Dans un éclair vengeur de lucidité, je viens de comprendre la différence fondamentale entre <cite>
et <q>
. Que ne l’ai-je compris plus tôt, cela m’aurait évité de me trouver à présent face à des dizaines de pages truffées de <cite>
employés à mauvais escient.
Je m’explique. Autrement dit, faisons un peu de linguistique. Je me permets en passant de vous recommander l’excellent ouvrage de Anne Herschberg Pierrot: Stylistique de la prose (Belin), qui explique dans un langage clair et à grand renfort d’illustrations bon nombre de subtilités de la langue française. Un livre à avoir dans sa bibliothèque si l’on écrit un tant soit peu.
Ma confusion vient, je le soupçonne, de l’existence d’un seul mot en français (citer) pour rendre compte de to cite et to quote en anglais. Eclaircissons.
Dans tous les cas, lorsque l’on cite, on intègre dans son propre discours des paroles qui ne sont pas les notres. Une signalisation typographique comme l’italique ou les guillemets indique dans ce cas au lecteur une frontière entre “mes mots” et “les mots de quelqu’un d’autre”. (Ce n’est bien sûr pas le seul rôle des italiques et des guillemets – on en parlera un autre fois, si ça vous intéresse…)
On peut distinguer deux façons principales d’employer les mots de la langue:
- en usage: “mon chat s’appelle Bagha”
- en mention: “chat est un mot de quatre lettres”
Le plus souvent, lorsque l’on cite le discours d’autrui, on se trouve dans un cas hybride que les linguistes appellent la connotation autonymique. Sous ce terme barbare (je vous l’accorde) se cache le phénomène suivant: en rapportant le discours en question, on vise à la fois ce dont il parle, ce qu’il dit, et sa qualité de discours prononcé par autrui, sa matérialité de paroles étrangères. En même temps on dit avec lui (usage) et on le montre (mention ou autonymie).
Lorsqu’un mot, une expression ou un discours fait entendre ainsi deux voix (ou plus!), on parle de polysémie (“plusieurs sens”). La polysémie est très répandue dans tous les niveaux de discours, du bavardage quotidien (mais oui, ne serait-ce que dans les fameux sous-entendus) à la poésie. Et c’est elle qui donne au langage une grande partie de sa richesse.
Maintenant que j’ai fini mon petit cours de linguistique, je me rends compte que la différence entre <cite>
et <q>
n’est pas la même que celle entre mention et usage, comme je croyais tout d’abord l’avoir compris. Quel dommange! Disons que ça aura servi de prétexte, je ne vais pas du coup vous priver de ce petit étalage de culture linguistique. A ma décharge, je crois qu’on peut néanmoins voir une parenté entre les deux. Enfin, si on veut vraiment.
Revenons-en donc à notre préoccupation première. <cite>
sert à indiquer une référence de type bibliographique, comme le nom d’un auteur, le titre d’un livre ou d’un magazine. <q>
sert à rapporter les paroles d’autrui. C’est donc le lieu privilégié de la connotation autonymique… euh oui, ok, je vous lâche avec la linguistique! ; )
Remarquons en passant qu’une fois compris cette nuance, les explications du W3C pour <cite>
et <q>
sont parfaitement claires. Disons tout de même que c’est mon fidèle HTML, The Definitive Guide qui m’a permis de trancher avec certitude.
tu peux nous donner un exemple de connotation autonymique? J’avoue que je pédale un peu dans la choucroute là …
Exemple tiré de Dominique MAINGENEAU, L’énonciation en linguistique française (autre bon bouquin à avoir sous sa table):
Il lui a expédié son “pavé” par la poste.
On fait ici usage du mot pavé, mais il est aussi en mention, pour le commenter: indiquer qu’il n’est pas tout à fait adéquat.
A plus ou moins forte dose, on fait toujours ça quand on reprend dans son discours les paroles d’autrui. On les utilise, mais on les montre aussi.