Donnant-donnant [en]

J’avais l’intention de faire court lorsque j’ai commencé ce billet. Du coup, étalant la rédaction sur plus de 24 heures… il s’est allongé. Mes excuses.

Jeudi, invitée de dernière minute un peu muette à la table ronde qui a suivi la présentation d’Alban Martin sur l’Âge de Peer lors du dernier First de l’année de Rézonance (respirez!), j’ai enfin saisi la réponse à une réflexion qu’on m’a faite concernant la co-création et qui avait fini par me mettre mal à l’aise.

Les entreprises qui impliquent les clients dans la création de produits, qui comptent sur le bouche à oreilles ou les blogs pour faire leur marketing… ne sont-elles pas, en quelque sorte, en train de profiter de la bonne volonté des passionnés que nous sommes? Lorsqu’un service web sauce 2.0 encourage une communauté d’utilisateurs à devenir également une communauté de développeurs, et à produire plugins et extensions, ou lorsqu’il compte sur la “communauté” pour répondre aux questions dans un forum de d’aide, n’est-il pas en fait en train de réduire ses coûts sur le dos des pauvres naïfs qui donnent gratuitement de leur temps et de leurs compétences?

Réponse courte: non.

Réponse plus longue? C’est ce genre de dynamique qui permet aux utilisateurs de profiter de nombreux services gratuits ou quasi-gratuits. Si on peut aujourd’hui lancer un produit avec un budget marketing frisant le zéro absolu, parce qu’il est assez génial pour que les utilisateurs prennent eux-même en charge de faire sa publicité, cela réduit les coûts, certes, mais cette réduction est répercutée sur le prix que doit payer l’utilisateur: souvent rien.

On peut en quelque sorte dire qu’au lieu de payer en argent un service, l’utilisateur paie en donnant un peu de son temps pour recommander le service à des amis (réduisant ainsi la somme d’argent nécessaire à la publicité), ou bien en contribuant un peu de code qui profitera ensuite à tous.

J’aime bien cette façon de voir les choses: j’aime GMail, par exemple, qui fournit à mon sens un service e-mail extrêmement performant pour rien du tout (en cash). Cela ne me dérange pas de “payer” en recommandant GMail à mon entourage, ou en permettant à Google d’afficher parfois des pubs dans l’interface web. Personellement, j’aime recommander les produits que j’apprécie à mon entourage. On pourrait considérer que d’une certaine façon, Google me paie pour faire ça, et qu’en retour, je leur reverse d’argent pour utiliser leur service.

On se déplacerait presque vers une économie du troc, vous ne trouvez pas? L’avantage que j’y vois, comme ça un peu à froid, c’est que le “travail” que je fais pour permettre l’existence d’un service gratuit, je ne le ressens pas comme du travail. Finalement, le service devient le résultat d’un effort communautaire, avec un minimum de structure salariée pour servir de base.

Je crois qu’on commence à avoir tellement l’habitude du gratuit sur le web qu’on oublie ce qui le rend possible. Du coup, dès que quelque chose devient “un peu payant” ou se “commercialise” parce qu’il y a des gens qui gagnent un salaire, on pense que toute gratuité devrait disparaître — de la part des utilisateurs.

J’ai beaucoup entendu ce genre de réaction autour de WordPress. WordPress (le meilleur outil de blog de la planète en ce moment, à mon avis) est avant tout un outil open source et libre, résultat du travail d’une communauté de développeurs et d’utilisateurs. Lorsque Matt a fondé Automattic, une entreprise qui a des employés et qui fournit des services payants tournant autour de WordPress, certains ont commencé à dire “pah! les pigeons qui contribuent à WordPress sont simplement en train d’enrichir Automattic!”

Quand, dans le cadre de mon travail avec coComment, j’ai demandé à un utilisateur qui critiquait notre façon de faire ce que lui suggérait à la place, il m’a envoyé sur les roses en me disant que coComment n’avait pas à tenter d’extorquer du public des informations que lui faisait payer à ses clients.

Ce qui échappe à ces gens, c’est que les petites contributions volontaires sont entre autres ce qui permet de leur fournir gratuitement un service qui vaut plus que rien du tout.

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Ce soir à Genève: Nuit du Journal Intime [fr]

[en] I'll be in Geneva tonight to talk about intimacy in the era of blogs and the internet. I'll be sharing a panel with a bunch of pretty famous people, so I'm a little intimidated.

Je serai à  Genève ce soir pour participer au débat intitulé “Du journal intime au blog, que reste-t-il de l’intimité?”, dans le cadre de la Nuit du Journal Intime. Je vais me retrouver entre Catherine Millet (La vie sexuelle de Catherine M.), Willy Pasini, et Catherine Bogaert. Un peu intimidée de me retrouver en si jolie compagnie!

J’en profite pour faire une petite mise au point concernant le fameux titre de “meilleur blog suisse 2003“. Je croyais l’avoir déjà  fait, mais impossible de mettre la main dessus, il me semble que le moteur de recherche de mon site est un peu boiteux. (Oui, y’a du boulot.)

Bref, en 2003, une petite équipe de blogueurs francophones décide de lancer les Blogs d’Or. J’en connaissais la plupart de réputation, et je fréquentais à  l’époque des gens qui les connaissaient. Suite à  une remarque de Delphine Dispa, une catégorie “meilleur blog suisse” avait été rajoutée. Les blogueurs avaient ensuite proposé des candidats au titre de “meilleur blog xy”, puis avaient voté, parmi les blogs retenus, pour ceux qu’ils préféraient.

Comme il n’y avait pas beaucoup de blogs suisses, et qu’en plus j’étais souvent la seule suissesse que les personnes votant lors de ce “concours” connaissaient… il faut relativiser quelque peu ce titre. Ce n’est pas comme si on avait rassemblé tous les blogs suisses, et que des blogs suisses, pour en sélectionner la crème de la crème — comme cela sera d’ailleurs fait d’ici le 5 mai 2006 pour les Swiss Blog Awards.

Disclaimer: on m’a demandé si j’étais intéressée à  collaborer à  l’organisation des Swiss Blog Awards. J’ai malheureusement dû refuser, faute de temps gratiné d’une jolie collision d’agenda.