[en] A local editor/journalist wrote an article in which he basically says blogs are useless noise. My reactions to some of the (IMHO) unfair attacks he makes towards blogs.
Dans son article Bloghorrée saisonnière, Philippe Barraud lance un certain nombre d’attaques à mon sens injustifiées contre les blogs. Impossible de rester de marbre, je sors mon clavier et réagis. Je n’ai pas la prétention de convaincre M. Barraud de quoi que ce soit, mais le processus produira peut-être un billet intéressant pour mes lecteurs.
Ce n’est en tout cas pas un journal intime, puisque par définition il n’est pas intime, mais mis à la disposition de la planète entière. Enfin, théoriquement. Pauvre planète, qui devrait subir chaque jour les états d’âme ou les soucis intestinaux de 50 millions de blogueurs!
L’auteur ne fait ici pas bien mieux que la presse romande dont il critique plus haut la lenteur et les grosses ficelles. Si un blog n’est pas intime, c’est uniquement parce qu’il est exposé sur internet? Ça ne pourrait pas être (grands dieux non!) parce que les blogueurs ne parlent justement pas de leurs états d’ame
ou soucis intestinaux
?
MEL, LLM, Giussani, Scoble, ils nous parlent de leurs troubles digestifs? Raph, Eolas, Marc-O, ou encore Random Acts of Reality, ce n’est rien d’autre que des états d’âme?
Certes, je mentionne ici des blogs “populaires”, avec des lecteurs, et tout. Alors deux choses:
- il y a des blogs moins lus, moins connus, qui parlent d’autre chose que leur nombril;
- ce n’est pas parce qu’il sont moins lus qu’ils ont nécessairement moins d’influence: comme le disent Robert Scoble et Shel Israel dans Naked Conversations, si mon blog politique n’a que trois lecteurs, et que ce sont les dirigeants des Etats-Unis, de la Russie, et de la Chine, ai-je vraiment besoin d’autre chose?
On ne va pas le nier, la plus grande partie de la blogosphère francophone, c’est Skyblog. Mais là , on regarde les nombres, pas l’influence. Si j’ai bien compris Philippe Barraud, la blogosphère “personnelle”, celle qui me tient à coeur parce qu’elle me permet de rester en contact avec mes amis par-delà les océans, ça ne l’intéresse pas. C’est son droit. On va donc se concentrer sur les blogs “qui comptent”, comme on dit. Ce n’est pas sur Skyblog qu’on va les trouver. Il faut aller explorer le monde, un peu.
La supercherie, c’est qu’on tend à nous faire croire que tout cela est lu, que chacun peut prendre la parole, que le débat démocratique renaît, […]. D’abord, et c’est un obstacle colossal, personne ne saura que votre blog existe.
Pardon? Ne savez-vous pas que pour peu qu’on utilise une plateforme de blogs pas trop “underground”, chaque billet alerte Technorati de la mise à jour. Le blog est listé sur leur site, et si on utilise des tags et des catégories, il se retrouve également sur les pages de tags. Les gens peuvent trouver le blog, et Google peut trouver le blog. Après, si il a des choses à dire qui sont intéressantes pour d’autres personnes (pas forcément le monde entier!) le blogueur va gentiment se faire une place dans la niche où se trouve son public.
Là , franchement, erreur factuelle. Dès sa mise en existence, un blog est publicisé.
Etre lu, ou pas. Voilà la question. Comme je dis plus haut, ce ne sont pas les nombres qui comptent, c’est qui lit un blog qui est important. Certaines personnes chez Microsoft ne pensent pas que ce que fait Robert Scoble est important pour la boîte, parce qu’il n’a que (!) 20’000 lecteurs quotidiens. Pour un blog, c’est énorme, mais pour une grosse entreprise habituée aux chiffres marketing, c’est un pet de lapin. Robert dit très justement que ces personnes n’ont pas saisi qu’internet est un réseau, et à quelle vitesse les informations peuvent s’y propager. Même si l’on n’a que cinq lecteurs, on peut théoriquement voir une idée géniale publiée sur son blog faire le tour de la blogosphère en quelques heures. Bien sûr, avec plus de lecteurs, on facilite le phénomène, mais ce n’est pas requis — de loin pas.
Quant à prendre la parole… Allez réagir à quelque chose qu’a écrit DSK sur son blog. Vous l’avez, la parole. Il suffit d’avoir quelque chose à dire.
[…] ce mode de communication s’autodétruit, par son abondance même: qui a donc le temps d’aller explorer des millions de blogs, voire seulement une dizaine par jour?
Ça, c’est un problème général: la surcharge d’information. Solution? Il faut trier. J’y arrive tout de suite.
[…] pour un blog intelligent ou talentueux qui vous apporte quelque chose, il y en a 100’000 d’insignifiants.
Oui, il y a du bruit dans la blogosphère. Mais ce qui est du bruit pour moi n’est pas forcément du bruit pour vous. Des goûts et des couleurs, comme on dit. Allez, on dégaine son aggrégateur RSS/atom et on s’abonne aux blogs qui nous intéressent. Même Commentaires.com, qui n’est pas un blog, attention, surtout pas (puisque les blogs c’est inutile) a son fil RSS. Comment? Vous n’utilisez pas d’aggrégateur? On file direction BlogLines, iFeedYou ou Gregarius.
Ce ne sont pas des blogs précis, mais des thèmes qui vous intéressent? Direction PubSub ou Technorati, on crée un compte, on crée des watchlists auxquelles on s’abonne… Vous voulez la Romandie? Des recettes de cuisine?
Robert Scoble garde ainsi un oeil sur plusieurs centaines de blogs (7-800 aux dernières nouvelles). Est-il besoin de tout lire? Certes non. Mais surveiller une grand nombre de blogs, surtout quand c’est utile pour son métier? Bien sûr que c’est possible.
Ça prend du temps bien sûr. Si l’on pense que c’est du temps perdu, il vaut mieux s’abstenir — car il le sera effectivement.
Ce qui montre que tout travail d’écriture exige une discipline rigoureuse; et qu’à l’inverse, l’écriture paresseuse du blog ne débouche neuf fois sur dix que sur des textes médiocres, bâclés et non indispensables.
Je sens ici un peu de snobisme d’écrivain. Faut-il être indispensable pour mériter l’honneur d’être rendu accessible au public? J’espère bien que mon blog n’est pas indispensable — mais j’espère aussi que de temps en temps il peut être utile à quelqu’un.
Ai-je le droit de vivre si je ne suis pas indispensable?