[en] My decision is now clear: I don't bill by the hour. Some of the stuff I do has time limits (e.g. if you want to see me to kick off a consulting relationship, or explore possibilities of work together, well, it's going to cost you this much and we should plan to spend half a day together for it) -- but what I clearly don't do (anymore) is clock my time. There's a ton of reasons for this which the French blog post explains, and if you want some insight on my thinking about this, I recommend you read my notes from Martin Roell's 2007 workshop on consulting, and listen to the Going Solo panel about rates and invoicing.
Cela fait des mois (voire plus) que je tergiverse sur la question: est-ce que j’accepte ou non de facturer mes prestations à l’heure? Je l’ai fait (rarement) par le passé, mais je n’ai jamais aimé ça.
La réponse est donc maintenant ferme: je ne facture pas à l’heure.
Je vais m’expliquer, parce que ce n’est pas simple. J’ai en effet beau expliquer comment je fonctionne à mes clients, je me retrouve encore et toujours dans la situation où l’on me demande de “faire quelque chose” et de “facturer mes heures”. Je ne suis pas de la main-d’oeuvre.
Et aussi, le fait que je ne “facture pas mes heures” ne signifie pas qu’aucune de mes prestations n’est délimitée par le temps (la formation ou le consulting sont des bons exemples). Mais même dans ces cas, ce n’est pas pour mon temps que mon client me paie, mais pour mon expertise.
Voilà le terme clé: mon expertise. C’est pour cela qu’on me paie: pour avoir accès à un ensemble de savoirs, de compétences, et d’expérience hautement spécialisés dans le domaine des nouveaux médias. Cet accès se fait la plupart du temps par le biais de conférences, formations, relations de consulting, productions (e.g. écrites) ou autres réalisations (e.g. mise en place et gestion d’un système d’accréditation blogueurs pour une conférence, ou d’un site internet).
Alors bien sûr, le temps que je vais consacrer à un mandat entre en ligne de compte pour déterminer son prix. Mais le temps n’est de loin pas la seule variable! La valeur apportée au client en est une autre, bien plus importante à mon sens. L’importance et la spécialisation de l’expertise à laquelle il fait appel, également. Le pouvoir d’achat du client (oui, c’est un peu le souk: je ne facture pas la même chose à Oracle, à la PME du coin, à un indépendant ou une association).
Je sais que c’est une façon de procéder qui est très difficile à comprendre pour la plupart des gens. Notre société entière est construite sur le salaire horaire, cette idée que le temps du travailleur a un prix, variable selon ses compétences, et qu’en louant ses services, c’est son temps qu’on met à disposition.
J’aime beaucoup l’anecdote suivante pour illustrer que temps consacré n’est pas égal à valeur apportée. A la demande d’Henry Ford, Charles Steinmertz vient examiner un générateur qui fonctionne mal. Il l’examine, l’écoute, fait plein de calculs, demande une échelle sur laquelle il grimpe pour faire une marque à la craie à un endroit précis du générateur. Il suggère ensuite une opération relativement simple qui résout entièrement le problème. Steinmertz envoie ensuite une facture de $10’000 à Ford, qui demande le détail:
- faire une marque à la craie sur le générateur: $1
- savoir où faire la marque à la craie: $9’999
Le plus précieux que l’on a à offrir, souvent, est ce qui ne se voit pas. Si je suis capable de faire une installation WordPress sur mon serveur en cinq minutes, c’est parce que je l’ai fait auparavant une centaine de fois, et que j’ai des milliers et des milliers d’heures de pratique à l’ordinateur qui me donnent l’aisance pour le faire. Vous paraîtrait-il normal que je facture 5 minutes de mon temps pour une telle prestation, quand j’économise peut-être ainsi à mon client une journée entière de travail?
Si j’étais employée dans une entreprise, et que mon travail consistait à faire des installations WordPress à longueur de journée, le bénéfice de mon expertise irait principalement à mon employeur — dont je suis un peu l’esclave-horaire. En tant qu’indépendante, ça change la donne.
L’exemple que je viens de donner est un exemple concret, parce que ça rend l’illustration plus claire. Mais ce phénomène est encore amplifié quand on entre dans le domaine du conseil, du consulting, de la formation.
Des tas d’indépendants facturent à l’heure. Et beaucoup d’entre eux, à mon avis, devraient y réfléchir à deux fois. Un argument simple est que le nombre d’heures facturables dans la semaine est limité. Quand mon expertise augmente ou que je travaille plus vite, si je facture à l’heure, c’est mon client qui en bénéficie (parce que je fais plus de travail en moins de temps). Mais ne devrait-ce pas être moi?
Ou alors… j’augmente mon tarif horaire, quite a friser l’absurde: qui oserait demander passé 1000 francs de l’heure? Et pourtant…
Le temps que je passe à faire quelque chose, au fond, cela ne regarde que moi. Je ne suis pas à la solde de mon client: il désire que j’accomplisse quelque chose pour lui, et il veut savoir à peu près combien cela va lui coûter. Le temps que ça prend… c’est mon affaire, parce que c’est à moi d’organiser mes journées et mes semaines. A moi aussi peut-être de dire au client quand ce sera prêt. Mais le temps effectif que je passe dessus… pardonnez-moi, mais ce n’est pas ses oignons.
C’est en 2007, en assistant à un workshop animé par Martin Roell, que j’ai réellement saisi les limites et les inconvénients de la facturation au temps. Cela change le rapport au client, par exemple: si on facture au temps, cela incite le client à nous contrôler ou à s’assurer que l’on utilise ce temps de façon efficace. Le temps, c’est pratique: tout le monde sait ce que c’est une heure. Les entreprises sont formattées pour évaluer tout travail fait ou à faire en fonction du temps qu’il prend (l’usine, les gars?) — mais en fin de compte, quand une entreprise mandate un consultant externe, la seule chose vraiment importante c’est “combien cela va-t-il coûter?” et “quand est-ce que cela sera fait?”
Si je reviens à ce que je fais, on peut imaginer en regardant certain de mes services que je facture à l’heure ou au temps. Deux heures de coaching, une demi-journée de consulting, oui, cela a un prix. Mais si on veut aller au fond des choses, c’est le prix qu’on paie pour ce que je prétends apporter durant ce temps que nous avons à disposition pour parler ensemble. Je ne sais pas très bien comment exprimer ça: c’est une prestation, qui comme toute prestation est délimitée, et dont une des limites est le temps passé en face-à-face avec moi. Et en conséquence, si on dépasse de 5, 10, ou même 30 minutes (suivant le “paquet” pour lequel a payé le client), ce n’est pas du tout un problème pour moi.
Un exemple où j’ai très vite renoncé à facturer “au temps”: les conférences. Que je parle 45 ou 90 minutes, franchement, ne change rien pour moi. C’est à peu près le même tracas, le même stress, la même préparation. Et je pense honnêtement qu’il n’y a pas grande différence de valeur entre ce qu’on retire à m’avoir sur un podium pendant 45 minutes ou le double (bon, c’est un peu mieux le double, on a plus de temps pour bavarder).
Si j’avais un tarif horaire pour les conférences, ce serait intenable! Ce tarif horaire serait élevé (suivant le client, il m’arrive de facturer plus de 1000 francs pour une conférence) — et si on dépasse, je fais quoi? Je rajoute 250.- à la facture parce qu’on a fait 10 minutes de plus? Ce serait ridicule. Donc, la conférence, c’est un tarif forfaitaire. Et tout comme on se met d’accord sur le sujet dont je vais parler, on se met aussi d’accord sur une durée indicative (ou rigide).
Je vous ai donné ces examples pour tenter de montrer que même ces prestations qui semblent être facturées au temps ne le sont en fait pas.
La conséquence majeure de mon refus de facturer au temps est que je ne prends pas des mandats “peanuts” où l’on chronomètre son temps passé à faire quelque chose (support, développement, CSS) pour ensuite faire une jolie facture avec le total des heures utilisées. Deux-trois raisons pour cela:
- ce sont souvent des mandats “à la demande”, et donc qui requièrent une certaine disponibilité (ce serait-ce que pour recevoir le coup de fil ou le mail auquel on répond “je ne suis pas disponible avant le tant”) — qui me paie pour être disponible?
- 5 minutes passées sur un mandat “peanuts”, c’est facilement 30 minutes de productivité perdue pour l’autre chose que j’étais en train de faire. Pour m’y retrouver, qu’est-ce que je fais? Je multiplie par 6 mon “tarif horaire”?
- la quantité d’administratif que cela implique (tenir compte de ses heures, les noter, totaliser) va facilement annuler l’argent gagné en temps perdu (à nouveau, à moins d’avoir un salaire horaire “ridiculement élevé”)
Une autre chose que je ne fais pas est la formation en différé (répondre par e-mail à des questions d’un client, noter les heures, facturer). Par rapport au temps investi, je trouve moins efficace, plus ennuyeux, et ça revient pas moins cher au client.
Que l’on soit clair: cela ne veut pas dire que je n’offre pas de service de support ou de formation par intermittence à distance. Mais un tel mandat devrait reposer sur un forfait mensuel, par exemple. On me paie tant par mois, et je suis à votre disposition pour “dépannages” ponctuels, quand vous en avez besoin (avec une clause ou deux pour éviter les abus).
Après, le tout est de se mettre d’accord sur une somme où aussi bien moi que le client nous nous y retrouvons… Parce qu’un tarif, au fond, c’est ça: une somme assez importante pour ce que ça vaille la peine pour moi de faire le travail, et assez modeste pour que le client soit content de s’en séparer pour avoir ce que je vais lui offrir.
“Qu’en termes galants ces choses-là sont dites !” Molière aussi est d’accord, à 150% – L’anecdote de Ford est excellente, je la ressortirais à mes étudiants… Merci pour ce lien que je ne manquerai pas de transmettre au besoin 😉 – Re-tweet immédiat !!!
C’est intéressant 🙂 et je vais reprendre le temps de relire en détail et à tête reposée.
J’avais vu une vidéo chez toi, je pense de cette discussion, et à l’époque j’avais commencé à pas mal y réfléchir.
Je suis tout à fait d’accord avec toi sur plein de choses, notamment le fait qu’on ne facture pas la même chose à Oracle et à la PME du coin, qu’on vend une expertise et un savoir faire.
Mais en même temps, en tant qu’indépendant, on a entre 40 et 60 unités par semaine à vendre. Et c’est aussi un aspect qu’on ne peut pas oublier. Alors je ne facture pas des heures, mais le temps passé entre en ligne de compte.
En fait pour reprendre ton exemple de WordPress, qui est celui que j’utilise pour la photo ‘une seconde pour faire une image, 15 ans pour apprendre à la faire’, je vends, d’une certaine façon, mon temps passé en même temps que mon temps présent.
En te lisant, je pense que le problème-clé (concernant ma position) se situe ici: bien sûr, la plupart de mes prestations se définissent dans le temps (mais pas toutes). Ce n’est pas pour autant que le temps est le seul (ou principal) paramètre qui entre dans le calcul du prix.
L’exemple de la photo est très bon.
Cela fait un bon moment que je tergiverse là-dessus aussi, et je suis entièrement d’accord avec toi.
Plus je travaille, plus je deviens experte, plus je deviens rapide… plus j’apporte un travail qualitatif à mes clients. Aussi facturer à l’heure aujourd’hui et au même tarif qu’il y a quatre ans n’a pas vraiment de sens.
J’ai essayé maintes fois de “packager” mes offres mais il y a tellement de variables que c’est extrêmement difficile, cela dit.
Tout cela me pousse à y réfléchir encore et plus à fond 🙂
Oui, je suis d’accord avec toi, le temps n’est pas la seule composante de ce que l’on facture.
Le fait d’apprendre à faire “plus vite et mieux” ne me gêne pas, sans doute parce que je suis passée par des cabinets de conseil, où il était logique de facturer le partner expérimenté dix fois plus cher que le débutant.
En même temps, en tant qu’indépendante, le temps reste essentiel.
Non pas le temps que je facture, et à combien, mais le temps dont je dispose pour générer du chiffre d’affaires, et arriver à gagner ma vie.
Je fais donc les mêmes arbitrages que toi, en refusant certaines tâches “pas chères”, pour les mêmes raisons.
Je me suis fixé un revenu cible, que mon temps, “idéalement” mes 39 heures par semaine, doit me permettre d’atteindre. Et j’ai un éventail de choses que je peux faire.
Si mon objectif me rend trop chère par rapport à la concurrence, je ne fais pas, et je me concentre sur d’autres tâches.
En pratique, et pour mon client final, sauf cas exceptionnel, je ne facture pas “au temps”, mais au forfait, ou, dans certains cas, à la tâche (ce qui est différent du temps).
Mais malgré tout, dans le calcul de mon forfait, j’estime le temps que je vais devoir passer “site simple, site compliqué, 10 pages, 25 pages, un domaine, trois sous domaines”, etc…
Ca fait du bien de réfléchir à ça, merci 🙂
C’est marrant, je connaissais plutôt cette anecdote du même type, plus “suisse”.
En tant que comédien d’animation (qui intervient pour des conférences, des animations ponctuelles, des mandats unitaires), j’avais le même problème à penser mes prestations; mais je pense que je travaille comme vous, à la prestation, ou au résultat. C’est une toute autre manière de considérer le travail: ce n’est pas l’effort qui est apprécié, mais le résultat de l’effort.
Tout à fait d’accord. Je ne me souviens plus trop où j’ai vu ça, mais le logo de Citigroup a été conçu en quelques minutes.
La réponse de la conceptrice pour justifier la facture : ça m’a peut-être pris 5 minutes pour concevoir votre logo, mais ça m’a pris 50 ans pour apprendre à designer un logo en 5 minutes pour une entreprise de votre taille.
Heureusement que tu ne factures pas à l’heure …
Quand on voit la tartine que tu met pour expliquer que l’expertise ne se calcule pas à l’heure , ça fait peur !
;o))
Going Solo a été comme un révélateur pour moi et notamment la partie animée par Martin Roell. Par contre, le fait de penser que le client veuille travailler avec moi du fait de mon expertise ou de ma valeur, c’est quelque chose que j’ai mis en place mais pas forcément au niveau des tarifs. Probablement une erreur d’ailleurs, que j’essaie de réparer ces dernières semaines.
Maintenant, dans certains domaines, la concurrence va rage et les prix aussi, du coût, certains passent outre cette valeur et expertise pour prendre les moins chers. En ce qui me concerne, je me rends compte que ceux qui font cette démarche avaient un projet finalement pas si intéressant que ça et que ceux qui ont été prêts à mettre le paquet pour qu’on travaille ensemble ont été des projets hyper motivants. Tout cela parce qu’on se rend compte que l’on travaille avec des personnes qui nous estiment, et finalement, on vit largement mieux la vie d’indépendant.
Parce que c’est un autre point que je me souviens de Going Solo: pour tenir la distance, il faut aimer ce que l’on fait, et estimer la valeur de notre expertise. En gros, être en phase avec ce que l’on fait et combien on le facture, que ce soit à l’heure, au temps ou autre…
Enfin, je suis entièrement d’accord qu’une conférence ne peut pas se vendre au temps. C’est indéniable. Un forfait s’impose d’office !! ^^
Telio: mais tu ne sais pas à quelle vitesse je tape… 😉
What a great article and way of thinking about facturation. I realy would like to put this system in place , but i live (I’m Dutch) in France and i’m not shure that i’ll find clients who want to work this way.
My question is, how do you diside what the price is of a service. In my case, webSites. Normaly i believe it’s not possible to do a well calculation before, on how many houres it will take me to build a webSite. I need to make an offre for a e-commerce site, how would you do this.
I was thinking about a Agile way of billing (so billing the hours after a AgileSprint), but now i think you’re right, it’s not only the time i’ll spend on it that must be payed, it’s also the time spend on it to be able to do the job. But again, “how can i put a price on the intergration of Google Analytics or a Photo Gallery on a webSite.
I saw the TED of 1/4/2011, GREAT .
Tnx
Paul
Hi Paul — in my way of thinking, you decide on the price of a service by stepping into the client’s shoes and thinking “ok, how much is this worth to them?” As we’re not mindreaders, sometimes the best way to do this is to ask them how much they want to pay for the service you’re going to offer. Sometimes they already have an idea. Then, you have to see if it’s worth the time and effort doing it.
Of course, this is not always something that can be put into practice. Sometimes the client really doesn’t know.
I think that with experience, you get better at evaluating how much time you are likely to spend on things (but as I tried to argue, time is not the only thing you’re “selling” at this point). But sometimes, of course, you really don’t know, and your idea of charging in an Agile way is interesting. In a way, that’s what I do with people when I help them build websites or blogs: a “steph-sprint” is half a day of sitting together in front of the computer.
Really, it’s mainly a question of attitude and frame of mind. Instead of thinking “how much does it cost me to do this” (and therefore: how much must I charge the client back), move to thinking more along the lines of “what does the client get out of this”.
En relation: http://sethgodin.typepad.com/seths_blog/2011/05/hard-work-vs-long-work.html