Initiative de l'UDC contre les familles [fr]

[en] Swiss politics. I'm against the UDC so-called "for families" initiative, and you should be too. OMG I can't believe I'm writing a political post.

Sans rentrer dans les détails, j’ai réalisé qu’il n’allait pas de soi pour tout le monde qu’il fallait voter contre la soi-disant “initiative pour les familles” de l’UDC. Alors hop, moi qui me tiens généralement bien à l’écart de tout ce qui sent la politique, je vais sauter les deux pieds dedans.

Un peu de contexte: je ne suis affiliée à aucun parti, vu que ça me fait vite mal à la tête, toute cette politique, mais je suis clairement de sensibilité gauche-verte, avec toutefois quelques idées un peu plus de droite parsemées ici et là, probablement parce que je traine trop dans le milieu du business et de l’entrepreneuriat.

Un peu de contexte concernant l’initiative. C’est une initiative de l’UDC, et les autres partis se sont alliés pour lutter contre. Ça, si on ne partage pas de façon général les vues de l’UDC, ça devrait déjà être un gros drapeau rouge. Certes, l’initiative semble séduisante (qui ne voudrait pas soutenir les familles?), mais n’oublions pas que l’UDC sont les as du marketing politique et de la communication, qu’ils ont de gros moyens et qu’ils sont extrêmement efficaces.

Oui, ce serait super si on pouvait valoriser d’une façon ou d’une autre le travail des parents qui renoncent à travailler (tout ou partiellement) pour s’occuper de leurs enfants. Ou bien le travail des enfants qui ont à charge leurs parents âgés, au détriment de leur carrière. Mais l’initiative de l’UDC ne fait pas ça.

Déconstruisons un peu.

Si je travaille et que je fais garder mon enfant, j’ai des frais de garde, et je peux déduire une partie de ceux-ci lors du calcul de mes impôts. La logique de la chose telle que je la comprends, c’est que ces frais sont en quelque sorte des frais d’acquisition du revenu: pour pouvoir travailler, gagner plus, et donc payer plus d’impôts, je dois dépenser de l’argent. Donc le calcul de l’imposition en tient compte, de la même manière qu’on peut déduire des frais d’entretien d’immeuble si on est proprio. (Vous me corrigez si je dis des bêtises, mais je crois que le parallèle est bon.)

Si je ne travaille pas et que je n’ai pas de frais de garde, je n’ai pas non plus de salaire (le ménage a moins de revenus et je paie moins d’impôts).

N’oublions pas que les revenus modestes paient déjà peu d’impôts. Un ménage qui tourne avec un seul salaire médian, ça lui fera probablement une belle jambe qu’on puisse déduire encore quelque chose.

Ensuite, il y a toute la problématique “féministe”. Là aussi, je reste généralement loin du débat, mais c’est clair pour moi qu’une initiative comme celle-ci favorise un modèle familial où la femme reste à la maison pour s’occuper des enfants. Et ça, c’est inacceptable en 2013. Je ne dis pas que je désapprouve des femmes qui font le choix de s’arrêter de travailler pour s’occuper de leurs enfants. Mais la société devrait faire en sorte que le choix entre carrière et famille soit un vrai choix. Alors qu’on sait que les femmes sont toujours moins payées que les hommes, que dans le monde du business les qualités qu’on apprécie chez les hommes sont perçues comme des tares chez les femmes, inscrire dans la constitution quelque chose qui valorise la femme au foyer au détriment de la femme professionnelle, c’est tellement rétrograde que ça me met en rage.

Je reprends: il n’y a rien de mal à élever ses enfants. Mais il n’y a rien de mal non plus à vouloir une carrière, et ça fait des générations que les femmes se battent pour que nous ayons un vrai choix là-dessus. Ce n’est pas le moment de revenir en arrière.

Ensuite, imaginons que l’initiative passe. Certaines familles (aisées, à deux parents dont un seul travaille) paieront moins d’impôts. Pour le canton de Neuchâtel, par exemple, un trou de 40 à 80 millions. Un trou qu’il faudra bien combler d’une façon ou d’une autre. Plus d’économies (et on sait qu’on économise sur le social et l’éducation), et probablement simplement une réduction des déductions de frais de garde, pour tout le monde. La super initiative pour soutenir les familles aurait donc pour effet de péjorer la situation des familles qui dépendent de structures d’accueil pour pouvoir assurer un revenu suffisant pour le ménage.

Si l’initiative était appelée “pour la suppression des déductions pour frais de garde”, je pense pas qu’elle aurait autant de succès, mais en pratique, c’est à ça qu’elle aboutit: si j’ai des frais pour faire garder mes enfants afin de maintenir mon activité professionnelle, je ne pourrai pas déduire plus que si je n’ai pas de frais. Vous voyez le problème?

Oui, c’est complexe, et compliqué. Je vous ai dit que ça me faisait mal à la tête, la politique. Et c’est là qu’ils sont forts, l’UDC: ils simplifient. Rendent simpliste, même.

L’enjeu de cette initiative, ce n’est pas de soutenir ou non les familles et de valoriser les parents (=les mères) qui font le choix de ne pas travailler.

L’enjeu de cette initiative, c’est:

  • promouvoir un modèle familial où la femme ne travaille pas
  • réduire les déductions pour frais de garde pour les ménages où les deux parents travaillent
  • réduire les déductions pour frais de garde pour les familles monoparentales
  • donner des déductions fiscales à ceux qui ont un revenu confortable, sans améliorer la situation de ceux qui peinent à joindre les deux bouts.

De plus, comme cette initiative parvient à séduire même des personnes habituellement de gauche, j’y vois un véritable risque d’UDCisation de la Suisse (on est déjà bien en chemin). Est-ce la Suisse de l’UDC que vous désirez soutenir? Parce que si cette initiative passe, si vous votez pour alors que vous ne soutenez pas les idées de l’UDC en général, vous êtes en train de faire un pas dans leur direction. Ça, c’est l’argument méta-idéologique.

Mais revenons à l’initiative: prenez le temps de réfléchir aux réelles conséquences et implications de cette initiative dont les avantages sont présentés de façon simpliste par ses partisans. Ne soyez pas dupe. Soutenir les petites gens n’a jamais été dans le programme de l’UDC.

Si on cherche une solution pour soutenir les familles, le RBI (revenu de base inconditionnel) qui se retrouvera prochainement sur nos bulletins de vote est une solution beaucoup plus intéressante — et réaliste, contrairement à ce qu’on pourrait croire de premier abord. Ça sera d’ailleurs le sujet d’un de mes prochains articles.

En attendant, n’oubliez pas de voter. Même moi je vais y penser, pour le coup.

Edit: lisez cet excellent résumé de la situation par Samuel Bendahan.

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7 thoughts on “Initiative de l'UDC contre les familles [fr]

  1. “OMG I can’t believe I’m writing a political post.”

    Je sens que ça va devenir plus courant 😛

  2. OMG I can’t believe I’m answering a political post… euh si en fait 🙂

    Je suis tout à fait d’accord avec ton analyse. Un autre type de proposition, qui serait financièrement équivalent, a une logique totalement différente : il s’agit de verser un salaire aux femmes au foyer qui élèvent des enfants.

    La différence : c’est un arbitrage de “revenus” et de choix de “métier”, on non plus une obligation de rester à la maison pour raisons financières.

    Cela permet de valoriser de façon claire le travail de la femme, cela lui permet aussi d’avoir des points de retraite, une couverture sociale propre, etc… choses qui ne sont pas négligeables quand il y a des accidents de la vie (divorce, etc) et enfin, cela peut aussi être donné aux mères célibataires.

  3. Qu’on laisse le choix à la femme de rester à la maison ou pas et le fait qu’on donne la possibilté qu’il y ait une déduction possible pour les femmes qui choisissent de rester à la maison est super!!! Pensez un peu aux enfants à votre avis que préfèrent ils? Aller dans une crèche ou être élever par un des parents à la maison . Faut arrêter d’être égoïste et ne penser qu’à sa pomme! Votez OUI c’est n’importe quoi ce discours de dire qu’on revient en arrière! Libre a toi de refiler ton enfant dans des institutions . Moi je trouve dégueulasse qu’on aide les parents qui “refilent ” leur gosse et qu’on ne veuille pas aider les parents qui décident (c’est leur choix personne ne les obligent ) de rester a la maison pour s’occuper de leur ptit bout de chou . bravo l’UDC et ça me sidère que le parti socialiste et d’autres ne soient pas du même point de vue !!!

  4. On aide les parents qui restent à la maison pour garder leurs enfants: ils ont un salaire en moins et paient donc vachement moins d’impôts, déjà. Tu y avais pensé, à ça? 🙂

  5. Schreiber, votre raisonnement ne prend pas du tout en compte le fait que c’est une déduction fiscale. En effet:

    • les femmes gagnant peu dans des foyers gagnant peu ne bénéficieront pas de la réduction parce qu’ils ne payent déjà pas d’impôts et donc continueront d’aller bosser pour pouvoir joindre les deux bouts.

    • les femmes avec un bon salaire dans des foyers aisés ne quitteront pas leur job car la différence d’impôts ne compensera pas la perte de salaire. Ni l’indépendance, la liberté et la satisfaction qu’un job leur apporte.

    Les seules à qui cela peut donner un vrai choix ce sont les femmes qui ont un boulot qui rapporte peu et un mari qui gagne bien. Celles-là pourront éventuellement faire le choix d’arrêter de bosser si le montant de l’économie d’impôts approche le montant de leur salaire et si l’argent est leur seule motivation. Ce qui est peu probable si leur mari gagne bien (pourquoi aller bosser si Monsieur gagne bien sa vie?).

    Donc de choix il n’y a pas en fait, il s’agit juste d’un cadeau exclusivement réservé aux riches couples dont la femme reste à la maison, ce qui doit être le modèle de couple de la plupart des dirigeants de l’UDC en fait.

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