C’est l’histoire d’une file d’attente. Il y a du monde dedans. Certains attendent patiemment, d’autres essaient par tous les moyens de passer devant. Il y a des silencieux et des bruyants. La file est longue, longue, elle s’étire à l’infini. Je n’en vois jamais le bout. Les gens passent à mon guichet, mais rien n’y fait, la file d’attente ne raccourcit pas.
La file d’attente, c’est une métaphore pour mes désirs et obligations, mes projets, mes tâches et mes rêves, mes envies et mes devoirs. Aussi longtemps que je m’en souvienne, aussi loin que remontent mes souvenirs d’en avoir la conscience, cette file d’attente a toujours été interminablement longue. Longue et décourageante. A quoi bon s’activer, puisque je n’en verrai jamais le bout?
Je n’arrête pas de penser à cette histoire de file d’attente depuis qu’un collègue m’a parlé de “Queuing Theory”, et que j’ai lu cet article (en allemand svp!): Warteschlangen Theorie – Der Fluch der Auslastung und Überoptimierung.
Ce qu’il faut retenir: quand on est “occupé/booké” à 80%, il y a déjà une file d’attente. Et ensuite, plus on charge l’agenda ou le programme, plus la file d’attente augmente – de manière exponentielle.
J’ai bien compris ça au travail, où je préserve des moments “sans meetings”. Quand j’étais jeune adulte et chef scoute très (trop) investie, je me souviens aussi que j’avais bloqué dans mon agenda des soirées “je suis prise”, pour m’éviter de me retrouver avec des séances ou des engagements tous les jours de la semaine. Voyez, ça remonte à loin mon histoire avec la surcharge d’activités.
Mais c’est dur, bon sang, de prendre une pause quand la file d’attente s’étire jusqu’à l’horizon. De dire “non, pas là”. De regarder l’agenda pour tenter d’y glisser (au chausse-pied souvent) quelque chose que j’ai envie de faire, et de garder des pages blanches.
Premièrement parce que j’ai besoin de pages blanches, de temps morts. Deuxièmement parce que pour pouvoir gérer un peu la file d’attente, gérer la vie qui arrive, le temps qui ne s’écoule pas à la vitesse prévue, avoir un peu de spontanéité et suivre l’impulsion du moment, il faut de l’espace. Du temps blanc.
Je comprends bien le cercle vicieux de l’agenda surbooké: plus il est booké, plus les choses prennent du temps. Les gens sont énervés d’avoir passé tant de temps dans la file d’attente, et ils sont plus difficiles au guichet. Comme ils savent que la prochaine occasion ne se présentera pas avant un moment (refaire la queue? vous imaginez?) ils en profitent pour tout déballer.
L’article que j’ai lu dit d’ailleurs que dans le monde professionnel, les personnes et ressources importantes (pompiers, médecins des urgences, dirigeants) ne devraient avoir un taux d’occupation de leur temps que de 50 à 60%. En tant que patronne de ma vie, ce serait donc ça que je devrais viser, plutôt que 80% – ou les quasi 100% actuels.
Quarante pour-cent, c’est deux cinquièmes. C’est deux soirs de libre par semaine. C’est presque un jour de week-end sur deux sans projets. J’ai le coeur qui tremblote rien que d’y penser.
On va y aller pas à pas, d’accord?
Je lis ce post avec quelques mois de “retard” (tiens, tiens). Merci pour ce rappel si important : il est crucial de garder du temps libre plutôt que de tout remplir. Difficile à mettre en pratique !