Plagiat et piratage: pas la même chose [fr]

[en] Copying files and redistributing them (aka "piracy") has to do with distribution. Plagiarism, on the other hand, has to do with attribution. Two very different things that I'm sick and tired of seeing confused ("hey, you're not against file-sharing, so why do you complain when people lift your blog posts and republish them elsewhere?")

Cela fait bien longtemps que je désire clarifier une confusion que je vois souvent: celle entre “piratage” (entendons: copie de fichiers) et plagiat.

En effet, si je minimise (selon certains) la gravité du problème que représente le piratage, je m’élève absolument et radicalement contre toute forme de plagiat.

C’est parce qu’ils confondent les deux que certains se retrouvent à me dire “oui mais bon, toi qui défends (!) le piratage, tu peux pas te plaindre quand on utilise tes textes sans permission!” Eh ben si, ils ont tort, et je peux.

Explication: le plagiat consiste à faire passer pour sien le travail créatif d’autrui; le “piratage” consiste à distribuer ce travail contre la volonté du détenteur des droits.

Exemple: si je suis une méchante pirate et que je télécharge ou redistribue une chanson de Madonna, il est très clair que Madonna est l’auteur du morceau en question. A aucun moment, dans l’acte du partage de fichier ou du “téléchargement illégal”, je ne prétends que cette oeuvre est la mienne.

Autre exemple: si je trouve un article sympa sur un blog et que je le copie-colle dans le mien sans en indiquer la source ni l’auteur, je suis une vilaine plagiaire (ça vaut pour les étudiants qui font de même dans leurs travaux académiques). Je me fais ainsi tacitement passer pour l’auteur.

Encore un autre exemple: si je prends une chanson de Madonna et que je la distribue sur mon site en tentant de la faire passer pour mon oeuvre, je suis une vilaine plagiaire. (Et aussi un peu bête, parce que vu la popularité de Madonna, il y a peu de chances que mon subtil subterfuge passe inaperçu!)

Ça me paraît assez clair. Pourquoi tant de confusion?

C’est l’introduction de l’article Wikipédia cité plus haut qui m’a mise sur la piste. Il y a deux éléments complexificateurs (joli mot, hein?):

  1. le plagiat ne se limite pas à la copie à l’identique, mais est également invoqué en cas “d’inspiration” un peu trop lourde par une autre oeuvre, si celle-ci n’est pas reconnue
  2. “Le langage courant ne distingue pas en pratique entre le plagiat, qui relève de l’appréciation esthétique ou morale, et la contrefaçon, terme juridique, qui est un délit contre le droit d’auteur.” (Je vous cite ici directement l’article “plagiat” de Wikipédia parce qu’ils le formulent assez bien.)

Comme la désinformation ambiante assimile la copie de fichiers à de la contrefaçon (un autre article à écrire, si ce n’est pas une évidence pour mes lecteurs: la contrefaçon a pour objectif d’enrichir quelqu’un en cours de route), et que la contrefaçon est la forme juridique via laquelle on lutte contre le plagiat, il n’est pas étonnant que ce soit tout embrouillé dans la tête des gens.

Donc non, les pirates (ou copieurs de fichiers) ne sont pas des plagiaires, à moins qu’ils tentent de faire passer pour la leur l’oeuvre d’autrui. Je pense qu’on fait beaucoup de foin pour rien autour du piratage. Oui, clairement, les industries dont le business model repose sur le contrôle de la distribution de biens physiques comme supports d’oeuvres de l’esprit dans une économie de rareté ont besoin de se réinventer, mais au-delà de ça, c’est loin d’être la fin du monde et de la créativité.

Annoncer la paternité d’une oeuvre qu’on distribue, par contre, est quelque chose qui est pour moi d’une importance capitable, et je le défendrai bec et ongles. Certes, il y a le “plagiat inconscient“: on est sans cesse inspiré par ce dans quoi on baigne, au point de s’attribuer en toute bonne conscience ce qui est à autrui — je ne parle pas de ça. La création ex nihilo, je n’y crois clairement pas. Mais je crois qu’on se doit l’honnêteté intellectuelle de donner crédit à nos sources.

C’est pour ça que j’apprécie tant Creative Commons, qui offre des licenses mettant l’accent sur cette question de paternité, tout en levant beaucoup des restrictions sur la distribution qui sont intenables à l’ère du numérique.

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