avec lesquels il faudrait peut-être prendre un peu de distance: “quand tu veux tu peux” et “être mère c’est le truc le plus important que puisse faire une femme de sa vie”.

Nous avons un besoin urgent de “modes d’emploi” sociaux pour comment se comporter vis-à-vis des femmes par rapport à leur maternité (exit les questions brise-glace genre “et alors, tu as des enfants?” pour commencer), le deuil de maternité (quoi dire? quoi ne pas dire? comment offrir du soutien?) et aussi pour redéfinir à quoi ressemble une “bonne vie”, une “vie réussie” d’une façon qui n’inclut pas systématiquement la maternité comme passage entendu et évident, comme point central de la vie d’une femme.

Les hommes peuvent évidemment morfler face à un deuil de paternité. Mais (pardon messieurs si vous me lisez et que vous êtes concerné, il ne s’agit pas de nier votre douleur) ils ne subissent pas le même poids à ce sujet que les femmes. Un homme sans enfant est bien plus acceptable qu’une femme sans enfant. Lisez simplement les biographies des gens, vous savez, les conférenciers, les auteurs, les petites présentations des nouveaux collègues. Et notez quelle place est faite à la progéniture de la personne concernée dans le texte, chez les hommes, chez les femmes. Vous verrez.

Alors, comment on fait ces modes d’emploi? Je ne sais pas, honnêtement. Mais je sais qu’on peut déjà commencer en ouvrant notre gueule, en n’acceptant pas le tabou, le silence et la honte, la culpabilité face à un état de fait qui n’est pas de notre faute, en osant mettre l’inconfort sur la personne qui nous dit “et alors, tu voulais pas d’enfants?” plutôt que de le prendre sur nous (“si, je voulais mais j’ai pas pu”), en racontant nos histoires, en donnant à nos “soeurs” plus jeunes des modèles de vies belles et épanouies hors de la maternité, en ne partant pas du principe que toutes les petites filles voudront être maman, en sensibilisant garçons et filles aux enjeux temporels liés à la fertilité féminine et en adaptant les modèles de parcours de vie en conséquence (tu fais tes études, tu fais ton post-doc, tu trouves un job stable, tu te cases après un ou deux ratages, tu profites un peu de la vie de couple quand même, et ensuite tu fondes ta petite famille… non mais sérieux?), en évitant de glorifier la maternité, et en continuant la lutte contre les valeurs patriarcales qui imprègnent encore implicitement notre société. Les femmes en paient le prix fort, mais les hommes n’en sortent pas indemnes non plus: c’est perdant-perdant.

Pour traverser un deuil, la souffrance doit être entendue. A 51 ans, c’est largement derrière moi, parce que j’ai trouvé à l’époque un espace où j’étais soutenue et entendue. Mais je vais continuer à ouvrir ma gueule parce que je me rends compte que même mes amies (vous êtes plusieurs) ploient sous la honte et la culpabilité de leur non-maternité, et je veux croire qu’ensemble on est plus fortes, qu’ensemble on peut faire bouger les choses, qu’en faisant assez de bruit assez longtemps notre société nous fera une vraie place, et pas juste une place en note de bas de page parce qu’il faut bien nous mettre quelque part.

Fertilité féminine: un enfant à 40 ans? [fr]

[en] Numbers and facts about female fertility. Do you know what the success rate of an IVF is at age 40? and 42? Many links at the bottom of the article are in English.

Je suis, encore et encore (depuis quelques année) sidérée de voir à quel point les idées ambiantes sur la fertilité féminine sont à côté de la plaque. Régulièrement, j’entends parler de femmes de 40 ans (ou plus) qui pensent qu’elles ont toutes les chances de concevoir, si elles le veulent assez.

Vous êtes maintenant en train de penser à toutes les femmes que vous connaissez et qui sont devenues mères (ou qui ont enfanté à nouveau) autour de 40 ans. Ça arrive tout le temps, me direz-vous!

J’espère, chère lectrice (cher lecteur aussi) que tu es familier/familière avec les mécanismes du biais du survivant et du biais de confirmation. Le premier nous rappelle qu’on entend parler des survivants et de ceux qui ont réussi, et beaucoup moins de ceux qui ont tout tenté et échoué. Vous savez donc bien qui sont les femmes de votre entourage ayant réussi à enfanter autour de 40 ans. Vous ignorez peut-être toutes celles qui ont essayé et échoué, parce qu’on ne parle pas trop de ça, sauf avec les intimes. Ça nous fait donc surestimer les taux de réussite. Le biais de confirmation, lui, nous rappelle qu’on remarque et retient les choses qui viennent confirmer ce qu’on croit. Si on croit qu’avoir un enfant à 40 ans est facile, on aura dans sa tête une liste de toutes les histoires qui viennent confirmer cette croyance, et on aura tendance à ignorer et ne pas retenir celles qui pourraient l’infirmer.

Ce qui n’aide pas non plus, c’est la médiatisation extrême des célébrités qui font des enfants “tard”. Genre Janet Jackson, récemment. On retient “Janet Jackson enceinte à 50 ans” et on se dit “ah ben 40, j’ai encore tout le temps!” Mais ce qu’on ne sait pas, c’est:

  • combien de temps elle a essayé
  • combien elle a dépensé
  • si elle a porté l’enfant (les photos ne prouvent pas grand-chose)
  • et surtout, si c’était ses ovules du jour, ou si elle a fait appel à un don d’ovules ou si elle avait congelé les siens quand elle était plus jeune.

Ce dernier point est important, car l’âge de l’ovule est un facteur déterminant dans les chances de succès d’une grossesse, bien plus que l’âge de l’utérus dans lequel l’enfant se développe.

Quelques chiffres pour remettre l’église au milieu du village:

  • la fertilité féminine se casse la figure grave vers les 37 ans
  • 1 femme sur 5 née dans les années 60, et 1 sur 4 née dans les années 70, arriveront à 45 ans sans avoir d’enfant – jusqu’à 80% d’entre elles “pas par choix”
  • les chances de succès (naissance) d’une FIV à l’age de 40 ans tournent autour de 10% (et ça se casse la gueule grave après ça)
  • les chances de concevoir lors d’un rapport sexuel durant la période fertile, quand on est jeune, sont de 15-20% max (oui, vous avez bien lu)
  • FIV avant l’âge de 30 ans? au max 40% de chances de succès
  • les chances de succès d’une FIV ne baissent pas avec l’âge si l’ovule utilisé est jeune
  • si vous êtes une femme et que vous voulez des enfants et que vous attendez 35 ans “pour vous y mettre”, vous avez de fortes chances de ne pas réussir à en avoir (donc sérieusement, si vous avez 40 ans ou proche, passez sans attendre à la FIV si c’est important pour vous d’être mère… 10% de chances c’est déjà mieux que ce que vous allez avoir autrement)

Oui oui, je vous entends: vous connaissez tous des cas qui “contredisent” ces chiffres. Si vous pensez ainsi, c’est que vous ne comprenez pas ce qu’est une probabilité. Un événement peut avoir une probabilité de 1 sur 500 d’arriver, et arriver la première fois. Ou la dernière. On espère tous être “le miracle”, mais être un peu réaliste quant à ses chances permet de s’investir de façon mesurée, et peut-être de mieux supporter la dure réalité de l’échec quand il arrive. Donc quand je dis qu’une FIV à 40 ans a 1 chance sur 10 de fonctionner, et que vous me répondez “mais je connais Josette qui est tombée enceinte après une FIV à 42 ans du premier coup”, ce n’est pas une contradiction des statistiques. C’est juste que Josette a eu beaucoup de chance. Elle est “l’anomalie”, ou plutôt, “le miracle”.

Bon à savoir, pour la Suisse:

  • le don d’ovules est interdit (info critique quand on sait que l’âge de l’ovule influe lourdement sur les chances de succès)
  • le don de sperme n’est pas ouvert aux couples homosexuels, non mariés, ou aux femmes seules (du coup, exit FIV aussi)
  • la congélation d’ovules (qui n’est pas la panacée) n’est possible que jusqu’à 35 ans et pour une durée de 5 ans (je n’arrive plus à retrouver la source pour ça)
  • pas juste pour la Suisse, mais tout ça coûte cher! Entre 5000 et plus de 10000.- pour une FIV à Lausanne par exemple, et c’est pas remboursé…

 

Je vous laisse avec quelques sources pour creuser, vérifier, vous informer… Et faites passer ces infos autour de vous afin de lutter contre les idées reçues (fausses) concernant la procréation et la fertilité féminine!

Ne confondez pas les miracles avec la norme.

 

“Have You Thought About Adopting?” [en]

[fr] Pourquoi l'adoption n'est pas une "solution miracle" à l'absence d'enfant. Et pourquoi "tu as pensé à adopter?" n'est pas vraiment la chose à dire...

— “What about you, have you?”

More than one well-intention person asked me if I’d considered adoption when I came out about my childlessness and the associated grief I was experiencing.

Procreating and adopting are two very different ways of becoming a parent. They are not interchangeable. Adopting is not a de facto fallback plan for infertility.

The boys

In addition to becoming a parent, there is a biological dimension to the desire to procreate. For some people, it’s important, for others, it’s not. Being pregnant, giving birth, passing along genes — all this is absent in adoption.

Adoption is also costly (tens of thousands of francs here), and requires serious commitment to get through all the paperwork and years of waiting (5 on average here).

Not everybody wants to adopt. Not everybody wants to procreate. Some people will do IVF. Some won’t.

Adoption can be a “plan B” to becoming a parent, but it is a whole other way of becoming a parent, which has to be chosen for itself. And for those who turn to adoption after being incapable of conceiving, it means dealing with the grief of “plan A” for having a family.

In Switzerland, about 200 children are adopted each year, most of them from abroad (30 or so from Switzerland). 15 or so by single people. The numbers are falling steadily.

I have not thought much about adoption, for myself. Just like I have not thought much about becoming a single parent. Had I know what I know now in my mid-twenties or early thirties, about fertility, about the social context leading so many women of my generation to childlessness (did anybody know then? had anybody guessed?), maybe I would have made different decisions. Maybe I would have made a plan to become a single parent.

But I haven’t, and I need to look at where I am now. And now, I don’t think it is for me.

I can understand where the “why don’t you just adopt?” or “have you considered adoption?” questions are coming from. It’s hard to be powerless before somebody else’s grief. Adoption seems like a good “fix” to the grief of childlessness.

As a society, we are uncomfortable with grief in general, and we are even more uncomfortable with the grief of childlessness. It disturbs the narrative.

Yes, you can want something and not manage to have it.

No, there is not somebody somewhere out there for everybody.

Despite all the progress in reproductive technology, our biology still has hard limits.

And we are in denial about how following the male-designed progression of studies, dating, career, settling can impact women’s ability to reproduce.

We also are caught in the cult of parenthood.

If somebody dies, we have scripts like “sorry for your loss”. We don’t have a script for what to tell a childless woman who is grieving. So it’s uncomfortable, I get it.

Also, bear in mind that making suggestions or asking people questions about their reproductive life can be extremely tactless. You never know what people may be going through. A bit along the lines of “so, how’s your sex life these days?”

I’m currently reading The Kid by Dan Savage, which tells the story about how he and his husband adopted their son. As one would expect, he deals with some tough questions with honesty and depth.

Along the same lines, I recently listened to Radiolab’s Birthstory episode, the story of an Israeli couple (two guys) who decide to have children. Not a walk in the park either.

And remember. The infertile/childless person you’re speaking to has probably already thought about adoption. And if they aren’t committed to such a project already, there is little chance a comment about it will have much impact, aside from being hurtful.

Sans enfant: quelques éléments sur le contexte sociétal qui nous y mène [fr]

[en] A few thoughts and links about childlessness, and the social forces which bring 1 in 4 women of my generation to reach the end of their childbearing years without having a child.

Un discussion, hier. Comme je les aime. Sur la vie, les relations, le travail, comment on fonctionne. Ce qu’on arrive à changer et ce qu’on ne peut pas changer. Et aussi, sur le célibat et l’absence d’enfant.

Quelques liens en vrac, parce que mine de rien, depuis bientôt deux ans, j’en ai fait du chemin.

D’abord, le must: Date limite de procréation dépassée. Un article pas agréable à lire si on baigne dans le déni ambiant concernant la chute de la fertilité féminine dans la deuxième moitié de la trentaine.

Il y a un problème sociétal et d’information sur ce sujet. Si une femme veut un enfant, et qu’à la mi-trentaine elle n’est pas activement en train d’essayer de procréer, il y a un risque non négligeable qu’elle n’y parvienne pas.

Une femme sur cinq née durant les années soixante arrive à 45 ans sans avoir d’enfant. Pour les femmes des années septante, ça risque bien d’être une sur quatre.

Et si on parle de plus en plus des femmes qui font le choix de ne pas être mère, ce n’est de loin pas le cas de toutes. Certaines, comme moi, se retrouvent “par les circonstances de la vie” sans enfant alors qu’elles en voulaient.

Et là aussi, attention: ce n’est pas blanc et noir. Je veux ou je ne veux pas. Il y a beaucoup d’ambivalence autour du désir de maternité (ou de son non désir). Et on peut se retrouver, un peu du jour au lendemain, à réaliser que le temps a eu raison de notre ambivalence et pris la décision pour nous. Peut-être même des années avant qu’on en prenne conscience.

Les solutions médicales aux problèmes de fertilité existent, certes, mais elles ne sont pas une garantie de succès. On a une vision déformée des “miracles” de la médecine, à coups de célébrités d’âge “avancé” qui ont des enfants, mais sans qu’on sache:

  • combien d’années d’essais et de traitements
  • si ce sont leurs ovocytes (le don d’ovocyte est interdit en Suisse)
  • si même elles ont porté l’enfant elle-même, dans certains cas
  • combien de dizaines de milliers de dollars les traitements ont coûté

Il y a aussi un “biais du survivant” dans ces histoires: on entend parler de celles pour qui ça a marché, des exceptions, et jamais (ou pas assez) de toutes celles pour qui ça n’a pas “marché”, qui se retrouvent sans enfant et l’espoir brisé après des années de traitements, le portefeuille allégé en plus.

Savez-vous qu’à partir de 39 ans, les chances de succès d’une FIV sont autour de 10% seulement?

Personnellement, je n’avais pas conscience de tout ça durant mes années de fertilité “maximale”. Est-ce que ça aurait changé quelque chose aux diverses décisions de vie que j’ai prises? Va savoir, c’est dur de se projeter en arrière et d’imaginer ce qu’on aurait fait “si on avait su”. Mais je peux imaginer qu’avoir conscience à quelle point sa fertilité est finie est tout de même un élément important à avoir en main pour prendre les grandes décisions de la vie.

L’éducation sexuelle que les femmes de ma génération ont eues à l’école — et c’est déjà bien — mettait l’accent sur comment ne pas tomber enceinte. Bien moins sur comment, si on le désirait, et jusqu’à quand.

Comme avec la transmission du HIV: un rapport suffit, mais un rapport “n’implique pas nécessairement que”. On tombe dans le domaine des probabilités, ô combien dur à intégrer pour notre cerveau d’homme (de femme!) des cavernes. Une fécondation est une histoire de probabilités, et la probabilité n’est pas la même quand on a 25 ou 40 ans. On s’en doute, mais on n’a pas de chiffres, pas d’échelle, pas d’ordre de grandeur. Et si la fécondation est la condition sine qua non de la grossesse, elle n’est pas suffisante pour la mener à terme…

Notre génération souffre du retour de balancier de la libération sexuelle. Ça fait mal de dire ça. Mais oui. On a gagné plus de contrôle sur comment, quand, et avec qui on procrée. Surtout dans le sens du “pas”. Mais les limites biologiques dures ne se sont pas envolées. Notre contrôle n’est pas total. Même la congélation d’ovocytes n’est pas la panacée que certaines voudraient nous faire croire.

Avec la libération sexuelle, l’égalité, tout ça (qui est très bien!) on se retrouve en tant que femme à avoir (et vouloir!) accès à des “plans de vie” masculins. On fait ses études, supérieures autant qu’on peut, on se stabilise professionnellement, on fonde une famille. Vers 30-35 ans.

Vous voyez le blème? Si on regarde ça à travers le filtre de la fertilité, ça va très bien pour un homme, qui, malgré l’andropause, ne voit pas sa fertilité tomber dans le fond d’un ravin autour de 37 ans. Il suffit d’une rupture au mauvais moment, de difficultés imprévues, et hop, on sort de la fenêtre.

Du point de vue de la fertilité féminine, le modèle études-travail-couple-stable-enfants n’est vraiment pas top.

Au Danemark, et ailleurs également j’en suis sûre, de plus en plus de femmes font le choix de procréer “seules”. Parce qu’avoir un enfant est important pour elles, et qu’elles ne sont pas prêtes à risquer de se retrouver dans l’impossibilité biologique de le faire parce qu’elles attendent de trouver le compagnon qu’il faut. Jusqu’à trop tard.

Il n’y a pas de solution parfaite à ce problème social. Mais j’espère qu’il arrivera un moment où les femmes auront en mains les cartes nécessaires à prendre des décisions informées par rapport à leur désir ou non d’être mères, sans se réveiller un jour à 43 ans, après des années à s’être laissé ballotter par les vents et les vagues dans la petite coque de noix du manque d’information et de discussions franches autour de la fertilité féminine.

A Patchwork Post From The Chalet [en]

[fr] Plein de choses en vrac. Y'a des liens qui mènent vers des trucs en français.

I keep falling into this trap. I don’t blog about something because there is something else, more important, that I should blog about before and haven’t got around to writing.

In this case, it’s the fact that just over a week ago, I finally got to see Joan Baez live on stage. I’ve been listening to her since I was seven or so. I know most of her songs. I’ve always listened to her. And a few years ago I decided that I should really go and see her live soon, because, you know, she’s not getting any younger, and at some point people who spend their lives touring and singing on stage might decide that they want to stay at home and paint instead.

Joan Baez at Paléo

And she was coming to Paléo, in Nyon, just next door. I think I cried during the whole show — not from sadness, just from too much emotion. I was glad to be there that evening, because it was the evening to witness, with Patti Smith and Robert Plant, too. Isn’t it strange how somebody can be such an important part of your life (the soundtrack of many of my years, like Chris de Burgh) — and yet they have no idea you exist?

If you’ve never listened to Joan Baez, just dive into YouTube.

During the drive to the chalet a story came up on the podcast I was listening to which is exactly about that. The Living Room, a story from the podcast Love + Radio, which I’m going to add to my listening list as soon as I have a good enough data connection.

I finished reading “So You’ve Been Publicly Shamed” by Jon Ronson, after devouring “The Psychopath Test” these last weeks. It’s a great book. Anybody spending time online should read it. It’s important. With great power comes great responsibility, but we the people on Twitter and Facebook are not aware of the power we wield. The power to destroy lives. To get the gist of it, use 17 minutes of your life to watch Jon’s TED Talk.

My reading of this book coincides with the unleashing of online fury over the killing of Cecil the Lion. It has disturbed me deeply. I feel an urge to dig through my archives and see what my reactions to Jonah Lehrer and Justine Sacco were, because I remember the stories. I’m worried of what I may find. I will be watching myself closely in future.

I also find myself shy in speaking up against those piling on against Cecil’s killer. Oh, he has done wrong. And I have no love for hunters, and no love for hunters of big cats. But what is missing here is proportionality. And I am scared that by speaking up I will find myself faced with a wall of “you’re either with us or against us”, ie, if you don’t join the mob then you’re defending the killing of lions. Just the way last year I was accused of “encouraging pedophiles” and whatnot because I was opposed to a stupid piece of “anti-pedophile” legislation. To some extent, I feel like I have let myself be silenced. Parallels to be drawn with the harassment episode I went through earlier this year (more on that, someday, probably).

This interview of Jon Ronson for On The Media also gives a very good summary of his book.

(My only gripe with Jon Ronson and his book is that a blog is not a post, dammit!)

Two local newspaper articles made me react today on Facebook (they’re in French). One about “the ideal age to conceive” for women, and one about a carer who got bitten by a Komodo dragon at the Lausanne Vivarium.

The first made me jump up because alongside statistics saying “if you want three kids you should get to work at this age” we find things like “you still have a 40% chance of conceiving at 40” and “don’t worry, it’s still quite possible to have children after 37”. Well, at 40 your chances of success through IVF are more around 10-15% — I’m curious where that “40%” comes from, and what it’s supposed to mean. Certainly not “4 attempts to conceive out of 10 succeed” but more “4 women out of 10 who are ‘trying’ (define that) succeed”. Another topic that’s keeping me from blogging about other stuff, because I have so much more to write about not having children. Well, you’ll get it in tidbits, it seems.

As for the second, well, I was expecting a “scare” piece. “Look, the dangerous animal.” Or “look, another negative story for the Vivarium” (which was running out of funding a couple of years ago). To my surprise the article was really good (edit: wow! they seem to have changed the title!), with the carer explaining how she was actually responsible for how the animal had reacted, and that showed how affectionate she was towards it despite the bite. I realised that reading the title had prepared me for “bad journalism”. But going back to it, the title was quite neutral: “Vivarium carer bitten by komodo dragon”. And so I wonder: how could the title have been better? Tricky.

Up in the mountains, in my chalet with almost no data connection, it’s easy to slow down and “do nothing”. A couple of weeks ago I decided I was going to consciously try and do less things in parallel, both on a micro and a macro level. Monotask more, multitask less. Try and keep my number of “open projects” under control. My podcast-hopping brought me to the “Bored and Brilliant Boot Camp” episode the other day. It really drove home the fact that my brain needs downtime. Bored time. And probably a holiday (I haven’t had a “real holiday” (= with no work to do) in much too long, and I’m starting to feel it. How did that happen? I thought I was over that.) So now, I’m paying more attention to where my phone is, and trying to keep it more in my bag and less in my hand, more in the other room and less just next to me.

That’s it for today, folks. My plan is to write again tomorrow. Or the day after. Let’s see if it materialises.

Coming Out as Single and Childless [en]

[fr] Quarante ans, célibataire, sans enfants. Un deuil à faire, et une porte à ouvrir pour en parler.

I turned 40 last summer, and it hasn’t been easy.

To be honest, I kind of expected it to be rough: my mother died when she was 40, 30 years ago, and in my mind 40 has always been a kind of “cut-off” age for having children. But it’s been (and still is) much more of an upheaval than I guessed.

Simple Flower, La Tourche

If you follow me on Facebook or maybe on Twitter, you certainly noticed I shared a slew of articles about childlessness over the fall and since then. This summer plunged me into a grieving process I’ve been doing my best to avoid for years — and am still resisting. It’s not a coincidence that my blog has been so silent.

As I started researching childlessness, and talking a bit around me, I realised that this is something about myself I have never really talked about in public. Or talked about much, full stop. Same with being single. It’s not something I’m really comfortable discussing publicly. Which is kind of strange, as I’m a very public person. So what is it about the childlessness and singleness that keeps me quiet?

Some have suggested that it’s because it’s personal. But I talk about a lot of personal stuff. It’s painful, too. Maybe it’s the grief? Not either: over the winter of 2010-2011 and the months that followed, I wrote a series of extremely personal articles dealing with the death of my cat Bagha, and the grief I was going through.

And I understood: it’s shame.

Failing to have a partner or children, when it’s what you want, is shameful — particularly for a woman. The grief of childlessness and singleness is something that we have trouble dealing with, as a society. Chances are you’re thinking “wait, 40, everything is still possible, the miracles of medicine, you have plenty of time; you’ll find somebody, all hope is not lost”. Do you see the problem here? I will write more on the subject, but for the moment please just take it as given that my chances of ever being a mother are vanishingly small — and that the best I can do is grieve and get on with my life, “plan B”.

I have kept quiet about this, and shoved it under the carpet, because it’s an issue that’s loaded with shame. And as such, it stands to be pointed out that the grief of childlessness, and to some extent singleness, is a taboo subject. People do not want to face it. When bringing it up, it is automatically negated (“there is still time”, “children are overrated”, “look at the great life you have”, “you probably didn’t really want children that much or you would have them”). We don’t know what to say. We have scripts for losing a loved one. Even a pet — when Bagha died there was an overwhelming show of support and affection around me.

But childlessness is another can of fish.

Grief has a public dimension. To grieve, we need our pain to be recognized from the outside. Grieving can not be done in complete privacy. That’s where it gets stuck.

As much as I didn’t want to, I realised that I was going to have to start writing about this. Because this is how I process. I cannot do it alone: I need you too.

I’m not where I was back in July. Things are moving along, slowly. I’ve been talking to friends, and joined an online community of childless women for support. Read about dozens of stories parallel to mine. And though a part of me still rabidly refuses to accept I will continue my life without children, tiny bits of acceptance are sneaking in. I first drafted this blog post back in December, and getting it out of the door today is part of the process.

My name is Stephanie, I’m 40 years old, single and childless — and it’s not what I wanted for myself.

Here’s the post on Facebook.
Also published on Medium.