[en] A rant about the "translation" of the Occupy Movement by "les Indignés" in francophonia. Not the same movement. Occupy is a verb. "Indigné" is a state, an emotion, with moral undertones.
Ça date, Occupy, je sais. Vous qui connaissez plus d’une langue, vous avez déjà remarqué comment on perd parfois tout dans une traduction? Lost in translation. Etonnamment, le français n’a pas d’expression équivalente. En tant que bilingue français-anglais, je vois régulièrement ce phénomène à l’oeuvre dans les traductions de titres de livres ou de films, qui passent très bien en anglais et plus du tout en français. (Je ne parle même pas du doublage, qui a le don de transformer une chouette bande-annonce anglo-saxonne en un truc qui ne donne absolument pas envie de se pointer au multiplex.)
On a donc “Occupy”, aux Etats-Unis, et ici en Europe, en tous cas en français, on parle des “Indignés“. Quelle horreur! Je me fiche personnellement de savoir si les deux mouvements ont une origine commune ou non, toujours est-il qu’on les trouve “assimilés” ou “équivalents” dans les médias et donc, par extension, chez l’homme de la rue. La traduction française de “Occupy”, c’est “Indignés”.
Personnellement je n’ai jamais pu avaler ça. Les connotations sont si différentes! Comment les mouvements qui se rallient derrière ces deux noms peuvent-ils identiques? (Et qu’on n’aille même pas essayer de jeter là-dedans les émeutes de Londres, qui n’ont franchement rien à voir.)
“Occupy”, c’est un verbe. Occuper. Une action. Un impératif. “Occupy Wall Street”, c’est un slogan quasi militaire. L’Occupation, ça vous dit quelque chose? On va occuper les lieux. Il y a une prise de pouvoir, ou du moins une volonté de possession. On est là et on réclame notre place.
Etre “Indigné”, au contraire, c’est tout au plus un participe passé (par nature passif). Ou même, un adjectif. C’est émotionnel. C’est un état. Ça parle de ce qui se passe à l’intérieur de nous, et non de ce qu’on fait. On s’indigne, c’est super, et après? Aucune chance que je me retrouve là-dedans. Il y a une couleur morale, jugeante et passive dans ce mot.
Les mots qu’on utilise changent la façon qu’on pense. On sait qu’il y a un lien entre langue et culture. On peine à penser des choses qu’on ne peut mettre en mot.
“Occupy” et “les Indignés”, ce n’est pas la même chose.