Accompagnement à la transformation numérique [fr]

[en] "Digital transformation", and how this expression describes what I've been doing these last 10 years so much better than "social media".

Depuis plusieurs années, je cherche une “étiquette” qui décrive plus adéquatement ce que je fais que “consultante en médias sociaux”. Et là, je crois que je tiens enfin une expression qui couvre ce que je fais depuis 10 ans avec mes clients: je fais de l’accompagnement à la transformation numérique.

Alors, il paraît que “transformation numérique” ou “transformation digitale” c’est le truc hype du moment. Mais j’avoue qu’il y a encore deux mois, cette expression n’était pas sur mon radar. C’est Jean-Marc Sandoz, alors que je lui faisais part de mes réflexions sur mon véritable domaine d’expertise et mon rejet croissant de l’étiquette “médias sociaux”, qui m’a proposé “accompagnement à la transformation numérique.” Marrant comme une rencontre fortuite sur le quai de la gare de Lausanne peut déboucher sur un grand moment d’éclaircie intellectuelle!

Gâteau au chocolat

Crédit photo: Slice of Chic (CC)

Quand on dit “consultante en médias sociaux” (en Suisse Romande tout du moins) l’interlocuteur imagine immédiatement quelque chose de cet ordre: “ah, tu fais publies des choses sur Facebook pour tes clients?” ou bien “tu fais du marketing sur les réseaux?” Je me retrouve du coup à expliquer que non, je vais pas généralement faire des choses sur Facebook (ou ailleurs) pour mes clients, que je ne fais pas du marketing même s’il m’arrive de travailler avec “les gens du marketing”, et que l’essentiel de ce que je fais c’est expliquer aux gens ce que c’est que ces médias sociaux et les aider à faire des choses pas trop inutiles avec. Et que ce qui m’intéresse ce sont les gens, comment les relations se tissent, comment l’information passe d’une personne à l’autre.

Rajoutons aussi que les médias sociaux c’est pour beaucoup de gens un truc hype et fumeux dont on ne sait pas trop à quoi ça sert (et qu’on comprend pas), et… aïe. Bref, en disant “médias sociaux” je crée une image chez l’autre que je dois ensuite m’évertuer à déconstruire pendant une bonne dizaine de minutes.

L’accompagnement à la transformation numérique, par contre, ça me parle!

“Accompagnement”, déjà, c’est bien. C’est un terme que j’ai utilisé pas mal au début de ma carrière indépendante, puis que j’ai laissé tomber parce que ça semblait un peu “mou”. Comme “conseil”, d’ailleurs. Alors je me suis retrouvée avec “consultante”, “formatrice”, “conférencière”. Des mots qui décrivent une personne. (Alors que “accompagnatrice” et même “conseillère”… moyen.) Mais avec ça j’ai perdu un bon bout de ce qui fait la spécificité de mon approche: je suis vraiment dans une logique d’accompagnement, et je me suis rendu compte récemment que c’était une dimension importante de mon travail, et qui plaisait aux clients potentiels à qui je parlais.

J’ai pensé ces derniers mois à des termes comme “passeuse” ou “médiatrice”, qui reflètent cette même idée. Je suis celle qui va vous prendre par la main pour explorer ce que vous ne connaissez pas encore (le numérique). Et cet accompagnement peut se traduire par du consulting, de la formation, des conférences, du travail sur des projets (opérationnel!) que je fais également. Avec, derrière, un objectif d’autonomisation de la personne que j’accompagne.

On me propose souvent “coaching” pour décrire ce que je fais. Et… pris au sens commun, effectivement, beaucoup de personnes diront que ce que je fais est du coaching. Mais le coaching, dans le contexte professionnel, est une approche spécifique, un cadre déontologique précis. Un coach ne va pas faire à votre place. Il ne va pas non plus vous dire quoi faire. Mon positionnement est peut-être plus proche du mentoring: j’ai de l’expérience dans un domaine, et je fais profiter mes clients de cette expérience, en leur expliquant, en leur conseillant, en étant une “référence” quand nécessaire. Mais de nouveau, dans un contexte professionnel, le mentorat met en général en relation des professionnels jeunes avec des professionnels expérimentés sur la même voie qu’eux, ou sur un parcours similaire.

Alors ce que je fais, je le dis maintenant haut et clair, je préfère l’appeler “accompagnement”.

Et la transformation numérique? Ce que le monde semble être en train de découvrir maintenant (si l’on en croit que c’est le terme en vogue en 2016), c’est ce que je prêche depuis plus d’une décennie: le numérique (internet, les blogs, les médias sociaux…) n’est pas une couche supplémentaire à rajouter à nos activités, mais un nouvel élément qui transforme celles-ci.

Ça n’a pas toujours été très clair pour moi que cette question de la transformation (versus l’ajout) était cruciale — probablement parce que je l’avais comprise instinctivement très tôt, durant mes premières années de vie en ligne. La lecture du Cluetrain Manifesto m’a donné un vocabulaire pour en parler. Je dis souvent, par exemple, qu’internet a changé la façon dont les organisations communiquent avec les personnes, que celles-ci soient à l’intérieur ou à l’extérieur de l’organisation. A ce jour, j’ai une vision de moi bâton de pèlerin à la main, portant la bonne parole du Cluetrain où je vais — comme d’ailleurs mon ami et collègue Euan Semple.

Au fil des années, à force de me heurter aux tentatives d’utilisation des outils sociaux dans le vent qui s’arrêtaient à leur expression visible, sans comprendre les changements profonds qui doivent les accompagner pour qu’ils puissent manifester leur potentiel, j’ai réalisé à quel point c’était cette dimension-là qui était cruciale, et qui posait problème. On partait de “on fait un blog?” et toute la stratégie de l’entreprise venait avec, si on tirait un peu.

En regardant en arrière, je me souviens que cette conscience était très présente pour moi lors que nous étions en train de concevoir la formation de Spécialiste en Médias Sociaux et Communautés en Ligne du SAWI, début 2010. La formation tout entière reposait sur un projet de diplôme, qui consistait en fait à opérer cette transformation numérique dans l’entreprise, la profession, ou un projet de l’étudiant. Les cours apportaient la “culture” du numérique, surtout stratégique, technique aussi, outillant les étudiants pour le monde dans lequel nous travaillons et vivons, mais le plus important était ce qui s’opérait dans le cadre du travail de diplôme, et c’est cela qui faisait à mon sens la valeur de cette formation.

Je me souviens de la frustration de certains, lors des rendez-vous de suivi de projet, lorsqu’à chaque module ils se retrouvaient presque à tout défaire ce qu’ils avaient fait jusque-là pour reprendre depuis le début. C’était inévitable: c’est à mon sens uniquement en tentant de mettre en application ces “nouveaux outils” ou ces “nouvelles techniques” du numérique dans une situation réelle qu’on se heurte à la nécessité de cette transformation en profondeur. Je crois qu’on peut oser parler ici de changement de paradigme. Il y a une rupture de continuité entre le monde sans numérique, et le monde avec numérique. Et tant qu’on n’a pas passé “de l’autre côté”, on n’est pas “de l’autre côté”.

En 2011, j’allais à Montréal donner une conférence: comment intégrer les médias sociaux à sa stratégie. C’est à cette occasion, si ma mémoire est bonne, que j’ai utilisé pour la première fois la métaphore du gâteau au chocolat. Le numérique, c’est le chocolat du gâteau au chocolat. On n’est pas en train de parler d’un muffin avec des “chocolate chips”, ou du glaçage sur un gâteau, mais bien d’un gâteau au chocolat: le chocolat ne peut pas être dissocié du gâteau, comme le numérique ne peut être dissocié du reste du monde.

Cette volonté de considérer le numérique (le monde en ligne, internet, le cyberespace) comme lieu d’altérité est très fort. Je me souviens la peine que j’avais, au début et au milieu des années 2000, à expliquer aux journalistes et autres curieux la continuité qu’il y avait entre ma “vraie vie” et ma “vie virtuelle” (je déteste ces termes, mais c’était clairement comme ça dans l’esprit de mes interlocuteurs). Je pense vraiment que mes années de réflexion sur ce rapport, à titre personnel, entre “en ligne” et “hors ligne” et leur intime inextricabilité ont préparé le terrain pour l’impact que le Cluetrain a eu sur moi. Tout ce que je découvrais faisait sens. Et comme ce n’était pas le cas pour la grande majorité des gens, la porte d’une activité professionnelle tournant autour de communiquer ce sens s’ouvrait pour moi.

C’est très clair avec le recul, bien sûr. Sur le moment, et jusqu’à il y a peu, je crois que je n’avais pas les mots ni même toutes les idées pour penser tout ça. Et certainement que dans dix ans, cette réflexion-ci me paraîtra bien lacunaire.

Mais nous y sommes donc: la transformation numérique. Mon domaine d’expertise professionnel, c’est ça. Comment le numérique change notre monde, et comment adapter nos activités à ce monde qui l’inclut. Les médias sociaux, au sens du “living web” du milieu des années 2000, ça en fait partie, bien sûr. Mais gérer son rapport à son smartphone, ou créer un site web, aussi. La transformation numérique ne se résume pas aux réseaux sociaux, même si ceux-ci en sont une des manifestations les plus évidentes.

En me présentant comme une spécialiste des médias sociaux, j’avais un double problème: d’une part, un malentendu d’office concernant le genre de mandats que je prenais, et d’autre part, une négation de la plus grande partie de la valeur que crois que je peux apporter, passée sous silence tant dans les services que je propose, que dans les demandes des clients, cachée sous la couche visible de mes activités manifestes: publier des articles dans un blog, apprendre à des gens à utiliser Twitter, faire un site web, mettre un client en contact avec des blogueurs, montrer sur quel bouton appuyer.

Maintenant, en disant que je fais de l’accompagnement à la transformation numérique (on notera que du coup je ne suis plus “une xyz”), ce que j’amène à mes clients est plus clair. Je les aide à se digitaliser. Je les accompagne dans un processus. Et ça peut prendre une multitude de formes, qui inclura souvent les médias sociaux, mais qui ne se réduit pas à eux.

Il y a quelques semaines, à l’occasion d’un atelier de co-création organisé par euforia, j’ai réussi pour la première fois à expliquer ce que je faisais sans dire une seule fois “médias sociaux”. En français et en anglais.

Victoire! 🙂

"Pouvez-vous nous faire un site?" — rôle du consultant [fr]

[en] I'm regularly asked by potential clients to "make a website for them". This is not something I do -- if it is the only thing expected from me -- because I think that it is often a recipe for unsatisfaction. I see myself as somebody who is mainly going to educate my clients about "the internet", and accompany them in setting up a solution for their web presence which keeps them as autonomous as possible.

This post is mainly a reproduction of a document I made for a client, explaining the difference between a "service provider" and a "consultant", and the advantages of hiring the services of a consultant, even if what you want is "a web site".

Il y a quelque temps, j’ai été contactée dans le cadre d’une appel d’offres pour un site internet. Cela m’arrive relativement régulièrement: “Nous n’avons pas de site, pouvez-vous nous en faire un?” L’attente du client, dans ce cas, est généralement la livraison d’un site clé en mains pour lequel il aura fourni un certain nombre d’informations au prestataire de services (exigeances ou souhaits concernant le graphisme, la structure du site, le contenu), avec un minimum de formation pour pouvoir s’occuper du site par la suite, ou un contrat de maintenance.

Personnellement, je n’aime pas du tout travailler comme ça. Je préfère apprendre à mes clients comment pêcher (ici: mettre en place une présence internet) que de leur donner une caisse de filets de carrelet (ici: un site internet bien emballé avec manuel d’utilisation). Même si on peut argumenter que je ne suis pas une pure consultante, c’est quand même le conseil et l’accompagnement qui sont au centre de ma démarche, dans une optique “comprendre et apprendre internet”. Ça convient, ou ça ne convient pas, mais c’est comme ça que je travaille en ce moment.

Suite à une première rencontre avec le client où j’ai expliqué tout ça, j’ai résumé sous forme d’un document écrit les principaux éléments de la discussion. Comme je l’ai déjà fait (voir: Musique: bénéfices d’une bonne stratégie internet, je reproduis ici avec quelque modifications (anonymisation en particulier) ce document.

Consultant ou société de services

Le rôle d’un consultant est d’accompagner le client dans une démarche (de changement ou de résolution de problème). A ce titre, il peut être appelé à fournir des services, mais ce n’est pas là son rôle premier. Il vise à ce que le client soit autonome à la fin du mandat. C’est un investissement dont les résultats resteront sensibles sur le long terme.

La société de services fournit un produit fini, souvent avec un contrat de maintenance. S’il faut apporter des modifications au produit après la fin du mandat, il faut faire à nouveau appel à la société de services (et payer en conséquence). Le client reste dans une relation de dépendance, un peu au coup par coup.

Cette distinction est certes simplificatrice. Dans le cas qui nous occupe, on peut dire que le “problème” auquel on veut remédier est la non-utilisation d’internet comme canal de communication, et que “créer un site” est la solution proposée. Mais ce n’est pas nécessairement une solution suffisante, car les attentes quant à la résolution de se problème ne sont pas juste “avoir un site”, mais à un plus haut niveau (stratégie de communication tirant parti de ce qu’internet peut offrir, peut-être une certaine autonomie par rapport à ce média généralement mal connu, également).

En l’occurrence, l’appel d’offres lancé par l’organisation concerne principalement la livraison d’un produit fini (un site internet), dont une partie du contenu et des caractéristiques ont déjà été élaborés de façon interne.

En tant que consultante, je ne livre pas de produits finis comme le font les sociétés de services, à moins que cela ne soit dans le cadre d’un mandat plus large. Le risque que le “produit fini” ainsi livré tombe à côté des attentes réelles mal identifiées est en effet trop grand. Je considère que cela ne rend pas service au client (qui court de grands risques d’être insatisfait en fin de compte), et par extension, cela ne me rend pas service non plus en tant que professionnelle.

Un consultant pour une démarche internet

On peut se demander — et c’est compréhensible — s’il est vraiment pertinent d’utiliser les services d’un consultant pour la mise en place d’un site internet. Ce n’est effectivement absolument pas nécessaire si tout ce que l’on désire est “un site”. Cependant, il faut être conscient qu’en abordant les choses ainsi le site en question risque fort d’être insatisfaisant, ou de le devenir dans un futur plus ou moins proche.

En effet, un site internet, au contraire d’une brochure imprimée, n’est pas véritablement un produit qui peut être “fini”. C’est un espace, un lieu d’ouverture sur l’extérieur à travers internet, et qui est en évolution permanente. Faire évoluer cet espace (ne serait-ce que pour garder à jour le contenu pour refléter l’évolution de la vie de l’organisation) demande l’acquisition de certaines compétences à l’intérieur de l’organisation.

De plus, internet n’est pas simplement “du contenu imprimé accessible par ordinateur”. C’est un média à part entière, avec ses caractéristiques propres, sa culture, ses règles, et sa technologie. C’est un média très mal connu du public non spécialisé, d’une part parce qu’il évolue très vite (rester “à jour” demande donc un investissement conséquent), et d’autre part parce qu’il est très jeune (les personnes de plus de 25-30 ans n’ont en général eu aucun contact avec ce média, même passif, durant leurs années formatrices).

Faire appel aux services d’un spécialiste de ce média lorsque l’on décide d’y faire ses premiers pas permet:

  • de comprendre réellement ce qui est en jeu, et donc d’être plus en contrôle de ce que l’on va y faire, et de ne pas naviguer à l’aveugle;
  • d’adapter l’utilisation de ce nouveau média à la culture spécifique de l’organisation, y compris à son degré de confort avec un outil peu connu, et donc potentiellement déstabilisant et inquiétant;
  • d’avoir un interlocuteur qui peut “faire l’intermédiaire” entre l’organisation et les sociétés de services auxquelles elle ferait appel;
  • d’acquérir une plus grande autonomie par rapport à ce média et une stratégie de communication en évolution.

Forme possible d’un mandat

Voici par exemple comment le consultant pourrait accompagner l’organisation dans le cadre de la mise en place d’un site internet:

  • soutien pour la gestion du projet à l’intérieur de l’organisation
  • formation technique et “culturelle” des personnes gérant le site, y contribuant, et des décideurs
  • assistance technique et stratégique en cas de difficultés
  • accompagnement durant la préparation, mise en place du site, et même après
  • réponses aux questions
  • coaching rédactionnel
  • interface (“traduction”) avec les prestataires tiers
  • aussi possibilité d’agir comme société/fournisseur de services (=”mettre en place le site”, avec un outil de gestion de contenu léger rendant les mises à jour possibles de façon autonome), mais pas obligatoire