Kickstarter: un modèle pour financer les projets créatifs [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping. This one is about Kickstarter -- and I strongly encourage you to back my friend Suw Charman-Anderson's Argleton project (writing, bookbinding, and geo-location game all in one!)

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

Dans ma chronique de la semaine dernière, je vous invitais à écouter Dan Pink parler de motivation. Je résume très grossièrement: une fois que la paie pour une tâche (ou un travail) règle les préoccupations monétaires de base (avoir “assez d’argent pour vivre”), ajouter plus d’argent à l’équation tend à réduire la qualité et l’efficacité du travail (à moins que celui-ci soit de nature purement mécanique ou machinale). Les véritables motivateurs sont intrinsèques (autonomie, maîtrise, sens).

Je vois ceci appliqué pratiquement un peu partout sur le web et dans mon milieu professionnel. De ma décision personnelle (et celle de bien d’autres!) de ne pas avoir de tarif horaire à des projets comme Kickstarter, le message est clair: du moment qu’on s’y retrouve financièrement, c’est autre chose qui nous pousse à faire ce que l’on fait.

Je voudrais m’arrêter aujourd’hui quelques instants sur Kickstarter (et ses frères). Etes-vous le genre de personne qui rêve d’entreprendre un projet créatif (écrire un livre, faire un film, partir en reportage à l’autre bout du monde, enregistrer un album, ou développer un programme extraordinaire…) — seulement voilà, pour réaliser votre projet, il vous faudrait prendre trois mois de congé non payé ou réduire votre pourcentage de travail, ce que vous ne pouvez pas vous permettre?

Kickstarter prend quelque chose qui existe (le mécénat collectif, le soutien financier de parents, amis et fans) et le formalise. Voici comment ça marche:

  • le porteur de projet inscrit celui-ci dans Kickstarter
  • il définit le montant dont il a besoin pour pouvoir mener à bien son projet, et une date-butoir
  • il crée un certain nombre de “packs”: par exemple, si vous contribuez 5.- ou plus au projet, vous recevez une version électronique du livre, si vous contribuez 50.-, vous recevez une copie du livre autographiée, etc. (c’est là qu’il faut être créatif!)
  • les personnes désirant soutenir un projet font une promesse de versement via le site
  • dès que le montant total de financement est atteint, toutes les versements promis sont débités (ainsi, les “backers”, comme le site les appelle, ne risquent pas d’investir de l’argent dans un projet qui ne verra pas le jour)

Bien entendu, il n’y a rien de magique là-dedans: il faut un bon projet, convaincre autrui d’y contribuer financièrement, et remercier correctement les contributeurs. Parmi bien d’autres, Robin Sloan a trouvé près de 600 personnes pour soutenir l’écriture de son petit roman Annabel Scheme. Quatre étudiants en informatique récoltent près de $200’000 (20 fois plus que ce qu’ils attendaient) afin de pouvoir consacrer leur été à la finalisation de diaspora, un réseau social décentralisé qui se présente comme une alternative ouverte et non-commerciale à Facebook.

Et sans grande surprise, dans ces deux projets (et bien d’autres que vous trouverez), le produit final est mis gratuitement à disposition au public.

A ceux qui se lamentent sur la désagragation des modèles économiques traditionnels des “industries créatives” (quel oxymore!), il y a à mon avis beaucoup d’inspiration à trouver pour l’avenir dans des initatives comme Kickstarter.

Update 31.05.2010: mis en route ce dimanche par mon amie Suw Charman-Anderson, un projet d’écriture et de jeu collectif à soutenir: Argleton.

5 thoughts on “Kickstarter: un modèle pour financer les projets créatifs [fr]

  1. Ce qui me semble le plus intéressant dans ce modèle est d’une part la valeur moyenne d’une participation, se situant généralement entre 30 et 50 USD et d’autre part l’interdépendance des participants se finançant littéralement les uns-les-autres.

    Ce “coût” finalement assez bas (similaire au prix d’un bon DVD par exemple) annonce sans doute un nouveau type d’expériences, situé en amont de l’usage ou de la diffusion.

    L’implication réciproque des utilisateurs est une élégante métaphore de la puissance de bittorrent et devrait sans doute pouvoir s’appliquer à bon nombre de domaines, particulièrement à l’humanitaire ou à des projets associatifs à caractère social.

    En effet, parmi les sujet les plus passionnant du moment 😉

  2. Merci Stéphanie pour cet article, je vois que ton amie a réussi sa “levée” Je me demande si il y a des équivalent en Europe/France… je cherche

  3. Malheureusement, Kickstarter est exclusivement reserve aux residents US (necessite un numero social, un compte bancaire aux US… pour les createurs), ce qui risque d’accroitre encore plus le deficit de moyens de l’Europe face aux USA, meme dans le domaine de la culture independante. On a absolument besoin d’un modele equivalent en Europe…

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