Déjà dimanche soir [en]

La vie fait semblant de reprendre son cours. Le quotidien semble normal, les émotions retombent.

Et soudain, comme quand on réalise que dimanche soir est déjà là et que le week-end n’a pas suffi avant de reprendre le travail, ça remonte, les larmes, tout.

Tu n’es bel et bien plus là, partie pour de bon, j’ai vu ton cercueil descendre en terre, je repense à toute la douleur additionnée des personnes qui étaient là pour te dire au revoir, et toutes celles encore qui n’ont pas pu être là mais qui n’en ont pas moins pleuré, et pleurent encore.

C’est le réveil du mauvais rêve au matin, dont on réalise après un bref instant qu’il n’est justement pas un rêve, mais le réel. Un réel tellement irréel qu’il a la texture du rêve, parce qu’on ne peut faire autrement que de le garder à distance – si intense qu’il nous renverse à terre à chaque fois.

J’essaie d’imaginer ton dernier jour, ta dernière heure. Ta dernière semaine, ces échanges qui semblent si incompatibles avec ton départ. J’essaie mais j’échoue. J’essaie de comprendre, et des fois je crois que j’arrive, puis je n’arrive plus. Il y aura toujours quelque chose qui m’échappera, parce que le sens du chemin que tu as pris, il était visible pour toi, et je n’ai pas tes yeux, je ne suis pas toi.

L’altérité irréductible de l’autre.

Nos échanges vont me manquer. On aurait pu parler de ça. De ce qui fait une personne et ses possibles. Ses impossibles aussi. Ton énergie et ton esprit positif également, ils vont me manquer. Mais en le disant, l’impossibilité de réconcilier ça avec le désespoir implicite que tes actions ont crié plus fort que n’importe quel mot me laisse bien désemparée.

Je fais de mon mieux pour ne pas arroser mes regrets. Je tourne le pot dans lequel ils essaient de pousser pour les mettre face à l’avenir plutôt qu’au passé, et ils se transforment en tristesse. Le regret n’est qu’un masque, qui tombe quand on comprend qu’il n’est que le reflet de l’impossibilité future.

Que c’est futile, au fond, de regretter une chose pas dite, un appel pas fait, une rencontre pas organisée, une chose pas entendue, quand la mort signe un “jamais plus” pour tout l’avenir – une myriade de mots, de gestes, de sentiers de montagne, de rires pour des bêtises, de moments d’échange profonds, de tout ce qui fait une vie et qui ne sera tout simplement pas, encore et encore, chaque jour, chaque semaine, chaque mois et chaque année qui passe. Le masque du regret est bien trop petit pour obscurer tout ça.

C’est si dur, l’absence définitive.

Parfois je voudrais presque, sans le vouloir vraiment, la consolation qu’apporterait la croyance en un après ou un ailleurs. Sans le vouloir, parce que je suis bien au clair sur ce que je crois, et surtout ce que je ne crois pas. Vouloir cependant, parce que ça ferait moins mal. C’est quelque chose que tu aurais compris, j’en suis sûre.

Demain le jour sera un peu plus gris, même si la vie fait semblant de reprendre son cours, parce que je me réveillerai demain matin sans pouvoir croire que c’était un mauvais rêve.

One thought on “Déjà dimanche soir [en]

  1. Chère Steph’

    La douleur ne disparaît pas. On l’apprivoise. Petit à petit.
    Puisse ce texte très émouvant faire partie de ce chemin.
    Je t’embrasse.

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