Reconnaissance [en]

Rishikesh, 26 Août 01

Me voici saine et sauve à  Rishikesh. J’ai passé mes deux derniers jours à  Pune dans le stress (c’était prévisible: trop de gens à  voir et de choses à  faire, ce n’était pas possible).

Quitter Pune. C’est moins dur que la dernière fois, mais c’est loin d’être facile. Les Shinde sont des gens véritablement adorables. Leur gratitude me fait mal; aussi parce que je leur suis au moins également reconnaissante – pour des choses moins visibles, certes, et donc peut-êtres ignorées pour certaines, mais non moins importantes ou réelles.

Aleika m’a donné tant de clés pour comprendre ce pays et y vivre en tant que videshi. Je lui dois de me sentir “chez moi” ici. Et indirectement, je le dois aussi aux Shinde. Tout ce qu’ils ont donné à  Aleika au cours des années, j’en ai reçu les fruits.

Bien sûr, il y a tout ce que les Shinde m’ont donné directement. Leur générosité et leur disponibilité est immense. Nous sommes dans un cercle vicieux de gratitude – un cercle vicieux positif. Aleika déjà  le disait très bien: “Ils me doivent tellement, et je leur dois tellement aussi.”

Expressway [en]

The new Mumbai-Pune Expressway is beautiful. I mean, it looks like a highway – a real one. To prove it, here is a collection of the panels you can find on it:

  • Rainy season go slow
  • Observe lane discipline [that was quickly lost when the traffic got a bit heavy]
  • Stopping on expressway strictly prohibited [you bet!]
  • Pedestrians, 2/3 wheelers, bullock carts and tractors forbidden on expressway [actually, now that I think of it, we didn’t see any bullock carts]
  • Overspeeding and tyre bursting cause accidents – observe speed limit 80 km/h [no comment]
  • Do not stop in tunnel

Train de Regards [en]

Bombay (train local), 22 Août 01

Je me sens bien à  Pune. C’est difficile de décrire pourquoi – de mettre le doigt sur ce que j’apprécie. Comment décrire une atmosphère? C’est une sorte de qualité d’être-là . Ce qui m’amène à  Pune, c’est plus que les magasins et même les gens. C’est la ville et sa vie, aussi dans ce qu’elle a de dur, de laid et de malodorant. Oui, on peut aimer ce qui est
pénible – je me rends compte que c’est quelque chose que beaucoup de gens ont du mal à  saisir.

La nouvelle autoroute qui mène à  Bombay est magnifique. Trois voies, tarmac (presque) lisse, et absence quasi-totale de trafic. Elle est payante, que croyez-vous. Au milieu d’un tunnel, j’aurais presque pu me sentir en europe.

Sa principale étrangeté réside dans la nature des panneaux qui la jalonnent: “Piétons et chars à  boeufs interdits”, “Interdiction de s’arrêter sur l’autoroute”, etc. Nous avons cependant croisé quelques chiens, un petit troupeau de vaches, et bon nombre de piétons (les
travailleurs de la route?)

J’aimerais prendre une photo de ce train bondé dans lequel je suis assise, mais je n’ose pas. Le fait que je sois en train d’écrire me vaut encore plus d’attention que celle que j’attire simplement en étant là  – mais au moins comme ça, je ne m’en rends pas compte. Une jolie petite fille vêtue d’une robe rose vient de passer les dix dernières minutes,
fascinée, à  regarder mon stylo courir sur le papier.

Sortir un appareil de photo maintenant est tout simplement impensable. C’est bête, je sais bien que je vais le regretter, plus tard, quand je repenserai à  ma collection de “photos pas prises” – mais je ne peux pas le faire.

Les gens ont une façon de me regarder qui me déstabilise. Dans notre culture, il est impoli de dévisager autrui ouvertement. Ici, point de ça. On m’observe, sans gêne et sans discontinuer, la bouche ouverte parfois. Je croise des regards qui ne se détournent pas, qui ne semblent même pas enregistrer le fait qu’un autre être humain les regarde à  leur tour. Il y
a une modalité de regard qui objective l’autre, le transformant en cheveu sur la soupe. C’est ce regard-là  qu’on m’assène le plus souvent. C’est celui-là  qui m’empêche de sortir mon appareil de photo – et au fond, c’est aussi le regard du photographe, qui fait qu’on se gêne devant
l’objectif.

Sur un banc, quatre personnes. Trois s’y tiennent comfortablement, mais à  quatre, c’est hanche contre hanche, et le dernier n’a qu’une moitié de siège pour y poser une fesse douloureuse.

Nous ne sommes que trois sur mon banc. Shinde s’est assis un instant puis s’est relevé, trop incomfortable. Il y a des gens debout dans le couloir; je pourrais me presser contre mon voisin de droite et faire une petite place. Mais il fait chaud et humide, j’ai faim et je n’ai pas envie de me trouver coincée entre deux hommes susceptibles de me regarder comme
une bête curieuse. Je profite donc égoistement de mon statut de femme étrangère et je garde ma place, le nez obstinément plongé dans mon écriture.

Routine [en]

Life is back its normal self again. Nice, comfy, rather uneventful. The urge to say all has gone. The great new ideas, the spark to change things and write the world have shimmered down into everyday routine. But that’s how things are, aren’t they?

I was telling Madhav yesterday that I have theories on everything – that is, apart from things I have no theories about. But still, I do have lots of them. If you’ve been reading through my weblog entries all these past months,
you’ll have heard some of them. And if we’ve talked together of subjects other than the weather, you’re bound to know some too.

Native? [en]

IUCAA, 18 August 01, 4:30 pm

Life and thoughts are rushing by so fast that I can’t keep up. That isn’t new, is it?

Talking with Chris yesterday was nice, because I feel I am quickly “turning native” again. Chris has been living here for the last few months; her questions about life here and indian culture were stimulating for me. Lots of them are questions that I used to ask myself, but which have now simply faded away because I have “blended in” here quite a bit: I tend to find things “normal”, when they used to astonish me.

Journaliste [en]

IUCAA, 17 Août 01, 23h00

Il est certain que je ne suis pas en train de suivre le sage précepte qui recommande de faire une seule chose par jour en Inde. J’en fais quatre ou cinq, je passe mes journées à  courir, et je m’épuise. Je ne peux pas continuer comme ça, je vais finir par tomber à  plat ventre au milieu de la route.

J’ai aussi des piles de choses à  écrire. L’Inde semble me faire cet effet – ou alors c’est simplement la rupture de la routine. Toujours est-il que j’ai mille choses à  dire, je pourrais presque en faire un livre. Mais le soir, je suis tellement fatiguée et j’ai la tête tellement pleine que les mots ne viennent plus et qu’il me tarde de dormir.

J’ai rencontré aujourd’hui un journaliste du “Times of India”, qui voudrait peut-être m’interviewer. J’ai donné mon accord de principe, j’ai pris sa carte, et je lui ai dit où il pouvait me trouver.

Après lui avoir dit au revoir, je me suis retrouvée dans ses souliers, imaginant ses motivations possibles. Quand quelqu’un fait un pas vers moi en Inde, je me demande toujours si il n’y a pas quelque part des motivations cachées moins honorables chez l’autre – argent, prestige qu’apporte avec lui l’étranger, sexe facile. Tout le monde n’est pas comme ça, c’est clair, mais ce genre “d’approche” arrive assez souvent pour qu’on apprenne vite à  se méfier un peu de tout le monde a priori.

Je suis bien moins méfiante qu’au début de mes expériences indiennes, mais bon, ce n’est pas tous les jours qu’un inconnu s’arrête vers moi alors que je marche le long de la route, propose de me prendre en stop sur son scooter jusqu’au stand des rickshaws, et désire ensuite me voir pour un éventuel interview.

Nous avions parlé ensemble deux minutes; tout ce qu’il savait de moi était que je me promenais à  l’université en sari, que j’étudiais les lettres, que j’avais habité ici et que j’apprenais le hindi.

Videshi Lunch [en]

IUCAA, 17 August 01, 5:30 pm

I’ve just had lunch with five women (four american, one irish) whose husbands work in Pune or somewhere in the area. They have been living here for a few years or a couple of weeks. Talking to them was nice, and I realised that I know a lot of places in Pune that not “everybody” knows about – and it is always strange for me to be faced with this fact. I guess I’ll really have to write down my “Pune Recommendations” someday.

Daily Snippets [en]

IUCAA, 16 August 01

Time is starting to fly by. I found a nice Internet Café near Ambedkar Chowk, arranged travel to Delhi and planned a day or two in Bombay with Nisha and Shinde during the Ganesh festival.

I went on a shopping trip to MG Road with Madhav this afternoon. As my eyes are still full of Europe, the goods in Indian stores are all the more tempting.. Maybe I’ll have to start some import-export business so I can walk around buying everything that catches my eye without any guilt.

During the last couple of days I have bumped into a fair number of people I am aquainted to. Most of the security guards and IUCAA staff recognise me, and I saw Shobha, Varun, Tarun, Rita and a couple of people from the servant quarters. I went to visit “my” jeweller, and stopped by at the choli-maker’s.

She has been ill for the last couple of weeks – the flu, they say. Her two daughters are ill too. Her husband showed me upstairs into their small flat so that I could say hello to her. She looked really thin and unwell, something like half her normal self. It really hurt me to see her like that. I hope she gets better.

During a year here, I have acquired quite efficient indian interpersonal skills. If I compare my achievements over the last few days, dealing with shop-keepers and other people, to the way I got around (or rather, didn’t get around) when I first set foot in this country, it is rather satisfying.

IUCAA News [en]

IUCAA, 14 August 01, 7:30 p.m.

As I was coming back from Ambedkar Chowk with Nisha, I saw Suvarna on the doorstep of her house. It’s a bit strange to visit the Shinde’s in “Suvarna’s house” and to see her in “theirs” – but actually no more stranger than being here without Aleika and her family, pets included.

So I dropped in for a chay at Suvarna’s, we had a little chat and she showed me her colour TV, her kitchen racks and her cooler.

It’s nice to be able to do some actual conversation with Nisha, now that my Hindi has improved enough to really allow it. We used to communicate in a mixture of her broken English and my non-less-broken Hindi . which was fun though, in some way.

She told me that Taramai’s mother/in/law died a couple of months ago. Though I had never seen her myself, I had heard about her from Aleika, who had told me about this shrivelled old lady who lived on a bed in the room at the back of Taramai’s house, and who looked a hundred years old. With her husband gone as well, Taramai is now the “queen of the house” (although also a widow, of course, which means a lot more in India than in the West), which Nisha says she is quite happy about. Now, there is nocertainty about this next piece of news, but she might even get a flat in the new appartment block they have started building just next to her basti.

Bonne surprise [en]

IUCAA, 14 Août 01

Contre toute attente, je me retrouve en Inde comme un poisson dans l’eau. Tout est revenu en un instant – et j’en suis ravie. La seule chose pénible est de me promener dans IUCAA sachant que bien des gens que j’appréciais et qui faisaient mon petit monde dans cet endroit n’y sont plus.

Contrairement à  il y a deux ans, je me sens agréablement en contrôle de la situation. Je mange chez Nisha et Shinde, j’ai ma petite chambre toute simple et propre dans la résidence des étudiants, je sais où je vais, ce que je fais et qui je suis (ce qui, comparé à  mon état il y a bientôt une petite éternité, n’est pas peu de chose).

Lors de ma première visite, j’aurais sans doute touvé ma présente chambre très fruste. Les fenêtres ne ferment pas à  cause de l’humidité, les velcros des moustiquaires des fenêtres sont cuits, le lit est petit et dur, il y a un tapis d’une propreté douteuse à  côté de celui-ci, et pour couronner le tout la moustiquaire fournie avec la chambre comportait des trous et était trop courte pour rester sagement rangée sous le matelas.

Mais à  présent, rien de tout cela ne me gêne. Je remarque au contraire que les murs et les draps sont propres, qu’il y a des fenêtres qui pourraient se fermer, qu’il y a même des moustiquaires sur celles-ci, qu’un diffuseur anti-moustiques et une moustiquaire pour le lit sont gracieusement fournis par la maison, que le ventilateur tourne sans bruit, qu’il y a un “cooler”, que toutes les ampoules fonctionnent, que les WC sont européens et propres, qu’il y a un pommeau de douche et de l’eau chaude, un bureau, une table de nuit et même un balcon.

Autrement dit, je suis vraiment bien logée, et je me sens même capable de l’apprécier.

Quant à  la moustiquaire, un peu d’insistante souriante mais ferme, suivie d’un petit baat-cit en hindi avec le garçon dépêché pour résoudre le problème ont suffi pour m’en obtenir une nouvelle.

Dans quelques jours, j’en suis sûre, j’aurai eu l’occasion de refaire le tour de mon territoire en ville (enfin, de ce qu’il en reste après un an de constructions et de destructions urbaines) et de m’habituer à  ce nouvel IUCAA qui sera mon “chez moi” durant ces dix prochains jours.

Ma famille adoptive me manque, cependant – et me trouver ici ne fait que rendre ce manque plus présent.