Depuis quelques jours les mots me démangent. Me chatouillent, plutôt. Ce n’est pas désagréable. Deux livres en papier, écrits par des hommes que je connais et dont j’aime l’esprit, se sont mis d’accord récemment pour venir remuer un peu la fourmilière calme où dormaient mes mots.
Le réel a quelque chose de fondamentalement textuel, pour moi. Le language est mon véhicule. Il en existe d’autres, bien entendu. Mais le mien c’est les mots.
J’ai été embarquée ce week-end par un élan nécessaire, et bienvenu, mais qui ne m’a pas laissé l’espace pour lire, pour écrire.
Ce n’est pas grave, juste un peu frustrant.
Frustrant, comme l’inadéquation entre mes projets et désirs, assez nombreux pour remplir trois ou quatre vies, et la finitude du temps qui passe et qui m’est offert pour leur donner un toit.
Alors, dans la fatigue du soir, avant de tourner des pages en papier, je me donne un peu de place pour voir ce qui vient.
Ça vient, mais pas ce que je voulais. Je voulais quelque chose à partager. Quelque chose qui amène quelque part. Qui offre un peu de lumière. Quelque chose qui élève, qui entrouvre une fenêtre dans le coeur ou dans l’âme.
Pas quelque chose qui plombe.
Les choses qui plombent, c’est ennuyeux, car quand on les lâche dans la nature, ceux qui les trouvent ne peuvent s’empêcher de s’interroger, de s’inquiéter, d’y lire des choses qui n’y sont pas.
Car au fond, ce qui plombe vraiment, c’est de garder les choses à l’intérieur. Donner une voix à ses ombres, c’est les reconnaître et les accueillir, c’est leur ôter une partie de leur pouvoir. La lumière les colore et les apaise. Il faut les écouter quand elles souhaitent qu’on leur ouvre la porte du cahier, du clavier, de l’écran ou de la chanson.
Alors je garde précieusement quelque part mes petits mots plombants, parce que je vais bien, au fond, et que je pense à toi, lecteur, lectrice, ami ou amie, qui pourrais voir entre les lignes des grains de poussière qui ne sont qu’un détail presque insignifiant dans l’épais mille-feuilles du réel, généreusement fourré de crème pâtissière et garni d’un glaçage bien rose et brillant.
J’adore ta façon d’écrire