Mais si, je parle du volcan! [fr]

Le nuage de cendres vu d'internet [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

Il y a quelques jours, sur Facebook, j’aperçois au passage un mot d’une connaissance qui espère que son vol de Londres vers les Etats-Unis ne sera pas annulé. Je me demande (et lui demande) pourquoi, puis retourne vaquer à mes occupations numériques et professionnelles.

Un peu plus tard, j’ai ma réponse via les gens que je suis sur Twitter: c’est le fameux volcan Eyjafjöll et son nuage de cendres. Je mets en branle ma machine à extraire des informations d’internet (mes dix doigts, mon cerveau, un moteur de recherche et mon réseau).

A quoi ça ressemble, alors, un nuage de cendres vu d’internet? Tout d’abord, ça ressemble aux sites web des médias traditionnels: 24heures, la TSR, la RSR, la BBC, CNN, Al Jazeera, Le Temps, le New York Times, le Guardian, Le Monde, Le Point, le Times… Très variables en richesse et fraîcheur d’informations, je dois dire. Mes préférés? la BBC en premier lieu, puis Al Jazeera, et 24 heures ainsi que la RSR pour un point de vue plus local.

Alors que dans le monde physique on achète “un journal”, on regarde “une chaîne de télé”, on écoute “une radio” — sur internet on va simplement lire ou regarder ce qui est intéressant. On pioche où on veut, quand on veut, comme on veut. On compare, on complète, on évalue, on se sert de fragments de la production des institutions médiatiques.

On fait une bête recherche sur Google, aussi.

On va bien sûr lire Wikipédia, halte incontournable en autant de langues qu’on peut se le permettre (anglais et français en ce qui me concerne). Pour un événement aussi majeur que l’éruption du volcan Eyjafjöll, Wikipédia est un excellent point de départ, proposant un survol tout de même assez détaillé et des liens vers des sources premières. Et contrairement à un article dans la presse traditionnelle, chaque page de Wikipédia vous donne accès au fameux onglet “discussion”, où vous pouvez prendre connaissance des débats éditoriaux qui sous-tendent la production de l’article.

Mais avant tout, un nuage de cendres vu d’internet, c’est Twitter. Twitter, c’est les gens que je suis, dont certains sont coincés à l’étranger ou chez eux par la paralysie de l’espace aérien. C’est les informations les plus fraîches ou les plus pertinentes qu’ils ont trouvées, et qu’ils retransmettent aux gens de leur réseau (ceux qui les suivent). Un travail d’édition formidable et collectif, donnant accès en temps réel aux sources premières disponibles sur le web. Une des grandes forces d’internet, je le répète souvent, c’est d’amoindrir (voire de réduire à néant) le rôle des intermédiaires établis, donnant accès direct aux informations de première main à qui veut bien cliquer sur quelques liens. Si on est un peu enquêteur dans l’âme et qu’on aime se faire une idée des choses par soi-même (oui, oui, le fameux esprit critique), c’est le paradis.

Twitter, ça m’amène partout: sur des articles des médias traditionnels que je n’avais pas encore vus ou pas trouvés par moi-même. Sur des récits de voyageurs bloqués ou en périple trans-européen. Sur des articles scientifiques, des images satellites ou des schémas du nuage, les sites des aéroports avec leurs annonces. Ça m’amène aussi sur Twitter (on boucle la boucle), où je découvre une opération pour rapatrier des britanniques coincés à Calais en traversant la Manche en zodiac — opération malheureusement écrabouillée en cours de route par les autorités françaises.

Un nuage de cendres sur Twitter, c’est aussi les divers hashtags en rapport avec l’éruption volcanique, des étiquettes que l’on appond à son tweet pour le marquer comme faisant partie d’une conversation qui dépasse son réseau. #ashtag (c’est un gag mais il a pris, “ash” signifiant cendre) pour la situation en général, #getmehome ou #roadsharing pour trouver d’autres voyageurs faisant le même trajet que vous et coordiner le transport, #putmeup si on est bloqué sans logement ou qu’on a une chambre d’amis à mettre à disposition. En faisant des recherches sur ces mots-clés, on a accès à encore plus de ressources que ce que notre réseau nous fournit directement.

Sur Facebook aussi, on s’organise, grâce par exemple à une page dédiée au nuage de cendre volcanique. Mais dans une telle situation, je crois que c’est vraiment Twitter qui brille, grâce à son caractère plus ouvert et public que Facebook.

Sur Twitter, vous trouverez un certain nombre de comptes soit créés pour l’occasion, soit aux premières loges pour fournir de précieuses informations au public. Voici ma petite sélection — sans grande surprise, l’anglais est la langue dominante.

  • @calaisrescue, l’opération zodiacs pour traverser la Manche
  • @metoffice, l’office météorologique britannique
  • @theashcloud, anthromorphisation sympathique et humoristique du grand nuage
  • @eurocontrol, l’organe de contrôle du traffic aérien européen
  • @ashalerts, des informations générales sur la situation
  • @ebookerschfr, des tas d’informations utiles de la part d’ebookers.ch (note: j’ai une relation de travail avec ces gens!)

Inutile de dire qu’on est dans un monde bien plus réactif que celui des “vieux médias”, même la radio. Après tout ça, un retour sur nos médias et services locaux me laisse un peu dépitée. Quand on regarde les pages “minute par minute” du Point ou de la BBC, leurs récits de voyageurs, la liste des aéroports fermés du New York Times, l’office météorologique britannique et eurocontrol qui utilisent leurs comptes Twitter comme des êtres humains pour intéragir avec le public et non comme des robots (comparez @metoffice avec @meteosuisse, ainsi que les informations sur leurs sites web — MétéoSuisse et Met Office), les compagnies d’aviation et les agences de voyage qui renseignent directement leurs clients grâce aux médias sociaux (regardez @KLM et @SwissAirLines pour vous faire une idée — les calls centres c’est bien mais moins réactif), on se dit qu’il y a encore du boulot sur le territoire numérique helvétique.

Je pourrais continuer, mais j’ai déjà assez abusé de votre patience avec cette chronique bien plus longue que d’habitude. J’espère vous avoir donné l’occasion d’entrevoir comment les gens connectés, dont je fais partie, suivent l’actualité et s’informent: c’est vers ça qu’on va.

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