Et alors, aujourd’hui? [fr]

C’est 21h11, il me reste un poil de temps, même si je suis trop raide. Mais tant pis. Ecrire c’est important, et si j’attends toujours que les conditions soient bonnes, eh bien j’attends.

Aujourd’hui, Oscar galope presque après retour de sa dose de gabapentine à son habituelle (33mg matin et soir). Je suis soulagée, car ces dernières semaines c’était pas bon du tout. Il se traînait, marchait bas et peu, ça n’allait pas. Il n’a pas refait de crise d’épilepsie depuis le 13 novembre. On espère, donc. De toute façon, c’est pas bon, un vieux chat qui fait deux crises épileptiformes à 10 jours d’intervalle. C’est décembre, le mois sombre des vieux chats.

Oscar a l’âge où il pourrait mourir soudainement. Certes, ça peut arriver à n’importe quel âge, mais on se comprend. Il a l’âge où c’est une probabilité bien réelle. Peut-être qu’il sera encore là au printemps. Ou dans un an. Mais je ne compte pas dessus. Chaque mois de plus est un mois de plus. Peut-être que, comme dit sa véto, “il nous enterrera tous”. Mais l’âge finit toujours par user l’organisme, même quand l’esprit en veut encore – ce qui est le cas d’Oscar. Il veut, il veut. Aller dehors, venir sur mes genoux, chercher des noises à Juju, investiguer cette nouvelle personne qu’il a aperçue, son tube de nutrigel quand sa glycémie descend un peu trop vite ou un peu trop bas.

Aujourd’hui, moi je garde la tête hors de l’eau, mais je pédale fort dessous. La vaisselle, c’est pas ça. Le sommeil, c’est un peu mieux. L’administratif, ça s’entasse, surtout quand le fait d’avoir des soucis de santé augmente encore la charge administrative: une détection précoce AI (parce qu’après six mois d’arrêt de travail, ça se fait d’office, même si le pronostic est d’une récupération complète et que les choses “s’annoncent” bien), des médecins qu’il faut relancer pour des rendez-vous, l’assurance qui ne rembourse pas pour une question de procédure administrative, et qu’on va tenter d’amadouer, le courrier empilé (urgences repérées à la boîte aux lettres et traitées, on espère) à traiter… Et je ne commence même pas avec l’approche des fêtes, la logistique familiale, le séjour au chalet, comment je vais gérer les chats, le régime sans fibres la semaine prochaine (ô joie – routine, qu’on ne s’alarme pas), l’audioprothésiste qu’il faudrait recontacter parce que vraiment, un accessoire-micro pour les formations et les séances à l’audio difficile, ce serait quand même bien, les habits d’hiver qu’il faudrait extraire de leurs rangements, les journées qui inévitablement génèrent de nouvelles idées, de nouveaux projets, de nouvelles tâches…

On ne peut pas tout faire. Je suis vraiment en train de comprendre ça. Pas juste dans le sens “ma pauv’ Lucette, t’as les yeux plus gros que le ventre”, mais dans le sens que la vie aujourd’hui est d’une complexité administrative quasi ingérable. L’idée qu’on devrait être capable de “gérer correctement sa vie”, avec l’admin sous contrôle, le lieu de vie, le boulot, la santé, le sommeil, les loisirs, la vie sociale, les responsabilités, c’est une douce illusion. On ne peut pas mettre le contenu d’un deux pièces dans une Twingo. Même au chausse-pied. Même en optimisant à fond. Même si on est championne de Tetris.

J’ai pris conscience récemment qu’une de mes tentatives de solution face à la surcharge d’obligations et de désirs, c’est l’optimisation. Si j’optimise correctement, alors j’atteindrai cet état où ma vaisselle est faite, mon frigo ne comporte pas d’aliments mourants, mon admin est à jour, mon appart est joli, rangé et propre, la lessive de la semaine dernière est rangée, j’ai du temps pour écrire, me détendre, voir mes amis, faire mon job sans courir, lire avant de m’endormir, aller au judo, au chant, au ski ou en randonnée, jouer au bridge, organiser des jeux de société avec les amis, et contrôler mes relevés d’assurance-maladie. Et bien sûr, suivre correctement ma santé et celle de mes chats. Penser à mon avenir et le préparer. Être là pour mes proches quand ils ont besoin de moi. Gérer une communauté de soutien pour maîtres de chats diabétiques, écrire un livre ou deux, pourquoi pas, refaire de la poterie, sans oublier de changer le monde. Vous voyez le truc?

J’ai un article qui me trotte dans la tête, depuis une semaine ou deux. Il est intitulé “Optimiser jusqu’à l’épuisement”. Vous saviez que cette recherche d’optimisation, il y avait un lien avec le TDAH? Moi non plus. Mais ça fait sens. Et ça me fait porter un autre regard sur cet élan qui me leurre. Optimiser, pour moi, c’est un piège, en plus d’être une compétences extrêmement utile.

Donc je me demande, depuis quelque temps: “qu’est-ce que je choisis de laisser tomber? sur quoi je fais l’impasse? quand est-ce que je décide sciemment de ne pas optimiser?” Comme on peut s’y attendre, je sais bien faire la leçon aux autres: “On ne peut pas tout faire. Il n’y a ni l’argent, ni les ressources. Et c’est pas parce qu’on est nuls ou mal organisés, ou pas assez compétents. C’est un problème structurel, indépassable. Et peut-être même que les seules choses qu’on arrivera à faire ce sont celles qui sont absolument critiques et indispensables. Et le reste, tant pis, on fera pas.” C’est ça. Mais quand il s’agit d’appliquer ça à ma vie, je me débats encore férocement, parce qu’il doit bien y avoir une solution quelque part, si si, je suis sûre qu’il y a un moyen de faire rentrer le cinq pièces dans le coffre de la moto.

Donc, optimiser, une affaire de TDAH. Peut-être carrément un symptôme. Le TDAH, ce n’est pas anodin. Ce n’est pas un détail dans la vie d’une personne, qu’on peut se permettre d’ignorer ou de prendre en compte, suivant ce qui nous chante. C’est sous-diagnostiqué, stigmatisé, mal reconnu, mal compris, mal pris en charge. “Mangez moins de sucre et faites du yoga.” (Véridique, mais pas à moi.) L’assurance veut pas rembourser la moitié de tes médics, et augmente donc ta charge admin ou ta “taxe TDAH”, le coût très financier que ça a de laisser passer les délais, perdre ses affaires, oublier qu’on a un abonnement qu’on n’utilise pas, se faire amender sur la route si c’est pas taxer d’office, acheter les trucs à double pour tenter de garder un peu la charge mentale sous contrôle (quel gag, mais en fait oui, les trucs à double c’est le life-saver auquel on pense pas, même si la charge mentale elle ne rentrera jamais ni dans le coffre de la Twingo ni dans celui de la moto), casser ses trucs ou les abîmer parce qu’on a laissé la fenêtre ouverte ou la plaque allumée, payer deux fois le billet d’avion parce qu’on s’est trompé de date et c’est pas remboursable.

Le TDAH, c’est un truc qui est un facteur de risque non seulement pour égarer ses lunettes ou oublier sa veste, parler trop et s’aliéner son entourage parce qu’on se fâche ou qu’on est chiant, tout simplement, mais aussi, en vrac: accidents, comportements à risque, abus de substance, suicide, incarcération, précarité, séparation, ah oui et utilisation intensive du système de santé. Ce qui est marrant avec ça c’est qu’il semblerait que ce ne soit pas juste lié aux accidents de maladroits, distraits, et preneurs de risques, pas juste lié aux maladies de ces gens qui sont pas fichus d’avoir une bonne hygiène de vie, manger correctement, faire du sport, aller chez le médecin à temps quand ça va pas, prendre leurs traitements jusqu’au bout. Non, les personnes avec un TDAH elles ont aussi plus de maladies tout court, qui semblent venir de la faute à personne. Bizarre, hein? Une histoire de profil génétique, on dirait. Donc t’as un TDAH, t’es toujours fourré chez le médecin avec des problèmes de santé qui rentrent pas bien dans les cases? Pas étonnant.

Ah oui, et autre truc cool. Le TDAH chez la personne âgée, c’est encore moins bien connu et étudié que chez l’adulte. Il se passe quoi quand on vieillit, avec un petit détail de quatre lettres qu’on a “bien géré jusqu’ici donc pourquoi je m’en soucierais maintenant?” Pas chez tout le monde bien sûr, mais avec l’âge, il peut arriver que toute la merveilleuse énergie et les ressources incroyables qu’on déployaient à notre insu pour “compenser”… ne soient soudain plus aussi disponibles. Hop, dégringolade, décompensation. Qui pourrait, suivant quand, donner lieu à des diagnostics de dépression ou même de démence (et traitements ou non-traitements associés) alors qu’un petit détour par la case des psychostimulants pourrait pas mal améliorer la situation.

Ce qui me fait penser aux femmes en périménopause. Encore un sujet sur lequel il ne faut pas me lancer! Saviez-vous que les hormones (oestrogènes) commencent à se casser la figure sept à dix ans avant l’arrêt des règles, qui a lieu en moyenne autour de 51 ans, si ma mémoire ne me joue pas des tours? Et qu’avec les oestrogènes qui se font la malle, l’inflammation augmente et la dopamine s’en va aussi voir ailleurs si elle y est? Sans faire une trop grande digression par les neurotransmetteurs, la dopamine et la noradrénaline semblent être ceux dont la disponibilité insuffisante dans le cerveau joue un rôle dans les difficultés de fonctionnement exécutif typiques du TDAH. Donc les femmes dans la quarantaine qui commencent à avoir mal partout, à tout oublier, à plus savoir pourquoi elles sont à la cuisine, à gérer leurs émotions comme des manches, à être tellement épuisées qu’on les ramasse à la petite cuillère pour les mettre sous antidépresseurs ou anxiolytiques, peut-être qu’elles ont plutôt besoin d’une thérapie hormonale de substitution, et/ou de psychostimulants s’il s’avère que l’exode des oestrogènes était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de leur TDAH jusque-là magistralement et invisiblement géré au prix d’un fardeau compensatoire qu’elles seules subissent.

C’est peut-être pour ça que je n’écris pas plus souvent. Il y a trop à dire et une fois lancée… vous voyez le résultat. Navrée pour les phrases-paragraphes, visiblement c’était le mood du jour. L’absence de liens, aussi, parce qu’il y aurait des tas de liens à mettre partout, mais je suis fatiguée et mes mains aussi, donc aujourd’hui ce sera sans liens et avec des phrases bien trop longues. Ah ouais, et j’ai pas relu.

Bonne nuit 😘

Some Podcasts to Listen to [en]

[fr] Des podcasts à écouter.

Here are some episodes I recommend you listen to. There’s more to say, about these, other stuff, and life in general, but it’ll have to do for today.

By the way: if you use the Apple Podcasts app, like me, you probably also cursed the dreadful last update. Amongst other things, there’s no way to see what episodes are in my “play next” queue. I had high hopes when I saw there was a “recently played” list, but at least for me, it’s polluted by dozens of episodes supposedly played “yesterday”, at the top of the list. Thankfully, further down, there are the latest podcasts I’ve actually listened to. Which is something I’ve always wanted to be able to see.

So, here we go. A first batch on sexism and harassment at the workplace (you didn’t think I’d spare you that, did you?). Listen, particularly if you’re a man. Or if you think all this #metoo stuff is way overblown.

Then, about animal rights activists’ craziness. Remember the photographer sued for the “monkey selfie”? Well, listen to all the work he put in before thinking he’s benefitting from “animal labour”. (I’m leaving aside the discussion on the deeply flawed thinking – from a philosophical point of view – that underpins a lot of the antispeciesism animal rights ideology. Francophones might enjoy this piece by lawyer Maître Eolas on animals as subject vs. object of the law.)

99% Invisible is a podcast I didn’t think I’d like. But I do. It’s fascinating. Here’s a selection of stuff I’ve recently listened to, and that you should listen to too:

If you haven’t heard it yet and are up for a serial, you shouldn’t miss S-Town. And one of my favorite podcasts these days is Heavyweight — true stories, true people, going back to where things went wrong and trying to untangle things. Beautiful storytelling.

Happy listening!

On Anger, Harassment, Sadness, Forgiveness, and Outrage [en]

[fr] C'est tellement plus compliqué que "les hommes bien, les porcs sexistes". C'est tellement facile de se donner sans retenue à la colère qui rejette en bloc, de juger les autres sur le pire acte qu'ils ont commis, aveugles au fait qu'on vient de passer de l'autre côté du miroir.

My heart sank when I read Quinn’s post. I’ve known, since the outing of a string of VCs, that soon it would be not just people who were one step away, or direct connections I had scant contact with, but also people I knew and liked.

Francine expresses what I feel the best. I’m not as close to the Scoble family as she is, of course. But I like Robert. We used to bump into each other at conferences. I’ve followed his struggles these last years from afar. I’ve met Maryam a couple of times.

The second part of Quinn’s post really resonates with me. About restorative justice. About not demonising people who do bad things. I’ve written about this, obliquely. Sadly, the pile-on in online media is going to be about “yet another tech pundit sexually harassing women”.

So, here are a few thoughts.

Sexism and harassment need to be fought

Does anybody have a doubt about this? The question is how. I see three levels: culture, institutions, people. You cannot deal with one without dealing with the others.

  • Culture is the way we raise children. Movies. Billboards. What is “socially acceptable”.
  • Institutions are laws, processes, systems that promote gender inequality.
  • People are humans who make choices and behave in certain ways.

Using a broad brush here. But these are the three levels at which I see we can act.

Everybody does bad things

People are fallible. People are broken. People can be trapped in behaviours they fail to change. Being a victim sucks. Being an abuser sucks too. I’m not putting them on the same level: but there is a difference to be made between a psychopath and somebody who hurts others as a way to survive, or because they don’t know any better. (And… it isn’t even that clear-cut for psychopaths.)

Systematic lynching of all Bad People (TM) (otherwise known as Good People who do Bad Things) will get us nowhere. Yelling at people who are trying to mend their ways, imperfectly, telling them apologies are not enough when apologies are already a hugely difficult step, will get us nowhere.

I get the anger. I cannot stand behind the outrage. It’s easy to be angry and club people to death. One thing to learn, when learning about one’s anger, is that anger is often anger that cuts people out. It’s much harder to be angry and continue caring. And stick around. When anger means outright rejection, then that is all the more reason to stay silent and hidden.

We are judging people based on the worst thing they have done. Now think of the worst thing you have done. Does it define you?

(I know I’m going to be lynched here for “defending the perpetrator”. So be it.)

People’s actions have context

We don’t exist in a vacuum. Powerful men who harass women do it because the institutions and culture enable it. It doesn’t make them blameless, far from it. But just as we women have to fight against a system that puts us in a place we don’t like, so do men. And that place might very well be the place of power and abuse.

I think we are well aware of the systemic issue here. I would like to question how much going after individuals really solves the systemic issue. It’s a real question.

Nobody is a harasser 

This is something that became very clear to me I was harassed a few years ago (not sexually, counting my blessings, but it was bad enough). The main perpetrator in my story did not see his behaviour as abusive, or see himself as harassing me. He saw himself as the victim. He was an ally of women. He was defending himself against me.

Nobody is ever the Bad Guy, in their eyes.

Coming to terms with the fact one is an abuser requires a 180 flip in how one sees oneself. It is no easy feat. Just as you can’t convince an anti-vaxxer that vaccines are safe by pounding your fist on the table and telling them to open their eyes and look at the science, which will only entrench them more in their beliefs, I don’t think publicly shaming people is the final answer to getting them to recognise their bad behaviour.

This should also be a cautionary tale to us when we feel justified in our anger and outrage. Anger is useful. I often encourage people to use their anger when something bad is being done to them. Anger is what will help you slap in the face the guy who put his hand on your butt. Anger is what will give you power to stand up, walk to HR and put your fist on the table to say “this is not OK and has to stop”.

But when anger leads to outrage over situations you are not part of, when you pile on Justine Sacco because she deserves it or on a “sexist pig” because he deserves to see his life destroyed, on which side of the harassment divide are you?

Trauma doesn’t have to destroy you

The fact I feel like I have to keep on saying “this is not what I’m saying” is testimony to how trigger-ready many are on these topics. But I’ll still say it: this is not me telling victims to “just get over it already”.

But.

Trauma, in a way, is a part of life. It sucks all the more when it was wilfully inflicted upon you by another person. But it doesn’t have to destroy you. Or define you.

I have thankfully never been raped. Of course, #metoo, I’ve had to swat away unwelcome hands or back off from grinding groins (wonder why I don’t like the dancefloor? look no further). I’ve stayed speechless in the face of comments on my sex life from colleagues or “friends” – though lately, each time less speechless, as I’ve decided to strive towards a zero-tolerance policy for casual everyday sexism around me. Easier said than done, but getting there.

My mother died when I was 10. This trauma was not anybody’s fault, granted. It’s had an impact on my life. Contributed to making me who I am. More or less broken like everyone, more or less functional despite it.

Many things that happen to us in life shouldn’t happen. We must work towards preventing those we can – and lecherous men in positions of power are definitely on that list. But we must work also on not letting trauma take over our lives and reduce us to a heap of fuming outrage.

Nothing is unforgivable

I talked about apologies earlier. Forgiveness is the other side of the coin. My title is provocative: you’re all thinking of things are unforgivable.

Remember when Snape kills Dumbledore? He uses an unforgivable curse. And it is an unforgivable curse. But is what he did unforgivable?

I would like to make a distinction between something being unforgivable and something one cannot forgive.

There are things people have done to me that I cannot forgive. I have broken (a handful) of friendships because of such situations. But these are not unforgivable actions per se. They are actions that I am unable to forgive.

Apologies are important. Because an important ingredient enabling forgiveness is the recognition by the perpetrator of the harm done. Apologies may be hollow, or insufficient. But they are necessary.

I am not saying we have to forgive everything. And we are not all Hector Black. But our world needs more compassion and forgiveness, and less outrage. When I say we need compassion and forgiveness, I’m not saying we should leave anger aside. Anger is there. But we can choose how to use it.

What else?

There is more to say, and I will certainly say more. My feeling right now is largely of sadness. Sad for my friend and his family, sad for the hurt he caused, sad for all the broken people we are, sad for the broken system we are caught in, sad for the deafening outrage, drowning out the much more difficult conversations that need to be had.

If you’re going to comment: please leave your outrage at the door.