Procrastinons [en]

Il y a la fuite. Et il y a la fuite de la fuite.

C’est cette dernière qui empêche la fuite d’être productive.

Refus [fr]

Franchement, je préfère ne pas y aller. Il fait noir là-dedans, et il y a des loups. Je te promets, j’en ai même vu, une fois. Puisque je te dis. Je ne m’en sors pas si mal. Tu vois, si je reste debout comme ça assez longtemps, je ne sens plus rien. Donc c’est pas si grave. Je vais attendre que ça passe.

Et puis il y a des moments où je peux même jouer. Ça ne me fait rien quand je joue. C’est quand même mieux que d’aller me promener dans le noir avec les loups!

Tu veux vraiment que j’y aille? Ah non, pas question! Tu ne me feras pas aller là-dedans. Je suis plus forte que toi, tu sais. Surtout quand j’ai peur. Ben oui j’ai peur d’aller toute seule dans le noir! Ah bon? tu veux venir avec moi? Quelle idée! Oui mais bon, ça va rien changer. Il fera toujours aussi noir. Et tu ne pourras pas me sauver des loups.

Non, non et non! Tu ne me feras pas aller. Je m’échapperai! J’oublierai le chemin. Je me perdrai. Je veux rester tranquillement ici. Ça finira bien par s’arranger tout seul, je le sais. Si.

Non, je ne bougerai pas. Puisque je te dis que je n’ai pas de problème! Tout va bien! Mais oui, promis. Regarde, est-ce que j’ai l’air d’aller mal? Je me débrouille très bien toute seule. Je n’ai besoin de personne! Personne, tu entends? Pas même toi!

Tu ne comprends pas que si je suis ici, c’est bien parce qu’il m’est impossible d’aller dans cette saleté de forêt? Les loups ont déjà failli me manger une fois. Ils m’ont attaquée, mordue, déchirée. Alors je me suis mise en boule et j’ai fait la morte. Je ne sais plus trop bien ce qu’il s’est passé ensuite. Peut-être que je me suis endormie, ou alors les loups sont partis, je ne sais plus. Je me suis retrouvée ici &mdash j’avais tellement mal que je ne pouvais plus bouger.

Je suis restée longtemps immobile. J’ai oublié la douleur. Ou bien je m’y suis habituée, je ne sais pas trop. J’ai réappris à  marcher. Je cache mes cicatrices sous de longs habits.

Je suis allée m’installer le plus loin possible des loups. Parfois je les entend hurler la nuit. Alors je me réveille, en sueur, et j’ai mal partout comme s’ils étaient là, à planter leurs dents dans mon corps.

Mais en général ils ne me dérangent pas. Ils sont loin, dans la forêt noire. Moi je reste à  la lumière. Je reste sans bouger à  fixer le ciel, et je ne sens plus rien. Ça me va tout à fait. Un jour ça passera, quand quelqu’un sera venu tuer les loups pour moi. Mais je préfère attendre, je ne veux pas aller là-bas.

Alors arrête de m’embêter, d’accord? J’irai pas. J’ai pas envie d’avoir mal.

Vivre [en]

Ce n’était pas vraiment son intention. Il voulait faire bien. Arriver quelque part. Il voulait son nom dans la tête des gens – ou peut-être sur une couverture de livre. Laisser une trace, c’est important.

Mais la vie a ses lois. Elles sont dures. Si on ne les écoute pas, on n’arrive nulle part.

Les années derrière sont vides, et il n’a que peu d’espoir pour celles qui viennent. Il ne veut pas porter tout ce poids. Il voudrait que les choses se fassent d’elle-mêmes.

Mais elles ne se font pas. Les années derrière le lui rappellent. Ni femme ni enfants, ni vrai métier, quelques amours ébauchées au passage.

Ce n’est que maintenant qu’il commence à  s’en rendre compte. Sa vie n’appartient qu’à  lui. Il en est le roi. Mais il ne veut pas de cette couronne. Elle est lourde et fatigante, parfois.

Ce n’était pas son intention d’en arriver là . En fait, ce qu’il a toujours voulu par-dessus tout, c’est de ne jamais en arriver là . Ne jamais avoir à  regarder ce qu’il n’a pas fait, ce qui ne s’est pas passé. Ce qui ne se passera pas. Le chemin qui se ferme avant qu’il ait pu y mettre pied.

Elle marche dans sa vie comme la reine qu’elle est. Saluant la foule au passage, son regard s’attardant sur les champs et les villes qu’elle gouverne. La couronne pèse agréablement sur sa tête et ancre ses pieds dans le sol. C’est à  elle, tout ça. Sa responsabilité, son œuvre, sa victoire.

Ce ne fut certes pas toujours facile. Il y eut des guerres, des famines, des tremblements de terre. Mais son peuple avait confiance en elle. Elle savait ce qu’il y avait à  faire, et elle le faisait.

Elle a pris les décisions qui étaient les meilleures pour la marche du pays. Il a prospéré, produit du blé de l’or des arts des sciences, exporté ses richesses vers les pays voisins. En échange, les pays voisins lui fournissaient ce dont il manquait.

C’est le moment de partir, maintenant. Elle a accompli sa mission et pris soin de son pays. Sa vie, elle y était. Elle est fière de ce qu’elle a accompli et vécu. Cette vie était bonne, dit-elle. Et ce moment présent, lui aussi, est bon.

La folle du 15 (suite) [fr]

Suite à l’épisode précédent, j’ai reçu une réponse de la gérance:

Nous nous référons à votre courrier du 19 janvier 2002 dont le contenu a retenu toute notre attention.

Nous portons à votre connaissance que votre plainte, pour être valable juridiquement doit être signée par plusieurs locataires de l’immeuble que vous occupez et sommes au regret de vous informer que nous ne pouvons pas intervenir.

Au vu de ce qui précède, nous vous conseillons de déposer une plainte pénale auprès du Juge.

[Salutations d’usage]

J’ai immédiatement appelé la gérance pour leur expliquer que je voyais mal les autres locataires de l’immeuble signer une plainte concernant des coups de fil que je recevais et qui menaçaient mon chat. J’ai aussi expliqué que mon but n’était pas de faire mettre cette dame hors de son appartement, mais qu’elle cesse de m’importuner.

Rien à faire. Je me suis heurtée à un vieux disque rayé – dont la voix paraissait pourtant jeune.

La police m’a confirmé qu’une plainte pénale n’avait pas beaucoup de chances d’aboutir. La fréquence des coups de fil n’est pas assez élevée pour légitimer une plainte pour harcèlement, et des menaces contre un chat n’ont semble-t-il rien d’illégal. Sans compter que cela me semble un peu dramatique de me lancer dans une histoire de plaintes pénales et de juges… N’y a-t-il pas de solution un peu plus “light”? *soupir*

Inévitablement, la première réaction à mon histoire est “essayez de garder votre chat dedans”. Ça me ferait bien rire si je n’étais pas inquiète.

Prochaine étape: lettre au Juge d’instruction exposant la situation et demandant son conseil. Copie à la gérance (avec quelques précisions concernant leur réponse un peu ridicule, et une demande de séance de conciliation). Eventuelle copie à la dame en question.

Autres suggestions?

Non, je ne veux pas déménager. Ni garder mon chat dedans toute la journée.

La folle du 15 [fr]

Je vous ai déjà parlé d’elle ici, ici, , et encore .

Durant la dernière année, elle a continué à me laisser régulièrement des messages sur mon répondeur – que je me suis fait une joie d’ignorer.

J’ai décidé d’écouter celui qu’elle m’a laissé ce soir. La dernière fois, il y a quelques semaines, j’avais décidé que si elle récidivait j’allais agir. Il fallait donc que je sache ce qu’elle me racontait. Je le retranscris ici, espérant que cela vous amusera (consternera?) autant que moi.

Comme j’ai des scrupules concernant le lavage de linge sale sur le web, je vous fais grâce du nom de la dame (et de sa voix inimitable).

C’est G. K. Cette fois j’en ai par-dessus la tête, je ne suis pas la seule d’ailleurs, mais je suis la seule à oser vous le dire.

Votre chat était sur mon paillasson à hurler à la mort. Je l’ai mis dehors, il est bientôt sept heures (il est six heures vingt), il fait froid, alors vous allez vous occuper de votre chat, parce qu’encore une fois comme ça et je vous garantis que votre chat, vous ne le trouvez plus!

Des menaces? Demain matin, j’appelle la gérance.

Si vous êtes tentés de me dire que je prends les choses trop à coeur et qu’il faut dédramatiser, merci de vous en abstenir.

Pottermania [en]

My stepmother complains that she got the Harry Potter virus from me: I gave her the first book for Christmas, and she has now ploughed through the whole series – twice.

Unfortunately, it seems that she is not the only victim of the teenage wizard. I highly suspect they curse the books in the shops to force you to swallow them down straight in one go.

[link courtesy of the Incomparably Leaky Cauldron]

Quotidien [en]

Plus j’avance dans la vie, et plus j’ai l’impression que l’important, ce sont les petites choses. Les petites attentions que l’on se fait, où que l’on fait à  l’être aimé.

Parce qu’au fond, la vie, nous la vivons dans le quotidien. Ce sont les repas de midi, la pause avec les collègues, le retour à  la maison, et encore la douche du matin qui font notre vie, bien plus que les vacances aux Maldives ou l’expédition annuelle au Luna Park.

Soignons les détails.

Commencements [en]

Ce sont les petites choses qui me posent le plus de problèmes. Les grandes, vois-tu, je peux les commencer sans courir le risque de les finir.

Interpretation [en]

He held up a mirror of words in front of me. I peered into it – only to be greeted by a stranger’s face.

“That’s not me!” I squealed.
“Of course it’s you,” he replied calmly. “When you look into a mirror, you see yourself, don’t you? It’s you.”
“Yes, but— but those are your words, aren’t they? I mean, this isn’t a real reflection, it’s gone into your eyes and back!”

The reflection broke out of the mirror and set off to greet my friends, waving to them.