Petit conte des transports publics [fr]

Deux ans qu’elle le croise dans le bus. Ils écoutent la même musique. C’est encore un gamin, il doit avoir à  peine deux ans de plus qu’elle. Il lui plaît bien, même s’il est bien sûr un peu trop jeune. Ils ne se sont jamais parlé.

La dernière fois qu’elle est descendue du bus, elle s’est retournée. Il lui a souri. Elle a souri aussi.

La prochaine fois qu’elle le verra, elle le saluera. Il lui répondra, et leurs sourires resteront accrochés quelques instants à  leurs visages. Ils ne seront plus des inconnus. Entre sourires et salutations, ils s’assiéront un jour sur la même banquette et échangeront timidement quelques mots.

De paroles banales en confidences un peu plus personnelles, viendra le jour où il lui proposera de prolonger la conversation à  l’extérieur du bus qui jusque-là  les aura chaperonnés. Ou peut-être sera-ce elle à  nouveau qui fera le pas ? l’histoire ne le dit pas, et cela n’a finalement pas grande importance.

Ce que dit par contre l’histoire, c’est que bien des années plus tard, il regarderont rire leurs enfants en repensant à  ce fameux bus et à  leur timidité d’alors. Ils frémiront en se souvenant qu’ils auraient très bien pu continuer à  faire semblant de ne s’être pas reconnus. Les gens bien n’adressent pas la parole aux inconnus, ici.

A quoi ça tient, des fois.

Away [en]

It’s almost eerie how easily I can bear the absence of someone I care for when I’m warned of the absence. And equally eerie how unbearable an unannounced absence can be to me.

Sociolinguistique [en]

Puisque j’en suis aux idiomes régionaux, Stéph cherche des volontaires suisses pour un projet de sociolinguistique:

Je me demande aussi si il y a des Suisses de tous âges, ainsi que des immigrants habitant en Suisse, qui voudraient partager leurs impressions sur les germanophones, et la situation linguistique, elle peut avoir trait à  n’importe quoi, de la politique à  votre voisin de palier, etc…

Stéph

Octante [en]

Internet me fait fréquenter un nombre impressionnant de francophones non-helvètes. J’ai appris à  leur contact que j’avais un accent et que j’utilisais des mots bizarres. J’ai beau le savoir, chaque fois que je me trouve en compagnie de français peu habitués à  côtoyer des gens de ma région (ceci exclut donc mes collègues français et l’helvète underground), je me retrouve inévitablement à  un moment où un autre de la conversation face à  des sourires ravis ou des yeux écarquillés.

Oui, je dis vraiment septante, huitante, nonante. Et le pire, c’est que je ne m’en rends pas compte.

Pas plus que quand j’ai dit à  ce pauvre Karl que je m’étais encoublée sur quelques fautes d’orthographe (ou carrément sur son site, je ne suis plus sûre, c’était il y a un bail). J’ai eu droit à  un mail en retour assez surpris, dont je n’ai malheureusement plus trace.

Lors de cette visite à  Paris, j’ai donc eu droit à  un regard interrogateur mais néanmoins fort souriant de Flaoua lorsque je lui ai demandé si elle avait un foehn; Bingirl, un sourire ravi aux lèvres, me demande de répéter un nombre que je venais de dire et qui devait contenir un joli septante ou nonante. Et la fameuse roille, celle qui a fait tomber à  l’eau l’expédition à  roller, elle en a aussi laissé plus d’un perplexe…

Mais venons-en à  l’objet de ce billet: octante. J’avoue que je n’avais jamais (au grand jamais!) entendu ce mot étrange avant qu’un certain nombre de personnes sur IRC me sortent des “ah oui, en Suisse vous dites ‘octante’, juste?”

Octante? Ça se mange, cette bête-là ?

Fouilles faites, il semblerait que mot ait tout de même été utilisé à  une époque:

Un certain nombre de sources affirment que le synonyme (et doublet) octante est encore employé en Suisse romande […]. Pier (1926) écrit en fait : Nos anc. textes donnent très souvent octante ; il est fr. vieilli (voy. les dict.) et hors d’us. en Suisse romande sauf dans le langage administratif des Postes suisses. Or, de nos jours, cette forme n’est plus du tout employée en Suisse romande, aux Postes ou ailleurs, dans quelque canton que ce soit.[…]

langue-fr.net

Je profite de ce billet pour citer quelques helvétismes que j’affectionne (en attendant d’acheter le Dictionnaire Suisse Romand et de vous inonder). Tout d’abord, à  la piscine, on fait attention de ne pas se noyer quand on n’a pas son fond, et on va aux linges (parce qu’une serviette c’est un machin qu’on met autour du cou pour manger). Les gens qu’on ne tutoie pas, on les vousoie (avec un seul “s”, s’il-vous-plaît), et si on est méchant, on appelle le Lac de Sauvabelin une gouille.

Comme toujours, j’ai certainement oublié les mots qui feront glousser le plus joyeusement mes lecteurs français (ou québécois?), parce que bien évidemment ce sont ceux qui ne sont pas étiquetés “mot bizarre” dans ma tête, et que je prononce au détour d’une conversation avec le plus parfait naturel…

Photos de Paris [en]

Vous avez aimé le récit du week-end, et vous mourez d’envie de voir à  quoi cela ressemblait? Voici, enfin, et dans un format pas trop indigeste pour votre bande passante, les photos (un peu floues) du week-end à  Paris.

Les aimables lecteurs sont priés de ne pas tenter de se faire de l’argent sur mon dos en revendant les photos compromettantes de célebrités blogosphériques contenues dans cette gallerie. Nous avons les moyens de vous retrouver.

Nuits entre amis [en]

Hier soir au Château (un lieu à  ne pas rater si vous visitez ma belle ville), question de nos voisins de table suite à  une anecdote racontée par ma soeur adorée: “Le mec qui passe la nuit dans le même lit qu’une fille qui lui plaît sans la toucher, il marque des points, ou bien?”

Réponse d’Isabelle avec démonstration en quatre points: oui, dans tous les cas de figure il marque des points. Regardons ces quatre hypothèses:

Petit “a”: la fille n’a en fait pas envie.
Le mec marque des points, parce qu’il reste “correct” et ne lui fait pas d’avances qu’elle refuserait, ce qui mettrait à  mal la relation “amicale”.
Petit “b”: la fille aurait envie, mais elle est timide et a la trouille.
Le mec marque des points, parce qu’elle se sent respectée et pas brusquée. Du coup, elle peut avoir moins peur et plus envie pour la prochaine fois.
Petit “c”: la fille aurait envie, mais aimerait qu’il fasse le premier pas.
Le mec marque des points, parce que la fille sera monstre frustrée, ce qui ne manquera pas de verser de l’huile sur le feu de son désir.
Petit “d”: la fille en a envie et n’hésite pas à  prendre l’initiative.
Le mec marque des points, parce que bingo!

Isabelle

Moralité, les mecs: dormez “entre amis” avec les nanas sans vous jeter sur elles, ça ne peut pas faire de mal! 🙂

Souvenir élastique [en]

Les souvenirs se modifient avec le temps. C’est un phénomène connu, recherché et documenté. Pourtant, on croit à  nos souvenirs. Il est dans leur nature de nous paraître le reflet exact de ce qu’il s’est passé ou de comment l’on s’est senti.

Mes souvenirs sont en train de tricher. Je le sais, parce que j’ai pris des notes sur le moment. Mon intellect a tout enregistré et sait très bien comment je me sentais à  ce moment-là , mais je me mets à  croire ma mémoire qui me dit que c’était autrement.

Alors les regrets commencent à  prendre le pas sur ma certitude d’avoir agi au plus près de mes émotions, d’avoir été fidèle à  qui je suis, et de ne pas avoir abdiqué une part de moi-même pour un possible qui semblait s’offrir.

Ou pas.

Un long week-end à  Paris [en]

Compte-rendu du week-end que j’ai passé à  Paris, sous prétexte de souper-rencontre du canal IRC #echoes.

Les week-ends à  Paris, je commence presque à  avoir l’habitude. Je ne me perds plus dans la Gare de Lyon, je reconnais le Quai St-Michel, je traverse le Louvre d’un pas assuré pour aller faire un tour dans les jardins de Palais-Royal, et j’achète maintenant d’entrée un carnet de tickets de métro.

Le prétexte à  cette escapade était le souper #echoes, organisé pour fêter le premier anniversaire du canal IRC où je traine depuis un peu moins d’un an. Je ne vous referai pas un compte-rendu factuel du souper lui-même avec liste des présents, le lien ci-dessus devrait suffir à  assouvir votre curiosité.

J’avoue avoir eu une nette préférence pour la partie “restau” de la soirée, ce qui ne surprendra certainement personne qui me connaît un tant soit peu. Le bar, avec la fumée qui m’explose les yeux, l’alcool qui coule à  flots, le bruit, le monde, et la fatigue irrépressible minuit passé (vu mon grand âge), c’est moins ma tasse de thé. Mais bon, c’était sympa tout de même 🙂

Comme on ne s’est pas privé de le dire, le problème des “grandes rencontres” (une trentaine de personnes au total) c’est leur superficialité. On ne fait qu’effleurer ces gens avec qui on a parfois un long historique de conversations en tête-à -tête et à  coeur ouvert sur le net, et on reste un peu sur sa faim. Pour ma part (même si je ne regrette pas une seconde d’être venue, j’ai passé une bonne soirée!) je préfère clairement voir moins de gens et pouvoir leur parler plus longuement.

J’avais dit à  Flaoua que je dormirais dans la baignoire s’il le fallait, lorsque sont apparus au programme des problèmes de place. Finalement, on n’en est pas passé loin, puisque les ronflements en concert de Fg, PatrikRoy et Kobal2 m’ont assez rapidement persuadée de ramasser mon lit de fortune pour m’installer dans la salle de bains, tout à  fait spacieuse et habitable au demeurant. Le chat n’a pas tardé à  me rejoindre pour têter mon bras et me bercer de son ron-ron.

On retiendra également le passeport de Kitof, resté sagement à  la maison alors que son propriétaire comptait partir en Grèce le lendemain. Heureusement qu’il y a le TGV et que Lyon n’est qu’à  deux heures de Paris…

J’ai bien fait de prendre mes rollers. J’ai réussi à  les chausser chaque jour ou presque, et Paris est une ville joliment plate. Du coup, ça m’a donné le courage de mettre mes roues pour me rendre à  mon entraînement de judo hier soir — et je peux vous assurer que les trottoirs lausannois sont bien plus lisses que ceux de Paris (même si l’avenue Daumesnil fait bien concurrence aux quais d’Ouchy, le lac en moins).

La sortie prévue samedi après-midi est littéralement tombée à  l’eau. CourtJester a déclaré forfait pour une raison inconnue (nos enquêteurs travaillent encore sur l’affaire), et Kyz est resté muet à  mes appels sms (on soupçonne qu’il a rencontré une jolie fille sur le chemin du retour la veille au soir). Kwyxz a répondu présent à  l’appel, mais on a eu droit à  une bonne roille qui a détrempé tout ce qui ressemblait de près ou de loin à  un trottoir. Inutile d’insister.

Il y a des jours où je hais mon téléphone mobile. Samedi a été l’un de ces jours. Alors que je me tâtais pour la suite (rejoindre ledit Kwyxz pour une partie de console, ou faire du tourisme-shopping), mon appareil chéri, qui subissait depuis peu des ralentissements fâcheux, m’a fait le coup du « Je peux plus ! Y a plus de place ! J’étouffe ! » avant de clairement planter et refuser toute tentative de redémarrage.

Je vous conseille, au moins une fois dans votre vie, de faire l’expérience de vous retrouver dans une ville étrangère sans un seul numéro de contact ni même l’adresse de la gentille personne qui vous héberge. Je peux vous dire que pendant une bonne heure, j’ai flippé. En gros, mon téléphone me disait clairement qu’à  moins que je n’efface certain choses pour y faire de la place, il refuserait catégoriquement de démarrer et de me donner accès à  mes numéros de téléphone. Bien entendu, pour faire de la place, j’avais besoin qu’il démarre… Merci Microsoft.

J’ai d’abord essayé France Telecom (Orange, non ?) en pensant qu’ils pourraient peut-être m’aider. Erreur. En plus, le gars était aimable comme une porte de grange. Direction la FNAC, avec l’idée d’acheter de téléphone le moins cher sur le marché pour qu’au moins je puisse être joignable. 109€. Me voilà  donc en larmes au milieu des Halles, à  me demander comment je vais me sortir de ce mauvais pas.

« Si je me retrouvais dans une situation similaire en Suisse, étrangère en rade dans une ville inconnue pour cause de téléphone grincheux, les gens auraient été beaucoup plus gentils et aidants que ces parisiens froids et antipathiques. » Que cela soit ou non vrai importe peu, mais dans ce genre de circonstances cette impression se fait insistante et enfonce encore un peu plus le moral. Bien sûr que l’on n’est jamais aussi bien que chez soi.

En y réfléchissant après coup, je me dis que ce qu’il manquait pour moi de la part de ces gens, c’était un peu d’empathie. De l’aide concrète, je ne sais pas s’ils pouvaient vraiment m’en apporter. Mais ils avaient une façon de me laisser complètement seule avec mon problème que j’ai trouvée brutale. Je pense qu’on est différents dans ma région, mais je me trompe peut-être.

Assise sur les marches quelque part près de la rue Saint-Denis, je retrouve mes moyens. Dans le pire des cas, j’irai chercher de l’aide sur IRC. J’essaie quand même de faire redémarrer mon téléphone une énième fois et… miracle ! C’est lent, je ne peux pas envoyer de messages, mais au moins, il est allumé. Je vous passe les détails de la chasse au café Internet, au sortir duquel j’appelle Kwyxz qui avait justement rendez-vous avec les personnes que je devais retrouver.

Une petite balade à  roller plus tard, on rejoint les autres près de la Place Monge. La plupart disparaissent dans le sous-sol glauque et sombre d’un bar, alors qu’un petit groupe dissident prend racine au milieu de la place après avoir brièvement mais sans succès tenté de squatter deux tables sur une terrasse bien trop chère. Brut de pomme, lapin bleu, et téléphone récalcitrant nous tiennent compagnie. On finira par aller se gaver de pâtes chez Pasta Papa. La seule véritable victime de la soirée fut la voiture de Mr_Peer, kidnappée par les flics (rectification: par les lutins).

J’ai passé un dimanche plus tranquille. Partie pour faire la touriste, je renonce à  prendre mes rollers (ce que je regretterai toute journée), je mange entre Odéon et Saint-Michel, réalisant que c’est dans ces rues mêmes que je me suis baladée avec Steph l’année passée. Direction l’autre rive de la Seine, passant en chemin devant la pizzeria de vendredi soir. Je viens de coller ensemble deux morceaux de Paris. Je flâne sur les quais, puis décide de continuer sur mes traces revoir les jardins de Palais-Royal avant d’aller faire du lèche vitrine dans le Marais.

Alors que je traverse le Louvre, un homme qui marchait depuis un moment à  peu près à  ma hauteur m’interpelle. Je m’y attendais un peu, allez savoir pourquoi. Il a un gros appareil de photo, il aimerait prendre mon portrait. Contre toute attente, j’accepte, bien gênée et rougissante. Il prend quelques photos, me pose quelques questions ; je lui laisse une adresse e-mail pour qu’il m’envoie une copie. Je prends congé et m’enfuis, farouche tout de même, déclinant l’invitation à  boire un café.

Je passe mon après-midi à  prendre des photos et à  marcher. Je me perds, bien entendu. Je cherche le Marais dans le neuvième (les parisiens comprendront), ce qui a bien fait rire les deux policiers à  qui j’ai demandé mon chemin. Je trouve le Marais, je lèche les vitrines, et je finis par m’écrouler, affamée, dans un joli petit bistrot.

La journée se termine par une soirée fort sympathique, tranquille comme je les aime, en compagnie de Kalou, Psychotruc et Flaoua. Un peu de blablatage, de la nourriture indienne plus que mangeable, un DVD GirlPower.

Une nuit de sommeil bien agréable plus tard, je m’en vais rollers aux pieds et sac sur l’épaule direction Gare de Lyon, d’où je prendrai le TGV en début d’après-midi — non sans avoir auparavant embrassé en douceur un trottoir de la Place de la Bastille…