Ce qu’elle voulait plus que tout, c’était raconter des histoires. Des histoires qui feraient rêver, ou bien qui feraient peur. Des histoires mystérieuses ou intrigantes, qui emporteraient leur lecteur très loin de son monde à lui.
Hélas, nulle histoire ne pointait le bout de son nez. Elle avait beau essayer, rien ne venait: elle ne savait pas comment faire.
Elle décida un jour d’aller consulter un vieux sage.
– J’aimerais tant savoir inventer des histoires, lui dit-elle.
L’ermite la regarda quelques secondes et répondit sèchement:
– Mais tu ne fais que ça! À longueur de journée, tu te racontes des histoires. Sur ce qui va arriver, ce qui pourrait arriver, sur les autres, sur toi-même. Tu sais très bien inventer des histoires. Maintenant, fiche-moi la paix et va écrire!
Un peu heurtée par la rudesse du vieillard, elle prit le chemin du retour. Oui, elle passait son temps à se demander ce qui allait arriver, à échafauder des plans et des scénarios — mais pour elle, c’était bien différent de ce qu’elle voulait faire. Elle ne voulait pas parler de la réalité! Elle voulait inventer des histoires qui n’existaient pas.
Durant les jours qui suivirent, elle repensa aux paroles du sage. Au fond, les histoires qu’elle imaginait pour se protéger contre trop d’inconnu avaient peut-être aussi peu de rapport avec la réalité que celles qu’elle désirait inventer.
Alors elle se mit à écrire. Tous les jours ou presque. Elle inventait des histoires, et tant pis si elles étaient farfelues. Au fil des mois et des années, elle prit de l’assurance. Le vieil ermite avait raison, pensa-t-elle; je sais très bien inventer des histoires, au fond.
Et un beau jour, sans avoir trop compris comment, elle avait imaginé une histoire qui était en train de devenir un livre.