Une matinée en Inde [en]

Une matinée tranquille en Inde, à  la maison, avec un portée de six petits chiots.

J’émerge vaguement de mon sommeil au moment où Sagar rentre à  la maison. Mon passage à  la position verticale me fait douloureusement savoir que le mal de tête qui me tient compagnie depuis plusieurs jours ne s’est pas fait la malle pendant la nuit.

Je dors dans le “salon”, la pièce qui accueille les gens qui entrent dans l’appartement, puisque la chambre à  coucher est occupée par les propriétaires, mes amis Shinde et Nisha, et surtout par une portée de six petits bergers allemands couinants et leur mère.

Etape incontournable au lever, l’opération-pipi prend ici une toute autre dimension. Les WC sont “à  la turque”, comme on dit par chez nous, ce qui ne me dérange nullement. Par contre, je ne peux pas dire que je sois réellement enthousiaste de partager les lieux d’aisance avec les trois chiens adultes qui vivent ici. Première étape, donc, rincer tout d’abord à  grande eau la cuvette et les alentours afin d’en éliminer l’urine de chien…

Je me re-pose sur mon lit et je lis quelques pages de mon fascinant livre sur les mélanges culturels dans la région d’Hyderabad au XVIIIe siècle. Shinde fait sa puja à  la cuisine pendant que Nisha prépare à  manger. Je croise Sagar brièvement en allant prendre quelques photos, puis il va se coucher.

Le long tintement continu de la cloche annonce la fin de la puja. Shinde passe dire bonjour, et quelques minutes après c’est Nisha qui m’appelle pour déjeuner.

Installée sur le seul tabouret de la cuisine, je finis de me réveiller en plongeant ma cuillère dans le délicieux upama épicé préparé par Nisha. Je prends cependant soin de laisser les piments sur le côté. Sagar, réveillé par les appels insistants de Shinde, vient chercher son assiette et disparaît.

Je suis la dernière à  finir. Shinde est parti au travail après une courte prière (ou invocation? — il faudra que je lui demande) devant son autel; Sagar dort déjà  à  poings fermés.

Nisha et moi parlons du programme de la journée: ce matin, je lirai, puis j’irai au café internet cet après-midi avant que nous sortions les trois (avec Sagar) manger chez Pizza Hut. Shinde ne sera pas de la partie, comme c’est le jour où il rend visite à  son guru.

Saisie d’une subite inspiration, je demande à  Nisha son meilleur couteau. Suivant mon conseil, Shinde a ramené hier soir un grand carton pour les chiots – malheureusement un peu petit. J’ai vite fait de le dépiauter un peu pour en faire une sorte d’enclos assez grand pour contenir mère et petits. (Suivant un de ces raisonnemetns dont le secret m’échappe, Shinde avait prévu de n’y mettre que les chiots.)

Justement, une des petites bêtes piaille plaintivement depuis quelques minutes. Nisha a fini vaisselle et nettoyage de cuisine, et est à  présent occupée à  la puja. Sagar, lui, ne s’est pas réveillé malgré le bruit (une faculté toute indienne). Je vais donc m’y coller, même si la mère a une fâcheuse tendance à  me considérer comme une menace pour ses petits et à  la jouer “fais gaffe ou je te mords.”

Je constate qu’une fois encore, un des chiots s’est aventuré hors du tas de couvertures qui leur sert de nid. Il se retrouve maintenant sur le carrelage lisse et froid, incapable de rejoindre sa mère et les autres. Mon enclos sera bien utile. Je réussis à  remettre la petite chose sur le tas grouillant de ses frères et soeurs, malgré les efforts de Silky, la mère un peu surprotectrice et nerveuse, pour me tenir à  distance (elle s’assied sur ses chiots et fait mine de vouloir prendre ma main dans sa gueule.) Le bruit cesse.

Sagar, endormi à  moins d’un mètre de moi, n’a pas bronché.

Nisha vient nettoyer le coin des chiots et nous y installons mon carton. Elle me félicite avec enthousiasme pour mon idée (qui rendra également le nettoyage plus aisé). Silky s’y installe aussitôt avec les chiots, que je n’ai presque pas entendu couiner depuis.

Histoire d’habituer un peu Silky à  ma présence, je m’installe sur un coin du lit avec mon livre, pendant que Nisha passe le balai et la panosse dans tout l’appartement.

"Café, Mesdames et Messieurs?" [en]

C’est la deuxième fois que je le croise dans le train. Au lieu de se contenter de tirer son chariot à  boissons sans un mot comme ses collègues, il interpelle les passagers: “Café, Mesdames et Messieurs? Bonjour, un p’tit café? Madame, vous prenez un café?”

Regards surpris, un peu heurtés par ce rayon de soleil à  la peau noire, si peu helvétique, un poil intrusif à  notre goût parce que l’on n’en a pas l’habitude, mais qui tout compte fait est d’une politesse exquise et ne se montre jamais insistant. Un petit choc des cultures bienvenu dans le train Lausanne-Bienne du matin; un sourire pour commencer la journée.

The Very Thirsty Camel [en]

Once upon a time there was a camel, who lived in the dry, scorching desert. Long ago, he had drunk poisonous water out of an oasis, and it had made him very, very sick. What a bitter experience! He had very nearly died.

So this camel had become a very cautious camel: he avoided water so that he wouldn’t be sick again. He was thirsty, of course, but he preferred that to risking death again. He would wander around and go past the oases without so much as touching their water. He was a very thirsty camel.

Once in a while, however, he would reach an oasis where other camels were drinking. When that happened, he would start drinking there too, as the water was obviously safe. But this camel was so thirsty that once he started, he would drink up the whole oasis, leaving nothing behind him but a dry patch of mud.

But, will you ask, how did we get to know about this camel and his strange behaviour? Actually, the answer is pretty simple (aside from the dried-up oases, of course). You see, as this camel drank only so very rarely, and so much at a time, he had developed no less than twenty-seven humps on his back, attracting the attention of all the camel-watchers in the desert.

Parable told by J.-F. H.

Movie Evening [en]

Back from seeing Elephant with a knot in my stomach and a sick feeling inside.

The cat is asleep in my clean laundry. I pick him up and hold him close. He presses his head against my neck and purrs right through my chest.

Illumination et prise de conscience [en]

Mes études sont bel et bien terminées. Il y a dix jours, je me suis rendue à  l’université une dernière fois en tant qu’étudiante, pour recevoir mes résultats. Sans grande surprise, mais néanmoins avec grand soulagement, je trouve mon nom dans la liste des étudiants ayant réussi leurs examens. Je me rends un étage plus bas pour l’apéro, je reçois l’enveloppe renfermant mes notes, je serre la pince au doyen. Je ne reste pas longtemps, je ne connais plus personne. Je préfère retourner célébrer ça avec mes collègues.

La grande surprise, c’est mon travail de psychologie de la religion: Illumination et prise de conscience: un point de rencontre entre zen et psychothérapie?, qui bien qu’écrit un peu en catastrophe (c’est un euphémisme), m’a valu un 5.5 sur 6. Pour ceux qui viennent de contrées ou de pays où la notation est différente, sachez que c’est une excellente note.

J’ai donc mis ce petit travail en ligne (après avoir laborieusement nettoyé le “HTML” produit par Word), d’une part parce que finalement j’en suis assez satisfaite, et d’autre part parce que plusieurs personnes m’ont demandé à  le lire. Je vous recommande d’ailleurs d’imprimer la version Word et de le lire sur papier, ce sera bien plus agréable qu’à  l’écran.

En passant, je vois que la liste de mes écrits s’allonge. En tâche de fond, je songe à  réorganiser le site, et je garde à  l’esprit cette remarque (de Denis, je crois): il y a tellement de choses sur mon site qu’on ne s’y retrouve plus, et que ça décourage de partir en exploration. Alors pour aujourd’hui, visitez un peu la section écriture, et si vous lisez l’anglais, arrêtez-vous sur un petit texte dont j’avais oublié l’existence, et que j’ai relu tout à  l’heure: Librarian.

Petit conte des transports publics [fr]

Deux ans qu’elle le croise dans le bus. Ils écoutent la même musique. C’est encore un gamin, il doit avoir à  peine deux ans de plus qu’elle. Il lui plaît bien, même s’il est bien sûr un peu trop jeune. Ils ne se sont jamais parlé.

La dernière fois qu’elle est descendue du bus, elle s’est retournée. Il lui a souri. Elle a souri aussi.

La prochaine fois qu’elle le verra, elle le saluera. Il lui répondra, et leurs sourires resteront accrochés quelques instants à  leurs visages. Ils ne seront plus des inconnus. Entre sourires et salutations, ils s’assiéront un jour sur la même banquette et échangeront timidement quelques mots.

De paroles banales en confidences un peu plus personnelles, viendra le jour où il lui proposera de prolonger la conversation à  l’extérieur du bus qui jusque-là  les aura chaperonnés. Ou peut-être sera-ce elle à  nouveau qui fera le pas ? l’histoire ne le dit pas, et cela n’a finalement pas grande importance.

Ce que dit par contre l’histoire, c’est que bien des années plus tard, il regarderont rire leurs enfants en repensant à  ce fameux bus et à  leur timidité d’alors. Ils frémiront en se souvenant qu’ils auraient très bien pu continuer à  faire semblant de ne s’être pas reconnus. Les gens bien n’adressent pas la parole aux inconnus, ici.

A quoi ça tient, des fois.

Tempête [en]

Minuit — ou à  peu près. Je me réveille, interrompant un rêve dans lequel j’ai oublié de m’inscrire aux examens. Il y a un gros orage dehors.

Je me lève pour fermer la fenêtre et baisser les stores. Ils le sont déjà . Un très gros orage.

Je fais le tour de l’appartement pour baisser tous les stores. J’arrive devant les grandes fenêtres du balcon. Vite, fermer la porte-fenêtre, il y a déjà  de l’eau dans le salon.

Le tonnerre gronde de façon continue, les éclairs blanchissent le quartier comme des stroboscopes. Le chat et dedans, tant mieux.

J’aime les orages. Je reste devant la grande fenêtre pour regarder. Il y a des seaux d’eau qui sont jetés sur mon balcon. Les rafales de vent tentent de tuer les arbres. On se croirait sur le pont d’un navire dans la mer déchaînée.

Pour la première fois de ma vie peut-être, je ne me sens pas rassurée par ce mélange hurlant de vent, d’eau et d’électricité. Je comprends ce que ça veut dire, les « éléments déchaînés ». Je me dis qu’un ouragan ça doit être encore plus fort que cette « petite tempête », et que ça doit être bien effrayant. J’ai un peu de peine à  imaginer, ça fait déjà  tellement de bruit.

J’enfile pourtant ma robe de chambre et je vais sur le balcon. J’ai les pieds dans l’eau mais je suis encore relativement au sec. Les éclairs m’éblouissent — en voilà  un qui vient d’éclairer le jardin et l’immeuble d’en face comme en plein jour. Certains éclairs tombent tellement près que j’ai l’impression de les voir atterrir dans les buissons du jardin, à  portée de main. Je ne me sens pas en sécurité. J’ai peur ; je rentre.

Le chat m’attend derrière la porte. Il veut sortir. Je le ramasse dans mes bras et on regarde un petit moment l’orage ensemble à  travers la porte vitrée. À voir sa tête, je ne pense pas qu’il avait saisi l’ampleur de ce qui se passait dehors. Ça lui passe son envie d’aller trottiner dans le jardin. Pas con, l’animal.

Une dizaine de minutes plus tard, le vent est tombé et la pluie se fait plus fine. Les éclairs semblent se diriger vers le nord de la ville. J’écris pour ramener mon taux d’adrénaline à  un niveau acceptable avant de retourner me coucher. Je ne sais pas combien de temps la tempête aura véritablement duré, parce que j’ignore à  quel moment elle m’a réveillée. J’imagine que je lirai tout ça demain dans les journaux, ou sur Internet.

Le chat est maintenant roulé en boule paisiblement au bout du lit. Je vais mettre en ligne, boire un grand verre d’eau, éteindre la lumière et occuper toute la place restante sur ce grand drap rouge.

Bilan d'une tranche de vie [fr]

Je me souviens de ce long été, il y a sept ans de cela. J’avais tourné le dos à  la chimie en échouant mes examens et emménagé dans mon premier appartement, un joli une-pièce au centre-ville. Il y avait un placard immense dans lequel j’avais rangé tous mes habits, une cuisine séparée dans laquelle on pouvait se tenir confortablement, et une baignoire dans la salle de bains.

Je m’étais entraînée tout l’été, entre mes lectures et l’épluchage des fiches que m’avait données l’office d’orientation. Il y avait cette odeur de liberté dans l’air, parce que tout était possible. J’étais chez moi et mon avenir était entre mes mains. J’ai choisi les lettres.

Le début et la suite: Bilan d’une tranche de vie.

Drained Ramble [en]

Zürich-Lausanne train, 5:30 p.m.

Back in the fridge. Luckily, the carriage is packed with warm bodies and I actually did buy myself a jacket in Zürich station on arriving this morning. Quite a nice black jacket too; I’d been wanting one for some time now.

My brain has melted. Trips to Zürich are always nice, but intense. I had a crash course in forecasting and scheduling. I’ll probably be needing more once I get over this first bit.

Back to the “lifelog”? I went to see Hero last night at the Open Air cinema. Beautiful visuals, heroic story, choregraphed fighting scenes. I’ve been to the Open Air a lot this year. I’ll be going again on Wednesday.

The laptop is nice and warm on my knees now, just how I would have liked it this morning. I had to take my jacket off a few minutes ago — body heat seems efficient for countering A/C. Or maybe it’s because this is another type of carriage, which at least doesn’t spout cold air just next to the seats.

This being possibly one of the most boring things I’ve ever written, I think I’ll stop right here and avoid inflicting upon you the rest of the journey to Lausanne. I’d rather advise you to take a peek at what my brother has to say about Argentina, which he will be visiting for the next six weeks.

Frozen Ramble [en]

Lausanne-Zürich train, 10 a.m.

I sometimes get the feeling I spend my life being cold and hungry. They go together usually — one of the first signs of hunger is that I start freezing.

I’ve been in the train for two hours now, finished my book (About a Boy), and covered with goosebumps. Why does the A/C have to be set to winter-temperature when the air outside is as hot as it is? I’ll probably have to stop somewhere in Zürich to buy a jacket if I want to survive the trip home this evening. To say nothing of the day in the office, which has been called “The Fridge” in my mind for quite some time now.

One of the reasons I’m writing this is that I switched on the laptop with the hope that it would give out a bit of warmth. It gets really hot on my lap at times. Not now, of course. It’s behaving like car heating: I guess I’ll start feeling the heat once we enter Zürich station.

Some time from now, I might be provided with a wireless network connection for work. Just think about it! Internet on the train 🙂

You can probably be thankful I don’t write this kind of ramble more often, it’s turning out really lame. My brain hasn’t woken up yet.

Maybe a life update? I’ll be on holidays next week. I’ve been wanting holidays for ages. Now that they’re here, I’m going to spend them trying to translate a Hindi short story by Premchand, because I did my usual thing of waiting until it was too late before getting to work. (No, please don’t ask.) I did have a vague plan to go off somewhere exciting, but it didn’t happen; my last chances of escaping my sad fate as a future-ex-étudiante-éternelle have just drowned somewhere in the ocean. Maybe Aleika will come over a few days. That would be nice, as we haven’t seen each other in ages.

We’re in Zürich. Out of the freezer.