[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.
Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).
Depuis bientôt dix ans que je fréquente des blogueurs, j’en vois régulièrement qui succombent à la pression de leur lectorat. C’est ainsi qu’ils le présentent, en tous cas. Ils ne peuvent plus tenir le rythme de publication. Les commentaires de leurs lecteurs les minent. Leur public a des attentes, et ils n’arrivent pas ou plus à y répondre. Ils sont trop sollicités.
Alors ils arrêtent de bloguer, se fendant d’un long (ou très bref) billet explicatif.
Et à chaque fois, je lis, un peu médusée, et je peine à comprendre. Tout l’attrait du blog, pour moi, c’est la liberté qu’il confère à son auteur. Les seules contraintes sont celles que le blogueur s’impose. S’il cesse d’écrire à cause des attentes de son public, n’écrivait-il que pour celui-ci en premier lieu? N’avait-il pas peut-être lui aussi, des attentes peu réalistes (d’une certaine forme de reconnaissance, à tout hasard) pour son lectorat? Le problème est-il vraiment avec ses lecteurs, ou est-il plutôt entre lui et lui?
Ceci n’est qu’une situation parmi d’autres où je vois que les avancées technologiques nous offrent l’occasion de grandir en tant que personne — plutôt que d’en devenir l’esclave (à l’image des blogueurs dont il est question ci-dessus) ou de les rejeter un bloc (mouvement de retour de balancier, parfois).
Le téléphone mobile nous rend joignable en tous temps? On apprend à ne pas y répondre juste parce qu’il sonne. On le met sur silence. On l’éteint. On filtre les appels. On reprend le contrôle.
Le chat nous permettrait de bavarder à longueur de journée? On apprend à se discipliner, à mettre des priorités sur certaines activités (travailler, peut-être?), à dire gentiment mais fermement que l’on n’est pas disponible maintenant. A approcher les autres avec un peu de retenue, aussi.
Les e-mails arrivent dans notre boîte de réception à toute heure du jour et de la nuit? On apprend à filtrer, à ne pas répondre à tout dès que possible, à basculer vers un autre mode de communication lorsque c’est plus adéquat.
Le blog et la publication en ligne ont fait de nous un micro-célébrité? On apprend à voir plus loin que la satisfaction un peu compulsive de l’attention reçue, à reprendre contact avec les motivations profondes et saines qui nous poussent à faire ce que l’on fait, et à mettre des limites aux sollicitations quasi-infinies du monde extérieur.
Un fil rouge, ici: être au clair de ses attentes, connaître ses besoins et ses limites, les faire poliment respecter lorsque c’est nécessaire. Dans le monde ultra-connecté qui devient le nôtre aujourd’hui, les compétences que l’on regroupe souvent sous l’expression un peu réductrice “savoir dire non” sont une question de survie. Et ce n’est pas plus mal.