Journée Ada Lovelace: femmes, technologie, blogs [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

Ce mercredi 24 mars, c’est la Journée Ada Lovelace (Ada Lovelace Day).

Il y a un peu plus d’un an de cela, j’ai été très intéressée d’apprendre que le rôle des modèles positifs de même sexe était plus important pour les femmes que les hommes. Ce phénomène a été mis en lumière par la chercheuse canadienne Penelope Lockwood.

Dans l’étude qu’elle a menée, les étudiantes qui avaient lu un article de journal fictionnel au sujet d’une femme excellant dans leur propre discipline s’auto-évaluaient de façon nettement plus positive que celles qui avaient lu un article mettant un scène un modèle masculin. Ce décalage ne se retrouve pas chez les hommes, et un groupe de contrôle permet d’assurer qu’il s’agit bien d’un effet positif du modèle féminin, et non un effet négatif lié à la mise en scène d’un modèle masculin.

Ce phénomène est en fait bien connu pour ce qui est des problématiques de couleur aux Etats-Unis. C’est d’ailleurs probablement le cas pour tout individu qui ne fait pas partie du groupe dominant au pouvoir. (Pensez “effet Obama”.)

Donc, il est important de montrer aux femmes des modèles positifs féminins dans leur domaine. Or, dans le milieu de la technologie entre autres, les femmes manquent de visibilité.

C’est ici qu’agit la Journée Ada Lovelace, en rassemblant une coalition de blogueurs et autres podcasteurs qui s’engagent à tous publier le même jour un article mettant en avant une femme qu’ils admirent, dans le milieu de la technologie ou des sciences. Ainsi, un peu partout dans la blogosphère, apparaîtront des modèles de femmes appartenant à ces milieux traditionnellement perçus comme masculins.

Pour transformer les représentations des gens, malheureusement, il ne suffit pas de dire ou de raisonner — même si nous mettons toute la bonne volonté du monde à accepter de les transformer. Il faut répéter, répéter, et répéter, si possible à coups d’anecdotes plutôt que de statistiques.

C’est ce que fait la Journée Ada Lovelace, en misant sur la force des blogs, à savoir leur nombre, la simplicité des décisions rédactionnelles, et l’intensité du lien entre blogueur et lecteurs — peu importe combien sont ces derniers.

Plus d’informations:

Journée Ada Lovelace: Marie Curie [fr]

L’hiver de mes quinze ans, je me suis plongée dans des ouvrages scientifiques écrits par Isaac Asimov. De fil en aiguille, j’ai emprunté à la bibliothèque d’autres ouvrages, et fait mon éducation dans les domaines de la physique des particules, l’astrophysique, et la chimie.

J’avais jusque-là une vague ambition d’être prof de maths. Mais après ce contact avec le monde de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, c’était décidé: je serais physicienne, chercheuse, scientifique — comme Marie Curie.

Du coup, je suis partie en section X au gymnase (ça n’existe plus, mais à l’époque, c’était une spécialité vaudoise qui combinait les programmes des sections latine et scientifique) et en chimie à l’université.

Aujourd’hui, c’est la Journée Ada Lovelace: et la femme admirable dont je veux vous parler, c’est Marie Curie. J’ai longuement hésité entre vous parler d’une figure historique ou d’une des nombreuses femmes contemporaines et plus proches de moi, et je me suis finalement décidée pour Marie Curie.

Je crois que le role qu’elle a joué en tant que modèle dans mes aspirations d’adolescente est une démonstration parfaite de l’importance d’avoir à portée de main des modèles féminins, et par conséquente de la pertinence d’une journée comme Ada Lovelace Day.

Si j’ai entrepris des études scientifiques, c’était donc parce que je me voyais chercheuse. L’image que j’avais dans la tête, c’était Pierre et Marie Curie dans leur labo — et cette femme, prix Nobel du tout début du XXe siècle… j’avoue qu’elle m’impressionnait.

En général, on mentionne “Pierre et Marie Curie”. Le couple un peu romantique de scientifiques découvrant la radioactivité, la main de Marie photographiée aux rayons X par son mari Pierre… Dans de tels cas de figure, on a vite tendance à mettre la femme un peu dans l’ombre de l’homme. Remettons l’eglise au milieu du village, si vous voulez bien.

Tout d’abord, c’est Marie qui entame ses recherches sur le rayonnement de l’uranium pour son doctorat. Un an plus tard, Pierre abandonne ses propres recherches (sur la piézoélectricité) pour la rejoindre dans ses travaux sur la radioactivité (c’est d’ailleurs elle qui a inventé ce terme). Ils obtiennent en 1904 avec Henri Becquerel le prix Nobel de physique. Elle est la première femme à recevoir un prix Nobel, et également la première femme lauréate de la Médaille Davy.

Pierre Curie meurt accidentellement en 1906. Marie vivra jusqu’en 1934 — en fait, la plus grande partie de sa carrière scientifique se fera sans son mari à ses côtés.

Elle reprend le poste de professeur à la Sorbonne de son mari décédé, devenant la première femme à enseigner dans la prestigieuse université (professeur titulaire en 1909). En 1911, deuxième prix Nobel, de chimie cette fois-ci. Elle est la première personne à recevoir deux prix Nobel pour ses travaux scientifiques, et la seule femme à ce jour.

Elle dirigera ensuite le laboratoire de physique et chimie de l’Institut du Radium (futur Institut Curie), passe son permis de conduire en 1916, et participe à la création d’unités de radiographie mobiles (les Petites Curies) pour pouvoir directement prendre des radios des soldats blessés au front, sur place. En 1925, elle crée avec sa soeur l’Institut Radium à Varsovie.

Si la vie et l’oeuvre scientifique de cette femme extraordinaire vous inspirent (j’ai mis des heures et des heures à écrire ce billet, finalement, parce que je me suis plongée dans des lectures de biographies que je n’avais pas prévues!), les articles Wikipedia en français et en anglais sont de bons points de départ (n’hésitez pas à utiliser les liens cités en source à la fin de chaque article… il y a de la lecture!)

Et vous? Qui sont les femmes scientifiques que vous admirez? Choisissez-en une, qu’elle soit célèbre ou non, et parlez-nous d’elle pour la Journée Ada Lovelace. Je me réjouis de vous lire!

Journée Ada Lovelace: francophones, nous avons besoin de vous! [fr]

[en] This post aims to encourage francophone participation in Ada Lovelace Day on March 24th. The aim of Ada Lovelace Day is to increase visibility of positive female role-models in technology by blogging about admirable women in the field. If you haven't yet signed up for Ada Lovelace Day, please go and read the announcement written by Suw Charman, the initiator of ALD.

Le 24 mars, c’est la Journée Ada Lovelace. Plus de mille blogueurs et blogueuses se sont engagés à publier ce jour-là un article au sujet d’une femme qu’ils admirent, dans le milieu de la technologie ou des sciences. Prenez-y part également!

Comme mon amie Suw Charman, c’est avec beaucoup de pincettes et pas mal de retenue que j’aborde généralement les questions liées aux femmes dans la technologie — et les questions “féministes” en général. Du coup, quand Femina me demande de contribuer une petite bafouille répondant à la question “Féminisme: que reste-t-il à faire?” je me dis “Bon dieu, qu’est-ce que je vais bien pouvoir leur dire?”

ada_lovelaceJe vais leur parler de Ada Lovelace Day. Les femmes ont plus besoin de modèles féminins que les hommes de modèles masculins. Et trop souvent, dans les milieux masculins, les modèles qu’on nous fait pendouiller sous le nez ressemblent à ça. (Oui, j’ai fait exprès un lien sur “ça”, parce que ça ne méritait pas plus.)

Peu d’initiatives pour promouvoir la cause féminine m’enthousiasment. La plupart, je l’avoue, au mieux m’indiffèrent, au pire me font carrément grincer des dents.

Ada Lovelace Day est une autre histoire. On prend un problème existant, la visibilité insuffisante de modèles féminins positifs dans le milieu de la technologie, et on propose une action concrète: la publication de plus d’un millier d’articles mettant en avant des femmes admirables. Ada Lovelace est généralement reconnue comme ayant écrit le premier programme informatique au monde.

J’aimerais revenir deux secondes sur le problème de base:

Les femmes ont besoin de modèles positifs féminins plus que les hommes ont besoin de modèles masculins.

Ce phénomène a été mis en lumière par la chercheuse canadienne Penelope Lockwood:

Lockwood asked 44 female and 38 male students to read a fictional newspaper account of an outstanding professional who had excelled in the same field that they aspired to work in. Some of the students read an account of a female professional while others read about a man.

Afterwards female students who’d read an account of a female professional rated themselves more positively than the female students who read about a man, and more positively than control students who hadn’t read any account. By contrast, male students who read about a male role model did not rate themselves any more positively than male students who read about a female role model, or than control students who hadn’t read any account.

Women need female role models

Je paraphrase rapidement pour les non-anglophiles parmi vous.

Dans cette étude, les étudiantes qui avaient lu un article de journal fictionnel au sujet d’une femme excellant dans leur propre discipline s’auto-évaluaient de façon nettement plus positive que celles qui avaient lu un article mettant un scène un modèle masculin. Ce décalage ne se retrouve pas chez les hommes, et un groupe de contrôle permet d’assurer qu’il s’agit bien d’un effet positif du modèle féminin, et non un effet négatif lié à la mise en scène d’un modèle masculin.

Ce phénomène est en fait bien connu pour ce qui est des problématiques de couleur aux Etats-Unis, comme le précise un lecteur dans les commentaires. C’est en fait probablement le cas pour tout individu qui ne fait pas partie du groupe dominant au pouvoir. (Pensez “effet Obama”.)

Donc, il est important de montrer aux femmes des modèles positifs féminins dans leur domaine. Or, dans le milieu de la technologie entre autres, les femmes manquent de visibilité.

Ce fait me paraît indisputable: je connais quantité de femmes fort compétentes et même assez extraordinaires dans mon milieu, et pourtant j’entends régulièrement des organisateurs de conférence prétendre qu’ils ont de la peine à trouver des femmes oratrices, ou bien je vois des listes de “x personnes influentes” pour tel ou tel milieu technologique, ne comprenant pas une seule femme. Pourtant, elles existent bien!

Donc, augmenter la visibilité de modèles positifs féminins. Comment? Simplement, en créant une coalition de blogueurs, qui, d’un coup, ajouteront au matériel disponible en ligne un millier d’articles mettant en avant ces femmes admirables.

N’est-ce pas un beau projet? Simple, élégant, utile.

On manque de participation francophone. Ecrivez vous aussi le 24 mars un article au sujet d’une femme que vous admirez, dans le domaine de la technologie ou des sciences, actuelle ou non. Officialisez votre participation en ajoutant votre nom sur PledgeBank. Mettez un badge sur votre blog. Relayez cet article autour de vous et encouragez vos amis blogueurs à participer (l’événement sur Facebook peut vous y aider).

La plupart des outils de blog vous permettent d’écrire l’article à l’avance et d’en planifier la date de publication, si vous avez peur d’oublier d’ici là.

Et quand à celui ou celle qui dira “mais je ne vois pas de qui je pourrais parler&” — eh bien, je répondrais en deux points:

  1. Ça montre bien à quel point ce genre d’opération est nécessaire!
  2. Creusez-vous la cervelle et trouvez une femme que vous pouvez admirer, ce n’est pas si sorcier, ou bien?

Merci d’avance de votre participation!