Bribes de pandémie 3 [fr]

Des mots perdus sur un clavier
Les miens
Ils cherchent un chemin
Pour dire le monde
Le fond du monde
Comme l’amour de René Char
Ils ne sont déjà plus les miens
Dans la ville numérique
Chacun peut leur parler
Je crains qu’ils ne sachent quoi répondre
Livrés à eux-mêmes
Le poids de la vie sur leurs lettres
Ma vie dans leurs espaces
Pour dire quelque chose
Quelqu’un
Quelque part
Qui sent
Autre chose
Que ce que je sens.

Pandemic Snippets 5 [en]

Sometimes, I write, and I pretend that it’s not me. It’s easy. I just put the words down, and stop worrying if “I” is “me”. It goes back and forth. If I believed in spirits I might say one is talking through me. I feel other. I read my words and cannot imagine writing them. Somebody else was there, in my fingers, singing in my mind. I stop worrying about being true to facts – just true to expression. True to emotion. Sometimes to emotion that feels alien, or that I didn’t know I had. There are things deep inside that try to crawl out, or push through the earth of the soul into the sunlight. The murky underwater of my being. That maybe doesn’t entirely belong to me.

Pandemic Snippets 4 [en]

Crisp autumn morning
India is in the air
It’s not the smell
It’s the light
The chill of early cold season sun

The streets are waking up
I’m off somewhere
And so are they
It’s almost a smell
I miss India every now and then

I wonder when I will go back
It’s not easy
Between a pandemic
And limited leave
I try not to think too hard

Tears are already in my eyes.

Pandemic Snippets 3 [en]

In a flash, everything changes colour. Changes taste, and smell, and even sound. Moments of elation come crashing down to the ground and lie there miserably, wriggling helplessly in the dust of shattered hope. The past is rewritten, back to the crossroad where perception and reality took different turns.

Words and events play back, interpretations are reprioritised, hypotheses crumble while others crawl out of dark corners where they had been cowering in shame, blinking in the light and trying shyly to unfold their wings.

Something rips inside, leaving deep chasm between two unshared experiences.

Pandemic Snippets 2 [en]

Just sit
And feel
Is it nothing?
It feels like nothing
But isn’t nothing.
It’s a tightness in the chest
A sinking of the heart
Tears that gather in the throat
Eyes that stare straight ahead

Just sit
And feel
Close those eyes
Breathe inside
Is there anything there?
All is silent
And still
Nobody else
Just me.

Bribes de pandémie 1 [fr]

Il fait gris sur le balcon ce matin. Les pétunias essaient de sortir du désert où ils avaient été abandonnés, fleurs roses mais feuilles brunes. Les cloches de l’église au loin sonnent une porte ouverte entre deux mondes. Une chanson flotte dans l’air, ou dans ma tête, elle tourne en boucle et elle est belle. Ma voix se mêle au reste du choeur, et j’attends le jour où à nouveau, pour de vrai, je serai une petite goutte de son perdue au milieu de l’harmonie.

Dehors, aucun autre bruit à part les cloches. Pas ce que les gens imaginent quand ils pensent à la ville. C’est un dimanche matin en Suisse, rien ne bouge, sauf les feuilles du cerisier et les branches du sureau, saisis par le courant d’air qui traverse le jardin. Un oiseau appelle, un autre répond, les chats ne bronchent pas, enlisés dans leur sieste confortable de matous choyés.

Les cloches se sont tues. Il ne reste que le bourdonnement intérieur de mes oreilles, fréquences non identifiées qui tentent de remplir le silence. Avez-vous déjà remarqué comme le silence extérieur fait ressortir le bruit intérieur? Des fois ça s’agite avec fracas, ça prend ses aises dans l’immense espace à disposition, on voudrait quelque chose pour l’arrêter… Et des fois, tout ce silence permet d’entendre un chuchotement timide, d’habitude noyé, quelques mots qui changent une vie ou une journée.

Pandemic Snippets 1 [en]

I am a stone. At the bottom of the ocean. I do not breathe, I do not move. I just lie there and wait. Wait for nothing to happen. I feel nothing, I think nothing, I am nothing. Just a dead weight, a could-have-been mountain. 

Sometimes a strong current comes and rolls me along. And there I remain again, still and silent at the bottom of the ocean. A nest in the sand bears my weight through the years. I am there. I am, but that is all I am. 

Heavy with my own weight, I have sunk as low as I could. Never changing, never wanting. Seasons pass me by in the silence of nothingness.

Around me life thrives and dies. I do not even have eyes to watch it fly by. There, but not there. An insignificant outsider to all that lives. 

I am a stone, dead weight on the ocean floor, a sinking heart fallen off a drifting ship.

Bribes de confinement 5 [fr]

Ecrit le 4 mai. Quintus est toujours là aujourd’hui et ne va pas trop mal, je vous rassure.

Tout doucement
Sans un bruit
Le vieux chat
Est devenu si léger
Qu’il s’est envolé.

Dans le cœur
De sa maîtresse
Un grand trou
En forme de chat
Lourd, si lourd
Qu’elle est clouée au sol.

Bribes de confinement 4 [fr]

Il y a un oiseau dans mon cerveau. C’est un tout petit oiseau. Ses plumes sont bleu et or. Il a un long bec recourbé rouge vif. 

Il volette sans cesse, ses ailes battant plus de mille fois par minute, cherchant de-ci de-là mais se heurtant inexorablement à la limite de ma boîte crânienne.

Ce n’est pas un colibri, même s’il y ressemble, car il ne fait pas sa part.

Mon oiseau tourne et vrille, il butine mes pensées et mes envies sans jamais me laisser de répit. Ses ailes soulèvent la poussière dans tous les recoins, son long bec parfois se faufile dans les crevasses de mon histoire.

Parfois j’aimerais qu’il s’arrête, mais je ne sais pas trop ce que je ferais de son petit cadavre dans mon cerveau.

Bribes de confinement 3 [fr]

Dehors il y a l’océan. L’océan de ma vie. Des profondeurs insondables, des monstres marins, des algues interminables. Et des vagues, du vent, des embruns. Des baleines et du krill.

Dans la forêt du monde les sapins piquent le ciel et les sentiers se perdent entre les troncs. L’odeur forte du sol me fait tourner la tête, me remplit, m’enlève jusqu’aux nuages.

Là-haut, je croise des cigognes qui ont mis le cap sur leur ailleurs, et un aigle qui tournoie entre le soleil et le ciel. Je ferme les yeux, éblouie, et je tombe, comme une plume qui danse et vient se poser sur les flots.